Intervention de Charles Guené

Réunion du 6 avril 2023 à 14h45
Loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien qu'une majorité de ses membres se soit prononcée contre l'adoption de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Éric Kerrouche et plusieurs de nos collègues, la commission des finances partage le diagnostic qui a conduit à son dépôt.

Le manque de prévisibilité budgétaire qui frappe les collectivités territoriales, d'une part, et la sous-évaluation de plus en plus manifeste des compensations des compétences transférées, d'autre part, constituent, malheureusement, deux réalités.

À première vue l'instauration d'un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales paraît séduisante. Cependant, le sujet n'est pas aussi simple, et l'institution d'une loi de financement des collectivités territoriales aurait tout d'une fausse bonne idée.

Non seulement elle risquerait de se retourner contre les collectivités territoriales, en conférant au Gouvernement un nouvel outil de contrainte financière, mais elle poserait également des difficultés d'articulation majeures avec la loi de finances.

Indépendamment du calendrier, un tel dispositif impliquerait de sortir du projet de loi de finances les transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales, soit, excusez du peu, un peu plus de 107 milliards d'euros ! La commission des finances pourrait difficilement admettre une telle atteinte au domaine des lois de finances.

À l'inverse, si l'on adoptait une solution intermédiaire et si les transferts financiers de l'État, c'est-à-dire un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continuaient à relever des lois de finances, l'intérêt supposé des lois de financement des collectivités territoriales, à la portée essentiellement programmatique, se révélerait très limité.

Plutôt qu'à une révision constitutionnelle aux conséquences et à la mise en œuvre incertaines, c'est à l'édification d'une nouvelle gouvernance des finances locales que nous devrions nous attacher.

Une telle évolution est indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans le contexte d'un recours croissant à la fiscalité partagée.

Nous avons besoin de repenser les espaces de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d'élus.

Comme l'a rappelé la Cour des comptes, cette nouvelle gouvernance pourrait passer, entre autres, par une réflexion sur la composition et le champ de compétences du Comité des finances locales. Je souhaiterais d'ailleurs connaître, peut-être à une autre occasion – notre temps est contraint –, l'avis du Gouvernement sur ce point particulier.

S'agissant du second objectif de la proposition de loi constitutionnelle, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences, je partage le constat dressé et la proposition formulée.

La commission des finances avait déjà donné un avis favorable au dispositif proposé, en le qualifiant de « réexamen régulier » des compensations, lors de l'examen, en 2020, de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat avait adoptée. Une nouvelle adoption de ce dispositif serait donc superfétatoire.

De nouveau, je souhaite néanmoins souligner qu'un renforcement de la gouvernance des finances locales constituerait un prérequis indispensable à sa mise en œuvre.

Un travail d'objectivation des charges supportées par les collectivités territoriales au titre des différentes compétences, qui ne peut être mené que dans le cadre d'une concertation approfondie, est au préalable nécessaire.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable à l'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.

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