Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, les intelligences artificielles génératives influencent notre quotidien et monopolisent l’espace médiatique : ChatGPT, Lensa ou Midjourney sont autant de logiciels d’IA engagés dans une course frénétique pour devenir la référence en la matière.
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle générative ? Elle est un sous-domaine de l’intelligence artificielle, qui crée des contenus tels que des textes, des images, des vidéos, des programmes informatiques. C’est à l’IAG que l’on doit notamment les photos truquées du pape François en doudoune blanche ou de l’ancien président américain Donald Trump menotté, qui ont beaucoup circulé.
Moins de deux mois après son lancement, en janvier 2023, ChatGPT, développé par l’entreprise californienne OpenAI, dépassait les 100 millions d’utilisateurs, ce qui en fait à ce jour l’application ayant connu la croissance la plus rapide.
La nouvelle version GPT-4, dévoilée à la mi-mars, comporte d’incroyables améliorations et nous conduit à nous poser la grande question : l’IA remplacera-t-elle les humains par les machines ?
L’intelligence artificielle est déjà en train de changer le monde du travail. Les machines sont capables d’apprendre et de s’adapter à des tâches qui étaient auparavant réservées aux humains. La question des conséquences sur l’emploi se pose, comme à chaque grande révolution technologique, ce qui déclenche appréhensions et crispations.
Ainsi, dans les rédactions, se posera la question suivante : aura-t-on encore besoin des journalistes et des illustrateurs ? Dans les cabinets d’avocats ou de conseil, on se demandera s’il est encore nécessaire d’avoir des juristes et des consultants. En effet, OpenAI a fait passer le concours du barreau américain à ChatGPT, qui a été brillamment reçu. Les experts de Goldman Sachs estiment ainsi que les IA génératives pourraient supprimer jusqu’à 300 millions d’emplois dans le monde.
Au cours de l’histoire, les grandes innovations ont souvent eu des conséquences sur les emplois. Le cabinet américain McKinsey souligne que le fossé risque de se creuser entre les travailleurs et entre les pays. Les principaux pays qui tireront parti de l’IA seront sans doute les États-Unis et la Chine. Toutefois, la France, le Royaume-Uni ou la Corée du Sud seraient relativement bien positionnés.
D’un point de vue économique en général, l’IA générative peut avoir des impacts considérables. Selon les économistes de Goldman Sachs, l’adoption généralisée de l’IA pourrait accroître la productivité et augmenter le PIB mondial de 7 % par an.
L’IAG, nous l’avons vu, peut être utilisée pour produire des contenus à grande échelle en un temps record ou pour créer des produits et des services personnalisés. Néanmoins, l’utilisation de l’IAG dans les affaires doit être éthique et responsable, afin de minimiser les impacts négatifs potentiels.
Des fake news propagées grâce à l’intelligence artificielle, des images truquées, de fausses révélations, peuvent avoir des répercussions très importantes sur les cours des Bourses mondiales et les faire chuter.
D’un point de vue social ou sociétal, les effets de l’IA générative peuvent également se révéler positifs comme négatifs. Si celle-ci peut contribuer à la création de contenus artistiques et culturels innovants, elle peut aussi, par de faux contenus, semer la désinformation.
En outre, l’IAG peut être utilisée pour propager des discours de haine ou du cyberharcèlement et favoriser la violence des campagnes mensongères. C’est pourquoi la Cnil commence à s’intéresser au cas de ChatGPT et a défini un plan d’action, plaidant pour « une clarification du cadre légal ».
D’un point de vue politique, l’IAG peut avoir des conséquences importantes. Elle peut aider à la prise de décision, mais elle peut aussi véhiculer insidieusement des idéologies dans de très nombreux domaines – santé, environnement… – ou encore être utilisée pour surveiller les citoyens.
Le Parlement européen a créé une commission sur l’intelligence artificielle à l’ère numérique. La Commission européenne a lancé, au mois d’avril 2021, un règlement sur l’IA, qui est en cours d’examen au Parlement européen, et n’a pas fermé la porte à l’usage d’IA recourant à la biométrie. Elle s’est gardé la possibilité d’utiliser la reconnaissance faciale a posteriori, sous contrôle judiciaire.
En France, le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques a affirmé que le recours à la reconnaissance faciale était exclu par le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Seules seront utilisées des caméras usant d’algorithmes intelligents.
Par ailleurs, l’agence de police européenne Europol a averti que les criminels étaient prêts à tirer parti de l’intelligence artificielle.
En somme, l’IAG peut avoir une incidence très importante sur la politique, en offrant de nouvelles aubaines. Toutefois, il est nécessaire de veiller à ce qu’elle soit utilisée dans des limites clairement établies et validées légalement.
À l’échelle internationale, une compétition acharnée est prévisible. La Chine est très en avance et déploie de gros moyens, tandis que le président russe Vladimir Poutine estimait dès 2017 que quiconque deviendrait le leader dans ce domaine deviendrait le dirigeant du monde.
Aux États-Unis, Elon Musk, cofondateur d’OpenAI avec Sam Altman, l’inventeur de ChatGPT, a réclamé une pause de six mois dans la recherche sur l’IA, en évoquant « des risques majeurs pour l’humanité ». Le 4 avril dernier, le président Joe Biden a évoqué les risques liés à l’intelligence artificielle et a demandé au Congrès de fixer des « limites strictes » aux données personnelles collectées et d’interdire la publicité ciblée visant les enfants.
En tant que pays leader en matière de technologie et de recherche, la France a un rôle important à jouer. Elle doit continuer de soutenir la recherche, tout en élaborant une réglementation adaptée, et investir dans la formation, tout en assurant la sécurité et la protection des droits des individus.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces éléments, estimez-vous que la France a la capacité d’être suffisamment réactive en matière d’IAG ? A-t-elle pris du retard ? Le cas échéant, de quelle manière et avec quels moyens allons-nous le combler ?