Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 21 mars 2023 à 14h30
Favoriser les travaux de rénovation énergétique — Vote sur l'ensemble

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le Giec nous implore encore de prendre la mesure du changement climatique et d’adopter dans l’urgence des dispositions, simplement pour préserver les conditions de vie sur notre planète, nous nous retrouvons pour voter l’accord trouvé par la CMP visant à instaurer de nouvelles modalités d’action en faveur des travaux de rénovation énergétique.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et les écologistes en général lancent depuis bien longtemps l’alerte sur les passoires thermiques et sur les charges que ces dernières font peser sur de nombreux foyers modestes.

Nous considérons cet enjeu comme prioritaire. Nous avons été à l’initiative d’une commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, dont Guillaume Gontard, le président de notre groupe, est rapporteur ; son rapport devrait être rendu au début du mois de juillet prochain. Il s’est prononcé pour aller vers « un reste à charge zéro », et, au vu des sommes à débourser par les ménages, la question du tiers-financement doit se poser.

Elle se pose aussi pour nos collectivités. Le Sénat, chambre des territoires, connaît bien les problèmes auxquels elles sont confrontées.

La crise énergétique et les discussions sur le filet de sécurité ont montré que ces difficultés étaient présentes partout, en milieu rural comme en milieu urbain, dans les petites collectivités comme dans les grandes. Pour autant, les bâtiments publics sont loin d’être épargnés par la surconsommation d’énergie. Ceux de l’État et des collectivités locales sont responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes.

À l’occasion de la première lecture du texte, j’avais rappelé que la Cour des comptes, à l’automne dernier, avait noté l’incohérence et le risque d’inefficacité des mesures gouvernementales destinées à améliorer l’empreinte environnementale des bâtiments : « Le secteur du bâtiment, résidentiel et tertiaire, constitue en France la première source de consommation d’énergie. La politique de rénovation énergétique des bâtiments, à laquelle l’État a consacré plusieurs réformes législatives au cours de la dernière décennie, est un outil majeur pour la mise en œuvre de la stratégie bas-carbone et l’accentuation de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. »

Par exemple, l’effort sur les écoles a trop longtemps été repoussé. Alors que les diverses échéances se rapprochent, les factures continuent de s’envoler ; le coût du filet de sécurité, si utile, et des rénovations éventuelles ne doit pas être pris à la légère.

En outre, l’effort du Gouvernement en matière de purification d’air, promis par le Président de la République lors de sa campagne, a lui aussi été oublié.

Le coût de la dette climatique est bien trop nocif pour notre société, et les dépenses énergétiques indues grèvent les finances publiques, en particulier les finances locales. On retrouve donc bien, dans le cadre du patrimoine public, la double peine que vivent les foyers, ce cercle vicieux que nous connaissons trop bien : le renoncement aux travaux de rénovation pour des raisons financières maintient des dépenses énergétiques abyssales.

L’urgence est là ! Ce texte issu de la CMP est une première étape dans la gestion du coût très élevé de travaux souvent nécessaires ; il a pour objet une expérimentation pendant cinq ans de l’aménagement du droit de la commande publique, particulièrement en matière de paiement différé.

Conscient de l’attente des collectivités, et favorable à l’accélération de la transition énergétique des bâtiments publics, notre groupe est favorable à cette expérimentation, mais il continuera à exprimer sa prudence envers un risque de captation par le secteur privé d’une grande partie de la rentabilité des activités économiques suscitées par les économies d’énergie, à la faveur d’une forme de privatisation de la maîtrise d’ouvrage de ces travaux et de leur financement.

Hélas, les fameux partenariats public-privé (PPP) ont souvent été accompagnés d’abus de la part des partenaires privés. L’inertie des dernières décennies a déjà un coût. Il convient de s’assurer qu’il ne soit pas encore amplifié.

Au-delà de cette expérimentation, c’est bien la question du financement de la transition énergétique qui se pose, et je salue le constat de notre rapporteure à ce sujet : cette proposition de loi ne représente qu’« un dispositif complémentaire bienvenu, mais qui ne peut représenter l’unique solution pour réussir la transition énergétique du secteur public », d’autant que « le tiers-financement […] ne doit pas être favorisé de façon systématique en raison des surcoûts finaux qu’il entraîne ».

J’espère que beaucoup sur ces travées sont en accord avec le principe de pollueur-payeur et qu’ils défendraient ainsi une taxation des entreprises les plus polluantes pour mieux alimenter le budget de MaPrimeRenov’ ou de tout autre dispositif d’aide à la rénovation des logements des particuliers…

L’expérimentation proposée dans ce texte reste une bonne idée. Son évaluation, voulue par notre commission, doit faire l’objet d’une réelle et indispensable ambition au vu des sommes qui pourraient être engagées.

L’objectif de réduction de 60 % de la consommation énergétique des bâtiments publics d’ici à 2050 ne peut être atteint sans des mécanismes d’accompagnement, de préférence pérennes, lisibles et peu coûteux. L’expérimentation permettra de dresser le bilan des mécanismes qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas.

Cette loi n’offrira qu’un appui très limité aux ambitions qui doivent être les nôtres en matière de rénovation thermique ; elle ne permettra pas à elle seule d’atteindre les objectifs fixés. Nous en sommes loin. Une grande stratégie de rénovation thermique aurait dû et devrait être une priorité majeure de l’État, au même titre que notre stratégie énergétique.

Néanmoins, ce texte va dans le bon sens. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur, en restant attentif aux dérives des marchés de rénovation.

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