Intervention de Alain Marc

Réunion du 21 mars 2023 à 14h30
Violences intrafamiliales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un sur cinq, c’est la proportion des adultes qui auraient été victimes de violences sexuelles lorsqu’ils étaient mineurs. C’est considérable !

Certes, ce chiffre a pu être contesté. Il provient d’une méta-analyse conduite par le Conseil de l’Europe, reprenant plusieurs estimations de diverses organisations indépendantes, comme l’Unicef ou l’OMS.

Le rapport Sauvé, rendu public en octobre 2021, a donné une autre estimation, avec près de 15 % des femmes et plus de 6 % des hommes majeurs qui auraient été sexuellement agressés lorsqu’ils étaient mineurs. Cela ramène la prévalence dans la population totale à un peu plus de 10 %, comme l’a précisé M. le ministre.

En tout état de cause, il s’agit d’un phénomène massif. Des milliers d’enfants subissent chaque année des violences, et des millions d’adultes vivent toute leur vie avec le poids du traumatisme. Le grand public commence à saisir l’ampleur du problème, mais il est difficile de savoir si les violences sexuelles contre les enfants ont tendance à gagner du terrain, ou si nous en prenons davantage conscience à mesure que la parole se libère sur le sujet. Quoi qu’il en soit, il serait irresponsable d’ignorer ce phénomène qui brise les individus et divise les familles.

En outre, les violences sexuelles ne sont qu’une partie du problème, sans doute la plus glaçante et la plus révoltante, mais une partie seulement. Les enfants subissent d’autres formes de violences au sein du foyer.

En 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes estimait à 400 000 le nombre des enfants concernés par ces violences. Il s’agit bien sûr des violences subies par les enfants eux-mêmes, le plus souvent à cause d’un père violent. Mais il s’agit aussi, et il ne faut pas le négliger, des violences qu’ils ne subissent pas directement, mais qui sont infligées par l’un des parents à l’autre. Celles-ci peuvent traumatiser les enfants presque autant que lorsqu’ils sont eux-mêmes victimes d’éclats de colère, de coups ou d’insultes.

Dans chacune de ces situations, la famille n’est plus le cocon protecteur qui permet à l’enfant de s’épanouir en sécurité ; la famille devient une prison dont il ne peut plus s’échapper.

Je me réjouis que les pouvoirs publics se soient emparés du sujet. Le lancement de la Ciivise, voilà deux ans, a permis de mettre nos institutions à l’écoute des victimes. C’était un préalable indispensable, car, en matière de violences intrafamiliales, une seule boussole doit guider l’action publique : l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi cette proposition de loi doit contribuer à faire avancer le débat sur ces sujets délicats et sensibles.

Ils sont délicats, car il n’existe pas de solution miracle. Nous parlons de situations où l’agresseur est, par définition, un proche de la victime, et même le plus souvent un élément structurant de sa famille. Punir l’agresseur est nécessaire, mais parfois douloureux, malheureusement, pour la victime.

Ces sujets sont également sensibles, car nous avons souvent, dans notre entourage, connaissance d’une situation particulière, d’un cas de figure où la violence a déjà assombri les relations familiales. Je rappelle au passage qu’il s’agit d’un phénomène qui dépasse tous les clivages sociaux et territoriaux.

Je tiens à saluer Mme le rapporteur, qui a conduit un travail sérieux sur ce sujet complexe. Le texte de la commission nous paraît plus respectueux de l’intérêt de l’enfant, alors même qu’il peut paraître moins sévère contre les parents violents. Je le répète : notre seule boussole doit rester l’intérêt de l’enfant.

Je m’arrête plus précisément sur la réécriture de l’article 1er. La commission a limité l’extension de la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux cas de crime ou d’agression sexuelle commis sur la personne de l’enfant. Elle a également souhaité conserver le caractère provisoire de cette suspension, comme c’est déjà le cas actuellement.

Je le répète, il s’agit de sujets délicats et sensibles. En tant que législateurs, nous devons veiller à préserver la présomption d’innocence et les relations au sein des familles où sévissent de telles violences.

C’est pourquoi il nous paraît judicieux de préserver aussi le rôle du juge aux affaires familiales dans l’application des sanctions à l’encontre des parents violents. Le législateur doit veiller à ne pas se substituer au juge. Rendre automatique le retrait de l’autorité parentale et de son exercice ne nous semble pas la réponse idoine. Nous faisons confiance aux juges pour préserver l’intérêt des enfants.

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