Intervention de Bérangère Couillard

Réunion du 21 mars 2023 à 14h30
Fusion des filières rep d'emballages ménagers et de papier — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Bérangère Couillard :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) nous réunit aujourd’hui.

Nous avons collectivement construit notre socle de filière REP – Sénat, Assemblée nationale et Gouvernement –, en particulier lors de la discussion de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec. C’est une fierté française.

Madame la rapporteure, vous étiez déjà rapporteure de la loi Agec. Je sais votre attachement à ces principes, et comme vous, je considère que la loi Agec est une loi fondamentale.

Celle-ci, ainsi que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, a démontré notre ambition environnementale et notre volonté d’accélérer notre transition écologique.

Elles permettent le déploiement de nombreux dispositifs.

Elles apportent également aux collectivités des moyens et des outils nouveaux dans leur gestion quotidienne des déchets.

Depuis ma prise de fonctions, je travaille pour que les collectivités disposent des moyens financiers suffisants pour rendre le traitement des déchets plus performant. C’est à ce titre que, pour 2023, le fonds vert alloue une enveloppe de 60 millions d’euros à la collecte et à la valorisation des biodéchets. En parallèle, 90 millions d’euros ont été ajoutés au fonds économie circulaire.

Je me suis enfin engagée à revoir les barèmes de soutien au regard de la crise énergétique que nous vivons et que les collectivités subissent de plein fouet.

Notre politique de développement de l’économie circulaire fait figure d’exemple sur la scène européenne et internationale. Je souhaite que le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrive dans cette dynamique.

Cette proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale posait un principe clair : donner les moyens à la filière papier-carton de gagner en performance environnementale via la fusion des REP papier et emballages.

Il avait aussi pour objectif de pérenniser, pour le secteur de la presse, la possibilité de contributions en nature, en prévoyant l’accès direct et majoritaire des collectivités à ce dispositif tout en restant exigeant sur l’ambition environnementale fixée par l’État dans ce cadre.

Les filières REP sont les clés de voûte de notre système de financement et de gestion des déchets. Elles sont aussi à la base de notre système de prévention, de réparation, de réemploi et de propreté.

Vous le savez, la loi Agec a créé onze nouvelles filières REP. En 2025, celles-ci permettront de dégager environ 6 milliards d’euros d’écocontributions.

En responsabilité, je suis chargée de la mise en place effective de ces nouvelles filières. Au regard des dispositions que nous examinons aujourd’hui, il m’importe d’insister sur mon entière mobilisation en faveur de l’amélioration constante des performances de chaque filière REP et de l’entrée en vigueur effective des nouvelles REP.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je maintiendrai le cap sur ces objectifs pour les collectivités que vous représentez et pour les citoyens qui nous écoutent.

La fusion proposée des filières papier et emballages est au cœur de cet engagement. Vous l’avez conservée lors des travaux de commission, et je m’en félicite.

Cette fusion est cohérente avec la logique de collecte simplifiée des déchets d’emballages et de papier que nous avons instaurée. Si cette proposition de loi est adoptée, nous aurons une filière REP pour un bac jaune.

Au-delà de la cohérence et de la simplification recherchées, cette fusion permet également d’avoir une vision commune entre ces deux filières concernant l’écoconception, et partant, de gagner en performance environnementale.

Par ailleurs, la filière papier connaît un changement d’équilibre économique. En seulement deux ans, l’activité de production de papier a diminué de 12 %, et cette trajectoire perdurera.

Dans ce contexte, la fusion devra dans tous les cas avoir lieu tôt ou tard. En la votant dès à présent, nous prenons nos responsabilités quant à la pérennité de la filière. Cette fusion permettra de mieux partager les coûts structurels de gestion du bac jaune et du recyclage, et ainsi, d’améliorer l’assise et la visibilité financière de la filière.

J’en viens à la deuxième disposition, qui – je le comprends – concentre l’essentiel des débats.

Je note que le Sénat et l’Assemblée nationale se retrouvent sur un même constat : la presse est dans une situation économique telle qu’il nous faut collectivement trouver des solutions. Pour autant, et j’y tiens particulièrement, il n’est pas question d’exonérer un secteur de sa responsabilité environnementale et de minimiser le manque à gagner pour les collectivités. Dans le cadre de ce texte, nous nous sommes donc tous interrogés sur la meilleure manière d’adapter le dispositif de responsabilité de la presse sans freiner l’ambition environnementale du secteur.

