Séance en hémicycle du 13 avril 2023 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier (texte de la commission n° 486, rapport n° 485).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteure.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près de quatre ans, notre hémicycle avait largement complété la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), afin, notamment, de renforcer le principe de responsabilité élargie des producteurs (REP).

Nous voici réunis aujourd’hui pour parachever un travail parlementaire au terme duquel nous avons collectivement garanti l’intégrité de ce principe si important pour nos collectivités territoriales et la protection de l’environnement.

Ce n’était pas gagné d’avance, car, dans sa version initiale, le texte proposé par l’Assemblée nationale allait à l’encontre de tout ce que nous avions essayé de construire depuis des années en matière d’économie circulaire.

Le volet le plus problématique concernait non pas la fusion des filières REP d’emballages ménagers et des producteurs de papier, mais la sortie de la presse de la REP. C’était un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble des REP et, partant, le financement du service public de gestion des déchets. D’autres secteurs auraient, à l’exemple de ce premier régime d’exception, demandé des aménagements et des exonérations pour l’avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l’environnement. Nous ne pouvions pas accepter une telle régression.

Nous avons, fort heureusement, parcouru beaucoup de chemin depuis le dépôt du texte à l’Assemblée nationale. Nous le devons au travail engagé dans cet hémicycle.

À cet égard, je remercie tout particulièrement les membres de la commission de la culture, en particulier le président Laurent Lafon et notre collègue Michel Laugier : leur sens de l’écoute et du dialogue ont grandement contribué à la qualité de nos travaux en première lecture et au caractère équilibré de la solution, exigeante du point de vue environnemental et protectrice de la presse, que nous avons retenue et que la commission mixte paritaire a confortée.

Notre priorité était de préserver les filières REP pour protéger le service public de gestion des déchets et nos collectivités territoriales. Cette mission a été accomplie avec le maintien de la presse dans le champ de la REP.

Notre seconde priorité était d’aider la presse : c’est aussi chose faite, avec la possibilité, introduite dans le texte sénatorial et conservée par la commission mixte paritaire, de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts.

En commission mixte paritaire, le dispositif que nous avions adopté n’a été que légèrement ajusté, afin d’en assurer la sécurité juridique et d’en clarifier la rédaction.

Il a ainsi été précisé que le mécanisme adopté ne devra pas conduire à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché.

Pour éviter tout détournement, la rédaction de compromis vise à prévoir, par ailleurs, que les dispositifs d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets ne pourront pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle, y compris en faveur des entités bénéficiaires de ces dispositifs.

Par cohérence avec la fusion des filières REP, le texte a enfin été modifié pour renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion, qui ne pourront, en tout état de cause, pas être inférieurs aux niveaux actuellement prévus par la loi, soit 80 % pour les emballages et 50 % pour les papiers.

La balle est maintenant dans le camp du pouvoir réglementaire, qui devra s’assurer du maintien de cet équilibre dans l’application du texte. Notre commission y veillera !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républ icains, UC, RDPI, INDEP, SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y sommes. Après une commission mixte paritaire conclusive, lors de laquelle s’est construit un véritable consensus entre les chambres, nous nous retrouvons aujourd’hui pour soumettre au vote cet accord.

Nous étions dans cet hémicycle ensemble voilà à peine deux semaines pour examiner la proposition de loi issue de l’Assemblée nationale et présentée par son rapporteur, le député Denis Masséglia.

Déposé au mois de janvier dernier, ce texte prouve encore une fois qu’en faisant confiance au dialogue, il est possible d’aboutir à une rédaction qui satisfasse l’ensemble des parties prenantes. Ce n’était pas chose aisée : la problématique que le député Masséglia a souhaité traiter est complexe.

Il nous fallait apporter une solution au secteur de la presse face à ses difficultés économiques, tout en maintenant sa responsabilité environnementale sur le principe pollueur-payeur.

Ce texte prévoit donc un maintien de la fusion des filières REP emballages et papier. Je crois que nous pouvons nous en féliciter tant cela apparaît comme la meilleure voie possible.

Nous prenons nos responsabilités, car nous anticipons les difficultés que connaît déjà la filière papier, et nous lui permettons d’avoir un cadre qui lui apporte plus d’assise et de visibilité économique.

Ainsi, nous espérons tous que la performance environnementale de la filière soit à la hauteur des ambitions.

Elle le sera, car cette fusion permettra aussi d’avoir une stratégie d’écoconception commune entre des déchets qui sont déjà traités dans les mêmes centres de tri, puis recyclés ensemble.

Pour la presse, l’équation était complexe, et deux solutions s’offraient à nous : la première était de construire un modèle de responsabilité propre au secteur de la presse en la sortant de la filière REP, mais tout en exigeant d’elle une contribution en nature aux contours bien définis tant sur le bénéfice et l’implication des collectivités que sur les critères environnementaux ; la seconde était de conserver la presse dans la filière REP en lui permettant de réduire sa contribution financière via le mécanisme d’écomodulation conditionné à des critères de performance environnementale.

Je crois sincèrement que le débat parlementaire était nécessaire sur le sujet ; les deux chambres nous l’ont prouvé.

L’Assemblée nationale avait choisi la première option tout en consolidant la place et les contreparties pour les collectivités. Des amendements de différents groupes politiques avaient d’ailleurs enrichi le texte.

Le Sénat, lui, a eu une autre lecture du texte, en privilégiant la seconde option.

La commission mixte paritaire a finalement retenu cette seconde option et a complété la version du Sénat.

Ces ajouts étaient les bienvenus, car ils viennent renforcer les garanties de progrès écologiques de la version du Sénat. Je pense notamment au fait de prévoir que les encarts donnant lieu à un bonus ne soient pas à visée promotionnelle pour le bénéficiaire, de manière directe ou indirecte. Je pense aussi au fait de ne pas permettre de bonus si la mise à disposition d’encarts gratuits vient augmenter les quantités déchets, notamment le suremballage. C’était l’un des travers identifiés.

Il n’était pas concevable de laisser un dispositif aller à l’encontre de l’ensemble des politiques publiques construites ces dernières années avec vous et qui font figure d’exemples sur la scène européenne et internationale.

Je veux vous remercier, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, d’avoir mené ce dialogue constructif. Il y a quelque chose que nous sommes nombreux à partager dans cette enceinte. Nous avons tous une ambition environnementale élevée, notamment en matière d’économie circulaire. L’ambition du Gouvernement est aussi grande.

Nous lançons avec ambition et fermeté les filières REP dans de nombreux secteurs. Nous avançons sérieusement sur la construction et la future mise en place d’un affichage environnemental. Nous avons réformé la filière REP textile pour la rendre encore plus performante. Nous avons fait un bond significatif dans notre performance de recyclage des emballages plastiques, notamment grâce à la généralisation du bac jaune depuis le 1er janvier 2023.

Les chantiers sont encore nombreux, et ma volonté reste intacte, celle de la France aussi. À ce titre, nous accueillerons très bientôt à Paris les négociations pour la signature du futur traité international sur les pollutions plastiques. Ce sera une occasion formidable pour partager cette ambition avec le monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 541-10-1 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, y compris ceux susceptibles de l’être et ceux consommés hors foyer, les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ; »

b) Le 3° est abrogé ;

2° L’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :

a) Le III est ainsi modifié :

– au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;

– le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le niveau de prise en charge de ces coûts est fixé par décret. » ;

– au début du troisième alinéa, les mots : « Par dérogation au deuxième alinéa du présent III, » sont supprimés ;

b)

Supprimé

c) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. – Sans préjudice des autres critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3, la modulation des contributions financières versées par les producteurs dont les produits sont soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en application du 1° de l’article L. 541-10-1 prend la forme d’une prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque ces produits contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale et que les dispositifs d’information d’intérêt général du public prévus au présent alinéa ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché. Les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

« Les dispositifs d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets prévus au premier alinéa du présent VII ne peuvent avoir de visée publicitaire ou promotionnelle, y compris en faveur des entités bénéficiaires de ces dispositifs.

« Les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d’information, leurs caractéristiques techniques et les critères de performance environnementale mentionnés au même premier alinéa sont définis par décret. » ;

3° L’article L. 541-10-19 est abrogé ;

4° Au second alinéa de l’article L. 541-10-25, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° ».

I. – L’article 1er entre en vigueur le 1er janvier 2023.

II. – Les agréments des éco-organismes mis en place par les producteurs des produits mentionnés au 1° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la présente loi, sont mis en conformité avec le même article 1er lors de leur prochain renouvellement, et au plus tard le 1er janvier 2024.

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la présente loi, en particulier celles de la modulation des contributions financières de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les produits contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition d’encarts d’information.

(Supprimés)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines après l’examen en séance publique de la présente proposition de loi, nous débattons une nouvelle fois de la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et du papier, ainsi que du maintien de la presse dans ce dispositif. Absence d’étude d’impact, économie d’une deuxième lecture : nous regrettons autant de précipitation, pour une loi qui sera, quoi qu’il en soit, rétroactive.

Malgré l’accord trouvé en commission mixte paritaire, je ne suis toujours convaincu ni de la simplification apportée par cette fusion ni de la solidité juridique et politique d’un texte qui mutualise les écocontributions entre producteurs de déchets.

La rédaction de la commission mixte paritaire, à savoir le compromis adopté par le Sénat, maintient en vigueur ce que le droit européen nous reproche : le caractère non financier des contributions versées dans une filière REP.

Je me rangerai à l’avis du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a évoqué la possibilité que le texte « donne lieu à des décisions de justice du fait de la zone d’ombre dans laquelle nous nous sommes placés ».

La proposition de loi manque de clarté, et ses effets sont complexes à anticiper, que ce soit pour la presse, qui n’est pas complètement assurée d’être exonérée du caractère non financier de l’écocontribution, ou pour les autres producteurs, qui devront compenser les coûts d’une gestion des déchets dont ils ne sont pas responsables. Que devient alors le principe pollueur-payeur ? Dès lors, je regrette la suppression du rapport demandé par notre collègue Daniel Gremillet visant à évaluer l’impact de la prime accordée à la presse sur les autres contributeurs de la filière REP.

De surcroît, les enjeux ne sont pas identiques pour les deux filières fusionnées. Avant de combattre la production de papier issu de la presse, luttons contre la pollution des emballages ménagers, à commencer par le suremballage en plastique. Ne nous trompons pas de combat !

L’argument relatif à la régression environnementale résultant d’une sortie de la REP ne nous semble pas fondé, puisque les mêmes critères de performance environnementale pouvaient s’appliquer en dehors de la REP.

La commission mixte paritaire a d’ailleurs supprimé la précision selon laquelle ces critères ne pourront pas être moins exigeants que ceux qui existaient avant la réforme. Qu’il faille améliorer la performance du taux de collecte et de recyclage du papier, soit ; mais cela ne doit pas passer forcément par la réintégration de la presse dans une filière REP.

Nous sommes conscients que les collectivités locales craignent un manque à gagner d’une écocontribution sur la presse qu’elles ne perçoivent pas aujourd’hui. Mais cela n’apportera pas grand-chose rapportée au coût total du service public de gestion des déchets : une goutte d’eau de 15 millions d’euros à 20 millions d’euros dans un vaste océan de plus de 8, 8 milliards d’euros.

Certes, quelqu’un paiera in fine : dans le premier cas, le contribuable local, dont le nombre est plus important ; dans le second cas, le lecteur, qui devient une espèce en voie de disparition. Cela se fera au profit d’une profusion de l’information rapide en ligne et des chaînes télévisées en continu, qui ne permettent pas d’aller au fond des sujets ou de s’intéresser au fonctionnement des institutions, et donc à l’exercice de la démocratie.

Non, les journaux ne sont pas des déchets. Ce sont des supports culturels, comme cela a été souligné par la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale ; cela ne pouvait pas être la commission de la culture du Sénat, puisqu’il n’y a pas eu d’avis… Le journal est tout aussi « vertueux » que le livre, et j’aurais souhaité que la commission de la culture du Sénat se prononce résolument en ce sens.

Cela a été dit à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle : le maintien de la presse dans la REP visait à ne pas créer un « dangereux précédent ». Espérons précisément que ce texte n’en crée pas un pour intégrer ultérieurement les livres. Certaines associations demandent d’ailleurs à rompre avec la logique de l’exemption des livres et calculent qu’une écocontribution pourrait rapporter 10 millions d’euros à 15 millions d’euros. Soyons tout de même vigilants quant au message que nous envoyons.

Enfin, il a été acté à la dernière minute que le taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets par les éco-organismes serait renvoyé au décret. Il s’agit d’un recul supplémentaire.

Mes chers collègues, je ne conteste absolument pas le bien-fondé de la REP. C’est un système qui a fait ses preuves. Je m’interroge simplement sur l’efficacité du dispositif retenu par la proposition de loi par rapport à tous les inconvénients que je viens de citer.

Le texte de la commission mixte paritaire n’a pas fondamentalement évolué par rapport au texte initial. Aussi, par cohérence, le groupe RDSE, qui n’est pas plus rassuré qu’en première lecture, pour les raisons précédemment développées, votera contre la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte équilibré et ambitieux pour l’économie circulaire, qui conserve de nombreux dispositifs du Sénat. Je m’en réjouis et tiens à saluer ici le travail de mes collègues, plus particulièrement de notre rapporteure, Marta de Cidrac.

La proposition répond à présent pleinement aux deux objectifs qu’elle s’était fixés : d’une part, fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs, celle des emballages ménagers et celle des papiers ; d’autre part, permettre, notamment pour les éditeurs de publications de presse, de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets. Bien qu’assez technique, comme de trop nombreux textes, elle aura des effets très positifs pour le secteur de la presse et pour nos territoires.

Je le disais au début de cette intervention, l’un des grands apports de ce texte est le maintien de la presse dans la filière REP. C’est un acquis décisif auquel le Sénat était très attaché, l’État ayant manqué d’anticipation en la matière.

