Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative de notre collègue Céline Brulin et de ses camarades du groupe CRCE, qui nous permet de répondre à quelques-unes des attentes des secrétaires de mairie qui officient dans nos communes.
Je remercie également Catherine Di Folco, rapporteure de la commission des lois, pour l’exhaustivité et la richesse des auditions qu’elle a menées.
Cette proposition de loi est particulièrement bienvenue, car elle nous donne l’occasion de nous pencher sur le sort des secrétaires de mairie. Leur métier est méconnu ou peu connu du grand public, mais ô combien précieux dans les communes. Que serait une équipe municipale, en effet, sans secrétaire de mairie ? À la fois juristes, fiscalistes, trésoriers et trésorières, urbanistes, rédacteurs et rédactrices, mais aussi parfois assistantes sociales, psychologues, conseillers et conseillères d’orientation, les secrétaires de mairie sont souvent l’incarnation du service public municipal – un service public à visage humain, accessible à toutes et à tous. Dans les villages, le secrétaire de mairie est souvent appelé par son prénom. C’est dire le lien, fort, qui l’unit à la population.
Les secrétaires de mairie sont, au quotidien, les partenaires du maire et de son équipe municipale. Ils aident à la conception et à la mise en œuvre des décisions des élus. Ils contribuent à l’efficience des politiques publiques locales. Disons-le, sans flagornerie et sans ambages : sans les secrétaires de mairie, les communes, notamment en milieu rural, n’existeraient tout simplement plus.
Pourtant, malgré son intérêt et sa polyvalence, ce métier connaît une perte d’attractivité évidente, si bien que les collectivités, notamment celles de moins de 2 000 habitants, peinent à recruter – et que dire de celles de moins de 1 000 habitants ?
Les perspectives sont inquiétantes : d’ici à 2030, un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite, sans qu’un renouvellement générationnel soit assuré. Si l’on ajoute leur crise de vocation à celle qu’on observe chez les élus locaux, en particulier chez les maires, nous allons droit à la catastrophe, monsieur le ministre !
Venons-en aux trois articles de cette proposition de loi qui restent en discussion.
L’article 4 prévoit une formation obligatoire dispensée par le CNFPT pour l’ensemble des secrétaires de mairie, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste. Puisqu’il confère un caractère indispensable à cette formation, cet article est bienvenu, au regard de la multiplicité des tâches que devront accomplir les secrétaires de mairie et de la complexification permanente de la législation et de la réglementation.
Pour autant, le dispositif adopté en commission n’évoque pas le régime d’absence qui encadrerait son application. Ce silence pourrait mettre à mal l’efficience de cette mesure.
L’article 5 vise à garantir des perspectives d’évolution de carrière pour cette profession en prévoyant une part de secrétaires de mairie dans l’établissement des listes d’aptitude. C’est un levier bienvenu à cette fin.
Nous sommes plus réservés sur la philosophie de l’article 5 bis. Si nous comprenons et connaissons les difficultés de recrutement dans les communes de moins de 2 000 habitants, nous ne sommes pas pour autant convaincus qu’il soit utile d’y permettre le recrutement de contractuels. Le relèvement du plafond de 1 000 à 2 000 habitants reviendrait en fait à répartir la pénurie et conduirait à une forme de concurrence entre les communes de 1 000 à 2 000 habitants et celles de moins de 1 000 habitants, qui disposent souvent de moins de moyens.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste persuadé que d’autres voies peuvent être envisagées pour redonner à la profession son attractivité.
Le premier levier est celui de la rémunération. Un effort a été fait, monsieur le ministre, avec le décret du 28 février 2022 sur la nouvelle bonification indiciaire (NBI) pour les postes de secrétaire de mairie au sein des communes de moins de 2 000 habitants. Mais cette mesure se heurte à deux écueils : elle reste insuffisante, tout d’abord, pour atteindre un niveau de rémunération décent, au regard des responsabilités exercées ; de plus, la charge de cette revalorisation est portée par les collectivités locales, qui n’ont souvent pas les moyens de financer une telle disposition – même lorsque plusieurs communes salarient un même secrétaire de mairie, comme je le vois parfois dans l’Hérault, chacun se renvoyant alors la balle.
L’article 6 de cette proposition de loi apportait un début de réponse, par la création d’un fonds de soutien local. La forme retenue n’était sans doute pas la bonne, mais la question soulevée aurait mérité un débat en séance. Comme l’a dit Alain Richard, nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur le ministre ! Sur un sujet aussi sérieux, nous ne pouvons pas nous contenter d’un jeu de ping-pong permanent entre vous-même, Christophe Béchu, Gabriel Attal et Dominique Faure. Le Gouvernement doit s’accorder sur une réponse substantielle et sérieuse à apporter à ce problème, qui préoccupe fortement bien des élus municipaux.
Pour l’heure, nous voterons cette proposition de loi, en prenant date pour l’avenir.