Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fibre optique est devenue le principal réseau d'accès à internet pour les Français : le taux de locaux raccordables approche aujourd'hui les 80 %. Mais si le déploiement de la fibre progresse bien à l'échelle nationale – cela a été dit –, de fortes disparités régionales demeurent. Selon le rapport de France Stratégie de 2023, certains départements à dominante rurale dépendent toujours à plus de 25 % du réseau cuivre.
Je le souligne ici, et je sais que nous partageons cette analyse, le non-accès à la fibre porte gravement atteinte à un aménagement équilibré du territoire et constitue une rupture d'égalité qui ne peut être tolérée.
Le cap de 2025 a été fixé pour la généralisation de la fibre afin de garantir son accès à tous les usagers. Il est de notre responsabilité, ici, au Sénat, de nous assurer du respect de cet objectif. Nous avons tous en tête la situation intolérable des zones blanches pour le réseau sans fil : il s'agit de ne pas la reproduire. Cette proposition de loi vise prend en compte cette préoccupation et je remercie son auteur, ainsi que la rapporteure, pour leur travail et leur engagement.
Avec le plan France Très Haut Débit, les opérateurs commerciaux sont arrivés massivement sur le marché des réseaux fibre. Cette accélération s'explique par une spécificité française : dans la pratique, l'opération de raccordement final du client est confiée à l'opérateur commercial. En d'autres termes, la partie la plus importante et délicate pour le consommateur est sous-traitée par l'opérateur d'infrastructure.
Cette sous-traitance – le mode Stoc – est non seulement une exception française, mais également une dérogation à notre mode de fonctionnement traditionnel sur les autres réseaux, qu'il s'agisse du gaz, de l'électricité ou de l'eau.
Depuis sa mise en place en 2015, cette méthode est source de nombreuses difficultés – coupures inopinées, techniciens peu scrupuleux, raccordements impossibles ou malfaçons – qui mettent à mal le déploiement de la fibre. Du fait des nombreux litiges entre opérateurs et usagers – nous en avons tous des exemples dans nos territoires –, certaines collectivités ont tiré le signal d'alarme.
Face à l'accroissement du nombre des signalements, l'Arcep a réuni les opérateurs d'infrastructure et les opérateurs commerciaux dès 2019 en vue d'améliorer l'exploitation des réseaux et de résoudre les difficultés. Manifestement, les démarches entreprises par les opérateurs en concertation avec le Gouvernement sont insuffisantes, comme l'a souligné l'auteur de ce texte, Patrick Chaize, que je remercie encore. Nous serons donc attentifs à l'avenir du plan d'action pour améliorer la qualité des réseaux fibre, que les acteurs de la filière ont remis au Gouvernement en septembre 2022.
Dans ce contexte particulier, qui requiert des mesures fortes et efficaces, le groupe écologiste accueille positivement cette proposition de loi. Elle doit permettre d'améliorer le déploiement du plan France Très Haut Débit et de limiter les difficultés et les dysfonctionnements liés à ces raccordements.
Ce texte apportera des outils législatifs pour réguler et contrôler les opérateurs et leurs sous-traitants, pour renforcer les pouvoirs de l'Arcep et mieux protéger les consommateurs, et ainsi rassurer les collectivités particulièrement affectées par ces désordres.
Nous saluons le travail effectué en commission sous l'impulsion de Mme la rapporteure, qui a consolidé le dispositif d'encadrement de la réalisation des raccordements à la fibre tout en veillant à ne pas ralentir le déploiement de cette technologie à deux ans de l'achèvement du plan et alors que la fermeture du réseau cuivre est imminente.
Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, il apparaît essentiel de renforcer la garantie de la qualité du raccordement grâce à des pouvoirs accrus de l'Arcep et d'améliorer la formation des intervenants chargés de l'installation de la fibre. C'est un point sur lequel je souhaitais insister.
Par ailleurs, les collectivités, en particulier dans les zones rurales, ont été affectées par la mauvaise gestion du déploiement de la fibre, car c'est vers elles que se sont souvent tournés ceux qui ont rencontré des difficultés de connexion. Il est donc essentiel de consulter davantage les élus locaux et, après un constat de carence dans les zones d'initiative privée, de prévoir de nouveaux appels à manifestation d'intérêt.
En matière de protection des consommateurs, notre groupe proposera un amendement travaillé avec l'UFC-Que Choisir visant à modifier les seuils de sanction en cas d'interruption du service d'accès à internet. Une protection efficace des consommateurs paraît nécessaire, car la perte d'une connexion internet entraîne des conséquences qui vont bien au-delà du fait de payer un abonnement pour un service qui ne fonctionne pas, notamment pour les petites entreprises et pour les artisans.
L'absence d'accès à internet affectant la vie quotidienne des personnes, il faut insister encore davantage sur la mise en œuvre du raccordement de tous les foyers.
Nous aurions pu, dans le cadre de notre débat, aborder d'autres sujets, notamment le choix du mode Stoc ou encore l'augmentation de la consommation d'énergie liée au passage au numérique, même si nous insistons sur le fait que la fibre consomme quatre fois moins d'énergie que le réseau cuivre.
Nous n'avons pas le temps pour tout cela, monsieur le président.
En conclusion, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires considérant que ce texte va dans le bon sens, il votera donc en sa faveur.