Notre collègue Didier Mandelli avait d’ailleurs souligné qu’exclure la presse de la REP aurait constitué un dangereux précédent, un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets et une régression environnementale et juridique. Je ne peux qu’abonder en ce sens.

Ensuite, si l’on entre plus au cœur des dispositions de cette proposition de loi, on peut se féliciter de la création d’un dispositif qui va bénéficier à toutes les publications de presse et aider ce secteur confronté à de graves difficultés.

En effet, l’article 1er permet, via des écomodulations, que le montant de la contribution financière des produits assujettis à la nouvelle REP fusionnée puisse être modulé sous forme de prime, lorsque ces produits contribuent à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.

Le bénéfice de cette modulation est ainsi conditionné au fait que les dispositifs ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages. Il est aussi précisé qu’ils ne pourront pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Les critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement pourront continuer à s’appliquer aux produits assujettis à la filière REP d’emballages ménagers et de papier.

Par ailleurs, le financement et le fonctionnement du service public de gestion des déchets, géré par les collectivités territoriales, sont garantis par le texte. C’est une bonne chose au moment où les marges de manœuvre financières de nos territoires se réduisent. Ne l’oublions pas, la gestion des déchets reste un enjeu majeur qui soulève de nombreuses interrogations dans les territoires.

Il reviendra néanmoins au pouvoir réglementaire de déterminer les taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets d’emballages ménagers et de papiers.

Enfin, l’article 2 entérine l’entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de l’article 1er et, à la suite d’un amendement de notre rapporteure, précise que les agréments des éco-organismes concernés devront être mis à jour au plus tard le 1er janvier 2024, date avant laquelle leur renouvellement est prévu.

L’article 2 bis, issu quant à lui d’un amendement de notre collègue Daniel Gremillet, garantit un suivi effectif des impacts de la loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour la presse, par le biais d’un rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement.

Ainsi, la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier comporte de nombreuses avancées dont nous pouvons réellement nous réjouir. Elle vient répondre aux attentes des différentes filières concernées, en préservant l’intégrité de la filière REP et en y maintenant la presse. Elle n’aggrave pas les finances du service public de gestion des déchets et offre de véritables garanties environnementales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la circularité de notre économie nous fait entrer dans la réalité de la lutte contre le gaspillage et une production de déchets envisagée de manière responsable.

Le mot sobriété, que nous entendons régulièrement, s’applique particulièrement à cette nouvelle forme de production et de consommation.

Nous consommons mieux – c’est du moins ce que nous souhaitons – et, surtout, nous innovons, afin de faire évoluer nos modes de vie. L’industrie verte s’invite dans nos débats. Nos réflexions se tournent vers la décarbonation et une pollution limitée. L’économie circulaire fait partie intégrante de notre futur et de la vision d’une écologie libérale qui allie responsabilité, économie, investissements, développement et préservation de notre environnement.

Je salue le travail fourni par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en particulier par la rapporteure de ce texte, Marta de Cidrac. Les deux assemblées sont parvenues à un accord en commission mixte paritaire, gardant beaucoup de ce que le Sénat avait inséré et renonçant à beaucoup de ce qu’il avait supprimé.

La fusion des deux filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est la bienvenue. Cela suit, de manière logique, ce que nous avions déjà organisé au moment de la loi Agec.

Le point qui a particulièrement attiré mon attention est celui du sort de la presse écrite. Nous avons tous été alertés, notamment par notre presse quotidienne et hebdomadaire régionale. Leur contribution financière s’élèverait à plusieurs millions d’euros. Chacun sait la situation de crise que traverse cette presse écrite, notamment régionale.

Il y a la crise du papier, comme matière première, avec des prix qui augmentent significativement. En tout cas, ils augmentent assez pour que cela soit un enjeu pour le secteur.

Il y a aussi un abandon du format papier en faveur du format électronique. La numérisation a également provoqué l’arrivée des réseaux sociaux dans la vie des Français. Les citoyens s’informent différemment, sur des formats qui évoluent bien plus vite que nos politiques publiques.

À ce sujet, j’aimerais une fois de plus alerter sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux. À l’heure où nous évoquons la place que prend l’intelligence artificielle dans nos vies, nous sommes inévitablement bien plus exposés aux fausses informations et aux enjeux de vérification.

En l’état, cela fragilise notre démocratie. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est Barack Obama, dans un article paru voilà quelques mois dans le journal The Atlantic. Un citoyen bien informé est un électeur qui peut prendre en compte tous les paramètres d’une élection et arriver prêt devant un bulletin de vote.

Voter en conscience, c’est avoir la maîtrise de notre avenir. Une presse écrite et de qualité est au fondement de notre système et de notre destin. C’est vrai à l’échelon national, mais également vrai à l’échelon local.

Nous avons la chance d’avoir des presses écrites locales de qualité qui sont largement lues. Elles sont un des ciments des territoires et mettent en lumière leur dynamisme et leur rythme de vie. Bien que le secteur soit en difficulté – nous le savons tous –, il reste essentiel.

C’est dans cette perspective que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait été très attentif à la rédaction retenue de l’article 1er de cette proposition de loi. Nous connaissons aussi le poids, notamment financier, pour les collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets. L’équilibre est complexe à trouver.

La rédaction finale, qui permet la modulation des contributions financières, conserve la possibilité de mise à disposition gratuite d’encarts d’information, afin d’informer sur la prévention et la gestion des déchets. La presse sait très bien le faire : qu’elle continue et participe à la sensibilisation de nos citoyens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur quelque s travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Joël Bigot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte était de parvenir à l’équilibre délicat entre le respect des obligations environnementales de la responsabilité élargie des producteurs, l’efficacité du service public de gestion des déchets assuré par les collectivités et l’équilibre économique de la presse écrite, qui souffre depuis plusieurs années.

Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets dans leur produit, pour les inciter à l’écoconception.

Il s’agit de faire payer les producteurs pour les déchets qu’ils créent et de les pousser à concevoir des produits triables, recyclables ou réemployables.

C’est chose faite, puisque la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, conservé la rédaction proposée par le Sénat. Je salue le judicieux tour de passe-passe de notre rapporteure, qui maintient la presse dans la filière REP. Cette solution évite une régression environnementale, ainsi que la création d’un précédent risqué qui aurait affaibli les REP.

Une telle mesure évite également – c’est peut-être l’essentiel – un manque à gagner bien lourd pour les collectivités territoriales. Elles ont besoin de ces contributions pour assurer leur service public de gestion des déchets.

Ce compromis nous satisfait donc partiellement, dans la mesure où la ligne rouge n’est pas franchie : en maintenant la filière presse dans la REP papier, le principe pollueur-payeur, qui nous est cher, est préservé.

Nous serons maintenant vigilants sur les modalités de mise en œuvre de la contribution en nature et veillerons à son efficacité, car la crainte d’une contagion est légitime. D’autres filières, notamment celle des emballages, pourraient prétendre à l’écomodulation. Nous espérons donc, madame la rapporteure, qu’aucune ambiguïté ne subsistera et que l’application de ce texte évitera tout risque de contagion.

Nous soutenons la précision apportée en commission mixte paritaire pour que les dispositifs d’information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets ne puissent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Nous regrettons en revanche la suppression de la précision selon laquelle les critères qui conditionnent l’octroi de la modulation à la presse ne pourront être moins exigeants au niveau environnemental que ceux qui existaient dans le droit antérieur.

Cette disposition, que les deux groupes écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat défendaient, est considérée comme étant source de confusion par le député auteur de la proposition de loi. Nous pensons au contraire qu’elle levait toute ambiguïté et apportait de la clarté sur le niveau d’exigence environnementale requis.

Mais la commission mixte paritaire n’en est pas restée là. Elle modifie de façon substantielle un mécanisme central du fonctionnement des filières REP et des contributions des éco-organismes tels qu’ils sont prévus par la directive déchets de 2018 et par la loi Agec, à savoir la question du taux de couverture.

La loi garantit le taux de couverture par la REP des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités : 50 % pour les papiers, 80 % pour les emballages.

Or, à ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : autour de 20 % pour les papiers et 50 % pour les emballages.

Pour 2023, les pouvoirs publics ont évalué à environ 105 millions d’euros la somme que devrait verser Citeo aux collectivités pour couvrir 50 % des coûts des déchets papier. En 2021, cette filière a généré seulement 63 millions d’euros. Cela fait tout de même un écart.

Tout l’enjeu est donc de faire progresser d’une quarantaine de millions d’euros les versements aux collectivités. La presse exonérée représentant 17 % du gisement contribue naturellement à entretenir ce retard.

La commission mixte paritaire a donc décidé de renvoyer par voie réglementaire le niveau de prise en charge des coûts de collecte et de gestion des déchets de papiers graphiques. Ils ne seront donc plus inscrits dans la loi.

En d’autres termes, en renvoyant le sujet à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre acteurs sur la répartition de la contribution globale : une facture de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour l’ensemble de la nouvelle REP.

Il reste donc des incertitudes et une certaine confusion pour l’avenir.

Ainsi, le compte rendu de la commission mixte paritaire, où le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’a pas de représentant, ne traite pas clairement des modalités de transfert des contributions financières dues par la presse papier vers d’autres acteurs de la nouvelle filière fusionnée.

Quels metteurs en marché accepteront de compenser l’exonération accordée à la presse ? Comment les producteurs d’emballages combleront-ils le manque ? Est-ce juridiquement assez solide ?

Nous espérons en tout cas que les collectivités ne seront pas affectées et que les coûts qui seront estimés nécessaires à la bonne gestion des déchets d’emballage et de papier ne seront pas réévalués à leur détriment.

L’État doit mieux jouer son rôle de régulateur et s’assurer que les producteurs versent ce qu’ils doivent aux collectivités.

Pour toutes ces raisons, comme en première lecture, nous optons pour une abstention fort bienveillante.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Nous saluons les évolutions constructives qu’a connues le dispositif et nous serons attentifs aux modalités de sa mise en œuvre.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dagbert

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue le jeudi 30 mars dernier a permis d’aboutir à un accord entre nos deux assemblées, que le groupe RDPI considère comme équilibré.

L’esprit initial de cette proposition de loi était d’acter les synergies générées par la filière REP des producteurs d’emballages ménagers et par celle des papiers graphiques et imprimés.

La loi Agec du mois de février 2020 prévoyait déjà que, pour contribuer à l’efficacité du tri, les collectivités territoriales et leurs groupements veillent à ce que la collecte séparée des déchets d’emballages et des papiers à usage graphique soit organisée selon des modalités harmonisées sur l’ensemble du territoire national.

Elle prévoyait également une transition vers un dispositif harmonisé, en s’appuyant sur le renouvellement naturel des parcs de contenants de collecte, avec pour objectif un déploiement effectif de ce dispositif sur l’ensemble du territoire national au plus tard le 31 décembre 2022.

Désormais en place sur la quasi-totalité du territoire, ce prérequis nécessaire à la fusion des deux filières est rempli ; la fusion est désormais naturelle.

Le sujet qui a le plus créé de difficultés est bien évidemment l’exemption de la presse des obligations de la filière REP ainsi fusionnée.

Initialement, notre collègue député Denis Masséglia proposait d’exclure les publications de presse de la filière REP dès lors qu’elles auraient conclu une convention de partenariat, convention qu’il se proposait de créer pour tenir compte des évolutions du secteur de la presse écrite.

Une telle convention conclue entre le ministre chargé de l’environnement, le ministre chargé de la communication et les organisations professionnelles d’entreprises de presse représentatives devait préciser les modalités de mise à disposition d’espaces de communication destinés à informer le public sur la transition écologique, et ce à titre gracieux.

Étaient donc dispensées du principe pollueur-payeur les publications de presse ayant signé une convention de partenariat avec l’État.

Notre rapporteure a proposé une modification radicale de cette mesure avec la réintégration de la presse dans la filière REP et l’instauration d’une écomodulation pour les produits de la REP contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale.

En séance publique, notre groupe avait soutenu un amendement de notre collègue Jean-Claude Requier qui visait à rétablir la version proposée par l’Assemblée nationale. À la suite du rejet de cet amendement par le Sénat, nous nous étions opposés à la proposition de loi dans son ensemble pour trois raisons principales.

Tout d’abord, la version votée pouvait contrevenir à la directive européenne relative aux déchets de 2018, entraînant un risque important de contentieux juridique. En cas de recours, la presse aurait pu se retrouver à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive sans solution de remplacement.

Ensuite, le choix des critères pouvait ouvrir le bénéfice du dispositif à d’autres organismes que celui de la presse ; c’était un précédent au sein de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait eu des conséquences sur le montant global des écocontributions et in fine sur les objectifs environnementaux.

Enfin, il imposait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont également soumis à des contraintes économiques importantes.

Aujourd’hui, le texte de la commission mixte paritaire confirme le maintien de la presse dans la filière REP issue de la fusion et comporte quelques modifications importantes.

Il indique que les encarts d’information d’intérêt général du public ne doivent pas conduire à augmenter la quantité d’emballage ou de papier graphique et ne peuvent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle.

Il précise en outre que les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

Le dispositif final n’est sans doute pas parfait, mais il est néanmoins équilibré et semble, à nos yeux, acceptable pour tous. C’est pourquoi, en tenant compte des discussions qui ont eu lieu durant la commission mixte paritaire et des évolutions du dispositif final aboutissant à un compromis équilibré, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte.

Applaudissements au banc des commissions. – MM. Michel Laugier et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi, dont l’objet initial était d’exempter le secteur de la presse de ses obligations environnementales.

Alors que les filières REP créées par la loi Agec se constituent encore, notre groupe estimait que l’introduction d’une dérogation de ce type pouvait concourir à une déstabilisation du principe pollueur-payeur, auquel nous restons très attachés.

