Mes chers collègues, depuis quelques années maintenant, il me semble que l'urgence est un peu devenue le quotidien européen. On pourrait remonter à juillet 2015, quand la Grèce était au bord de la faillite et la zone euro au bord de la rupture, événements évités in extremis par un accord arraché au Conseil européen avec Alexis Tsipras... Incontestablement, la pandémie de covid-19, conduisant au confinement brutal de mars 2020, a obligé l'Union européenne (UE) à réagir dans l'urgence au repli sur soi spontané de chaque État membre, qui a menacé de ruiner le fonctionnement du marché intérieur. Il a fallu ensuite, en urgence là aussi, rapatrier les ressortissants européens qui étaient à l'étranger, pourvoir le plus vite possible aux besoins en masques puis en vaccins, rétablir des voies vertes pour assurer une liberté de circulation minimale dans l'Union... Prise au dépourvu, l'UE a dû s'improviser réactive, et l'agression soudaine de l'Ukraine par la Russie en février 2022 est venue encore mettre à l'épreuve sa réactivité.
Les suites du conflit continuent chaque jour de l'y obliger, que ce soit en matière d'accueil et de protection des réfugiés, ou d'assistance humanitaire, militaire et financière à l'Ukraine. Il en est allé de même sur le front de l'approvisionnement énergétique, de la hausse des prix, des sanctions envers la Russie et des ajustements que ces suites entraînent, ou encore de l'offensive américaine avec l'Inflation Reduction Act (IRA)... L'urgence s'impose, et l'Union légifère de plus en plus sur la base de l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'UE : cet article habilite le Conseil à prendre des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie, ou à accorder une assistance financière à un État membre qui connaît des catastrophes naturelles ou des événements exceptionnels échappant à son contrôle.
Depuis le début de la crise énergétique, c'est par ce biais que l'Union a pris diverses mesures, dans le contexte de la guerre en Ukraine : plafonnement des prix du gaz, réduction coordonnée de la demande en électricité, achats communs de gaz, mécanisme de solidarité ou taxation des superprofits. Cette procédure accélérée a permis aux Vingt-Sept de contourner le Parlement européen. Ce qui n'est pas sans rappeler, en France, le recours à l'article 49.3 de la Constitution...
Je laisse les rapporteurs nous présenter le nouvel instrument d'urgence que propose la Commission européenne, qui aura une portée plus générale, mais dont l'articulation avec cet article 122 du traité gagnerait à être précisée.