Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année encore, le projet de loi de finances, sous couvert de vouloir « maîtriser la dépense publique », étrangle toujours un peu plus les finances locales.
En premier lieu, en 2010 comme en 2009, les compensations apportées par les dotations sont très nettement insuffisantes.
Pour ce qui est des dotations liées aux compétences transférées par les dernières lois de décentralisation, l’ensemble des concours aux collectivités territoriales ne devrait augmenter que de 0, 70 % cette année, alors que l’inflation prévisible est estimée par la Banque centrale européenne à 1, 2 % et pourrait même atteindre 1, 4 %.
L’évolution de la dotation générale de décentralisation sera donc inférieure à l’inflation, avec des taux de 0, 56 % pour les départements et 0, 60 % pour les collectivités locales.
Si l’on additionne les manques à gagner résultant de la non-indexation de la dotation de décentralisation sur l’évolution de l’inflation et de la non-indexation de la dotation générale de fonctionnement, dont l’augmentation est plafonnée pour 2010 à 0, 6 % – soit la moitié de l’inflation prévisionnelle –, ce sont environ 300 millions d’euros qui font défaut pour compenser comme il serait nécessaire les charges liées à la décentralisation.
Ces 300 millions d’euros s’ajoutent aux effets de la décentralisation telle qu’elle a été conçue en 2004 qui, en prenant pour référence le coût historique des transferts, n’a pas prévu d’instrument de stabilisation permettant de tenir compte des évolutions, notamment économiques et démographiques, observées dans certains territoires.
Ensuite, la suppression de la taxe professionnelle aura des conséquences désastreuses sur les capacités de financement des collectivités.
La taxe professionnelle représente 22, 6 milliards d’euros de ressources nettes en 2008 pour les collectivités territoriales. Le nouvel impôt leur procurera 12, 7 milliards d’euros. Il y aura donc une perte de 9, 9 milliards d’euros que l’État s’est engagé à compenser, pour 2010 seulement à l’heure actuelle. Mais peut-être la commission des finances modifiera-t-elle ce dispositif samedi.
Si tel n’est pas le cas, le manque à gagner dans les années à venir conduira inéluctablement les collectivités locales à reporter la charge des dépenses sur des ménages déjà fortement touchés par des hausses souvent importantes des impôts locaux.
La taxe professionnelle représente la moitié des ressources fiscales des collectivités locales. À l’heure actuelle, 48 % des ressources proviennent des ménages et 52 % des entreprises. Après la réforme, la proportion sera de 75 % pour les ménages et de 25 % pour les entreprises. Cette réforme risque donc de provoquer l’asphyxie financière des communes, placées dans l’incapacité d’équilibrer leurs budgets.
En outre, la suppression de la taxe professionnelle coupera le lien entre les entreprises et les territoires, et plus précisément entre communes et activité économique. À terme, ce sont les équipements publics et les investissements dans les services publics qui seront restreints et, par ricochet, les populations qui seront pénalisées.
C’est une sorte de double peine pour les familles, qui auront moins de services publics, mais qui paieront plus d’impôts locaux.
Si, aux termes de l’article 72-2 de la Constitution, la loi « prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales», ces dispositifs ne sont pas satisfaisants. La réforme de la dotation de solidarité urbaine est « gelée » et le montant de la dotation de développement urbain est limité à sa valeur de l’année dernière, ce qui laisse très peu de marges de manœuvre pour une véritable péréquation.
Comme on peut le constater, le projet de budget pour 2010 s’inscrit dans une politique de réduction drastique des ressources des collectivités locales, appuyée par un discours centralisateur de dénigrement de l’échelon local.
À vous écouter, monsieur le secrétaire d’État, les élus seraient trop nombreux et les collectivités formeraient un « millefeuille » coûteux et incompréhensible pour nos concitoyens. Autant d’idées battues en brèche dès que l’on dresse un bilan de l’action des collectivités, et de leurs élus !
Les collectivités réalisent en effet 73 % de l’investissement public – chiffre qui n’est contesté par personne –, alors que, depuis les lois de décentralisation de 1982, 2003 et 2004, on leur transfère toujours plus de compétences, qui ne sont d’ailleurs pas systématiquement compensées.
Malgré cela, les collectivités ne contribuent au déficit public qu’à hauteur de 10 %, et ce de façon quasi constante depuis 1982. N’oublions pas que, contrairement à l’État, elles sont soumises à l’obligation de voter leur budget en équilibre.
Les financements croisés sont, eux aussi, accusés d’être une source de complexité, alors qu’ils ne représentent que 5 % des dépenses globales et sont indispensables à la réalisation de nombreux projets.
La question du coût des collectivités mérite donc d’être réexaminée.
Quant aux 500 000 élus que compte la France, il faut rappeler que ce sont en très grande majorité des bénévoles qui s’investissent chaque jour pour assurer la mise en œuvre de leur programme d’actions au plus près de nos concitoyens.
Avec le projet de budget pour 2010 et la réforme des collectivités locales, le Gouvernement veut, par une politique centralisatrice inégalitaire, couper court à une démocratie locale qui, depuis longtemps, ne lui est plus électoralement favorable.
L’attaque est d’ailleurs si frontale qu’aucune association représentative n’est pour cette réforme et que de nombreux élus de la majorité sont troublés, comme l’ont si bien montré les réactions des maires réunis voilà peu à l’occasion de leur congrès annuel.
Le Gouvernement louvoie pour tenter d’atteindre son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux. Il avance masqué, en découpant la réforme en cinq projets de loi et en étranglant financièrement les collectivités locales.
Après avoir réduit leurs ressources, le Gouvernement nous demandera de réformer ces institutions, et ce n’est que in fine que nous débattrons des compétences des collectivités territoriales. La logique aurait voulu que nous procédions tout autrement.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.