Il ne s’agit pas d’opposer, d’un côté, la presse, dont nous comprenons les difficultés, de l’autre, les collectivités territoriales chargées de la gestion du service public des déchets. Le législateur a le devoir de veiller à l’application de la loi, si dure soit-elle, mais c’est la loi !

Ainsi, les discussions entre nos deux assemblées ont permis de maintenir le secteur de la presse dans une filière REP, ce qui est une bonne chose. Cela correspond au souhait que nous avions exprimé lors de l’examen du texte.

Il me semble que le consensus trouvé en commission mixte paritaire est de nature à apaiser les tensions, en renvoyant finalement à l’État, par le biais de décrets, la responsabilité du niveau de prise en charge des coûts ou encore les modalités de mise à disposition d’encarts d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets.

Il s’agit donc de poursuivre un régime dérogatoire qui devait s’arrêter cette année et ainsi permettre à la presse écrite de faire face à ses difficultés dans de meilleures conditions. Nous pouvons tout de même saluer le fait que la voix du Sénat ait été entendue dans le texte final.

Toutefois, ce texte ne présente pas, selon nous, toutes les garanties d’un bon compromis, car il crée un précédent qui attirera mécaniquement de nouvelles demandes d’exemption émanant de secteurs fragiles au sein d’autres REP, voire d’acteurs issus de la REP papier comme l’industrie papetière, qui traverse également une importante crise tout en continuant malgré tout à payer son écocontribution.

Ce n’est pas anodin, mes chers collègues, et les observateurs avertis ne s’y trompent pas, lorsqu’ils distinguent au travers de cette proposition de loi une petite révolution par la remise en cause implicite de la prise en charge des coûts du service public de gestion des déchets.

Le pouvoir réglementaire aura donc toute latitude pour moduler cette prise en charge sans l’aval du Parlement. Cette modification, en dépit des précautions prises, occasionnera sans nul doute une contagion des requêtes d’exception.

Dans tous les cas, il est crucial que les collectivités territoriales chargées du service public de la gestion des déchets soient étroitement associées à l’élaboration des décrets prévus par cette loi.

Malgré le travail d’orfèvrerie légistique des deux rapporteurs, nous demeurons circonspects quant au texte final qui nous est soumis. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, avec néanmoins toute la bienveillance que nous devons à Mme la rapporteure.

Alors que bon nombre de filières REP se constituent parfois dans la douleur, j’espère sincèrement que cette loi ne donnera pas lieu à d’autres initiatives conjoncturelles mettant à mal le principe pollueur-payeur, qui fait consensus sur l’ensemble des travées de notre hémicycle.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi sur la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est arrivée en débat avec l’aide du groupe Renaissance de l’Assemblée nationale et inscrite en priorité à l’ordre du jour à la demande du Gouvernement.

Elle vise en réalité à mettre en œuvre des dispositions prévues dans la loi Agec, votée en 2020. Certaines dispositions pour faciliter le tri sont d’ailleurs déjà lancées à la suite de l’adoption de cette loi. D’autres tardent un peu à s’étendre, comme les restrictions sur les prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres.

La question des déchets et de leur traitement est importante en termes de gestion et de gaspillage de nos ressources, mais la proposition de loi sur laquelle nous votons aujourd’hui n’apporte pas particulièrement d’avancée à ce sujet, alors qu’il y a urgence.

Les alertes sur la pollution de l’eau sont montées d’un cran ces dernières semaines. Il ne s’agit pas d’une nouveauté, puisque, au-delà des pesticides que le Gouvernement laisse toujours se répandre dans nos sols et dans notre eau, les microplastiques sont aussi présents dans les cours d’eau et les océans depuis de nombreuses années. Cela nous rappelle que nos efforts sont très insuffisants et qu’il nous faut agir davantage.

La fin des emballages plastiques pour les fruits et légumes doit bientôt arriver. Enfin ! Cela devrait avoir un effet positif sur notre santé, avec au moins un milliard d’emballages plastiques par an évités, d’après la ministre chargée de l’écologie de l’époque.

Il se pourrait donc que le tonnage de déchets diminue, ce qui aura aussi une conséquence à la baisse sur l’écocontribution. C’est ce que cette proposition de loi a le mérite de tenter d’anticiper, en constatant la réduction des moyens disponibles pour assurer le recyclage et le traitement des emballages ménagers et du papier et en proposant une fusion qui devrait garantir tout à la fois une meilleure lisibilité et une réduction des coûts de fonctionnement.

Permettez-moi de dire que tout n’est pas à jeter dans cette proposition de loi sur les déchets !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cela paraît cependant un peu léger, y compris pour garantir le ramassage et le traitement des emballages et du papier, alors que les collectivités manquent déjà de moyens. Dans certaines communes, la réduction de la collecte finit parfois par reposer sur les usagers, qui entassent leurs déchets ou qui voient apparaître de nouveau de véritables décharges sauvages dont personne ne veut.

Nous allons maintenir notre vote de première lecture, car la disposition permettant à la presse d’être considérée comme un objet différent d’un papier classique et qui favorisait les contributions en nature et pédagogiques plutôt qu’une écocontribution financière n’a pas été conservée.

Une vraie réforme est à mener sur la presse écrite, comme sur la presse numérique et audiovisuelle d’ailleurs, à la fois pour favoriser l’indépendance des médias, quel que soit leur format, et pour garantir un financement nécessaire à l’existence du pluralisme de l’information et du débat public.

La discussion ne peut pas porter uniquement sur la question de l’écocontribution, qui, en l’espèce, vient simplement déstabiliser un peu plus la situation économique de la presse écrite, dont nous connaissons les difficultés.

C’est pourquoi le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si je m’exprime au nom du groupe Union Centriste, je prends également la parole devant vous au titre de mes fonctions de rapporteur pour avis de la commission de la culture sur les crédits de la presse dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission mixte paritaire à laquelle j’ai participé le jeudi 30 mars dernier a abouti à un accord.

Sous des aspects techniques, dont le titre porte bien témoignage, le propos de ce texte était en réalité fort simple : fallait-il imposer à la presse, confrontée à une hausse massive des coûts et à la crise de son modèle économique, une charge financière supplémentaire d’une vingtaine de millions d’euros de compensation de l’écocontribution en nature à Citeo à compter du 1er janvier 2023 ?

Le rapport d’information que j’ai présenté devant la commission de la culture au mois de juillet dernier a conclu par la négative. La presse aux abois est trop importante pour notre démocratie. Ne fragilisons pas davantage ses fondements économiques ! Si elle peut et doit contribuer à la révolution écologique, d’autres moyens existent.

Ce constat, il faut le dire, a fait l’unanimité, à tel point que l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui reprenait et mettait en œuvre nos recommandations. Cependant, le texte de nos collègues députés reportait in fine la charge sur les collectivités locales ; tel n’était évidemment pas notre objectif.

J’avais d’ailleurs insisté dans mon rapport d’information sur la dette accumulée par l’État envers la presse, en promesses de crédits d’impôt bien mal tenues – 150 millions d’euros – et en amende à l’encontre de Google – 500 millions d’euros –, intégralement captée par le budget général.

Ce pas de l’État en direction de la presse, bien modeste en réalité, les députés n’ont pas souhaité le faire. Ils ont donc choisi les poches réputées profondes des collectivités ; les élus locaux présents ici savent bien ce qu’il en est…

Face à cette situation, la rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Marta de Cidrac, a mené un travail d’analyse et de conviction que je n’hésite pas à qualifier de remarquable.

La solution qu’elle a proposée permet de répartir la charge sur l’ensemble de la filière, ce qui me paraît plus judicieux. La presse continuera à contribuer, comme elle souhaite d’ailleurs le faire, sous forme d’encarts de sensibilisation au tri.

La solution proposée, je le sais, apparaît comme moins satisfaisante pour le secteur de la presse. J’ai bien entendu les différents points de vue exprimés. Je le dis cependant clairement : il y avait un fort risque que le texte de l’Assemblée nationale ne soit pas adopté du tout, un nouveau vote en dernière lecture étant pour le moins incertain.

Il faut en finir avec les politiques d’autant plus généreuses qu’elles sont prélevées dans les poches des autres…

Dès lors, la balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, qui devra faire en sorte que la claire volonté du législateur, exprimée par la proposition du Sénat en juillet, les votes convergents des deux assemblées et le succès de la commission mixte paritaire, soit bien respectée.

La contribution de la presse, telle qu’elle sera arrêtée dans le décret prévu à l’article 1er, doit se limiter à une participation en nature. J’insiste sur ce point, madame la secrétaire d’État, et j’attends de vous un engagement ferme, à même de rassurer l’ensemble de la filière.

Avec ce texte et cette heureuse conclusion, je me félicite que le Sénat, qui est à l’initiative et à la conclusion de cette proposition, ait pu jouer pleinement son rôle. Je remercie une dernière fois très chaleureusement Marta de Cidrac de son talent à emporter la conviction de tous.

Le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 274 :

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je suis heureux de l’issue de nos travaux : nous maintenons le papier et l’emballage dans une filière REP. Je veux en cela remercier notre rapporteure, Marta de Cidrac, qui a su nous proposer des solutions judicieuses.

Je salue aussi le travail réalisé avec la commission de la culture, en particulier avec son président et Michel Laugier ; nous avons réussi, ensemble, à aboutir à ce résultat. Il est très important que les commissions permanentes coopèrent pour améliorer les dispositions qui sont soumises à notre examen.

Je veux remercier Mme la secrétaire d’État, qui a été particulièrement présente au Sénat cette semaine §et qui s’est impliquée dans l’examen du texte.

Pour conclure, je veux insister sur un point : madame la secrétaire d’État, comme l’a dit Michel Laugier, je souhaite que le Gouvernement respecte pleinement la volonté du législateur.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur l’état de la justice dans les outre-mer.

Dans le débat, la parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les t ravées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à titre liminaire me réjouir de l’initiative du groupe auquel j’appartiens, qui a souhaité l’organisation de ce débat sur l’état de la justice dans les outre-mer.

Si la justice, mission régalienne de l’État – on n’a pas toujours l’impression que ce soit le cas outre-mer ! –, est sans conteste en grande difficulté dans l’Hexagone, elle est déjà, en outre-mer, dans un état de faillite avancée dans sa dimension tant humaine, morale et matérielle que structurelle.

L’avocat guyanais Me Patrick Lingibé, actuel vice-président de la conférence des bâtonniers, dénonce « l’état parfois comateux » de la justice en outre-mer.

Ces territoires, qui font pourtant la grandeur de la France en matière de géopolitique et de puissance maritime, sont éloignés de la République en termes de développement économique et social, mais aussi en ce qui concerne l’institution judiciaire.

En 2023, les territoires d’outre-mer présentent encore de nombreuses caractéristiques d’un retard en matière démographique, sociale et économique qui, d’une part, les distingue significativement de l’Hexagone, d’autre part, pèse sur l’activité des juridictions et des services déconcentrés de l’État.

L’accès au droit y est particulièrement précaire dans un contexte de grande pauvreté et de fracture numérique, largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire hexagonal. Le récent rapport de la Défenseure des droits le confirme clairement.

L’accès au droit est un principe fondateur de l’État de droit, dont l’une des dimensions fondamentales est de garantir à tous un accès égal à l’ensemble des prestations de justice qui existent dans une société démocratique. L’aide juridictionnelle permet à celles et ceux qui n’en ont pas les moyens de faire valoir de manière effective leurs droits auprès des juridictions.

Pourtant, la réalité est parfois tout autre pour les justiciables ultramarins : ils n’ont pas accès à leurs droits, parce qu’ils ont le tort de vivre sur des territoires considérés comme trop éloignés.

À titre d’exemple, il faut savoir que les citoyennes et les citoyens habitant Wallis-et-Futuna n’ont pas nécessairement accès à un avocat quand ils en ont besoin, pas plus que celles et ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ainsi, des personnes placées en garde à vue n’ont aucune possibilité d’avoir un avocat à leurs côtés à cause de l’éloignement.

Quant à la fracture numérique, elle existe bel et bien en outre-mer. Or le Gouvernement a annoncé un plan de transformation numérique avec un horizon fixé pour 2027 : un ministère de la justice entièrement numérisé, donc zéro papier… Cet objectif optimiste contraste radicalement avec les réalités ultramarines et cette digitalisation de l’institution judiciaire, pensée par la Chancellerie, est aujourd’hui profondément inadaptée pour les outre-mer.

Un rapport d’information du Sénat du 9 juillet 2020, fait au nom de la délégation aux outre-mer par Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar, a mis en exergue les effets dévastateurs du confinement dans certaines parties des territoires ultramarins qui sont restées isolées en l’absence de réseau internet efficient ou accessible.

La question des moyens humains et matériels est fondamentale. La sous-dotation chronique des moyens dévolus à la justice en outre-mer a fait l’objet de nombreuses alertes et préconisations.

Je prends l’exemple de la revalorisation de l’unité de valeur au profit des avocats ultramarins, qui doivent parfois se déplacer en avion ou en bateau pour aller défendre leurs clients. Une telle mesure permettrait d’apporter une réponse à des justiciables qui se trouvent privés d’avocats en l’absence de tout dispositif de prise en charge.

Dans un contexte de défiance importante vis-à-vis des institutions, les services judiciaires sont, en raison de leur mission régalienne, particulièrement exposés aux tensions sociales et à l’insécurité chronique que connaissent certains territoires ultramarins. La crise de confiance est majeure dans l’Hexagone ; elle est totalement désastreuse en outre-mer.

Le dernier épisode dans le scandale du chlordécone – un non-lieu décidé après dix-sept années de procédure – va assurément augmenter cette crise de confiance envers la République et sa justice. L’argumentation juridique n’a malheureusement plus aucune portée ou pertinence lorsque l’on n’utilise pas la même langue ou les mêmes codes sociétaux que dans l’Hexagone.

