Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 2 mai 2023 à 14h30
Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

L'administration s'appuie dans ses investigations sur la notion d'abus de droit et, plus récemment, sur une jurisprudence européenne datant de 2019 relative aux « bénéficiaires effectifs » des exonérations fiscales, ainsi que sur une décision du Conseil d'État allant dans le même sens. Ce changement permet de déterminer, en cas de cession de titres, l'entité qui a un réel intérêt économique dans l'opération. Question : le droit français doit-il s'adapter à ce revirement jurisprudentiel ou, en tout cas, l'accompagner ?

Les enquêtes en cours ouvertes et diligentées par le parquet national financier attestent d'un phénomène d'ampleur, qui n'est pas nouveau – il a même une certaine ancienneté. Je me souviens que notre ancien rapporteur général, Albéric de Montgolfier, avait montré que le volume d'opérations de prêt-emprunt de titres était, en 2018, multiplié par huit à la période de détachement de dividendes.

Monsieur le ministre, qu'en est-il pour la période récente ?

La résurgence, à la faveur des investigations du PNF, de la fraude aux dividendes s'inscrit dans un contexte qui donne – vous en conviendrez – une acuité toute particulière à cette problématique.

Premièrement, quand nous cherchons quelques milliards d'euros pour les retraites, mais que les prélèvements sociaux sur les dividendes échappent au financement de la protection sociale, il est difficile de ne pas y voir au moins une partie de la solution.

Deuxièmement, parce qu'il y a une véritable passion française pour les dividendes depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir – vous avez dit, lors de votre audition, qu'il fallait arrêter d'employer le terme « paradis » : je change donc de terme pour parler de « passion ». L'instauration du prélèvement forfaitaire unique, la fameuse flat tax, a produit dès la première année, en 2018, une explosion de 60 % des dividendes versés aux particuliers, qui se sont élevés cette année-là à 23, 2 milliards d'euros.

La conséquence, comme l'indiquait France Stratégie, est que la fortune des 0, 1 % de Français les plus aisés a augmenté de seulement 25 % depuis 2017. Autant vous dire qu'ils sont encore bien plus riches depuis... Au moins, ils peuvent vous remercier !

L'année dernière, la folie se poursuivait. La France est le pays qui a connu la croissance la plus importante du montant de dividendes versés en Europe : 59, 8 milliards d'euros, soit une croissance de 4, 6 %. Une tendance soutenue par 95 % des entreprises, qui ont maintenu ou augmenté leurs dividendes par rapport à 2021. Autant de valeur qui échappe aux travailleurs, aux investissements et aussi, disons-le, à l'administration fiscale.

Records de dividendes, records de rachats d'actions et, pourtant, les dividendes que l'on ne peut pas frauder sont ceux que l'on n'a pas versés !

C'est pourquoi nous avions proposé, quasi unanimement, des amendements aux projets de loi de finances pour 2019 et 2022 pour instituer des dispositifs permettant de mieux lutter contre la fraude aux arbitrages de dividendes.

Mais il faut aller plus loin, on le sait, et d'autres collègues ici en sont convenus. Nous devons enrayer la fuite de 140 milliards d'euros, par l'entremise de la Commission européenne ou de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans l'attente de telles initiatives, nous devrions renégocier systématiquement les conventions fiscales bilatérales. Vous avez évoqué la Finlande, mais il faut élargir le champ à d'autres pays, comme le Luxembourg. §Et là, il faut faire bien plus qu'une renégociation sur la question de la retenue à la source sur les dividendes…

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