Intervention de Olivier Paccaud

Réunion du 11 avril 2023 à 14h30
École de la liberté de l'égalité des chances et de la laïcité — Discussion générale

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

Après la pause du dîner, nous débattrons de visions et de propositions différentes pour insuffler un nouvel élan à cette école qui en a tant besoin.

L'école est le sanctuaire républicain par excellence. La République française y est pour ainsi dire née. Son idéal y a été cultivé, s'y est affermi et s'est propagé à l'ensemble du corps social. Chez nous, l'école et la République sont consubstantielles.

Hélas ! ce cœur battant de la République, cet organe essentiel de notre démocratie, celui-là même qui est censé insuffler toute sa vitalité et sa cohésion à notre société, est malade. Il souffre depuis trop longtemps de maux nombreux, souvent niés. Faute de diagnostics effectués à temps, l'affection qui ronge l'école est devenue générale. Toutes ses fonctions sont atteintes.

Le tableau symptomatologique, si je puis dire, de cette maladie de l'école n'est guère reluisant. Et pour cause ! Là où elle obtenait des résultats pédagogiques excellents, donnant une instruction vaste et ferme à des générations entières de jeunes, l'école peine aujourd'hui à inculquer à ses élèves les fondamentaux : lire, écrire, compter. Et je n'évoque même pas tous ceux qui sortent du système sans bagage ni diplôme. La dégringolade de notre pays dans les différents classements internationaux n'en est que l'insigne illustration, cela a été mentionné.

L'école est devenue l'institution où apparaît la première lézarde sur la cuirasse de l'autorité. La volonté de s'affranchir des règles communes y devient courante. La figure tutélaire de l'enseignant est méprisée. Or comment attendre des générations futures qu'elles respectent notre État et ses lois, si elles ne sont déjà plus capables d'obéir aux enseignants censés les faire venir à la citoyenneté ?

Par ailleurs, l'école, cela a été rappelé précédemment, est devenue un lieu de souffrances et de violences pour les élèves. La cloche qui sonne la fin de la récréation n'interrompt plus la tragédie du harcèlement scolaire, devenu permanent sous sa forme cyber. Brimades, moqueries et autres persécutions ne sont plus contenues par les grilles fermées de l'école. Elles cheminent à travers les écrans ; elles sont colportées par les réseaux sociaux et s'insinuent jusque dans l'intimité du foyer, ne laissant plus la moindre trêve à leurs malheureuses victimes.

Le tableau brossé jusqu'à présent est déjà bien sombre, mais comment pourrait-il en être autrement quand les chevilles ouvrières de l'institution scolaire sont si mal considérées ? Je veux bien évidemment parler des professeurs. Comment exiger d'eux qu'ils accomplissent ce qui s'apparente à un véritable sacerdoce républicain dans des conditions si navrantes ? Leurs rémunérations les classent parmi les enseignants les moins bien payés en Europe. Un constant opprobre est jeté sur une profession bien souvent ingrate et aux difficultés mal connues.

Les sessions de recrutement hâtives, parfois par la voie douteuse du job dating, les concours qui comptent deux à trois fois moins de lauréats que de postes à pourvoir sont d'autres symptômes inquiétants de la crise dans laquelle s'enlise notre modèle éducatif.

Se trouvera-t-il encore suffisamment d'enseignants compétents et dévoués devant nos enfants à la fin de la décennie ?

Enfin, que dire de l'abandon des territoires ruraux par les politiques éducatives ? Si d'aucuns ont pu dire, de façon caricaturale, qu'il existait une école à deux vitesses en opposant un enseignement public en difficulté à un enseignement privé prisé pour avoir conservé les qualités évanouies du premier, alors force est de constater qu'il existe également un enseignement prioritaire à deux vitesses ! Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont choyés au détriment des non moins déshéritées zones rurales.

En politique d'éducation comme en tout, c'est encore une fois les métropoles ou les agglomérations et le « désert français » !

Une répartition plus équitable des ressources de l'enseignement prioritaire ne serait que justice et permettrait à l'école de retrouver certaines des pièces mécaniques manquantes permettant de relancer le fameux ascenseur social disparu.

N'oublions jamais ce chiffre édifiant et accusateur pour notre école : près de 70 % des élèves relevant de l'éducation prioritaire n'en bénéficient pas. Depuis six ans, on nous annonce une réforme de la carte de l'éducation prioritaire qui ne vient pas. Or la République c'est l'égalité des chances, partout et pour tous, mais ce n'est plus le cas !

Face à cette situation alarmante, la présente proposition de loi tend à prescrire un début de remède et à administrer les premiers soins sans toutefois se contenter d'expédients. Son auteur s'y attelle avec courage et ambition. On ne pourra que se réjouir des mesures qu'il propose : la création d'un service public de soutien scolaire, un partenariat réel avec les collectivités pour l'établissement de la carte scolaire, une attention particulière portée aux territoires ruraux défavorisés, la possibilité pour les professeurs d'élargir leurs horizons via l'encouragement de la bivalence, le respect d'une laïcité vigilante et cohérente, et la volonté de rasséréner le climat scolaire par le port d'une tenue vestimentaire commune.

Une occasion nous est offerte d'enrayer la maladie de l'école, afin de rétablir cette dernière dans la noblesse de ses missions et la vigueur de ses succès. Tâchons de nous en saisir, car c'est dans l'école d'aujourd'hui et de demain que se forme la société à venir et que l'égalité des droits, et surtout des chances, peut prendre forme.

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