La proposition de loi initiale du député Denis Masséglia prévoyait ainsi que le dispositif de responsabilité qui préexistait depuis 2015 soit reconduit et renforcé. Grâce à un débat parlementaire de qualité, elle a été ajustée dans la bonne direction. Ce débat a permis que des amendements déposés par des élus issus de tous les groupes politiques soient adoptés. Ensemble, vos collègues ont amélioré le texte à l’Assemblée nationale.

En effet, ils ont tout d’abord garanti aux collectivités territoriales d’être associées à l’élaboration de la convention de partenariat ainsi qu’au contenu des encarts, alors que le texte prévoyait que les collectivités en bénéficieraient majoritairement.

A également été ajouté le fait de quantifier chaque année les économies dégagées par cette mise à disposition gratuite d’encarts pour les collectivités.

Ensuite, la lecture à l’Assemblée nationale a permis d’enrichir le texte de critères environnementaux demandés au secteur de la presse. Il a ainsi été prévu que les encarts concernent, en plus du geste de tri et de l’économie circulaire, la préservation de la ressource en eau et la protection de la biodiversité.

Par ailleurs, le texte a précisé que les exigences environnementales qui s’appliquent au secteur de la presse ne pourront pas être en dessous de celles que le secteur doit respecter jusqu’au 1er janvier 2023.

Votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la semaine dernière, a fait le choix de ne pas retenir cette disposition. J’en prends acte.

J’émets néanmoins des réserves sur la solidité juridique du dispositif prévu dans le texte que nous allons examiner en séance publique, ainsi que sur son bien-fondé écologique.

Je tiens tout d’abord à attirer votre attention sur deux points juridiques.

En premier lieu, le bonus d’écocontribution proposé ne correspond pas à un critère d’écoconception comme prévu par le droit européen sur les filières REP.

En second lieu, les bonus imaginés pour la mise à disposition gratuite d’encarts d’information devront bien être compensés par l’augmentation des écocontributions d’autres personnes. L’idée du dispositif proposé par la commission du Sénat serait de faire supporter cette compensation par le seul secteur de l’emballage. Cette piste soulève toutefois une interrogation sur l’équité de ce dispositif. Il me semble donc juridiquement fragile.

D’un point de vue écologique ensuite, le dispositif adopté en commission revient à ouvrir à tous les acteurs de l’emballage et des papiers la possibilité de bénéficier d’un bonus financier s’ils mettent à disposition gratuitement des encarts. Mais pour ajouter des encarts d’information équivalents à ceux que peut proposer la presse, il faudrait ajouter du suremballage. En d’autres termes, le dispositif adopté en commission incite les producteurs à ajouter encore plus d’emballages.

Madame la rapporteure, vous conviendrez que ce n’est pas l’esprit de la loi Agec, à laquelle nous sommes tous attachés. C’est même à l’opposé du combat que nous menons et que vous menez aussi, et à l’opposé de ce que nous demandent les citoyens et les responsables politiques.

Je sais que vous recherchez, comme moi, des solutions. Pour avoir exercé le mandat de députée, j’ai un grand respect pour le débat parlementaire. Je fais confiance aux parlementaires pour trouver, dans ce cadre, un consensus et une sortie par le haut.

Quoi qu’ils décident, je tiens à affirmer très clairement que ces encarts ne doivent pas être utilisés à des fins promotionnelles, mais exclusivement pour sensibiliser le citoyen, dans une optique d’intérêt général. Il me semble primordial que le dispositif qui sera voté à l’issue de la navette parlementaire intègre cette exigence.

Pour conclure sur ce point, le Gouvernement maintiendra son ambition dans le déploiement de toutes les filières REP de la loi Agec et il n’y aura aucune remise en cause de ces filières.

Certaines sont en cours de mise en œuvre, dès cette année, comme la filière REP bâtiment, celle des véhicules hors d’usage, celle des pneumatiques ou encore celle des emballages de la restauration.

D’autres viendront plus tard comme la filière des textiles sanitaires à usage unique en 2024 ou encore la filière REP des déchets d’emballages industriels et commerciaux en 2025. La mise en œuvre de ces filières REP est une attente forte des collectivités. Sachez qu’elle est entendue et qu’elle guide mon action au quotidien.

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