Nous recevons cet après-midi le président et la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
Monsieur Repentin, vous présidez l'Anah depuis 2020. Vous êtes également maire de Chambéry depuis la même année. Par le passé, vous avez présidé le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique. Vous avez été ministre délégué à la formation professionnelle et à l'apprentissage, puis ministre aux affaires européennes, sous la présidence de François Hollande. Vous avez été sénateur entre 2004 et 2012, ainsi qu'en 2014.
Madame Mancret-Taylor, vous avez été nommée directrice générale de l'Anah en 2018. Vous travailliez auparavant au cabinet du ministre de la cohésion des territoires. Vous êtes architecte urbaniste en chef de l'État.
Votre présidence et votre direction ont été marquées par la mise en oeuvre, en 2020, de la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime de transition énergétique, mieux connue sous le nom de MaPrimeRénov', dont la distribution est assurée par l'Anah.
Dans la continuité des programmes « Habiter mieux », MaPrimeRénov' subventionne des travaux de rénovation énergétique pour les ménages, avec une aide modulée selon les revenus. Outre le dispositif de base, il existe également MaPrimeRénov' Sérénité, qui finance des opérations de rénovation globale pour les ménages modestes, et MaPrimeRénov' Copropriétés, à destination des syndicats de copropriétaires.
Il est indéniable que MaPrimeRénov' connaît un succès populaire : 416 000 primes ont été attribuées sur la seule période de janvier à août 2022, et le nom de MaPrimeRénov' est désormais bien connu d'une grande partie de nos compatriotes. MaPrimeRénov' est rapidement devenue la politique phare de la rénovation énergétique des logements privés.
Cependant, la prime fait aussi l'objet de nombreuses critiques et interrogations, qui sont au coeur de notre commission d'enquête. S'il y a bien 700 000 rénovations grâce au dispositif, il ne s'agit pas de rénovations globales. C'est toute la différence et, sans être réductrice, l'objet de notre commission d'enquête. L'Anah indique que le nombre de rénovations globales financées était de 66 000 en 2022, en prenant en compte MaPrimeRénov' Sérénité, auquel il faut ajouter le petit nombre de celles effectuées par MaPrimeRénov' Copropriétés.
Les chiffres pour le dispositif de base, qui concentre la majorité des financements, sont encore plus faibles. Un indicateur de performance rattaché au plan de relance indique que seuls 2 200 logements sont sortis des classes F et G grâce à MaPrimeRénov' sur un objectif de 80 000. Certes, il ne s'agit que du nombre de ceux qui ont fait les démarches pour obtenir un bonus de subvention, mais la réalité est-elle significativement différente ?
De nombreuses personnes auditionnées dans le cadre de cette commission d'enquête ont ainsi accusé MaPrimeRénov' de trop favoriser la rénovation par geste au détriment des rénovations globales. À cet égard, on estime que 80 % des rénovations permises par la prime sont monogestes - essentiellement, des changements de chauffage. Faudrait-il conditionner progressivement l'octroi de la prime à la réalisation de travaux de rénovation globale ?
Les démarches requises pour bénéficier de MaPrimeRénov' ont également fait l'objet de critiques. En particulier, la Défenseure des droits a rendu en octobre 2022 une décision qui fait état de « dysfonctionnements aux conséquences lourdes pour les usagers ». Parmi les griefs qui ont été soulevés à l'encontre du dispositif, les dégrèvements d'impôts ne seraient pas pris en compte pour apprécier la situation fiscale des personnes, alors que la direction générale des finances publiques (DGFiP) aurait indiqué que c'est techniquement possible, et des usagers ne seraient pas parvenus à enregistrer leur demande avant le début de leurs travaux, bien qu'ils aient entamé leurs démarches des mois auparavant. Que répondez-vous aux critiques de la Défenseure des droits ? Où en êtes-vous du règlement des dossiers problématiques depuis votre audition devant la commission des affaires économiques du Sénat en décembre ?
Enfin, des controverses ont porté sur la fraude à la rénovation énergétique. Les arnaques étaient courantes lors de la mise en place du dispositif, si bien que le démarchage téléphonique pour la rénovation a été interdit par la loi du 24 juillet 2020. Pouvez-vous faire un état des lieux en la matière, et nous expliquer le rôle de l'Anah dans la lutte contre la fraude ?
Ces séries de difficultés montrent l'importance de l'accompagnement des ménages à la rénovation énergétique de leur logement. Depuis son lancement le 1er janvier 2022, l'Anah est ainsi chargée du pilotage de France Rénov', un service public de conseil et d'orientation sur les travaux de rénovation. Par ailleurs, un arrêté du 30 décembre 2022 définit les missions et les conditions d'agrément des « accompagnateurs Rénov' », qui ont vocation à devenir une pièce maîtresse de ce service public.
Toutefois, le Cler-Réseau pour la transition énergétique, que nous avons auditionné la semaine dernière, indique que ce service public manque encore de « visibilité et de pérennité ». Son financement ne serait pas garanti au-delà du 31 décembre 2023. Pensez-vous que le service public de rénovation de l'habitat est à la hauteur des enjeux ? Quelles seraient les pistes d'amélioration ?
Cette audition est diffusée sur le site internet du Sénat et un compte rendu sera publié. Un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende. Je vous invite donc à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Thierry Repentin et Mme Valérie Mancret-Taylor prêtent serment.