La justice suscite globalement une grave défiance outre-mer. Ainsi, il ressort d’une enquête réalisée par le cabinet Odoxa en 2021 pour le Conseil national des barreaux et étendue, pour la première fois, aux outre-mer que 58 % des Ultramarins affirment qu’il est difficile de faire valoir ses droits.

La situation des établissements pénitentiaires y est particulièrement préoccupante. En 2019, à deux reprises, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié en urgence des recommandations, sur le fondement de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007, à la suite de la constatation de violations graves des droits fondamentaux des personnes incarcérées dans les centres pénitentiaires de Rémire-Montjoly, en Guyane, et de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Nous savons que les prisons françaises sont surpeuplées, mais elles le sont plus encore outre-mer. Au 1er novembre 2022, il y avait 4 479 places disponibles pour 5 510 détenus outre-mer, soit une densité carcérale de 123 %, légèrement supérieure à celle de l’Hexagone, qui est de 119, 7 %, avec 56 219 places disponibles pour 67 299 détenus.

Mais la problématique carcérale ultramarine ne réside pas tant dans son taux de suroccupation que dans les conditions indignes et inhumaines de détention, qui ont souvent été décriées.

D’ailleurs, il est à relever que, dans l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020 condamnant la France pour des traitements dégradants et de mauvaises conditions de détention, en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, sur les neuf établissements pénitentiaires mis en cause par les trente-deux requérants, trois se trouvaient en outre-mer : Ducos en Martinique, Faa’a-Nuutania en Polynésie française et Baie-Mahault en Guadeloupe.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la section française de l’Observatoire international des prisons n’ont cessé de dénoncer l’indignité qui résulte des conditions carcérales dans certains établissements pénitentiaires en outre-mer.

Ce contexte rend particulièrement délicat le recrutement de personnels de justice dans certains de ces territoires. La prise de poste y est parfois extrêmement difficile, surtout pour les magistrats et les greffiers sortant directement des écoles de formation.

De façon générale, les services publics ultramarins posent des problèmes aux citoyennes et aux citoyens. On constate régulièrement une situation de maltraitance institutionnelle ; les réponses qui y sont apportées sont souvent inappropriées.

À ce titre, les conditions matérielles d’accueil des magistrats et des agents affectés dans ces territoires doivent être prises en compte de façon systématique pour faciliter la prise de poste. A minima, un mécanisme d’avance sur rémunération et un accompagnement individualisé pour l’installation sur place sont indispensables. Le taux d’absentéisme dans les services judiciaires atteint un niveau supérieur à la moyenne nationale, le taux de rotation est particulièrement élevé et l’ancienneté moyenne est bien inférieure à celle que l’on constate à l’échelle nationale.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’être présent devant nous aujourd’hui, mais j’aurais souhaité que votre collègue garde des sceaux soit à vos côtés pour répondre également sur ces problématiques. Il nous manque un maillon de la chaîne qui a aussi son importance !

Des solutions correctives sont parfaitement possibles, à condition d’y mettre une volonté très forte et des moyens financiers adaptés. Cela permettrait d’obéir aux principes de notre République, mais aussi d’apporter des réponses adéquates aux populations des différents territoires d’outre-mer.

Monsieur le ministre, votre gouvernement est-il prêt à répondre aux problématiques qui se posent de façon régulière dans nos territoires ?

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Jasmin, je veux d’abord vous remercier d’avoir choisi de mettre en avant cet après-midi un sujet ultramarin, tant j’ai de l’intérêt à venir échanger avec vous. Je tiens à vous exprimer ma profonde volonté d’agir sur les difficultés spécifiques de ces territoires.

Je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, qui est retenu par d’autres engagements. Vous savez qu’il porte une attention toute particulière aux territoires ultramarins, comme je vais essayer de le démontrer. J’ai des échanges réguliers avec lui sur les sujets qui nous sont communs. Les avances déjà effectuées ou en cours sur ces sujets sont considérables.

Je précise d’emblée que je ne pourrai pas, comme vous le savez, répondre sur les affaires en cours, pas plus que n’aurait pu le faire le garde des sceaux. Mais c’est avec plaisir que je vais tenter d’apporter des éclairages sur vos préoccupations.

Comme dans d’autres domaines, l’action du Gouvernement en la matière est empreinte à la fois de volontarisme et de pragmatisme. Il nous faut regarder les actions d’aujourd’hui et non pas seulement les rapports publiés voilà plusieurs années ; beaucoup a justement été fait à la suite de ces rapports ! Pragmatisme et volontarisme : c’est précisément ce vers quoi le Défenseur des droits voulait nous amener dans le rapport que vous avez évoqué, madame la sénatrice.

Je veux à présent vous répondre plus précisément sur les points que vous avez soulevés.

La politique de conciliation est essentielle, je vous rejoins sur ce point. Dans chacun des deux départements antillais, deux conciliateurs ont pu être recrutés en 2022. Cela est encore insuffisant, je le conçois, mais les juridictions poursuivent des campagnes de recrutement.

Les Antilles bénéficieront, comme l’ensemble du territoire, du large déploiement de la politique de l’amiable, l’une des suites des États généraux de la justice. Nos concitoyens souhaitent que leurs litiges puissent avancer. Or, parfois, la médiation ou d’autres modes de règlement des différends répondent mieux à leurs préoccupations que le recours à la justice en tant que telle.

Sur votre souhait que la justice soit rapprochée des concitoyens, je peux vous répondre que le garde des sceaux a fait de la justice de proximité, depuis bientôt trois ans, une priorité essentielle de son action.

Les hausses inédites que connaît le budget de la justice durant ces années profitent à tous : 68 personnels contractuels sont arrivés en outre-mer dans le cadre du déploiement de cette justice de proximité. La Chancellerie a bien pris en considération les recommandations du Défenseur des droits et procédera prochainement à un recensement des audiences foraines existantes et des besoins concrets des juridictions en la matière.

Vous pointez à juste titre l’aide juridictionnelle, sujet nécessairement lié au contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous. Je crois cependant comprendre que mon collègue garde des sceaux est prêt à étudier certaines évolutions en la matière, en sachant bien que cela devra reposer en même temps sur des engagements des avocats, ainsi que sur une réflexion sur l’évolution des modalités du recours, dans certains cas, à la visioconférence. Sachez en tout cas que la Place Vendôme examine cette question avec attention, notamment pour Wallis-et-Futuna, où je me suis rendu voilà peu.

Au-delà, ce sujet rejoint celui du coût de la vie dans les outre-mer, sujet qui, comme vous le savez, fait lui aussi l’objet de perspectives précises que le ministre de l’intérieur et des outre-mer et moi-même portons. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la revalorisation de l’unité de valeur ne fait pas partie des évolutions envisagées.

Je souhaite plus largement revenir sur l’intitulé du débat de ce jour : l’état de la justice dans les outre-mer. Mon collègue garde des sceaux est pleinement conscient que cet état n’est pas toujours parfait, pas plus qu’il ne l’est d’ailleurs dans l’Hexagone, mais cela résulte, vous le savez bien, d’une très longue histoire.

Les hausses importantes du budget de la justice au cours des dernières années permettent cependant d’entrevoir de potentielles améliorations.

De nombreuses créations de postes ont eu lieu : 108 postes de magistrats et de fonctionnaires ont été créés dans les services judiciaires depuis 2018, dont 71 dans les deux dernières années ; dans l’administration pénitentiaire, on est passé entre 2020 et 2023 de 2 800 à 2 932 postes en outre-mer, soit autant de postes supplémentaires permettant aux Ultramarins, très nombreux dans l’administration pénitentiaire, de revenir exercer leurs fonctions sur le territoire dont ils sont originaires. Ces renforts sont importants, mais ils sont loin d’être suffisants ; je le reconnais volontiers.

Le garde des sceaux a pris en compte les difficultés majeures d’attractivité de plusieurs départements, notamment Mayotte et la Guyane – c’est le problème principal pour les recrutements –, et met en place plusieurs mesures concrètes pour y remédier.

Ainsi, l’aide à l’installation est permise pour les magistrats et greffiers depuis l’an dernier, par le biais d’un marché public.

Un contrat de mobilité est aussi possible pour des postes de magistrat souffrant d’une absence de candidats : pour ces postes, le passage outre-mer est un véritable tremplin pour la carrière, avec l’assurance après trois ans de revenir dans l’Hexagone sur l’un des cinq postes sollicités en partant.

Avant les choix de postes, une formation intitulée Être magistrat outre-mer existe pour sensibiliser ceux qui sont intéressés. Des pôles spécialisés existent désormais à la direction des services judiciaires, pour sensibiliser aux spécificités de ces territoires. Des interventions sur les postes outre-mer sont désormais systématiques au moment des choix des postes, à la sortie de l’École nationale de la magistrature ou de l’École nationale des greffes. Le ministère de la justice a donc désormais parfaitement compris que, pour que la justice outre-mer fonctionne, il faut que les personnes venant y contribuer soient conscientes des spécificités du territoire dans lequel elles arrivent, et qu’elles soient accueillies, accompagnées et formées.

Le ministère de la justice contribue également à l’emploi outre-mer. Ainsi, je veux ici mettre en lumière que 28 % des surveillants recrutés depuis 2017 sur l’ensemble du territoire national sont originaires des territoires ultramarins : c’est un chiffre important.

Par ailleurs, un concours national d’affectation locale est en cours pour recruter sept greffiers à Mayotte et dix en Guyane.

De même, les outre-mer sont largement concernés par le plan de 15 000 places de prison, visant à moderniser et accroître la capacité de nos établissements pénitentiaires, qu’il s’agisse de ceux de Koné en Nouvelle-Calédonie, de Ducos en Martinique, de Baie-Mahault en Guadeloupe ou encore de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.

L’immobilier judiciaire n’est pas en reste, puisque des opérations d’ampleur sont actuellement prévues ou engagées, à des stades d’avancement différents, à Cayenne, Fort-de-France, Basse-Terre, Mamoudzou ou encore Saint-Laurent-du-Maroni.

Les projets judiciaires ultramarins en cours représentent plus de 800 millions d’euros d’investissements par le ministère de la justice. C’est considérable : la Défenseure des droits a été entendue ! Cette somme, absolument indispensable, démontre que l’État est au rendez-vous pour l’immobilier judiciaire outre-mer.

On construit aussi pour la protection judiciaire de la jeunesse, notamment dans les départements qui ont le plus besoin de cette action : de nouveaux centres éducatifs fermés sont prévus en Guyane pour le début de 2024 et à Mayotte pour 2025.

Ces nombreux projets montrent aussi que le ministère de la justice prend désormais en considération dans ses réflexions des paramètres tenant compte des caractéristiques climatiques de ces territoires. L’usure des bâtiments est en effet plus rapide dans nombre des territoires que nous évoquons.

Je pense que ce tour d’horizon – peut-être trop long, je m’en excuse – et les chiffres que j’ai cités démontrent bien que le Gouvernement prend en compte de manière particulièrement sérieuse, pragmatique et volontariste à la fois les problématiques liées à la justice et les sujets ultramarins.

L’effort humain et budgétaire est considérable ; je suis particulièrement heureux de vous le présenter ici aujourd’hui, parce qu’on ne le souligne peut-être pas assez. Je suis donc impatient d’en débattre avec vous et de répondre plus précisément à toutes vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Bernard Fialaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Depuis toujours, le groupe du RDSE est attentif au renforcement des moyens de l’État dans les outre-mer. La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite loi Érom, a fixé un objectif de convergence des territoires ultramarins avec la métropole. Parvenir à l’égalité réelle des droits et des services pour tous nos concitoyens, où qu’ils résident, impose des obligations. L’accès de tous à une justice de qualité en fait partie.

Aussi, monsieur le ministre, souhaiterais-je vous interroger sur l’aide juridictionnelle, qui n’est pas suffisamment adaptée à la réalité des territoires ultramarins. C’est un point que le Parlement connaît bien, car les difficultés liées à l’aide juridictionnelle reviennent chaque année à l’occasion de l’examen de la loi de finances.

Mon collègue Stéphane Artano s’inquiète en particulier du problème des frais de déplacement des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle. Leur défraiement n’est prévu que pour la Polynésie française. Or les problématiques d’éloignement et de continuité territoriale se posent aussi dans d’autres collectivités ultramarines, parmi lesquelles Saint-Pierre-et-Miquelon. Le coût très élevé du transport en avion constitue un véritable handicap pour l’accès au droit des justiciables.

Je souhaite donc attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’ajuster les modalités d’indemnisation des frais de déplacement engagés par les avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ; il faudrait notamment que cette indemnisation soit relevée dans tous les territoires où l’accès aux juridictions est particulièrement difficile.

Monsieur le ministre, doit-on rappeler que l’égalité est au cœur de notre pacte républicain ?

Mme Victoire Jasmin applaudit.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur Fialaire, la question d’importance que vous soulevez est bien prise en compte aujourd’hui par les services du ministère de la justice.

À l’évidence, les sujétions économiques des avocats doivent être prises en compte. Or, compte tenu des distances importantes qui, comme vous l’avez noté, peuvent séparer le lieu d’exercice professionnel habituel d’un avocat et celui de son intervention, du fait notamment de l’absence d’un avocat sur place, le coût induit par le seul déplacement est tel qu’il arrive que les avocats ne puissent parfois se rendre matériellement sur place. Je pense notamment à Wallis-et-Futuna, que j’ai cité tout à l’heure, et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ajoutons que l’exercice de la profession d’avocat est contraint par d’autres problèmes que ceux qui sont strictement financiers.

Je me dois toutefois de préciser que des dispositions permettent déjà la prise en charge de certains frais de déplacement des avocats intervenant dans le cadre de l’assistance judiciaire. Ainsi, c’est le cas pour les avocats de Nouméa qui se rendent à des audiences foraines dans l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. C’est encore trop restreint, mais le processus est engagé.

