Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre mode de vie entraîne une quantité toujours croissante de déchets. Leur gestion est très loin d’être parfaite et une part importante d’entre eux s’accumule dans l’environnement, allant des microplastiques, présents aussi bien dans les eaux de l’Arctique que dans les glaces au sommet de l’Everest, aux poubelles que nous enfouissons encore massivement dans nos territoires.
La grève des éboueurs a le mérite de nous montrer ce que nous ne voulons pas voir, ce à quoi nous ne pensons pas, à savoir cette quantité de déchets qui est le résultat de notre surconsommation et du tout-jetable. Ce n’est tout simplement plus supportable. Le maître mot reste d’abord, encore et toujours, de les réduire.
Il est urgent que tout le monde raisonne en termes de cycle de vie. Il faut que chacun assume sa part dans la gestion des déchets, aussi bien les metteurs sur le marché que les consommateurs, auxquels – il est vrai – on impose trop souvent certains modes de consommation générateurs de rebuts. Chacun doit être responsable.
Ce principe est celui du pollueur-payeur, acté dans la loi Agec. Cette loi d’économie circulaire aux objectifs ambitieux s’apparente à la quête du Graal… En effet, si la collecte s’améliore avec l’extension généralisée du geste de tri, le taux de recyclage stagne : seulement 24 % pour les plastiques. Les REP peinent à se mettre en place. On est donc très loin du compte. Tout le monde est en retard.
De plus, pour les collectivités qui gèrent la collecte des déchets, tout se complexifie avec l’explosion des coûts, notamment de l’énergie, avec la TGAP qui s’envole et un marché des matières fluctuant et instable. L’équation est très difficile à résoudre ; la solution – je le crains fort – finira par être l’augmentation constante des prix pour les citoyens.
Le problème est gigantesque. D’ailleurs, s’y est-on bien pris avec des filières REP fonctionnant par métiers plutôt que par matières ?
Cette proposition de loi vise à fusionner la filière REP emballages ménagers et la filière REP papier. La dissymétrie de volume et de valeur est grande : même si la presse ne représente que 20 % de la REP papier, est-il concevable de sortir un gisement de la filière alors que nous sommes en train de bâtir un dispositif qui englobe l’entièreté du cycle de vie de ce que nous produisons ? Est-ce que la notion même d’économie circulaire, pensée dans sa globalité, n’est pas en quelque sorte remise en cause ?
S’agissant de la presse, les situations sont bien différentes selon les titres. Si les petites diffusions peinent à trouver l’équilibre financier, ce n’est pas forcément le cas des autres, notamment dans la presse nationale. Est-ce que les conséquences de l’écocontribution peuvent fragiliser certains titres ? C’est là que nous entrons dans le dur face aux enjeux actuels d’écologie, d’économie et de démocratie.
Effectivement, les titres de presse engagés, militants et originaux qui font vivre notre démocratie en donnant d’autres points de vue sur le monde sont diffusés en petit nombre. Cette richesse doit être protégée, cultivée et garantie. Comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme, ce pluralisme est l’un des éléments constitutifs de la démocratie. Que l’État prenne ses responsabilités !
Cela dit, la compensation en nature par des encarts publicitaires, qui donne lieu à la réduction de l’écocontribution de la presse, représente un manque à gagner pour les collectivités. Ce n’est pas un petit sujet.
En outre, pour qu’elle ait un réel effet, il faut repenser et mieux encadrer cette pratique. En effet, les lecteurs ne doivent pas s’imaginer qu’il s’agit là d’une démarche volontaire ; ils doivent savoir que c’est la compensation d’une contribution financière dont le journal s’exonère.
En l’état, ces encarts ont-ils réellement un effet positif ? Leur contenu ne devrait-il pas être un tant soit peu contrôlé et, pourquoi pas, inspiré des rapports du Giec, dont le dernier a été rendu public hier ?
Le monde dans lequel nous vivons, celui du réchauffement climatique, de l’accumulation des déchets, de trop nombreuses pollutions diffuses et insidieuses, et de la diminution des ressources nous oblige. Le cap ambitieux et vertueux des « trois R » – réduction, réemploi, recyclage – doit absolument être maintenu en respectant scrupuleusement l’ordre de priorité.
Alors que nous entamons un chemin qui se veut plus vertueux, réaliste et responsable, mais qui demeure inabouti, peut-on adopter des mesures qui constitueraient des régressions environnementales ? Face à ces nombreuses questions, mon groupe fera le choix d’une abstention bienveillante.