Intervention de Jacques Berthou

Réunion du 3 décembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Sécurité

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer l’inquiétude que m’inspire le programme 152 « Gendarmerie nationale » du projet de loi de finances pour 2010. En effet, il semble qu’il y ait une inadéquation flagrante entre les besoins et les moyens consentis.

Les derniers résultats parus montrent que la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une augmentation de la criminalité et de la délinquance de 0, 45 %. Fait particulièrement significatif, le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui avait déjà augmenté de 2, 40 % en 2008, progresse de 4, 08 % en 2009. Les vols à main armée, la violence scolaire ou encore la violence de proximité augmentent également. J’arrêterai là cette énumération, car, en réalité, la plupart des indicateurs sont au rouge, et ce pas seulement dans les zones urbaines, mais également dans les zones rurales, qui connaissent à leur tour une dégradation de la situation en matière de sécurité.

Alors même que le Gouvernement se sert de ces chiffres pour rejouer le thème de l’insécurité, il décide de réduire les effectifs de la gendarmerie, en appliquant la règle mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Sur trois ans, 3 500 postes disparaîtront, dont 1 303 en 2010, s’ajoutant aux 1 426 postes supprimés en 2009. Il faut, de plus, prendre en compte les transformations d’emplois qui interviendront, notamment dans la gendarmerie. Il paraît évident que ce n’est pas le moment de procéder à de tels allégements. Il y a là, me semble-t-il, un véritable hiatus.

Outre la réduction des effectifs, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, résultant de la loi du 3 août 2009, est préoccupant. Ce rattachement met en danger l’existence même de la gendarmerie. Dans les prochaines années, la tentation sera forte de regrouper au sein de ce ministère l’organisation de la sécurité et les moyens qui y sont consacrés.

Ma préoccupation s’accroît encore lorsque je constate le mécontentement de la police urbaine, qui manifeste aujourd’hui partout en France pour dénoncer la culture du chiffre et l’obligation de résultats. Ces manifestations, peu courantes de la part des forces de l’ordre, traduisent un malaise profond. L’état d’esprit actuel, contre lequel les policiers se mobilisent aujourd’hui, ne manquera pas de gagner demain la gendarmerie.

On peut craindre en outre que la réduction des effectifs et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne remettent en cause la présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre de la gendarmerie sur certains territoires. Déjà, on constate des regroupements d’activités dans certaines brigades : certaines sont spécialisées dans l’enregistrement des plaintes, d’autres dans la circulation routière, etc. Ainsi se perd déjà en partie cette proximité qui fait la force et l’efficacité de la gendarmerie.

Je tiens à souligner le rôle précieux des gendarmes, proches à la fois des élus et des populations, ce qui leur permet de savoir tout ce qui se passe sur un territoire.

Cette connaissance, permise par la proximité et la présence continue de la gendarmerie sur le terrain, est très efficace pour assurer la sécurité et la résolution d’un grand nombre d’affaires.

Le maillage des brigades sur l’ensemble du territoire sera remis en cause. Certaines seront fermées, tandis que d’autres se verront regroupées, alors même que l’ensemble des élus locaux des différentes collectivités ne cessent de réclamer des effectifs supplémentaires.

Les maires des petites communes et les populations des territoires ruraux s’inquiètent des fortes inégalités entre ruraux et urbains qui découleront de ces mesures. Il s’agit d’une rupture d’égalité dans le service de proximité de la sécurité.

En fait de complémentarité entre deux forces de sécurité, si chère à M. le ministre de l’intérieur, on assiste à une rationalisation des moyens et à la suppression de services publics, notamment en milieu rural.

D’ailleurs, point n’est besoin d’être devin pour affirmer qu’il est vraisemblable que l’on assistera à de grandes joutes et à des parties de cache-cache entre le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation de la sécurité, et le ministère de la défense, chargé de la gestion des ressources humaines.

Enfin, si les crédits pour 2010 de la mission « Sécurité » sont pratiquement constants, ils masquent des disparités.

En matière d’investissement, pour ne parler que de ce poste, je déplore que l’accent soit mis sur les nouvelles technologies, en particulier la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéo-protection », alors que le renouvellement des matériels lourds, qui permettent le maintien en condition opérationnelle de la gendarmerie, est encore repoussé. Monsieur le ministre, une caméra n’a jamais remplacé, et ne remplacera jamais, l’action d’un gendarme présent sur le terrain !

Alors que la gendarmerie est confrontée à une aggravation de la délinquance, vous lui donnez, pour répondre à cet enjeu de société, moins de moyens et moins d’effectifs ! Cela est contradictoire, et les élus locaux que nous sommes sont inquiets des conséquences de ces mesures.

Une fois de plus, sous couvert du dogme de l’efficacité, la logique comptable l’emporte sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ».

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