Intervention de Olivier Paccaud

Réunion du 12 avril 2023 à 15h00
Gratitude et reconnaissance du sénat aux membres des forces de l'ordre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

« Sans bouclier, tu n'es rien. » Tout gladiateur, tout chevalier le sait bien.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aimerais à mon tour rappeler combien la place des forces de l'ordre est cruciale dans nos sociétés démocratiques, combien nous leur sommes redevables. Cette place a quelque chose à voir avec ce qui est au fondement de nos sociétés civilisées : le contrat social, lequel ne serait qu'un vœu pieux s'il n'y avait une force à même de le rendre exécutoire, de contraindre, au besoin par la coercition physique, les individus qui refusent de le respecter. C'est parce que nous savons qu'il existe une force capable d'imposer le respect des lois que nous pouvons jouir paisiblement de nos existences.

La police apporte la force au droit. Elle arme l'ordre démocratique contre ceux qui voudraient s'y soustraire ou lui en substituer un autre, injuste et arbitraire. En somme, pour paraphraser Blaise Pascal, elle permet à ce qui est juste d'être fort. Sans police pour en assurer le respect, point de contrat social : le droit ne serait que de vaines taches d'encre sur d'insignifiantes pages de codes. Même s'il est imparfait, c'est donc tout notre ordre social démocratique qui repose sur l'existence de cette force permettant d'éviter la « guerre de tous contre tous », comme l'a si bien décrit Thomas Hobbes.

Que cela soit clair, manifester son soutien aux policiers et sa reconnaissance pour leur engagement ne revient pas à prendre parti contre la liberté de manifester. La rhétorique stérile qui voudrait dresser les manifestants contre les forces de l'ordre est inepte. Les unes sont là non pour entraver la liberté des autres, mais, au contraire, pour la garantir, notamment contre le noyautage des manifestations pacifiques par des perturbateurs qui y trouvent une couverture à leurs méfaits.

C'est ce dernier risque qui, de nos jours, met le plus en péril à la fois la sécurité des manifestants et l'intégrité des forces de l'ordre. Avant l'irruption des Black Blocs dans les cortèges syndicaux, tous les observateurs relevaient le faible nombre d'incidents et saluaient le bon déroulement des rassemblements, la coopération des organisateurs. C'est donc aux agresseurs de policiers, aux incendiaires de poubelles, aux briseurs de vitrines, aux lanceurs de pavés qu'il faut jeter la pierre. Ils sont les seuls fautifs des effusions de violence que l'on a observées de Sainte-Soline à Paris. La réprobation à leur endroit doit être unanime.

En effet, le droit de manifester n'est pas le droit à la chienlit. Qui pourrait en disconvenir ? Qui s'offusquera que la force doive rester à la loi ? Certainement pas nos devanciers ! Revenons à nos vieux textes. Jérôme Durain a cité la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pour ma part, je citerai les constitutions de 1791, 1793 et 1848, qui consacrent le droit de manifester, mais en l'assortissant systématiquement d'une exigence : la non-violence. La seule liberté alors reconnue est celle de « s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police », dans le respect de « la liberté d'autrui et de la sécurité publique ».

Cette conciliation entre liberté et ordre public est un invariant dans notre tradition juridique. Elle structure la façon dont notre droit conçoit l'étendue et les limites de la liberté de manifester. Devrions-nous considérer avec mansuétude les violences des Black Blocs et pousser des cris d'orfraie lorsque la police intervient pour y mettre fin ? Quel triste enchantement a conduit certains esprits à cette inversion des coupables et des victimes, des fauteurs de troubles et des gardiens de la paix civile ?

Qu'est-il reproché à la police ? De riposter lorsque l'on s'en prend à elle ? De se défendre lorsqu'un millier de ses agents sont blessés, plus ou moins gravement, par des assauts pénalement et moralement inacceptables ? Lui en veut-on de ne pas abandonner nos rues à une poignée de casseurs ? De s'interposer lorsque des commerces sont saccagés ? D'escorter des pompiers venant éteindre des incendies ?

Ce que ses contempteurs reprochent à la police, c'est bel et bien de ne pas désarmer face à une violence qu'ils cautionnent peut-être dans le secret de leurs cœurs. Ils blâment la police de faire ce pour quoi elle a été instituée : préserver l'ordre républicain établi par les lois que notre société s'est prescrites au travers de ses institutions démocratiques. Ce faisant, ils répudient le contrat social qui nous lie.

C'est pourquoi nous devons, nous autres sénateurs, témoigner notre gratitude envers les défenseurs des droits que sont les policiers et leur redire notre confiance quand traîner la police dans la boue, la couvrir d'accusations infamantes est devenu le fonds de commerce médiatique d'une partie de la classe politique.

Non, nous n'accepterons pas que le bruit et la fureur soient des codicilles au contrat social.

Non, les CRS n'ont pas vocation à devenir de la chair à Black Blocs.

Non, nous ne laisserons pas la police être livrée à quelque vindicte que ce soit dans l'opinion publique.

Sans bouclier, nous sommes faibles. Toute démocratie le sait bien ! §

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