Il n’en demeure pas moins que de nombreuses situations ne sont pas aujourd’hui prises en compte ; nous en sommes parfaitement convaincus.

La seule réponse que je peux vous faire aujourd’hui est celle-ci : le ministère travaille sur ce sujet. J’ai confiance dans le fait qu’un certain nombre de sujets seront pris en compte. Ainsi de Wallis-et-Futuna : il faudra en la matière faciliter les déplacements depuis Nouméa, et non depuis Paris !

Le ministère de la justice travaille donc à modifier ces dispositions. L’augmentation de l’indemnisation des frais de déplacement ne sera pas le seul levier. Il faut aussi développer la « vidéo-intervention », si je puis dire, de l’avocat entre son lieu d’exercice et le lieu de la juridiction. En effet, soyez certain que l’aide financière offerte ne garantira pas la présence matérielle de l’avocat. C’est pourquoi il nous faut travailler en parallèle à une intensification du recours à la visioconférence, en pleine concertation avec les organisations représentatives de la profession d’avocat. C’est le plus important !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu que vous alliez travailler. Mais ce que nous voudrions maintenant, c’est que vous travailliez vite et bien, parce que l’égalité des droits sur l’ensemble de nos territoires est tout de même l’un des socles de notre République !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur, l’ensemble des annonces que j’ai faites dans mon propos liminaire et des réponses que je vais apporter à vos questions démontrent que nous sommes en train de travailler vite et bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Elsa Schalck

Je me fais ici l’écho de ma collègue Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy, qui aurait souhaité vous poser cette question, monsieur le ministre.

Saint-Barthélemy fait face à une nette augmentation de la délinquance. Les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ont connu une hausse de 50 % entre 2021 et 2022, les portant à 123 faits. Les escroqueries ont, quant à elles, connu une hausse de 25 %, de même que les atteintes aux biens. Pour autant, malgré une convention passée avec la collectivité, le nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) est insuffisant : 27 gendarmes mobiles y sont déployés, dont 10 OPJ.

L’île ayant jusqu’alors connu un niveau de délinquance très faible, elle n’était pas préparée pour faire face à ce phénomène relativement nouveau par son ampleur. Les effectifs judiciaires ont ainsi progressé moins vite que les besoins.

La première des préoccupations porte sur le rajeunissement des prévenus. Nombre d’entre eux sont mineurs et requièrent des dispositifs de protection judiciaire. Cette inquiétude est du reste au cœur des travaux que nous menons, avec la délégation sénatoriale aux droits des femmes sur la question de la parentalité outre-mer.

Le nombre des dossiers exige désormais que les audiences foraines se répartissent sur deux ou trois journées au lieu d’une seule. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ces audiences sont un élément essentiel de la présence de la justice sur l’île. À cet égard, un épisode récent de renvoi d’une matinée entière d’audiences a mis en évidence la problématique de la continuité de la justice dans la zone.

Une part importante des délits est liée à la consommation d’alcool ou de stupéfiants. En la matière, la rapidité de la sanction judiciaire contribue à l’indispensable message de fermeté en matière de sécurité, a fortiori sur une île comme Saint-Barthélemy.

Depuis trois ans, les contentieux civils sont également en forte hausse. Saint-Barthélemy concentre 70 % des contentieux des îles du Nord. Ceux-ci portent principalement sur des baux d’habitation, des demandes d’expertise ou des successions.

Monsieur le ministre, ma question est donc simple : une mise à niveau des effectifs est-elle envisagée à court terme pour Saint-Barthélemy ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Madame la sénatrice, votre question porte sur plusieurs sujets.

Le premier concerne l’assistance en matière de violences faites aux femmes. Je vous confirme la nomination toute prochaine d’une déléguée interministérielle pour les droits des femmes et l’assistance familiale spécialisée outre-mer. Nous avons eu hier une réunion de travail sur ce sujet ; certains d’entre vous étaient présents. La personne qui sera nommée a été choisie, les financements sont prévus, il ne reste plus qu’à procéder à la nomination. Nous allons aussi travailler, avec mes collègues Charlotte Caubel et Isabelle Rome, à apporter des réponses aux violences familiales, à l’image de ce qui se fait à Wallis-et-Futuna ; c’est très important.

Vous nous interrogez aussi sur les effectifs de police. Ils sont en augmentation, même si des problèmes globaux demeurent : nous sommes en train d’y répondre, grâce à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Mon problème est de disposer de garde-côtes et de gendarmes supplémentaires à Saint-Barthélemy, notamment pour la gendarmerie aérienne de l’aéroport de ce territoire.

J’en viens à la question des magistrats. Saint-Barthélemy reçoit des audiences foraines du tribunal de Basse-Terre. La création d’un tribunal ressort directement de l’organisation de la justice. Pour l’instant, on s’en tient aux audiences foraines.

Au vu de la publication des mouvements annuels au sein de la magistrature, les effectifs du tribunal judiciaire de Basse-Terre seront au complet le 1er septembre prochain. Les manques de magistrats seront comblés grâce au lancement d’un appel à candidatures. Cela permettra de mieux servir Saint-Barthélemy. Ensuite, l’organisation locale de la justice dépend du président du tribunal de Basse-Terre, et non du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le ministre, je me fais l’écho de mon collègue Jean-Louis Lagourgue, qui souhaitait vous interroger.

Comme chaque territoire de la République, les outre-mer sont pluriels. On y retrouve néanmoins des problématiques similaires. L’état de la justice dans les outre-mer laisse en effet apparaître une surpopulation carcérale parfois plus importante que dans l’Hexagone, mais également une insécurité extrêmement préoccupante dans certaines collectivités. De nombreuses juridictions souffrent d’un manque d’attractivité. Il est bien difficile, dans ces conditions, d’assurer le remplacement des magistrats mutés.

Alors que les déserts médicaux, économiques et démographiques côtoient parfois des déserts judiciaires, la question de l’accès au droit se pose pour beaucoup de nos compatriotes ultramarins. Les difficultés géographiques et démographiques sont nombreuses. Chaque territoire tente de les résoudre le mieux possible.

Ainsi, en Polynésie française, une dotation existe, afin de prendre en charge les frais de déplacement des avocats dans le cadre de l’aide juridictionnelle. En revanche, à Wallis-et-Futuna, les accusés sont bien souvent défendus devant les cours d’assises par des citoyens défenseurs qui ne sont pas des avocats. En effet, l’aide juridictionnelle ne couvre pas aujourd’hui l’ensemble des frais de déplacement des avocats venant de Nouméa.

Monsieur le ministre, quelles solutions peuvent être envisagées pour permettre à tous nos concitoyens d’être assistés ou représentés par un avocat chaque fois que cela est nécessaire ? Serait-il possible d’étendre le dispositif polynésien à l’ensemble des territoires ultramarins ? Il est indispensable de garantir à chaque enfant de la République l’égalité devant la justice !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur, je vous remercie de vous être fait le porte-parole de M. Lagourgue.

Je me suis déjà exprimé sur les questions qu’il pose, ainsi que sur la question récurrente de la construction de prisons ; l’effort en la matière est considérable.

Pour ce qui est des citoyens défenseurs de Wallis-et-Futuna, la question est vieille comme ce territoire, si j’ose dire. On nous dit qu’il faudrait, pour la dépasser, créer un tribunal. La réponse, c’est du travail, encore du travail et des dotations budgétaires : ce qui me préoccupe le plus, c’est l’accueil des magistrats et l’attractivité des postes. Il nous faut travailler sur le logement, sur les primes, sur l’affectation ultérieure.

Cependant, je constate – vous me direz que c’est mon métier, mais les faits sont là – une amélioration depuis trois ans. Ce qu’il faut, c’est aller au-delà et plus vite ; en cela, je suis d’accord avec vous. Nous y reviendrons à l’occasion de la question de M. Sueur sur l’état des prisons : c’est la part la plus significative de notre action dans ce domaine. Vous n’allez pas y croire, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – je pense en particulier à Victoire Jasmin, qui est à l’initiative de ce débat –, le constat étayé qui est ressorti des États généraux de la justice, qui se sont tenus l’an dernier, était attendu, même si leurs conclusions sur l’état de la justice dans notre pays n’ont pas surpris grand monde : 70 % des Français estiment que la justice n’a pas les moyens suffisants pour faire son travail. La justice est malade ; c’est en effet le résultat d’une très longue histoire.

La situation est – hélas ! – bien pire dans les outre-mer qu’en métropole, comme pour beaucoup de services publics. Clairement, un effort financier a été entrepris par ce gouvernement, mais la répartition de ces hausses budgétaires et leurs objectifs ne permettent que trop peu de répondre aux attentes et aux besoins de la justice.

Vous le savez, notre groupe ne pense pas que la dématérialisation à outrance, l’apport d’assistants de justice – postes non pérennes –, l’envoi pour des périodes limitées de magistrats en renfort dans ces juridictions en souffrance ou encore la construction de places de prison comme marqueurs chiffrés d’une justice qui reprend vie soient la réponse appropriée.

Dernièrement, le vice-président de la Conférence des bâtonniers a pu s’exprimer sur le sujet, relevant la faible place octroyée aux outre-mer dans le rapport issu des États généraux de la justice. Il préconise, pour parfaire la connaissance du territoire, de « créer au sein du budget consacré à l’aide juridictionnelle une ligne budgétaire consacrée à l’outre-mer », jugeant que cela « permettra des chiffres précis pour mesurer la réalité de l’accès au droit par territoire ultramarin ». La spécificité démographique, géographique et sociologique de ces territoires riches de plus de 2, 7 millions d’habitants doit être mieux prise en compte.

Aussi ma question portera-t-elle sur l’assistance des personnes placées en garde à vue, dont on sait que certaines n’ont parfois, pour des raisons d’éloignement, malheureusement pas la possibilité d’avoir un avocat à leurs côtés. Le Gouvernement compte-t-il réfléchir à la mise en place de dispositifs sécurisés d’assistance en garde à vue lorsque les distances rendent la venue d’un avocat impossible dans des délais raisonnables ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

J’entends ces questions, qui portent sur ce que vous considérez comme une insuffisance de l’aide apportée au citoyen dans sa défense.

La solution, je le redis, c’est un travail continu et permanent. À ce propos, je note que le budget de la justice outre-mer a augmenté de 14 % entre 2018 et 2022, et augmente encore en 2023. Faut-il une ligne budgétaire consacrée uniquement à l’outre-mer ? Je ne le crois pas. J’ai la conviction profonde que l’unité de la République s’exprime dans la prise en compte des outre-mer dans chaque décision budgétaire. Je ne crois pas, en revanche, à la nécessité d’un chapitre budgétaire spécifique pour la justice outre-mer : ce serait pointer du doigt des concitoyens qui rencontrent déjà suffisamment de difficultés.

Quant aux magistrats en mission, ils ne sont en effet pas la solution à moyen et long termes : ce n’est qu’un cautère sur une jambe de bois, en attendant l’arrivée de magistrats professionnels. Des postes sont créés ; on sait le manque d’attractivité dont ils souffrent, mais aussi les efforts faits pour cette attractivité et, surtout, pour la formation de ces magistrats et la suite de leur carrière. Voilà ma réponse : un travail continu. Je vous saurai donc gré de voter tous les budgets !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Guy Benarroche, au nom de qui je vous pose cette question, vous demande de vous engager, au vu de l’ampleur de la fracture numérique dans ces territoires, à maintenir le recours au papier dans les territoires ultramarins où la couverture internet, voire téléphonique est défaillante.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

La politique « zéro papier » n’est pas pour demain ; c’est seulement pour 2027. On a donc le temps d’avancer. Il faut y aller très progressivement, car il serait à l’évidence impossible de supprimer d’un coup tout le papier, même si le temps viendra où il faudra prendre la décision définitive.

Néanmoins, on ne peut pas dire que tout va mal en matière d’accès numérique. Regardez ce qui se passe en Guyane actuellement : je pense notamment à ce que fait le recteur d’académie, en liaison avec le président de la collectivité territoriale, pour l’éducation par les réseaux informatiques. On parvient ainsi désormais à raccorder Saül à ces réseaux. Je pense que le plan France 2030 permettra de financer tout cela plus avant, d’ici à 2027.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Seules deux pages et demie, sur deux cent cinquante, sont consacrées aux outre-mer dans le rapport issu des États généraux de la justice. C’est peu lorsque l’on sait que les terribles constats qu’il dresse sont plus graves encore dans ces territoires. Entre particularismes géographiques, pauvreté, fracture numérique, barrières linguistiques, défaut d’attractivité et insécurité, les outre-mer cumulent les difficultés.

En outre, l’accès à la justice y est complexifié par l’absence d’effectivité de certains droits essentiels, comme l’aide juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna ou l’indemnisation des frais de déplacement des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle devant les juridictions de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin ou encore Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.

Pour remédier à cet état de grande fragilité, le garde des sceaux a annoncé le recrutement de vingt-sept nouveaux juristes assistants et déployé à titre expérimental un dispositif de soutien à Cayenne et à Mamoudzou, en envoyant pour une période limitée des magistrats en renfort pour traiter les dossiers dans ces juridictions en souffrance.

L’utilité de ces fameux « sucres rapides », comme il les appelle, pour parer à l’urgence de la situation est démontrée depuis leur création.

L’inspection générale de la justice (IGJ) soulignait néanmoins, en octobre 2020, la nécessité de bâtir un plan stratégique d’actions à la fois communes et propres à chaque territoire ultramarin. Je rappelle que l’outre-mer compte 13 territoires répondant à 4 catégories juridiques différentes, avec, pour chacun d’entre eux, un cadre institutionnel différent !

Cela suppose, selon l’IGJ, de développer une fonction prospective jusqu’à présent peu investie par l’administration centrale. Aussi, quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cette recommandation pour injecter, désormais, les sucres lents dont nous avons tant besoin ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, en effet, la justice ultramarine a besoin d’un plan stratégique. Celui-ci existe déjà pour les institutions pénitentiaires – je le démontrerai tout à l’heure.

