Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 13 avril 2023 à 14h30
Fusion des filières rep d'emballages ménagers et de papier — Vote sur l'ensemble

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte était de parvenir à l’équilibre délicat entre le respect des obligations environnementales de la responsabilité élargie des producteurs, l’efficacité du service public de gestion des déchets assuré par les collectivités et l’équilibre économique de la presse écrite, qui souffre depuis plusieurs années.

Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets dans leur produit, pour les inciter à l’écoconception.

Il s’agit de faire payer les producteurs pour les déchets qu’ils créent et de les pousser à concevoir des produits triables, recyclables ou réemployables.

C’est chose faite, puisque la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, conservé la rédaction proposée par le Sénat. Je salue le judicieux tour de passe-passe de notre rapporteure, qui maintient la presse dans la filière REP. Cette solution évite une régression environnementale, ainsi que la création d’un précédent risqué qui aurait affaibli les REP.

Une telle mesure évite également – c’est peut-être l’essentiel – un manque à gagner bien lourd pour les collectivités territoriales. Elles ont besoin de ces contributions pour assurer leur service public de gestion des déchets.

Ce compromis nous satisfait donc partiellement, dans la mesure où la ligne rouge n’est pas franchie : en maintenant la filière presse dans la REP papier, le principe pollueur-payeur, qui nous est cher, est préservé.

Nous serons maintenant vigilants sur les modalités de mise en œuvre de la contribution en nature et veillerons à son efficacité, car la crainte d’une contagion est légitime. D’autres filières, notamment celle des emballages, pourraient prétendre à l’écomodulation. Nous espérons donc, madame la rapporteure, qu’aucune ambiguïté ne subsistera et que l’application de ce texte évitera tout risque de contagion.

Nous soutenons la précision apportée en commission mixte paritaire pour que les dispositifs d’information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets ne puissent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Nous regrettons en revanche la suppression de la précision selon laquelle les critères qui conditionnent l’octroi de la modulation à la presse ne pourront être moins exigeants au niveau environnemental que ceux qui existaient dans le droit antérieur.

Cette disposition, que les deux groupes écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat défendaient, est considérée comme étant source de confusion par le député auteur de la proposition de loi. Nous pensons au contraire qu’elle levait toute ambiguïté et apportait de la clarté sur le niveau d’exigence environnementale requis.

Mais la commission mixte paritaire n’en est pas restée là. Elle modifie de façon substantielle un mécanisme central du fonctionnement des filières REP et des contributions des éco-organismes tels qu’ils sont prévus par la directive déchets de 2018 et par la loi Agec, à savoir la question du taux de couverture.

La loi garantit le taux de couverture par la REP des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités : 50 % pour les papiers, 80 % pour les emballages.

Or, à ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : autour de 20 % pour les papiers et 50 % pour les emballages.

Pour 2023, les pouvoirs publics ont évalué à environ 105 millions d’euros la somme que devrait verser Citeo aux collectivités pour couvrir 50 % des coûts des déchets papier. En 2021, cette filière a généré seulement 63 millions d’euros. Cela fait tout de même un écart.

Tout l’enjeu est donc de faire progresser d’une quarantaine de millions d’euros les versements aux collectivités. La presse exonérée représentant 17 % du gisement contribue naturellement à entretenir ce retard.

La commission mixte paritaire a donc décidé de renvoyer par voie réglementaire le niveau de prise en charge des coûts de collecte et de gestion des déchets de papiers graphiques. Ils ne seront donc plus inscrits dans la loi.

En d’autres termes, en renvoyant le sujet à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre acteurs sur la répartition de la contribution globale : une facture de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour l’ensemble de la nouvelle REP.

Il reste donc des incertitudes et une certaine confusion pour l’avenir.

Ainsi, le compte rendu de la commission mixte paritaire, où le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’a pas de représentant, ne traite pas clairement des modalités de transfert des contributions financières dues par la presse papier vers d’autres acteurs de la nouvelle filière fusionnée.

Quels metteurs en marché accepteront de compenser l’exonération accordée à la presse ? Comment les producteurs d’emballages combleront-ils le manque ? Est-ce juridiquement assez solide ?

Nous espérons en tout cas que les collectivités ne seront pas affectées et que les coûts qui seront estimés nécessaires à la bonne gestion des déchets d’emballage et de papier ne seront pas réévalués à leur détriment.

L’État doit mieux jouer son rôle de régulateur et s’assurer que les producteurs versent ce qu’ils doivent aux collectivités.

Pour toutes ces raisons, comme en première lecture, nous optons pour une abstention fort bienveillante.

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