Je consacrerai davantage de temps au premier de ces amendements, car l’article 1er est assez complexe.
L’amendement n° 22, défendu par Mme Cohen, vise à suspendre non pas l’exercice de l’autorité parentale, mais l’autorité parentale elle-même, c’est-à-dire sa titularité. Cela change totalement la nature de cette suspension, tout en maintenant une durée qui pourrait atteindre plusieurs années.
Le but de cette modification est de couper, durant le temps de la procédure pénale, tout lien avec l’enfant et de veiller à ce que le parent poursuivi ou mis en examen ne soit plus informé du devenir de son enfant. En effet, l’article 373-2-1 du code civil dispose : « Le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. »
L’amendement vise également à intégrer, dans le champ de la procédure de suspension provisoire de plein droit, les atteintes sexuelles incestueuses, ce qui recouvre l’exhibition ou le visionnage de film pornographique en présence de l’enfant.
Enfin, l’amendement tend à réintégrer un dispositif, distinct, de suspension provisoire de plein droit, en cas de condamnation pour violences volontaires sur l’autre parent, sans qu’il soit fait référence à une durée d’ITT ou à la présence des enfants au moment des faits. Précisons qu’une partie des infractions visées sont des crimes, lesquels entrent dans le dispositif proposé par la commission.
Les modifications suggérées vont plus loin que la proposition de loi initiale et le texte adopté par la commission. Le dispositif proposé aggrave la mesure de suspension en étendant son champ à des délits, ce qui porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.
Compte tenu de son caractère automatique et de l’absence de toute intervention du juge, la commission a souhaité réserver la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux seuls cas les plus graves – les crimes et les délits d’agression sexuelle incestueuse – et conserver les mêmes effets limités dans le temps qu’actuellement, soit une durée maximale de six mois jusqu’à la décision du JAF.
De surcroît, la rédaction proposée pose de nombreuses difficultés techniques, car elle mélange les notions de suspension et de retrait. Les auteurs de l’amendement partent du principe que la suspension serait prononcée par un magistrat, alors qu’elle est de plein droit et s’opère automatiquement par simple effet de la loi en cas de poursuite par le ministère public, de mise en examen par le juge d’instruction ou de condamnation. Elle n’est donc pas formalisée par une décision qui pourrait acter un retrait partiel au lieu d’un retrait total.
Par ailleurs, le JAF n’est pas compétent en matière d’autorité parentale, mais d’exercice de l’autorité parentale. Si l’autorité parentale est suspendue, c’est donc non pas ce juge qui pourrait la rétablir, mais la juridiction judiciaire en formation collégiale.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 22.
Les amendements identiques n° 44 rectifié bis et 45 rectifié ter sont similaires au précédent : ils visent à suspendre l’autorité parentale dans l’objectif de supprimer tout lien entre le parent violent, l’enfant et l’autre parent.
J’émets les mêmes réserves sur ces amendements, fondées sur l’absence de proportionnalité et les difficultés techniques d’application.
J’y insiste, dans le texte issu des travaux de la commission, les violences volontaires les plus graves sont incluses dans le dispositif de suspension puisqu’il s’agit de crimes.
Par ailleurs, en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictuelle, selon les dispositions du décret du 23 novembre 2021, l’enfant témoin de ces violences est considéré comme une victime ; la juridiction pénale a donc l’obligation de se prononcer sur l’autorité parentale. Tel est le sens des modifications que j’ai proposées en commission, qui visent à obliger les juridictions à se prononcer en cas de délit à l’encontre de la personne de l’enfant.
Notre boussole est l’intérêt de l’enfant, lequel doit être au centre du dispositif en matière d’autorité parentale. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 25 vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en ajoutant un délai de six jours pour l’intervention de la suspension et en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant pour ce qui concerne les violences conjugales.
La commission a entendu limiter le jeu de la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves – crimes et délits d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant – et conserver le même effet dans le temps de cette suspension automatique qu’actuellement, afin que le juge soit systématiquement saisi et se prononce au terme de six mois. Il s’agit de la contrepartie nécessaire de l’automaticité.
Par ailleurs, le délai de six jours prévu – l’équivalent de celui qui existe en matière d’ordonnance de protection – n’a pas de sens en l’espèce, puisque la suspension est de plein droit et intervient par simple effet de la loi : elle n’est pas formalisée par une décision de justice, mais court dès qu’il y a mise en examen ou poursuite par le parquet.
Enfin, je partage les propos de mes collègues sur le point suivant : la condition liée à la présence de l’enfant lors des faits n’a pas de sens. Toutefois, la commission a choisi de ne pas créer de régime de suspension particulier en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictueuse. Il appartient donc à la juridiction pénale de se prononcer, au moment de la condamnation, sur l’autorité parentale. C’est le sens de l’article 228-1 que nous avons introduit dans le code pénal au travers de l’article 3 de la proposition de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 26, variante du précédent, vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant.
L’avis de la commission est également défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques n° 3 et 27, qui visent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, vont à l’encontre de la position de la commission.
Pour des raisons de proportionnalité et compte tenu de l’automaticité, la commission a entendu – je le répète – limiter la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves et conserver la procédure existante, qui garantit qu’un juge soit systématiquement saisi et se prononce au bout de six mois. Encore une fois, c’est la contrepartie nécessaire de l’automaticité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 28. On le sait, tout un chacun ne dispose pas des ressources nécessaires pour saisir un juge – et en la matière, il ne s’agit pas uniquement d’argent : tout le monde n’ose pas saisir un juge.