Intervention de Christine Lavarde

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 mars 2023 à 14h00
Marché intérieur économie finances fiscalité — Instrument du marché unique pour les situations d'urgence - examen de la proposition de résolution européenne

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde, rapporteur :

Des clarifications et des précisions sont aussi nécessaires pour améliorer la sécurité juridique et la prévisibilité de l'instrument. Il nous semble en particulier que des critères précis devraient être définis. Par exemple, des critères d'évaluation du caractère stratégique pour distinguer les biens et services considérés comme d'importance stratégique de ceux nécessaires en cas de crise.

La gravité de la menace de nature à justifier l'activation du mode alerte ou du mode urgence nous paraît également devoir être mesurée à l'aune de critères permettant d'évaluer les conséquences, potentielles ou effectives, de ladite menace ; ces critères, nous semble-t-il, devraient être définis par le règlement.

Un autre sujet de préoccupation concerne l'articulation de cet instrument transversal avec les autres instruments d'urgence du marché intérieur. Il est indiqué que le règlement n'est pas applicable aux crises concernant certains produits ou services, pour lesquels sont prévus des instruments d'urgence sectoriels. L'articulation avec ces instruments nous paraît toutefois devoir être précisée et leur mise en cohérence assurée.

Ces observations ne remettent bien entendu pas en cause la pertinence de l'instrument proposé qui nous semble nécessaire, et qui repose sur une approche coordonnée, graduée et réversible. Cet instrument est utile pour faire face aux conséquences des crises sur le marché intérieur, en donnant la priorité à la préservation de la liberté de circulation des produits, des services et des personnes au sein du marché intérieur.

En amont des crises, il est proposé de mettre en place un cadre permanent de prévention des urgences, autrement dit de veille, comportant des protocoles de crise et de communication de crise, des formations et simulations et des dispositifs d'alerte précoce. Il ressort toutefois des échanges avec le cabinet de Thierry Breton que la Commission, qui est pourtant chargée d'animer ce volet, ne prévoit pas d'y dédier de moyens humains et matériels, ce qui peut laisser perplexe quant à l'efficacité de la préparation d'une réaction coordonnée en cas de crise.

Il nous semble en particulier qu'une architecture harmonisée de communication des données nécessaires pour répondre aux crises devrait au moins être définie, ce qui permettrait de préparer utilement la mise en place des points de contact nationaux et européens. Une telle démarche exige en particulier que le format des données que les États membres et les opérateurs économiques devront transmettre en cas de crise soient définis, afin d'en permettre le traitement, l'agrégation et l'interopérabilité. Ce point fait écho au travail important qui avait été réalisé par la délégation sénatoriale à la prospective sur les outils numériques dans le cadre des crises sanitaires. Nous avions observé un certain nombre de failles de l'État français : si un certain nombre de systèmes d'information existent, ceux-ci ne communiquent pas entre eux. Un cadre conceptuel doit donc être prévu à l'échelle européenne.

Venons-en maintenant à la gouvernance de l'instrument d'urgence. Celle-ci serait assurée par la Commission, conseillée par un groupe consultatif composé de représentants des États membres, en lien avec les bureaux centraux de liaison nationaux. Il est en outre prévu que la Commission pourra convier aux réunions pertinentes, en qualité d'observateurs, notamment des représentants des opérateurs économiques, des partenaires sociaux et des experts ainsi que des représentants des autres organes compétents en matière de crise de l'Union. Il nous semble utile de souligner que l'association de parties prenantes est de nature à éclairer utilement les discussions sur la pertinence et la faisabilité des mesures restrictives envisagées en matière de libre circulation au sein du marché unique.

Ce groupe consultatif est en effet associé à la définition des mesures destinées à prévenir les effets d'une menace de perturbation ou d'une crise affectant le marché unique, ou encore à y faire face, tout en assurant une coordination adaptée. Ce groupe assiste et conseille la Commission en vue de la définition des modalités de coopération administrative entre celle-ci et les États membres, dans le cadre des modes alerte et urgence du marché unique. Il contribue en outre à l'évaluation de l'ampleur de la menace ou de la crise, et de la nécessité d'activer le mode alerte ou urgence pour le marché unique.

Il nous paraît indispensable que les modalités de fonctionnement et de décision du groupe consultatif soient précisément définies dans le règlement. En cas de menace de perturbation sérieuse de la fourniture de biens ou services d'importance stratégique, c'est en effet après avoir recueilli l'avis de ce groupe que la Commission européenne peut activer, par un acte d'exécution, le mode alerte. La durée maximale de ce mode est fixée à six mois, prorogeable pour une durée équivalente par un nouvel acte d'exécution, également pris après avis de ce groupe consultatif.

L'acte d'exécution que prendrait alors la Commission liste les produits et services d'importance stratégique concernés et définit les mesures d'alerte que les autorités nationales doivent prendre : suivi des chaînes d'approvisionnement en biens et services d'importance stratégique concernées, recensement des opérateurs économiques les plus pertinents établis sur le territoire national, identification des biens pour lesquels il est nécessaire de constituer des réserves stratégiques et informations sur les stocks constitués dans les États membres.

En cas de crise perturbant gravement la libre circulation ou les chaînes d'approvisionnement indispensables aux activités sociales et économiques, la Commission peut proposer au Conseil de prendre un acte d'exécution pour activer le mode urgence. C'est aussi au Conseil que revient la possibilité d'étendre ou de désactiver ce mode urgence, sur proposition de la Commission.

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