Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 21 mars 2023 à 21h30
Fusion des filières rep d'emballages ménagers et de papier — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte est de parvenir à un équilibre délicat.

En effet, il faut trouver un équilibre entre, d’une part, le principe pollueur-payeur, qui doit assurer au service public de gestion des déchets une juste contribution financière des producteurs et des metteurs sur le marché à la prise en charge des déchets résultant de leurs produits, et, d’autre part, la nécessaire sauvegarde de la presse écrite, qui est en forte difficulté.

Le journal, puisqu’il est essentiel à la vie libre des idées, à la culture et à la vitalité démocratique, n’est ni un produit comme un autre – cela a été dit – ni un déchet comme les autres.

Cet équilibre nécessite, à la fois, de ne pas aggraver fortement les difficultés engendrées par la crise majeure de la presse, et particulièrement de la presse régionale, et de répondre aux besoins du service public de gestion des déchets, assuré par les collectivités territoriales : pour réduire, collecter, trier et recycler, les collectivités ont besoin de contributions financières, de ressources à la hauteur.

En France, l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets repose intégralement sur le mécanisme des filières REP, qui est né dans les années 1990, comme cela a été rappelé, et qui, ayant fait ses preuves, a ensuite été généralisé en Europe par la directive sur les déchets.

Ces derniers jours, on a pu mesurer dans les rues de Paris la quantité astronomique de déchets accumulés en très peu de temps. Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets : ils doivent être incités à concevoir des produits moins générateurs de déchets, triables, recyclables, réemployables.

En excluant la presse de la REP, le texte dans la version de l’Assemblée nationale créait non seulement un recul environnemental, mais également un précédent risqué, qui risquait de déstabiliser les REP et d’entraîner un manque à gagner bien lourd pour les collectivités.

Cela serait la première fois qu’un gisement serait retiré de la REP, ouvrant la porte à des exemptions et à des exonérations d’autres secteurs, au détriment de l’environnement et des collectivités.

Même si la France est le seul pays de l’Union à intégrer la presse écrite dans une filière REP, accorder une exemption à ce secteur serait un signal dangereux. La France, on l’a dit, était pionnière ; elle doit le rester.

La proposition de l’Assemblée nationale en la matière n’était acceptable ni du point de vue des collectivités, qui resteraient privées d’une part des contributions financières, ni du point de vue de l’intérêt général, encadré par la loi Agec et la directive sur les déchets. Il s’agissait d’une astuce qui déresponsabilisait, en tout cas financièrement, des producteurs de déchets.

Pour autant, nul ne peut ignorer les difficultés de la presse. En dix ans, les cours du papier se sont envolés, les ventes et le lectorat se sont réduits : au total, le nombre d’exemplaires imprimés a diminué de 41 %.

Le tour de passe-passe proposé par Mme la rapporteure, est plus juste, et donc plus judicieux, puisqu’il ne se ferait pas sur le dos du service public de gestion des déchets. La presse écrite s’en sortirait sans dommage, car ses contributions financières pourraient être écomodulées, notamment par des encarts gratuits d’information et de sensibilisation citoyenne sur la prévention et la gestion des déchets.

Les primes ainsi consenties seraient compensées par une augmentation des contributions des autres metteurs sur le marché soumis à la même filière REP, par le renforcement des pénalités de pratiques polluantes ou par une augmentation de la contribution de base.

Aujourd’hui, ce sont les contribuables qui payent ces millions manquants : faire payer la filière serait tout de même, madame la secrétaire d’État, plus juste.

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