Merci à nos collègues du groupe CRCE d'avoir proposé ce débat qui fait partie de la vie de la société.
Les perquisitions menées par le PNF au siège de plusieurs banques en mars dernier feront date. Elles ont remis dans l'actualité deux pratiques financières aux accents latins : les CumCum et les CumEx.
Les CumEx avaient déjà fait les gros titres en 2018, lors des révélations de seize médias internationaux, dont Le Monde. Les perquisitions de mars dernier en sont d'ailleurs la conséquence : elles font suite aux enquêtes préliminaires ouvertes en décembre 2021 sur des soupçons de fraude fiscale aggravée et de blanchiment, contre plusieurs grandes banques.
Pourtant, ce sont les CumCum qui sont à présent au cœur des débats. C'est sur ces pratiques que le PNF enquête désormais, afin de déterminer s'il s'agit bien de fraude fiscale, c'est-à-dire si l'intention d'échapper à l'impôt est caractérisée.
Qu'est-ce qui les différencie ? À peu près la même chose que ce qui différencie l'optimisation fiscale de la fraude fiscale. Dans les deux cas, il s'agit de transférer temporairement un titre financier, afin de diminuer la fiscalité sur les dividendes perçus. Dans les deux cas, le titre est transféré avec le bénéfice du dividende auquel il donne droit.
Mais dans le cas des CumEx, la propriété du titre est également transférée afin de tromper l'autorité fiscale. Dans le cas des CumCum, l'opération s'effectue dans un cadre légal, où des intermédiaires opèrent pour le compte des détenteurs de titres afin d'améliorer leur rendement.
La première des réponses à la fraude fiscale, c'est la clarification, entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Il appartient au Parlement d'écrire la loi et donc de donner cette première réponse. Mais ce n'est pas notre rôle d'entretenir la confusion entre fraude et optimisation fiscales.
Cette clarification vaut aussi pour les montants qui sont en jeu. Or, en la matière, le flou prédomine. Comment en serait-il autrement ? Par essence, la fraude fiscale est ce qui échappe au cadre légal, et donc à la calculette de Bercy.
Les médias ont diffusé de nombreux chiffres. On parle de milliards, souvent de dizaines, voire de centaines de milliards. On a évoqué le chiffre de 140 milliards d'euros de recettes publiques perdues à l'échelle internationale et de 33 milliards rien que pour la France. Il s'agit cependant d'une estimation sur vingt ans, ce qui réduit la facture annuelle.
La guerre des chiffres doit pourtant avoir lieu. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat, Alexandra Givry, directrice de la direction des données et de la surveillance de l'Autorité des marchés financiers (AMF), a avancé une fourchette très différente : entre 400 millions 1 milliard d'euros de pertes fiscales annuelles liées aux opérations de prêt-emprunt.
Mon propos n'est de relativiser l'impact de ces pratiques. Mais, lorsqu'on affirme que la lutte contre la fraude fiscale résorbera notre déficit public ou financera tout notre système de retraites, on va un peu vite en besogne.
En tout état de cause, notre groupe soutient une clarification du cadre fiscal applicable aux dividendes.
Dans le cas des CumEx, il s'agit de pratiques illégales et de fraude caractérisée. Nous sommes favorables à ce que l'appareil d'investigation et de sanction soit renforcé. Si la France ne semble pas être le pays le plus exposé à ce type de fraude, il est néanmoins nécessaire que nous puissions coopérer au niveau international pour enrayer ces pratiques.
Pour les CumCum, le Sénat a été force de proposition dès 2018. Au cours l'examen du projet de loi de finances pour 2019, plusieurs amendements, dont un de notre groupe, ont été adoptés pour clarifier le cadre existant. Malheureusement, notre proposition n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.
Des améliorations ont toutefois été adoptées, comme la contrainte des 45 jours de détention du titre. C'est une avancée notable.
Nous proposions à l'époque d'aller encore plus loin, en étendant la retenue à la source de l'impôt à tous les versements équivalant à des dividendes indirects à des non-résidents. Cette solution s'inspire directement du cadre légal applicable aux États-Unis, et plus précisément de la section 871(m) de leur code général des impôts. Elle a l'avantage de réduire drastiquement les dérives, de sécuriser le cadre légal pour les banques et de préserver l'attractivité de la place financière de Paris.
J'espère que nous pourrons progresser dans ce sens. C'est ce que les Français attendent de nous.