Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mercredi dernier, en commission, étaient soumis à notre examen le rapport ainsi que les neuf amendements déposés sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoit le regroupement des deux filières, aujourd’hui distinctes, dans un triple but.
D’abord, apporter une simplification administrative aux collectivités territoriales chargées du service public de gestion des déchets : elles n’auraient plus à contractualiser qu’avec un seul éco-organisme.
Puis, faire suite à la loi Agec, qui est venue harmoniser les systèmes de collecte des déchets pour les deux éco-organismes sur l’ensemble du territoire.
Enfin, mutualiser les coûts, alors que le remplacement des emballages plastiques se fera par un recours accru aux papiers et cartons.
Notre groupe se prononce en faveur de cette unification des deux REP, soutenant l’opportunité de la synergie ainsi recherchée.
La proposition de loi entend par ailleurs exonérer le secteur de la presse du paiement de la contribution financière, ce dernier en étant redevable depuis le début de l’année, ce n’était pas le cas jusqu’à présent.
Pour ce faire, elle vient substituer à l’application du principe pollueur-payeur aux publications de presse – en vigueur depuis le 1er janvier 2023, donc – une obligation de mise à disposition gratuite par la presse d’encarts publicitaires visant à informer les lecteurs sur des problématiques environnementales.
Concrètement, la proposition de loi tend à exempter la presse de la filière REP des papiers graphiques, à la condition qu’une convention de partenariat soit signée avec l’État.
Cette convention devrait engager la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts sur le tri des déchets, l’économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité, au bénéfice des collectivités territoriales – notamment des intercommunalités – et de la communication des filières REP et des associations agréées pour la protection de l’environnement.
Ce partenariat permettrait de définir, dans le même temps, des critères de performance environnementale que les publications s’engageraient à respecter.
Il s’agira de maintenir les obligations de transformation industrielle du secteur en matière de taux de recyclage et de limitation des perturbateurs du recyclage.
Ce serait dans les faits une continuation du système actuel de la contribution en nature, mais portée différemment, avec l’objectif de donner à la presse les outils pour prendre pleinement part aux défis de la transition écologique.
Pourquoi une telle prorogation ? En raison du contexte, constaté par tous, très dégradé de ce secteur crucial.
Structurellement, la presse connaît une baisse continue de son lectorat depuis de nombreuses années, avec la dématérialisation accrue des contenus.
Conjoncturellement, avec le contexte inflationniste, le coût du papier a doublé depuis un an et celui de l’énergie a également augmenté, ce qui a un impact sur le secteur, notamment en termes d’acheminement.
La loi Agec de 2020, en anticipant sur l’application du droit européen, a cependant mis un terme à ce régime spécifique en prévoyant qu’à compter de cette année l’écocontribution de la presse devait être numéraire. Nous y sommes, et c’est pourquoi une nouvelle réponse doit être proposée. La presse écrite, nationale et régionale, est un pilier de notre démocratie ; elle est aussi financièrement exsangue.
Au sein de notre commission, madame la rapporteure, vous avez défendu le nécessaire soutien et à la presse et aux collectivités territoriales, qui se trouveraient privées d’une nouvelle ressource.
Rappelons ici que, pour les raisons invoquées précédemment, il s’agit pour les collectivités non pas d’une perte de revenus, mais d’un manque à gagner. Celui-ci représente 0, 25 % du coût total du service de gestion des déchets.
Vous avez par conséquent prévu, tout en maintenant la presse dans la REP nouvellement créée afin d’éviter un « précédent d’exonération », une modulation sous forme de prime du montant de la contribution financière des produits assujettis. Une condition a été posée : les produits en question doivent être ceux qui contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment avec la mise à disposition d’encarts d’information. Cette mesure bénéficierait à la presse.
Si le groupe RDPI entend l’argument qui veut que tous les acteurs participent par principe au dispositif pollueur-payeur, nous identifions trois problématiques qui lui sont liées.
Tout d’abord, cet équilibre pourrait contrevenir à la directive européenne sur les déchets de 2018, ce qui entraînerait un risque important de contentieux juridique. Si le code de l’environnement prévoit le possible recours à une modulation de l’écocontribution, celle-ci doit être effectuée « en fonction de critères de performance environnementale » liés au produit en question, sans que des actions de communication ou de sensibilisation aux consommateurs soient expressément prévues.
En cas de recours, la presse se retrouverait à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive, sans solution de remplacement.
Ensuite, selon les critères établis, le bonus pourrait bénéficier à d’autres organismes que celui de la presse, ouvrant là aussi un précédent, mais cette fois-ci au sein même de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait des conséquences sur le montant global des écocontributions, ce qui contreviendrait aux objectifs environnementaux.
Enfin, il incomberait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont soumis à des contraintes économiques importantes.
Au regard de ces observations, notre groupe votera majoritairement contre ce dispositif.