Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir perdu 1 200 emplois en 2009, la gendarmerie devrait encore en perdre 1 300 en 2010, par la stricte application de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution nous inquiète pour le maillage du territoire, qui nous paraît essentiel, et certains d’entre nous se sont déjà fait l’écho de réductions d’effectifs ou de menaces de fermeture de brigades. Il ne faudrait pas mettre en péril l’équilibre actuel, même si nous ne nous opposons nullement à la RGPP.
En ce qui concerne la participation de la gendarmerie aux opérations extérieures, les OPEX, il est de tradition d’inscrire au budget des sommes qui ne correspondent pas à la réalité des dépenses, monsieur le ministre. Les effectifs concernés sont nombreux : actuellement, près de 430 gendarmes français participent à des OPEX, notamment dans les Balkans, en Afrique ou en Géorgie. De plus, 150 gendarmes vont partir en Afghanistan. Or, 15 millions d’euros de crédits sont prévus au titre des OPEX, et l’on sait très bien que cette dotation sera tout à fait insuffisante pour couvrir les dépenses. En effet, pour la seule mission en Afghanistan, on prévoit déjà un surcoût de 15 millions d’euros en 2009 et de 12 millions d’euros en 2010. Faute de financement suffisant, ces crédits seront prélevés sur d’autres postes, par redéploiements.
Je considère donc, monsieur le ministre, qu’il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible des OPEX et, en cas de dépassement, de les financer sur un fonds interministériel, à l’image de ce qui est prévu pour les armées.
Enfin, j’évoquerai la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. J’ai eu la chance d’effectuer un « stage d’immersion » d’une semaine dans ce département français grand comme le Portugal ou le Népal, recouvert à 96 % par la forêt amazonienne et qui accueille la base spatiale de Kourou. Les quelque 900 gendarmes présents sur place accomplissent un travail colossal. Je tiens à saluer leur dévouement, leur humanisme et leur compétence, d’autant que les moyens dont ils disposent ne me semblent pas être à la mesure de leur mission.
Si l’opération « Harpie » a donné des résultats, on ne détruit qu’une dizaine de sites d’orpaillage illégaux par an alors que 800 ont été dénombrés. De plus, les orpailleurs illégaux reviennent quelques jours après avoir été chassés. Un véritable problème de souveraineté se pose donc, et le retrait des 350 soldats chargés d’accompagner la mission « Harpie » et de participer à la surveillance de la base de Kourou constituerait à mon sens un signal très négatif.
Je terminerai en exprimant mon désaccord avec certaines des conclusions de M. de Montesquiou. Si j’approuve pleinement votre jugement sur les crédits, mon cher collègue, votre analyse me paraît ne pas tenir compte de tout le travail accompli par le Sénat lors de l’élaboration de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. L’encre de ce texte n’est pas encore sèche que déjà sont remises en cause un certain nombre des dispositions que nous avions réussi à imposer, notamment au travers de l’adoption ou de la reprise des dix-huit amendements qu’avait déposés la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Certes, vous avez raison de dénoncer les doublons, mais l’exercice a ses limites : à force d’en voir partout, on pourrait en venir à remettre en cause le bicaméralisme ! Il faut savoir que la démocratie a un prix et qu’il est très important d’avoir une force de sécurité à statut militaire et une force de sécurité à statut civil. La gendarmerie ne doit pas être cantonnée à sanctionner les excès de vitesse : l’exercice de la police judiciaire, qui a toujours fait partie de ses missions, doit lui être conservé. Une authentique démocratie doit laisser à l’autorité judiciaire le libre choix entre deux services !