Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le numérique, qu'on appelait il y a encore une décennie « les nouvelles technologies de l'information et de la communication », connaît un essor considérable et conditionne désormais notre développement économique et notre vie sociale. Le numérique prend appui sur le triptyque que représentent les infrastructures, les services et les usages.
Le déploiement des infrastructures permettant le haut débit constitue un préalable et une nécessité pour permettre aux opérateurs et aux sociétés dédiés de proposer des services et aux utilisateurs de s'approprier des usages dont on n'imaginait pas l'étendue il y a encore quelques années.
Ce déploiement vital des infrastructures s'effectue en un temps record si on le compare au déploiement d'autres infrastructures tout aussi déterminantes. Ainsi, sans parler du réseau ferroviaire qui a quadrillé la France en quatre-vingts ans, le réseau électrique s'est déployé sur un bon demi-siècle et il en va de même pour l'adduction d'eau potable.
Il faut remonter à 1974, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, et au volontarisme de l'époque dans le cadre de la modernisation du réseau téléphonique commuté, qui a permis en six ans de passer de 6 à 20 millions de lignes, pour connaître une telle rapidité.
Le lancement du plan France Très Haut Débit en 2013, sous François Hollande, s'inscrivait dans la continuité de la volonté d'un État stratège, qui visait à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit en moins d'une décennie.
Ce plan, il faut le reconnaître, est un succès et le rythme des déploiements s'est accéléré. Ainsi, en 2022, ce sont 4, 7 millions de foyers supplémentaires qui ont été raccordés à la fibre optique. Désormais, près de 80 % de locaux sont raccordés et ce taux devrait approcher les 95 % à 98 % en 2025.
Mais, malheureusement, et c'est l'objet de cette proposition de loi, la qualité des raccordements finaux n'est pas toujours au rendez-vous, ce qui entache le succès du plan France Très Haut Débit et génère la colère et la frustration de bon nombre de nos concitoyens.
Il semble en effet que nous ayons confondu vitesse et précipitation, et que l'atteinte d'objectifs chiffrés l'ait emporté sur la qualité du raccordement final proposé à l'usager.
Les faits sont désormais objectivés et le mode de sous-traitance à l'opérateur commercial, censé éviter au domicile de l'usager la double intervention de celui qui livre l'infrastructure de raccordement final et de celui qui propose l'ouverture du service à un opérateur, a démontré ses limites. Les vents de l'ubérisation de la sous-traitance et du partage non équitable de la valeur ont également soufflé sur le secteur des télécommunications, comme sur bien d'autres, hélas !
Dès lors, face à ces dysfonctionnements constatés, fallait-il légiférer ou se contenter de contester, d'interpeller les acteurs dont les opérateurs, de faire les gros yeux et d'en appeler au régulateur ?
Certains pensent qu'une loi n'est peut-être pas nécessaire et que désormais, les choses ayant été dites et la prise de conscience de la gravité du problème ayant été effectuée, le système devrait en quelque sorte s'autoréguler, les mesures correctives par le biais d'une charte des bonnes pratiques et d'engagements respectifs à agir permettant de résorber les dysfonctionnements constatés. Ces engagements sont les bienvenus, mais sont-ils suffisants ?
Permettez-moi d'établir un parallèle avec un sujet qui nous a mobilisés il y a deux ans, celui de la réduction de l'empreinte environnementale du numérique. Le Sénat – souvenez-vous en –, dans le cadre d'une mission d'information, avait mis en évidence cet angle mort de nos politiques publiques, à savoir que si le numérique contribuait à réduire notre empreinte carbone par les services qu'il offrait, il n'en constituait pas moins, à lui seul, un contributeur dont l'empreinte allait s'accentuant avec la multiplication des terminaux consommateurs de matières premières. La mission d'information avait largement contribué à sensibiliser l'ensemble des acteurs de la filière, qui s'étaient empressés de se doter de plans d'action ambitieux, et l'on doit s'en féliciter.
Mais le rôle du Parlement n'est pas celui d'un lanceur d'alerte qui se contenterait de sensibiliser les acteurs pour les conduire à s'autoréguler. Les travaux de la mission d'information ont donc abouti à l'adoption de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.
Il est donc nécessaire de légiférer. À cet égard, nous pouvons nous féliciter du dépôt de cette proposition de loi. En effet, en votant une loi, nous ne dévoyons pas notre action, nous ne faisons pas preuve de naïveté. La loi permet d'encadrer, de responsabiliser et de protéger dans un souci d'équilibre. Tel est bien ce que prévoient les différents articles de ce texte.
C'est pourquoi les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain abordent de façon positive la discussion de la présente proposition de loi. §