Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » est dotée, pour 2010, de 16, 649 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 16, 397 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1, 3 % par rapport à 2009.
Avec 14, 084 milliards d’euros, les dépenses de personnel constituent 85, 9 % de ces crédits. La mission « Sécurité » est donc, avant tout, une mission de personnel, et cette caractéristique forte induit une vraie rigidité de son pilotage.
En 2009, la mission a connu une évolution importante avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Cette évolution ne remet en cause ni le statut militaire de la gendarmerie ni le dualisme policier ; elle consiste en un rattachement organique et opérationnel en vue d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité.
Du point de vue de la lutte contre la délinquance, un infléchissement notable de la performance doit être relevé depuis les mois de mars et d’avril 2009.
En effet, le nombre de crimes et délits constatés entre janvier 2009 et septembre 2009 a crû de 0, 45 % par rapport à la même période de 2008.
Plus particulièrement, sur la même période, le nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique a progressé de 4, 08 %. En zone police, cet indicateur s’est plus fortement dégradé, avec une augmentation de 4, 61 %, qu’en zone gendarmerie, où elle a atteint 2, 12 %.
Ces résultats rompent certes avec la tendance à l’amélioration continue et incontestable des résultats depuis 2002, mais il est encore trop tôt pour savoir si cette dégradation est passagère ou destinée à être durable. Les données tout récemment rendues publiques par l’Observatoire national de la délinquance, l’OND, incitent d’ailleurs à beaucoup de mesure dans le jugement.
Ainsi, en octobre 2009, la délinquance générale a de nouveau reculé, de 5, 94 %, par rapport au mois d’octobre 2008, tandis que le nombre des escroqueries et des infractions économiques et financières, notamment, a chuté de 9, 75 %.
Concernant cette mission, je veux une nouvelle fois souligner l’importance de la coopération internationale qu’elle sous-entend, via le service de coopération technique internationale de police, le SCTIP. Le savoir-faire, l’expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser à l’échelon international. La coopération en matière de sécurité produit non seulement des conséquences positives sur la sécurité intérieure, mais elle permet aussi de créer ou d’entretenir des relations avec des pays qui sont parfois tenus en marge des relations internationales. Il s’agit donc là d’un levier diplomatique à ne pas sous-estimer.
Le programme « Police nationale » comporte 8, 915 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1, 9 %. Ce programme enregistre une réduction de ses effectifs de 1 390 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, avec un plafond d’emplois fixé à 144 790 ETPT. Cette baisse des effectifs s’inscrit dans une programmation triennale portant sur la période 2009-2011 et prévoyant, à son terme, la suppression de 4 000 postes de policier.
Un motif de satisfaction réside dans la reprise de l’effort d’investissement au sein du programme : les crédits de paiement progressent de 5, 8 % et les autorisations d’engagement enregistrent une très forte hausse, de 88, 2 %.
Cette augmentation des autorisations d’engagement s’explique essentiellement par la mobilisation de 61 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement immobilier et de 88 millions d’euros supplémentaires consacrés à la modernisation technologique de la police.
Il faut souhaiter que ces mesures soient de nature à dissiper un certain malaise au sein de la profession de policier, malaise qui s’est encore aujourd’hui même exprimé par des rassemblements syndicaux, monsieur le ministre.
Le programme « Gendarmerie nationale » est doté de 7, 665 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une légère hausse de 0, 7 %.
Comme la police, la gendarmerie connaîtra, en 2010, une réduction de ses effectifs : son plafond d’emplois est fixé à 98 155 ETPT, soit une baisse de 1 354 ETPT. Ici aussi, ce mouvement s’inscrit dans une programmation triennale prévoyant, à son terme, la suppression de 3 000 emplois de gendarme.
Il faut toutefois le souligner, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit les mesures nécessaires permettant un déroulement de carrière identique pour les sous-officiers et les officiers de gendarmerie et pour les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.
La réalisation du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, rénové, débouchera sur un équilibre entre la police et la gendarmerie en 2012, date de la mise en œuvre complète du protocole « corps et carrières » de la police nationale. Cette information me semble tout à fait importante.
Par ailleurs, l’opération en Afghanistan explique, pour une très large part, les surcoûts prévisionnels des opérations extérieures, les OPEX, pour la gendarmerie nationale en 2009. Alors que l’autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d’euros, un surcoût de 21, 7 millions d’euros est à déplorer.
En matière de sécurité, il convient de sortir des querelles sémantiques qui ont trop souvent brouillé la réflexion sur la question de la police de proximité. La récente mise en place des unités territoriales de quartier, les UTEQ, et des compagnies de sécurisation illustre une façon plus moderne d’aborder ce sujet : de manière dépassionnée et essentiellement pragmatique.
Les premiers résultats de ces unités sont d’ailleurs encourageants. À l’inverse de la police de proximité telle qu’on a pu la connaître dans sa version précédente, dont le fonctionnement induisait, en particulier, la création de locaux de police coûteux en effectifs et peu utiles au regard, notamment, du nombre de plaintes, ce nouveau mode d’action ne fige pas la capacité opérationnelle des forces de police. Il ne la disperse pas non plus ! Or la police de proximité doit avant tout être évaluée du point de vue de l’efficacité opérationnelle.
Les crédits consentis aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » contribueront d’autant plus à l’efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d’avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens. Je veux ici insister très fortement sur ce point. En effet, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne peut en aucun cas être une fin en soi : il constitue une étape sur un chemin encore long.
Dans le cadre du rapprochement entre les deux forces, la priorité doit désormais être donnée à la chasse aux doublons. Les gains espérés du rattachement de la gendarmerie ne pourront être pleinement perçus qu’à cette seule condition, impérative.
Dans le domaine du renseignement et de la collecte de l’information, par exemple, est-il encore judicieux d’éparpiller nos moyens entre deux structures parallèles ?
De même, en matière de police scientifique et technique, est-il rationnel de conserver six laboratoires de police nationale et un laboratoire de gendarmerie nationale, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, l’IRCGN ? Une plus grande concentration des moyens s’imposerait pourtant dans ce domaine particulièrement sensible et porteur de résultats en termes d’amélioration du taux d’élucidation des affaires.
Nos forces de sécurité s’appuient aujourd’hui sur des unités d’intervention de très haut niveau, qui ont su faire, à maintes reprises, la démonstration de leur efficacité, de leur maîtrise technique et de leur sang-froid. Mais comment justifier aujourd’hui la superposition redondante de l’unité « Recherche, assistance, intervention, dissuasion », ou RAID, et du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN ? Je sais que de tels propos blessent certaines oreilles, mais il faut rationnaliser l’organisation et ne pas s’attacher uniquement aux symboles !
La police et la gendarmerie ne sont pas au terme de leur processus de mutation. En aucun cas elles ne peuvent rester au milieu du gué. Le scénario souhaitable me paraît être, au minimum, une spécialisation de ces deux forces sur des secteurs géographiques et de compétences distincts : à la police, par exemple, la police judiciaire et le renseignement ; à la gendarmerie, la sécurisation des zones non urbaines et la lutte contre la délinquance routière.