Je tiens compte des conclusions des États généraux de la justice et je salue l’attitude du garde des sceaux. Celui-ci fait partie des ministres qui s’intéressent fortement à l’outre-mer.

Nous devons mener ensemble le combat pour la prise en considération des outre-mer dans chaque institution, qu’elle soit parlementaire, indépendante ou gouvernementale. Nous ne sommes pas au bout du voyage, mais je salue ce qui a été accompli en ce sens.

Je le répète, un poste de délégué aux outre-mer, directement placé auprès de la secrétaire générale du ministère de la justice, a été créé en 2021. De même, nous allons instituer un poste de délégué aux droits des femmes et aux violences intrafamiliales. Nous avons décidé hier, Isabelle Rome et moi-même, d’établir dans chaque territoire un plan stratégique sur ce sujet, que je déclinerai avec Charlotte Caubel. Et ce n’est pas une histoire d’argent, rassurez-vous.

Pour répondre plus précisément à votre question, deux coordinateurs locaux ont d’ores et déjà été recrutés là où les besoins sont les plus grands : l’un à Mayotte et à La Réunion et l’autre en Guyane. Leur action, combinée à celle du délégué, a permis des avancées concrètes : des concours nationaux à affectation locale sont organisés, dont l’un est en cours et permettra le recrutement au mois de juillet prochain de 7 greffiers à Mayotte – un territoire qui vous tient évidemment à cœur, monsieur le sénateur – et de 10 greffiers en Guyane.

Il nous faut surtout mieux informer les candidats potentiels aux postes localisés en outre-mer. Le secteur de l’informatique étant prioritaire, 14 techniciens du secrétariat général du ministère travaillent sur les réseaux depuis 2020.

Il reste beaucoup à faire dans le cadre de ce plan. Nous pourrons en reparler dans un autre contexte, en particulier pour ce qui concerne Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Ce plan stratégique est nécessaire. Le Gouvernement peut trouver au Sénat des partenaires qui l’aideront à le mettre en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, j’évoquerai la surpopulation carcérale, qui s’élève à 123 % en moyenne dans l’ensemble des territoires ultramarins.

Comme vous le savez, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour l’indignité de ses prisons, en particulier à cause de trois établissements situés outre-mer : le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe, celui de Ducos, en Martinique, et la prison de Faa’a-Nuutania, en Polynésie française.

J’ajoute que les conditions de détention sont particulièrement difficiles à Nouméa, où certains détenus – Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté s’en est émue – sont logés dans des containers marins sans isolation thermique ou phonique et sans système électrique sécurisé. Il s’agit d’un véritable problème et j’espère, monsieur le ministre, que vous ferez en sorte de mettre fin à ces conditions indignes.

Par ailleurs, j’ai sous les yeux un rapport de la Contrôleure sur le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, en Guyane, dont je vous lirai seulement les titres : « La surpopulation est chronique », « Les conditions d’hébergement sont indignes », « L’hygiène désastreuse présente des risques pour la santé des personnes détenues et du personnel », « L’établissement connaît un climat de violence extrême dans un contexte d’inactivité généralisée », « Les mesures prises pour répondre à la violence ne sont pas suffisamment encadrées ».

Monsieur le ministre, allez-vous enfin parler de la régulation ? Vous évoquez la construction de nouvelles prisons et des créations de postes, mais nous savons que la question de la surpopulation carcérale en outre-mer – comme d’ailleurs en métropole – ne se réglera que par la régulation, c’est-à-dire en privilégiant d’autres peines à la détention, celle-ci n’étant pas, vous le savez très bien, la seule mesure applicable.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur Sueur, comme vous le savez, le rapport de la CEDH date de 2020, et mon impression, que j’essaierai d’étayer, est que ses conclusions ont été prises en considération.

Il est difficile de construire, mais je suis conscient du problème : je connais très bien la prison de Basse-Terre, où je me suis rendu, de même que celle de Nouméa. Celle de Baie-Mahault est plus moderne.

Pour ce qui concerne la régulation, nous menons des actions très fortes en matière de sécurité. Nous faisons face à des bandes de voyous ou de casseurs – pour ne pas dire plus – très violentes. Or la présence renforcée des gendarmes augmente le nombre d’interpellations et d’incarcérations. Il s’agit d’une partie du problème, l’autre étant naturellement la vétusté horrible de certaines prisons.

Aussi, plutôt que de réguler, notre réponse consiste à construire des prisons. Dans cette perspective, nous venons d’ouvrir, et je m’en réjouis, un établissement de 120 places à Koné, en Nouvelle-Calédonie, qui déchargera le centre de Nouméa et permettra d’incarcérer les délinquants nouvellement interpellés.

De même, une structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) de 120 places sera ouverte dès 2025 en Martinique. Il s’agit d’un établissement axé sur la réinsertion – c’est, à mon sens, mieux que la régulation –, …

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

… disposant d’une plateforme animée par l’ensemble des partenaires locaux.

Par ailleurs, la régulation pose des problèmes de sécurité, compte tenu des personnes à qui nous avons affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand la situation devient explosive, il faut construire !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Nous sommes donc d’accord, il faut construire !

En Guadeloupe, les deux établissements pénitentiaires feront ainsi l’objet d’extensions, pour un total de 400 nouvelles places, qui seront livrées en 2024 pour le premier et en 2027 pour le second. De plus, 500 places supplémentaires sortiront de terre à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, où est prévue également la création d’un tribunal spécifique, ce qui désengorgera peut-être la prison de Rémire-Montjoly. Ces constructions sont extrêmement importantes, me semble-t-il.

Il nous faut également travailler sur le personnel pénitentiaire et sur la mise aux normes – j’ose ce mot, car il y a des établissements indignes, notamment ceux de Ducos et de Basse-Terre, que je connais.

Jamais, depuis quinze ans, un gouvernement n’a mené une programmation aussi ambitieuse que celle pour laquelle je me bats aux côtés du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux. Il nous faudra nous y tenir. Honnêtement, la régulation n’est pas l’option que nous privilégions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est ce qu’a dit M. François Molins lors des États généraux de la justice !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Je ne suis pas M. Molins, et celui-ci n’est plus chargé de ce dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le ministre, une opération de lutte contre l’immigration illégale intitulée « Wuambushu », organisée par le ministère de l’intérieur, sera menée à Mayotte à la fin du mois d’avril. Elle se traduira par le déploiement de 400 gendarmes mobiles supplémentaires et la venue de la CRS 8, spécialisée dans les violences urbaines, pour effectuer des reconduites à la frontière.

L’amalgame qui est effectué entre l’immigration et la délinquance et l’instrumentalisation dont fait l’objet l’institution judiciaire, mise au service d’une politique pénale décidée par le ministère de l’intérieur, ne sont pas acceptables.

Les informations qui parviennent de l’autorité judiciaire laissent entendre que cette dernière ne sera pas affectée, car les nombreuses personnes qui seront placées en centre de rétention administrative (CRA) n’auront pas le temps de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD). Il est déjà question de faire venir trois bateaux pour expulser les personnes étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nos magistrats du siège doivent demeurer indépendants et se tenir loin d’une politique pénale expéditive et du tout-répressif. Des reconductions aux frontières expéditives, je dirai même systématiques, se font forcément au mépris d’enquêtes plus approfondies.

Nous relayons ici les inquiétudes exprimées par l’Unicef, le Conseil national des barreaux (CNB) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui se sont émus de cette opération, ainsi que celles d’associations et organisations qui s’inquiètent, en particulier, du devenir des mineurs, l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne pouvant accueillir ces derniers faute de subventions.

Quant aux magistrats administratifs, ils envisagent le triplement des requêtes, le greffe du tribunal administratif menaçant même de se mettre en grève !

Si cette opération se déroule, comme prévu, de manière purement administrative, sans que la justice ait été associée – ou très peu –, la justice judiciaire deviendra, par son silence, l’alliée objective du pouvoir administratif.

Monsieur le ministre, cette opération menée par le ministère de l’intérieur suscite de nombreuses craintes et interrogations, notamment celle de savoir si certains droits fondamentaux ne seront pas directement attaqués.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Madame la sénatrice, le premier droit fondamental est de pouvoir vivre dans un territoire où la loi de la République est respectée, où les passants ne sont pas attaqués, où des élèves ne se font pas couper la main dans les bus et où les biens ne sont pas brûlés systématiquement !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous ne parlez jamais des causes, toujours des conséquences !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Mais si, nous parlons des causes, madame la sénatrice : un plan financier colossal est prévu pour Mayotte. Je ne puis le dévoiler aujourd’hui, mais le sénateur Mohamed Soilihi le connaît.

Nous marchons sur deux pieds. Et, oui, il faut de la répression !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Il faut que les gens rentrent chez eux, tout simplement !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Pour vous répondre, les opérations qui seront conduites à Mayotte s’inscrivent dans la continuité du plan interministériel Shikandra, qui a été engagé pour répondre au besoin de sécurité exprimé par tous les Mahorais, lesquels ont droit à la sécurité, comme tous les citoyens de la République.

Ces opérations visent, en premier lieu, à interpeller ceux qui contribuent à terroriser la population en organisant des meurtres et des embuscades, en attaquant des bus scolaires et en allant jusqu’à couper la main des jeunes qui s’y trouvent… Où sommes-nous ? Il nous faut réagir !

Les opérations de reconduites à la frontière et de destruction des habitats indignes qui sont engagées et se poursuivront sont naturellement conduites, croyez-le, dans le strict respect du droit des personnes mineures.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas ce que dit le Conseil national des barreaux !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Je ne sais pas qui a dit quoi. Pour ma part, j’observe ce que font l’administration et les magistrats en poste, mais aussi les procédures qui s’appliquent, en lien étroit avec les acteurs judiciaires.

Pour répondre à ces défis, le ministère de la justice a envoyé en renfort, dès le 1er février et pour une durée de six mois, 6 magistrats pour appuyer le tribunal judiciaire de Mamoudzou. Un dispositif analogue a été prévu pour renforcer de 7 agents le personnel du greffe.

Ces renforts substantiels, dont l’expérimentation avait été annoncée par le garde des sceaux dès septembre 2022, ont d’ores et déjà permis d’engager une série d’interpellations de chefs de bandes, qui sont des assassins. Peut-on les interpeller et les juger ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Vous évoquez également le sujet des avocats.

Le garde des sceaux n’a, à ce jour, pas eu connaissance de difficultés que rencontrerait le barreau de Mayotte. Pour autant, les instances administratives et judiciaires locales entretiennent au quotidien des relations très fluides avec les avocats mahorais et réunionnais dans le cadre du traitement du contentieux lié aux opérations de déconstruction et de reconduite.

Tous les services de l’État sont mobilisés pour faire face à la situation sécuritaire et migratoire, en agissant en priorité contre les délinquants, les réseaux criminels et les passeurs, et pour offrir des conditions d’accueil dignes aux ayants droit. Nous faisons tout pour respecter le droit judiciaire. La priorité est de faire juger rapidement les personnes interpellées, auxquelles sont donnés les moyens de faire appel. Elles peuvent saisir les juridictions, il n’y a aucun problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le ministre, il est vrai que nos questions sont quelque peu redondantes, mais après tout, plus on tape sur le clou, plus il entre. Aussi, j’espère que nous finirons par être entendus.

Il y a très exactement un an, le comité des États généraux de la justice, présidé par Jean-Marc Sauvé, remettait au Président de la République son rapport intitulé Rendre justice aux citoyens.

Bien que seules deux de ses deux cent seize pages soient consacrées aux outre-mer, ce document rappelle quelques vérités fondamentales que nous connaissons bien. Ainsi, dans les outre-mer, « l’accès au droit est particulièrement précaire dans un contexte de pauvreté et de fracture numérique largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire européen de la France ».

En effet, en raison de l’état des infrastructures de réseau et d’un taux d’illectronisme plus élevé, comme l’a souligné Victoire Jasmin, les Ultramarins n’ont pas accès aux services numériques dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone. Nos collègues de la délégation aux outre-mer Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar en faisaient déjà le constat dans un rapport d’information déposé le 9 juillet 2020, qui a montré les effets dévastateurs de la fracture numérique en période de confinement dans certaines parties, exclues et isolées, des territoires ultramarins.

Or, lors de sa présentation du plan d’action pour la justice le 5 janvier 2023, le garde des sceaux a fixé « un horizon clair pour 2027 : un ministère de la justice entièrement numérisé », avec un « objectif zéro papier ». Ce but optimiste contraste radicalement avec les réalités ultramarines.

Ma question est donc la suivante : est-il prévu que le recours au papier reste de mise en outre-mer, dans certains endroits privés d’internet et de réseau téléphonique ? En effet, permettez-moi de vous le dire, le problème ne sera pas résolu en 2027 ! Sinon, quels moyens l’État entend-il mettre en œuvre pour offrir aux citoyens de ces territoires un accès numérique effectif à la justice et au droit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Jean-François Carenco, ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux et moi-même ne serons vraisemblablement plus en poste en 2027, lorsqu’il faudra appuyer sur le bouton. Mais ce qui est clair, c’est qu’il est hors de question de le faire avant cette date.

J’ose espérer que nos successeurs auront la bonne idée de s’assurer que le dispositif fonctionne avant de trancher. En tout cas, nous nous préparons. Le tout-numérique fonctionne dans l’éducation nationale. Espérons qu’il en aille de même dans l’accès au droit et à la justice.

Le rapport que vous avez évoqué ayant été réalisé par M. Sauvé, que l’on ne me fasse pas le reproche qu’il ne s’intéresse pas aux outre-mer – je le dis pour les intervenants qui vous ont précédée, madame la sénatrice.

