Nous voterons les amendements n° 159 et 212, car l'article 12 bis n'est que la version pénale du célèbre « amendement Vivendi », qui fait courir de graves risques aux créateurs de logiciels, notamment.
En effet, la sanction prévue par cet article pose le problème des logiciels tout à fait légaux que des usages rendent illicites. Comment imaginer, en effet, qu'on sanctionne l'inventeur d'une technique pour l'utilisation illicite qui peut en être faite ?
Les éditeurs de logiciels communicants - serveurs web, serveurs mail, messageries instantanées, peer to peer... - ne peuvent être placés dans une situation d'insécurité juridique permanente ni être tenus pour responsables des actes illicites commis à l'aide de leur outil. Quoi qu'en disent les défenseurs de cet amendement, la responsabilité des échanges d'oeuvres sans autorisation relève des internautes qui les pratiquent.
Permettez-moi à ce sujet de vous citer un extrait d'une lettre d'une association américaine d'informaticiens fondée en 1947, et comptant 80 000 membres, l'Association for Computing Machinery ou ACM. Cette association a pris position publiquement en faveur de la responsabilité individuelle et de la neutralité de la technique, lorsqu'une disposition équivalente à celle dont nous débattons a été proposée par des sénateurs américains.
Voici ce qu'avait écrit I'ACM à l'époque : « Toute action législative visant à contraindre ou prohiber une technologie au lieu de pénaliser les comportements ne pourra qu'affaiblir notre système éducatif, diminuer notre compétitivité sur le marché des nouvelles technologies et interférer avec notre sécurité informatique collective. »
Mes chers collègues, en ne s'appliquant qu'en France, ce dispositif pénaliserait fortement la création et l'innovation technologiques françaises, qui devront composer avec une réglementation largement plus restrictive et répressive que dans d'autres pays.
L'insécurité juridique ainsi créée serait par ailleurs majeure : nul ne sait quels sont les logiciels visés par cet amendement. M. le rapporteur ou M. le ministre pourraient-ils d'ailleurs nous éclairer à ce sujet ?
Le problème se pose notamment pour les logiciels peer to peer dont le principe est de permettre aux internautes de mettre à disposition du public le contenu d'un disque dur. Il est impossible de connaître à l'avance le contenu des fichiers qui vont être mis à disposition.
En outre, permettez-moi de douter de l'efficacité d'un tel dispositif pour lutter contre la contrefaçon. La France va-t-elle empêcher les internautes de télécharger des logiciels légaux dans les pays voisins ? Ne risque-t-on pas de freiner la libre circulation des logiciels sur le marché intérieur ? Un logiciel pourrait être interdit dans notre pays, mais être légal en Belgique, par exemple.
Sans vouloir cautionner pour autant toutes les pratiques répréhensibles qui contournent le droit d'auteur et l'ensemble des droits qui touchent à la diffusion d'une oeuvre, nous sommes plus que sceptiques quant aux conséquences dramatiques que cet article aurait pour la recherche et l'innovation en France. Le développement des logiciels libres, à la différence des logiciels propriétaires, risque d'être entravé par la mise en oeuvre des dispositions de cet article.
Enfin, je remarque qu'un avis défavorable a été donné sur l'amendement n° 186 rectifié, défendu par mon collègue Bruno Retailleau, qui soulignait que le dernier alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale pour cet article était supprimé. Or cet alinéa était essentiel.