Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Bertold Brecht disait : « Il y a un certain nombre de choses qui sont proprement irréalisables pour l’homme s’il ne les fait pas dans les règles : les choses absurdes ». Nous voilà donc au cœur de notre sujet : l’examen nocturne d’une mission absurdement dénommée « Relations avec les collectivités territoriales ».
Rituellement, notre rapporteur pour avis, Bernard Saugey, et les intervenants à cette tribune, rappellent en effet que cette mission ne donne qu’une idée très partielle, sinon inexacte, des sommes réellement en jeu. Ils rappellent l’absence totale de lisibilité des relations financières entre l’État et les collectivités locales. Et c’est de pire en pire.
Je cite Bernard Saugey : « On assiste ainsi à une marginalisation des crédits budgétaires, et donc de la mission “ Relations avec les collectivités territoriales ”, au profit des prélèvements sur recettes, des avances et des transferts de fiscalité ». Le montant total des dotations budgétaires de la mission n’est fixé qu’à 2, 541 milliards d’euros sur 88, 864 milliards d’euros, soit moins de 3 % des prétendus « concours de l’État aux collectivités territoriales », contre 4, 3 % en 2009.
Dans ce brouillard, les contreparties d’impôts payés par les collectivités locales – comme le FCTVA - les compensations de captations d’impôts locaux dont on a oublié qu’ils le furent – je pense à l’essentiel de la dotation globale de fonctionnement - les compensations de suppressions d’impôts - comme la taxe professionnelle – ainsi que la compensation de charges transférées prennent des allures de « concours », autrement dit d’« aides » de l’État aux collectivités territoriales.
Ce mode de présentation est si commode pour les gouvernements qu’on ne les voit pas renoncer à une technique de camouflage d’une telle efficacité avant longtemps.
Et cette année, avec la suppression de la taxe professionnelle, l’allégement de 4, 5 milliards d’euros de l’impôt économique territorial, avec l’invention de la « compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle » - une dénomination qui ne s’invente pas ! - tous les records sont battus : les concours de l’État aux collectivités territoriales augmentent de 31, 558 milliards d’euros, soit près de 58 % ; 44, 1 % de ce qui restait aux collectivités de ressources fiscales sont remplacés par une perfusion : vive l’autonomie locale !
L’année 2010, nous a dit Philippe Marini, sera pour les collectivités une « année blanche ». Il parle, évidemment, des recettes, car, pour les dépenses, particulièrement les dépenses à caractère social, il risque d’en être autrement. Année blanche, peut-être, mais, pour être équitable, la compensation devrait être calculée sur les bases et les taux 2010 ou, au minimum, sur des bases 2010 et des taux 2009.
Or, après l’effort signalé du Sénat, nous en sommes à base 2010 et taux 2008 majoré, au plus, de 0, 6 %, avec l’assurance d’une recette plancher au moins égale au produit 2009.
Autrement dit, en 2010, les collectivités sont même privées du pouvoir de modifier le taux de ce qui leur reste d’impôt économique local, la cotisation locale d’activité, la CLA.
Et ce n’est pas qu’un mauvais moment à passer.
Certes, en 2011, la « compensation relais » disparaîtra, mais pour être remplacée par des dotations qui disent leur nom et des dotations déguisées en impôts. Comment appeler autrement en effet des contributions dont l’État définit et l’assiette et le taux ?