En ce qui concerne la transformation numérique, nous essayons d’avancer vers 2027. Ainsi, nous recrutons un technicien informatique de proximité par juridiction – je précise que les juridictions doivent être suffisamment petites pour que le technicien puisse couvrir le territoire. En outre-mer, ces techniciens s’ajouteront au secrétariat général du ministère qui y a déjà été déployé : 14 agents ont été recrutés depuis 2020 pour s’occuper du réseau et du matériel.

Par ailleurs, plusieurs avancées sont prévues pour répondre aux spécificités ultramarines. Pour tenir compte des différents faisceaux horaires, les services de la hotline interne seront désormais joignables seize heures par jour en semaine et vingt-quatre heures sur vingt-quatre les week-ends et les jours fériés.

De plus, nous avons identifié l’effet délétère des arrêts d’applicatifs liés à des mises à jour durant la nuit hexagonale. Aussi travaillons-nous à réduire la durée de ces mises à jour, et des investigations techniques sont en cours pour limiter, voire éliminer ces arrêts d’applicatifs.

En d’autres termes, nous travaillons pour que tout fonctionne en 2027. Si tel n’est pas le cas, je suis convaincu que le garde des sceaux, quel qu’il soit, n’appuiera pas sur le bouton.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre, mais sachez que nous n’avons toujours pas résolu le problème des zones blanches, ne serait-ce que pour la téléphonie… Permettez-moi donc de rester quelque peu sceptique.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

La réduction des zones blanches en outre-mer, notamment en Guyane, fait l’admiration de nombreux citoyens de l’Hexagone.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Monsieur le ministre, la Haute Assemblée a conduit en 2021 une mission parlementaire sur le sujet de l’insécurité à Mayotte.

À l’issue de nos travaux, j’avais formulé, avec le président de la commission des lois et mes collègues Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, seize recommandations, dont le renforcement des moyens humains du tribunal judiciaire, la création d’une véritable cour d’appel et la construction de locaux adéquats.

Le garde des sceaux s’est rendu à Mayotte en mars 2022 pour y faire une série d’annonces qui vont en partie dans le sens du rapport sénatorial. Mais, alors qu’un jeune greffier mahorais, l’année dernière, a dénoncé ses conditions de travail dans une lettre avant de tenter de mettre fin à ses jours, les recrutements d’agents qui ont été annoncés pour répondre aux besoins sont certes louables, mais insuffisants.

Il faut augmenter, d’une part, les moyens du parquet, d’autre part, les moyens d’instruction des juridictions mahoraises. Plus encore, quid de la création d’une véritable cour d’appel en lieu et place d’une simple chambre détachée ? Si l’on nous oppose régulièrement le fait que l’organisation actuelle semble satisfaisante au regard du faible volume des affaires traitées, c’est là faire fi de la réalité mahoraise.

Le procureur de la République comme le président du tribunal judiciaire ont souligné, au cours des auditions que nous avons menées, qu’une grande partie des affaires judiciaires échappe aux juridictions. Cela s’expliquerait parce que les Mahorais n’ont pas une culture judiciaire très développée et préfèrent régler les conflits par eux-mêmes

M. Thani Mohamed Soilihi fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Les acteurs de terrain demandent, de longue date, la création d’une cour d’appel de plein exercice, qui contribuerait à renforcer l’autorité juridictionnelle et le respect de l’institution, donc in fine le recours à celle-ci.

Cela mettrait fin aux difficultés logistiques et organisationnelles, qui se traduisent par des déplacements coûteux et fastidieux entre La Réunion et Mayotte. Enfin, cela constituerait un symbole fort, comme le fut la création d’une agence régionale de santé (ARS) et d’un rectorat propres à Mayotte.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur, nous avons évoqué tout à l’heure la sécurité et vous abordez, pour votre part, le fonctionnement de la juridiction mahoraise. Je tiens à réaffirmer que Mayotte ne se réduit pas à ses problèmes de sécurité, d’immigration et de justice.

Le travail que nous menons avec l’ensemble des élus de l’archipel est considérable, notamment dans l’éducation. Par ailleurs, le problème prioritaire à Mayotte est l’accès à l’eau, et les décisions que nous prenons doivent y répondre.

Pour ce qui est de la sécurité, nous avons installé des forces de police et de gendarmerie pérennes, notamment une unité du Raid (Recherche, assistance, intervention, dissuasion).

Toutefois, il faut aussi traiter les problèmes de fonctionnement de la justice. Faut-il ou non une cour d’appel spécifique à Mayotte ? J’ai envie de vous dire que, quand nous en serons là, nous aurons résolu de nombreux problèmes. En effet, si vous me donnez des moyens financiers pour Mayotte, ce n’est pas à cela que je les consacrerai d’abord.

La chambre d’appel de Mamoudzou est compétente pour statuer en appel sur l’ensemble des décisions de justice, à la seule exception de celles qui relèvent de la chambre de l’instruction. Nous avons donc une structure qui fonctionne.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Cela, c’est un autre sujet, monsieur le sénateur, et je ne commenterai pas ce que font les magistrats. Quoi qu’il en soit, il existe une structure compétente.

À mon sens, le vrai problème de la justice à Mayotte, dont on parle peu, ce sont les jeunes qui sont incarcérés à La Réunion et dont on ne fait pas grand-chose à leur sortie de prison. Voilà ce qui relève de mes compétences en matière de justice. Le reste, je le laisse volontiers au garde des sceaux, qui dispose de moyens budgétaires supérieurs aux miens.

Compte tenu des propos du sénateur de Mayotte, je demanderai que l’on se penche sur le fonctionnement de la chambre d’appel. Néanmoins, l’urgence absolue n’est pas de créer ex nihilo une nouvelle chambre, avec des magistrats supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Monsieur le ministre, depuis mars 2022, le président du conseil de prud’hommes de Basse-Terre et les associations syndicales représentant les entreprises de la Guadeloupe n’ont eu de cesse d’alerter les services compétents sur les difficultés que rencontrent les conseillers prud’homaux dans l’exercice de leurs missions.

En effet, les conseillers prud’homaux de Saint-Barthélemy et des Saintes – des îles du nord et de celles du sud, en quelque sorte – sont touchés par une double insularité, qui est particulièrement dure à vivre. En effet, ils ne sont pas toujours défrayés des déplacements et de l’hébergement nécessaires pour participer aux audiences.

Or le décret n° 2015-1761 relatif à l’indemnisation des conseillers prud’homaux résidant à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et siégeant au conseil de prud’hommes de Basse-Terre ne prévoit pas d’indemnisation du temps de trajet desdits conseillers, comme c’était le cas antérieurement.

De même, les frais de repas et d’hébergement, voire de location de voiture, ne sont pas entièrement indemnisés. Les retards accumulés dans les remboursements et défraiements d’audience sont particulièrement pénalisants : ils atteignent souvent trois à six mois après la tenue de l’audience.

Face aux nombreux problèmes liés au caractère archipélagique de la Guadeloupe, des mesures spécifiques doivent être envisagées par le Gouvernement pour revoir et adapter les modalités d’indemnisation des frais inhérents à l’exercice des fonctions des conseillers prud’homaux de notre archipel.

Le rapport de la Défenseure des droits de mars 2023 et l’audition toute récente de la présidente du Conseil national des barreaux convergent vers la nécessité absolue de mettre en œuvre tous les moyens pour lever les obstacles à l’égalité réelle dans nos territoires ultramarins et pour rendre l’accès aux droits effectif et équitable pour l’ensemble des Français.

Monsieur le ministre, les difficultés structurelles ne doivent pas entraver l’accès à la justice et au respect des droits des citoyens. Quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour garantir ces droits, en particulier aux conseillers prud’homaux ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

La justice prud’homale, comme la justice familiale, pose un véritable problème, car c’est par elle que nos concitoyens ont le plus souvent affaire à l’institution judiciaire. Il faut donc qu’elle fonctionne.

Le problème est double. Il concerne tout d’abord le paiement effectif des sommes dues – avant de considérer une éventuelle augmentation des tarifs. À cet égard, les chefs de la cour d’appel de Basse-Terre ont informé la Chancellerie – je demanderai d’ailleurs au garde des sceaux, madame la sénatrice, de vous fournir une réponse écrite – que, désormais, un suivi mensuel précis des remboursements serait tenu, ceux-ci ayant pris conscience des retards de paiement. Ils en ont pris l’engagement auprès du garde des sceaux.

En ce qui concerne l’augmentation de la couverture de divers frais, je ne suis pas certain que le remboursement des repas et des nuitées soit une priorité absolue. En revanche, les frais de déplacement doivent être indemnisés. Aussi, les services sont saisis pour que soit pris en considération le temps de transport au sein du temps de service des conseillers prud’homaux. C’est d’autant plus nécessaire que les conditions de transport dans certains sites sont celles que nous connaissons.

Madame la sénatrice, je souhaite que le garde des sceaux réponde lui-même à votre question, sous mon couvert, car la justice familiale et la justice prud’homale sont l’un des aspects de la justice qui touche le plus de personnes. Et j’ai plus de respect pour ces dernières que pour d’autres, qui ont été condamnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, j’avais appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que nous étions le seul territoire de la République à ne pas disposer sur notre sol d’un centre d’accès au droit.

La loi du 22 décembre 2021 a réparé cette injustice en prévoyant la création d’un centre d’accès au droit en Nouvelle-Calédonie à destination des personnes les plus éloignées. Pouvez-vous me dire, dix-huit mois après l’adoption de ce texte, comment cet engagement se traduit dans les faits ?

Par ailleurs je souhaiterais obtenir des précisions sur deux sujets de très grande importance relatifs à nos centres pénitentiaires.

Tout d’abord, je m’inquiète de l’état d’insalubrité et de surpopulation du Camp Est, surnommé « la prison de la honte ». Où en est le dossier de la nouvelle prison ? Il faut absolument avancer sur ce sujet, car la situation est très dégradée. Les autorités judiciaires, les forces de l’ordre et les gardiens du Camp Est attendent avec impatience cette nouvelle prison.

Ensuite, je salue l’ouverture du centre de détention de Koné, dans la province du Nord, sur lequel je me suis particulièrement investi avec mon collègue député Philippe Gomès. Pouvez-vous nous préciser les perspectives de cet établissement ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le sénateur, je ne comprends pas bien votre question sur le centre de Koné. À ma connaissance, il a ouvert en février dernier.

Pour ce qui est de Nouméa, l’état de la prison est en effet indigne, comme l’a souligné Jean-Pierre Sueur et comme j’ai pu le constater plusieurs fois lors de mes déplacements, avec parfois quatre détenus par cellule… La décision est prise de le rénover et de l’étendre. Commençons par la rénovation, car la situation est indigne, puis nous nous occuperons de l’extension.

En ce qui concerne l’accès au droit en outre-mer, le conseil d’accès au droit de la Polynésie française et celui de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été créés en 2022.

Au sujet de la Nouvelle-Calédonie, comme vous le savez, la répartition des compétences en la matière entre la Nouvelle-Calédonie et l’État avait suscité un débat juridique nourri, qui a été tranché, puisque la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire de décembre 2021 a acté la création du conseil d’accès au droit.

Rappelons que, en attendant sa mise en place effective, le ministère de la justice finance, chaque année, certaines actions au titre de l’accès au droit, afin de ne pas laisser les Calédoniens sans aide.

Pour répondre à votre question, le chemin de cette création étant parsemé d’embûches juridiques, la Chancellerie avance très méthodiquement, afin d’éviter toute erreur qui obligerait à un retour en arrière. Les problèmes juridiques entre la Nouvelle-Calédonie et l’Hexagone sont bien connus.

Le projet de texte, rédigé par le ministère de la justice, a été soumis à la consultation du Conseil national de l’aide juridique, qui a récemment émis un avis favorable sur cette disposition, attendue par tous.

Il est vrai que cela demande beaucoup de patience, et je vous en remercie, mais je suis en mesure de vous annoncer que le Conseil d’État sera très prochainement saisi du projet de décret.

En dépit de ce long chemin, la naissance de ce conseil est plus proche que jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Ma question, comme celle de mon collègue Gérard Poadja il y a quelques instants, a trait au taux de surpopulation carcérale chronique du Camp Est, qui est le centre pénitentiaire de Nouméa.

Vous le savez, ce centre a été implanté sur les vestiges de l’ancien bagne, qui date du Second Empire. Il compte actuellement quelque 600 détenus

M. le ministre délégué acquiesce .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Certes, des aménagements successifs ont été effectués au cours des dix dernières années ; en cela, mes propos sont proches de ceux qui ont été tenus précédemment par Jean-Pierre Sueur, notamment au sujet de l’installation de conteneurs maritimes. Néanmoins, l’état du bâti demeure très vétuste et sous-dimensionné.

Monsieur le ministre, ce constat pose évidemment la question du respect de la dignité des détenus, quand ceux-ci sont entassés, parfois à cinq ou six, dans une cellule de douze mètres carrés. À ce jour, l’État a été condamné par la justice administrative à verser plus de 700 000 euros d’indemnités.

Par ailleurs, à la suite des rapports de Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, les magistrats de l’ordre judiciaire ont prononcé des remises en liberté au motif que ces conditions de détention constituaient un traitement dégradant au sens de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le personnel pénitentiaire, pour sa part, rencontre des difficultés croissantes pour faire respecter l’ordre au sein de cette prison : 44 agressions ont ainsi été recensées en 2021 et en 2022, et 23 agressions depuis le début de cette année.

Monsieur le ministre, comptez-vous enfin annoncer la construction d’un nouveau centre pénitentiaire, en joignant à cette annonce un calendrier précis ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Je partage votre analyse, monsieur le sénateur – vous savez que je connais la situation –, tant sur les conditions indignes de détention que sur les violences carcérales à Nouméa.

À propos des violences carcérales, les formations porteront doucement leurs fruits et permettront peut-être de contenir cette situation. Néanmoins, l’unique solution consiste en la rénovation et en l’extension du Camp Est. En effet, les mesures qui seront prises en matière de lutte contre les violences ne suffiront pas à les réduire.

