Ces différents aménagements n’offrent toutefois qu’un semblant de liberté aux communes, car ils sont limités dans le temps ou dans leurs conditions de mise en œuvre. Cette situation doit donc évoluer rapidement : l’échéance du 1er janvier 2026 est proche et risque de provoquer un effet cliquet.
En outre, les arguments qui justifient la suppression du transfert obligatoire sont toujours d’actualité. On peut notamment évoquer le risque d’augmentation du tarif de l’eau et de l’assainissement, une perte de connaissance des réseaux et une inadaptation du périmètre administratif de l’intercommunalité à la réalité géographique et hydrique des communes concernées.
Nous l’avons maintes fois rappelé : nous, élus ruraux, savons bien que les limites administratives des communautés de communes ne correspondent pas toujours à la géographie physique des cours d’eau.
De surcroît, de nombreuses communautés de communes n’ont pas la volonté d’exercer ces compétences. Le Sénat a souhaité que des communautés de communes de 5 000 habitants puissent exister, mais j’ai moi-même été président d’une communauté de communes et tous les collègues que je connais ne le veulent surtout pas. J’en prends à témoin notre collègue Mathieu Darnaud, qui s’est déplacé sur tout le territoire national et avec qui j’ai beaucoup travaillé.
Au 1er octobre 2022, moins de 30 % des communautés de communes exercent la compétence liée à l’eau et moins de 50 % d’entre elles sont en charge de l’assainissement collectif. Il est évident que les territoires pour lesquels la mutualisation de ces compétences est pertinente l’ont déjà fait depuis plusieurs années, et ce sans attendre que la loi NOTRe le leur impose.
Au surplus, l’idée selon laquelle l’intercommunalisation de la compétence eau permettrait de faire diminuer le taux de fuite des réseaux ne nous semble pas sérieuse. Ce n’est pas parce que l’on fait basculer la compétence que le taux de fuite s’améliore, notamment parce qu’aucun fonds de concours supplémentaire n’est attribué à la communauté. De plus, nous savons que la proximité renforce l’efficacité, ainsi que de nombreux exemples de mutualisation le démontrent. Les communautés de communes n’obtiendront pas davantage de financements que les communes, de sorte que le transfert de cette compétence n’aura pas d’effet réel sur la diminution de ces fuites.
C’est pourquoi l’intention qui anime la proposition de loi de Jean-Yves Roux a emporté la complète adhésion de la commission, qui a néanmoins souhaité améliorer le caractère opérationnel de son dispositif au bénéfice des communes qui souhaitent conserver ou retrouver l’exercice des compétences eau et assainissement. La rédaction qu’elle a retenue entend donc donner son plein effet au principe de différenciation, voté par le Parlement dans la loi 3DS voilà tout juste un an.
En premier lieu, elle a prévu un mécanisme de restitution des compétences eau et assainissement aux communes qui les ont déjà transférées. Cette faculté peut s’exercer à tout moment et pour tout ou partie des compétences concernées. Le texte confère aux communes, et non à l’intercommunalité, le pouvoir de lancer un tel processus. Ainsi, la restitution pourra être obtenue si une majorité des conseils municipaux la demande.
Cette proposition vise à répondre aux préoccupations des communautés de communes dans lesquelles une seule commune peut représenter jusqu’à 80 % de la population, ce qui pourrait déséquilibrer les décisions en sa faveur.
Afin d’éviter aux communes minoritaires de se voir imposer une redescente de compétences qu’elles ne souhaitent pas exercer, il est prévu un mécanisme de transfert à la carte et simplifié des compétences redescendues à la communauté de communes.
À l’inverse, pour empêcher qu’une minorité de communes se retrouve dans l’impossibilité d’exercer de nouveau les compétences eau et assainissement en cas de majorité défavorable à une restitution de compétences, le dispositif proposé prévoit que, dès lors qu’il existe un accord sur cette demande entre, d’une part, la communauté de communes, d’autre part, une ou plusieurs communes, la restitution peut être opérée.
En deuxième lieu, la commission a entendu assurer une stabilité aux conventions de délégation existantes entre les communautés de communes et leurs délégataires. Il ne faut pas remettre en cause des modalités de fonctionnement satisfaisantes pour les communes.
Néanmoins, dans l’hypothèse d’un changement du titulaire de l’exercice des compétences eau et assainissement, en raison d’une restitution de ces dernières à la commune, le texte de la commission permet à la commune de mettre fin à la convention de délégation avant son terme dans le but de la renégocier, d’assurer une restitution effective des compétences aux communes ou de modifier le périmètre des syndicats délégataires.
En troisième lieu, la commission a choisi de créer un mécanisme dérogatoire de délégation de compétence plus souple que le droit commun. En effet, les délégataires pourront être des communes ou des syndicats infracommunautaires existants ou créés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, ce qui est actuellement impossible.
Pour conclure, je tiens à souligner que j’ai œuvré en parfaite coopération avec notre collègue Jean-Yves Roux ainsi qu’avec Mathieu Darnaud, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet et auditionné de nombreux élus locaux, avec Françoise Gatel, à l’échelon national. J’ai également échangé avec tous les collègues issus des territoires ruraux qui m’ont fait part de leur préoccupation commune : faire en sorte qu’en 2026 il n’y ait pas de transfert obligatoire de la compétence aux intercommunalités. Le maintien de cette possibilité est très cher au Sénat, mais aussi à nos communes et à de nombreux présidents de communautés de communes.
Je tiens à remercier tous les collègues qui ont participé à cette démarche pour la qualité de nos discussions et de notre collaboration en vue de formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles, dans l’intérêt de nos communes.