Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’inclusion de l’hydrogène nucléaire aux côtés de l’hydrogène renouvelable dans les textes européens en cours de négociation, qu’il s’agisse de la révision de la directive sur les énergies renouvelables ou du règlement pour une industrie à zéro émission nette, fait l’objet de vifs débats.
C’est regrettable pour notre transition énergétique, car l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 résultant de l’accord de Paris de 2015 et la loi relative à l’énergie et au climat de 2019, dite Énergie-climat, suppose de mobiliser toutes les sources et tous les vecteurs d’énergie décarbonée.
C’est aussi contraire à notre souveraineté énergétique, car l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacre le droit des États membres de choisir entre ces différentes sources d’énergie.
C’est enfin mal avisé au regard de la compétition internationale : l’Europe ergote sur la définition de l’hydrogène, alors que les États-Unis, dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act), accordent une remise fiscale allant jusqu’à 3 euros par kilogramme sur l’hydrogène décarboné, quelle que soit son origine.
Que de moyens gâchés, que de temps perdu, que d’opportunités manquées, ici, en Europe !
Or l’hydrogène est un vecteur de premier plan pour réussir notre transition énergétique. Il permet, d’une part, de décarboner certains secteurs, en particulier l’industrie et les transports, d’autre part, de stocker l’électricité.
Cette capacité de stockage est essentielle pour promouvoir la mobilité propre, en complément des batteries électriques, ainsi que les énergies renouvelables, qui pèchent toujours par leur intermittence.
Dans ce contexte, la commission des affaires économiques du Sénat s’est mobilisée en faveur de l’hydrogène bien avant le Gouvernement – et bien souvent contre lui.
Dans la loi Énergie-climat de 2019, nous avions fixé un objectif de 20 % à 40 % d’hydrogène décarboné d’ici à 2030 au travers du développement de ses usages dans l’industrie, l’énergie et la mobilité.
Dans notre plan de relance Énergie, publié en juin 2020, en pleine crise de la covid-19, nous avons appelé à « révéler le potentiel de l’hydrogène », en consolidant la gouvernance et les moyens de la filière.
Cet engagement a été affirmé dans la loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, dans laquelle nous avons introduit un paquet hydrogène : tout d’abord, nous avons inscrit l’hydrogène dans la future loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat de 2023 ; nous l’avons aussi intégré aux appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) portant sur le stockage ; en complément, nous avons facilité l’octroi de garanties d’origine aux groupements de collectivités ; enfin, nous avons dispensé de mise en concurrence l’utilisation du domaine public de l’État.
Plus récemment, dans notre rapport sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone, publié en juillet 2022, nous avons plaidé pour « saisir l’occasion de la relance du nucléaire pour favoriser une production massive d’hydrogène bas-carbone ».
Cela nous a conduits à consolider la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables de mars dernier : d’une part, nous avons imposé un bilan carbone à tous les projets d’hydrogène soutenus par appels d’offres, afin de favoriser les projets les moins émissifs et les plus circulaires ; d’autre part, nous avons intégré l’hydrogène à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ainsi qu’aux débats des comités régionaux de l’énergie.
Nous avons aussi prévu que ces projets soient promus par la CRE et par les autorités organisatrices de la distribution d’énergie.
Nous avons enfin adopté plusieurs mesures de simplification en instituant un guichet unique et en consolidant les opérations d’autoconsommation et les plateformes industrielles.
La commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dit Nouveau nucléaire, se réunira après-demain. Nous proposons dans ce texte l’application des mesures d’accélération aux projets d’électrolyseurs d’hydrogène couplés à des réacteurs nucléaires de nouvelle génération, plus performants en termes de rendement.
S’il faut se réjouir de l’attention portée aujourd’hui à l’hydrogène, notre commission considère qu’il faut faire davantage.
Sur le plan programmatique, la loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat doit fixer un cadre législatif pérenne, au-delà de la PPE et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de 2020.
Monsieur le ministre, nous espérons que ce projet de loi quinquennale, qui doit normalement être examiné avant le 1er juillet prochain, conformément à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, ne sera ni reporté ni annulé. Ce texte est le fruit du compromis issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi Énergie-climat de 2019. Convaincus de la nécessité d’inverser la hiérarchie des normes en matière énergétique, nous avions souhaité établir la primauté de cette loi quinquennale sur les documents de planification réglementaires.
Face aux changements climatiques qui posent aussi un défi démocratique, nous avions voulu affirmer la préséance du législateur sur le pouvoir réglementaire, celle de la politique sur la technique.
Sur le plan de la gouvernance, le Conseil national de l’hydrogène devrait se réunir plus souvent et mieux associer les collectivités territoriales.
Sur celui des moyens, les montants annoncés en faveur de l’hydrogène dans le cadre du plan de relance – 7 milliards d’euros – et du plan d’investissement – 1, 9 milliard d’euros – doivent être engagés. À l’échelle nationale, les appels d’offres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sur la mobilité et les écosystèmes ont besoin d’être pérennisés. À l’échelle communautaire, le budget des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), doté de 1, 6 milliard d’euros, attend d’être bouclé.
Enfin, l’avenir de l’hydrogène se joue dans les négociations européennes en cours. Dans notre résolution sur l’inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables de décembre 2021, nous avons appelé au maintien d’une neutralité technologique entre l’hydrogène nucléaire et l’hydrogène renouvelable.
Dans notre résolution sur le paquet Ajustement à l’objectif 55 d’avril 2022, nous avons plaidé en faveur de la même vigilance.
L’hydrogène bas-carbone ne doit pas être pénalisé par la directive sur la taxation de l’énergie ni être exclu de la directive sur les énergies renouvelables ou du règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. Il doit profiter de dispositions plus simples, dans le cadre du règlement sur le paquet gazier, ou plus incitatives, dans le cadre du règlement sur les infrastructures de recharge.
L’hydrogène doit être activement soutenu, tant dans les processus de l’industrie que dans les modes de transport. Pour y parvenir, une stratégie claire, une gouvernance solide, des financements pérennes et une réglementation idoine sont nécessaires.
Le Gouvernement doit faire de la prochaine loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat celle de l’amorçage de la filière française de l’hydrogène.
Quant à la Commission européenne, elle doit garantir à l’hydrogène une complète neutralité technologique dans le paquet Ajustement à l’objectif 55.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles dispositions sur l’hydrogène nucléaire ou renouvelable comportera la prochaine loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat ?
Pouvez-vous également nous préciser comment la France entend défendre l’hydrogène nucléaire dans le cadre du paquet Ajustement à l’objectif 55 ?
Monsieur le ministre, un compromis a-t-il été trouvé sur la directive relative aux énergies renouvelables ? Qu’en est-il des autres textes ?