Toutefois, je voudrais insister sur la création de la prison de Koné par le Gouvernement. Il est vrai que celle-ci ne compte que 120 places, ce qui ne répond pas, malheureusement, à la hausse du nombre des incarcérations.

Au sujet des dates précises de début des travaux de réhabilitation et d’extension, comme je l’ai indiqué plus tôt, vous recevrez une réponse écrite. Je m’y engage, et nos rencontres fréquentes garantissent que cette promesse sera tenue.

M. Patrick Kanner applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a été condamnée à de multiples reprises ces dernières années, aussi bien par sa propre justice que par la CEDH, pour les conditions indignes de détention qu’elle impose dans ses prisons, y compris en outre-mer. Mes collègues Jean-Pierre Sueur et Pierre Frogier l’ont souligné.

L’état de ces prisons n’est que l’un des symptômes du mal qui frappe la justice dans son ensemble dans les outre-mer.

Une enquête, réalisée en 2021 pour le Conseil national des barreaux, révélait que 58 % des Ultramarins – jusqu’à 70 % en Guyane – considèrent qu’il leur est difficile de faire valoir leurs droits, ce qui constitue une proportion deux fois plus élevée qu’en métropole.

Cette injustice résulte d’une multitude d’inégalités. Comment ne pas s’alarmer, par exemple, de l’absence pure et simple d’avocats dans certaines situations, en raison d’un manque d’accompagnement de l’État pour les aider dans leurs déplacements ? À Wallis-et-Futuna, des accusés peuvent être défendus par des « citoyens défenseurs », c’est-à-dire qu’ils peuvent concrètement être privés d’avocat.

En réalité, la défaillance de la justice outre-mer catalyse les maux que connaissent nos services publics.

Ces maux se résument, monsieur le ministre, à un chiffre : la part du financement des services publics dans notre pays représentait 18, 1 % du PIB en 1980, contre 18 % aujourd’hui, alors que la population a très nettement augmenté. L’intégralité de la hausse de la dépense publique a profité aux transferts vers les entreprises.

Dans le même temps, la population des outre-mer est passée de 1, 4 million à 2, 7 millions d’habitants.

Le gouvernement auquel vous appartenez refuse de revenir sur la moindre des nombreuses exonérations fiscales et sociales consenties aux entreprises. Pourtant, le problème des moyens existe bel et bien.

Ma question est simple, monsieur le ministre : votre gouvernement a-t-il l’intention de financer à la hauteur des besoins le service public de la justice dans les outre-mer ?

Mme Victoire Jasmin et M. Patrick Kanner applaudissent.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l ’ intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. La réponse est oui, monsieur le sénateur !

Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Je peux répéter ce que j’ai déjà dit à propos des places dans les prisons à Basse-Terre, à Baie-Mahault, en Martinique, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Nouméa et à Koné, à propos de l’augmentation du budget de fonctionnement de la justice, qui est d’une ampleur inégalée au regard des quarante dernières années, …

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

… à propos de la hausse du nombre de magistrats ou encore des aides supplémentaires qui leur sont fournies. Comment pouvez-vous douter des intentions du Gouvernement ? Nous apportons la preuve que nous agissons !

Oui, il est possible que nous n’allions pas assez vite. Toutefois, c’est en raison non pas de contraintes budgétaires, mais de problèmes d’attractivité, de formation ou de terrain.

Partout, il est difficile de faire des choses, mais c’est plus encore le cas en outre-mer, à cause de la distance, du manque de terrain et de l’absence d’entreprises.

L’île de Futuna, sur laquelle je me suis rendu, est réellement très lointaine ; il faut trente-quatre heures de vol pour y parvenir. Pourtant, les droits des personnes y sont défendus, grâce aux citoyens défenseurs. C’est une réalité historique.

Ces personnes sont-elles mal défendues ? Elles le seraient peut-être mieux par des avocats payés pour se rendre, depuis Paris, à Nouméa ou ailleurs, mais, de grâce, observez ce qui fonctionne, les efforts qui sont réalisés et l’ensemble des réalisations accomplies depuis cinq ans en matière de justice !

Je les détaillerai en personne dans un texte que j’adresserai au président de votre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le ministre, je crois avoir touché un point sensible…

Si vous m’avez bien écouté, j’évoquais l’évolution de la dépense publique depuis 1980. Or le gouvernement auquel vous appartenez n’a pas encore 40 ans d’âge.

C’est tout le pays, pour être exact, qui a abandonné ses services publics, et l’effort consenti très récemment en faveur de la justice reste totalement insuffisant. Tant que le fléchage de la dépense publique vers les services publics ne sera pas rectifié, nous n’y arriverons pas. Or votre gouvernement s’entête dans la mauvaise direction, vous devez en convenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Petrus

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tribunal de Saint-Martin est un tribunal de proximité. Sa juridiction couvre Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il dépend du tribunal judiciaire de Basse-Terre, notamment en termes de moyens et de ressources humaines.

Ce tribunal dispose des plus importantes dérogations de la République. En effet, le tribunal de proximité de Saint-Laurent-du-Maroni est la seule autre juridiction à avoir des dérogations aussi larges.

Le tribunal de proximité de Saint-Martin assume ainsi la quasi-totalité des missions du tribunal judiciaire de Basse-Terre, y compris celles qui sont dévolues au président de ce tribunal.

En conséquence, le nombre de dossiers en cours au civil est plus élevé à Saint-Martin – il oscille entre 250 et 300 – qu’à Basse-Terre. Au pénal, la situation est inverse, mais probablement en raison d’un manque de moyens.

Le tribunal judiciaire de Basse-Terre compte 12 magistrats, quand le tribunal de proximité de Saint-Martin n’en a que 4, pour un nombre de dossiers comparable. En outre, le tribunal de Saint-Martin devrait théoriquement être doté de 14 greffiers, mais il n’en dispose actuellement que de 7. Aussi le personnel qui y travaille est-il dévoué, mais complètement à bout.

Nous connaissons désormais une augmentation du nombre de contentieux civils de 50 %. Au regard de ses moyens actuels, le tribunal ne peut traiter plus de 15 dossiers par mois au civil. Au mois de mars 2023, il n’était ainsi plus possible de prendre date pour introduire une nouvelle affaire avant le mois d’octobre 2023.

L’aide juridictionnelle ne se porte pas mieux. En Guadeloupe, seule une semaine de permanence, sur une période de quelques mois, est demandée aux 300 avocats inscrits, avec la possibilité que les gardes soient effectuées sur la base du volontariat.

A contrario, les 10 à 15 avocats domiciliés à Saint-Martin, ainsi que ceux, en nombre équivalent, qui résident à Saint-Barthélemy sont, quant à eux, tenus d’assurer une à deux journées de permanence pénale par semaine. En outre, le paiement de cette aide juridictionnelle survient avec beaucoup de retard en raison du sous-effectif du greffe.

La solution, urgente et nécessaire, serait d’accorder au tribunal de proximité de Saint-Martin son autonomie totale de tribunal judiciaire et les moyens qui vont avec. En effet, monsieur le ministre, vous conviendrez avec moi qu’il revient à l’État d’assumer la continuité territoriale et l’égalité devant la justice.

Il n’est pas normal que les Saint-Martinois ne bénéficient pas, comme tous les Français de l’Hexagone, d’un accès effectif à la justice de leur pays.

Seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à pallier ces difficultés par des réformes législatives ou réglementaires ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Premièrement, ne parlons pas trop des avocats de Saint-Barthélemy, qui sont, en majorité, des avocats d’affaires. Le sujet n’est donc pas le même qu’à Saint-Martin.

Deuxièmement, à Saint-Martin, ce sont les contentieux fonciers qui mobilisent beaucoup de ressources. Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), nous essaierons de régler ce problème, en lien avec le président Mussington. J’espère des avancées, pour simplifier tout cela.

Par ailleurs, une cité administrative et judiciaire sera créée en 2025. Ainsi, les services du tribunal disposeront – enfin ! – d’un outil de premier ordre, c’est clair.

Troisièmement, s’agissant de l’évolution des textes, le président Mussington m’a saisi, dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, de l’ensemble des évolutions qu’il souhaitait. Je pense que des changements interviendront, soit par ce biais, soit par celui de l’éventuelle réforme institutionnelle à laquelle nous travaillons, vous le savez, avec chaque président de collectivité. Je suis prêt à discuter de ce sujet avec le président Mussington, dont la venue est prévue dans les quinze jours.

Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, j’ai pour mission de soumettre à la Première ministre et aux membres du comité, en lien avec les élus parlementaires et les présidents de collectivité, toute proposition allant dans le sens d’un mieux-vivre ensemble. Saint-Martin a une place de choix au sein de ce Ciom.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Pour conclure le débat, la parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le ministre, je ne regrette pas d’avoir demandé, avec les membres de mon groupe, l’organisation de ce débat, car il a été intéressant et utile.

En effet, l’appartenance à notre République se définit par le respect de principes fondamentaux reconnus par notre Constitution, parmi lesquels figurent notamment l’égalité et l’indivisibilité.

Il me semble important de rappeler l’article 1er de notre Constitution, afin de prendre un peu de hauteur après ce débat qui a essentiellement porté sur des sujets opérationnels : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

L’indivisibilité s’entend de la souveraineté, du territoire et du peuple français, ce qui postule un pouvoir central unique, une structure administrative homogène et l’uniformité du droit applicable sur l’ensemble de notre territoire. Notre Constitution est donc potentiellement rétive à la reconnaissance des particularismes juridiques.

Toutefois, ce principe d’indivisibilité n’a pas empêché – et c’est heureux ! – l’existence d’une République plurielle. Si cette pluralité implique une certaine plasticité de nos institutions, elle ne doit pas conduire à renier nos principes.

Avant tout, je tenais à rappeler le caractère pluriel de l’outre-mer. Il s’agit de treize territoires : des départements et régions d’outre-mer (Drom), des collectivités d’outre-mer (COM), la Nouvelle-Calédonie qui bénéficie d’un statut particulier – je salue nos collègues présents ici – et des terres inhabitées, comme les Terres australes et antarctiques françaises et l’île de Clipperton.

À l’intérieur de chacune de ces catégories, il existe un statut particulier et, pour certains de ces territoires, une justice spécifique dans certains domaines. On le comprend, définir un cadre unique n’est pas aisé, mais c’est aussi cela, la République française.

N’oublions pas que les outre-mer ont une histoire particulière et que le rapport à l’État français n’a pas toujours été simple dans l’ensemble de ces territoires qui composent notre République.

L’expression étatique, notamment par le biais de ce pouvoir régalien qu’est la justice, devrait donc être d’autant plus irréprochable dans ces territoires issus d’un passé colonialiste qui nous oblige.

Pourtant, la situation partagée sur l’ensemble du territoire national est celle d’un État loin d’être parfait, pour le dire simplement, dans le cadre de cette fonction régalienne.

Ainsi, les États généraux de la justice, cités à plusieurs reprises au cours de ce débat, évoquent une crise profonde de notre système, avec une justice qui est au bord de la rupture dans certains domaines et dont les conditions de fonctionnement et les délais de jugement deviennent parfois indécents pour l’ensemble des acteurs et des justiciables.

Ce climat suscite une défiance croissante de nos concitoyens envers la justice française. C’est dire l’impasse dans laquelle nous pouvons nous retrouver.

Malgré des hausses incontestables de crédits – vous avez raison, monsieur le ministre –, cette justice, garante du respect du droit, demeure en difficulté tellement nous partons de loin. C’est d’autant plus vrai en outre-mer.

Las ! Le thermomètre de l’outre-mer indique que nous avons encore de nombreux efforts à accomplir. Vous ne l’avez pas nié – je tiens à vous en remercier –, mais nos exigences sont aussi à prendre en compte. Ne les considérez pas comme des remises en cause du pouvoir exécutif actuel, mais plutôt comme la reconnaissance de difficultés existant sur le plan local.

Les territoires d’outre-mer sont trop souvent peu ou mal considérés par nos politiques publiques, ce qui ne date pas du présent gouvernement. Nous réagissons trop fréquemment selon un biais hexagonal, reconnaissons-le. Dès lors, l’adaptation de nos dispositifs n’est pas toujours optimale.

Par ailleurs, le comité des États généraux de la justice indique que les caractéristiques démographiques et socio-économiques des outre-mer les distinguent significativement de la métropole.

Ainsi, le taux de pauvreté – on sait que cette dernière et la délinquance sont malheureusement liées – comme le taux de chômage y sont particulièrement élevés, face à un coût de la vie et d’accès aux biens de première nécessité exponentiel au regard de celui de l’Hexagone.

Toutes celles et tous ceux qui connaissent ici l’outre-mer, même sans y habiter, savent ces difficultés et ce qu’elles représentent sur le plan de la délinquance.

Toutes ces inégalités doivent être prises en compte, ainsi que les spécificités liées à l’éloignement de ces territoires et à leurs particularités géographiques. Il n’est pas possible de se dire, en 2023, que les justiciables n’ont pas tous et toutes les mêmes droits et les mêmes accès au droit.

Nous nous réclamons de l’État de droit. Or la justice est la clé de voûte de ce système. L’État, seul, est à même d’exercer cette fonction, afin d’en garantir l’impartialité. Or nos collègues ont pu exposer les failles de ce service public dans les territoires ultramarins.

Ce débat de contrôle aura finalement eu le mérite de poser, je crois, le diagnostic le plus juste possible. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous veillerons à apporter les bons remèdes, car tel est aussi l’objet des débats de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous en avons terminé avec le débat sur l’état de la justice dans les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 mai 2023 :

À quatorze heures trente et le soir :

Débat sur le thème « Quelles solutions pour développer l’hydrogène au sein de notre mix énergétique ? » ;

Proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 518, 2022-2023) ;

Débat sur le thème « Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinquante.