Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 2 mai 2023 à 14h30
Réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont j'ai été à l'initiative, avec plus d'une centaine de mes collègues – 139 pour être exact –, de différents horizons politiques.

L'objet de ce texte est clair : répondre aux alertes, répétées depuis des années, relatives aux malfaçons et dégradations récurrentes, qui surviennent lors du raccordement de l'utilisateur final à la fibre optique.

Ces difficultés sont généralement attribuées à une mauvaise gestion du mode « sous-traitance opérateurs commerciaux » (Stoc), par lequel l'opérateur d'infrastructures, responsable du réseau, confie l'étape finale du déploiement aux opérateurs commerciaux. Or ces derniers ont eux-mêmes souvent recours à leurs propres sous-traitants.

Cette pratique, dérogatoire au mode principal de déploiement de la fibre, par lequel l'opérateur d'infrastructures assure le déploiement dans son intégralité, présente deux singularités. D'une part, elle est dépourvue de fondement législatif, puisqu'elle s'est développée sur la base de décisions de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). D'autre part, elle semble entraver la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre, dès lors que la mise en œuvre du mode Stoc est considérée comme de droit par l'Arcep.

Le régulateur avait pourtant prévu un garde-fou en précisant que le recours automatique au mode Stoc ne serait valable qu'à la condition que les opérateurs commerciaux respectent strictement les règles de l'art.

Malheureusement, les désordres persistants sur l'ensemble du territoire démontrent à quel point ce principe demeure théorique.

Bien entendu, le tableau n'est pas entièrement noir. Le mode Stoc a été un élément clef du déploiement massif et rapide de la fibre sur notre territoire. Alors que nous figurions parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne avant 2013, plus de 18 millions de Français sont désormais raccordés à cette technologie.

Toutefois, ce succès ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. La situation actuelle n'est pas acceptable au regard des sommes engagées par l'État et les collectivités territoriales pour le déploiement de la fibre depuis 2013 dans le cadre du plan France Très Haut Débit ; elle l'est encore moins au regard des attentes des usagers quant à la qualité de la connexion, alors que les jours du réseau cuivre sont désormais comptés.

Le Gouvernement, l'Arcep et les opérateurs ont pris conscience du problème : dès 2019, un groupe de travail a été mis en place entre les opérateurs d'infrastructure (OI) et les opérateurs commerciaux (OC), aboutissant en 2020 à l'élaboration d'une feuille de route multilatérale pour l'amélioration de l'exploitation et de la qualité des réseaux fibre jusqu'à l'abonné (FttH, pour Fiber to the Home).

Cette feuille de route envisageait l'évolution des contrats Stoc selon quatre axes : un volet sous-traitance prévoyant une meilleure information de l'OC envers l'OI sur le recours à la sous-traitance et une limitation à deux du nombre de rangs de sous-traitants ; un volet qualité du réseau, incluant l'obligation de communiquer un compte rendu d'intervention (CRI) pour chaque raccordement ; un volet qualité de prestation, imposant aux opérateurs commerciaux de faire appel à des intervenants formés ; enfin, un volet sécurité, selon lequel l'OI doit s'assurer que chaque intervenant dispose des agréments nécessaires.

Alors que ces nouveaux contrats auraient dû être mis en œuvre avant la fin de 2020, ils n'étaient toujours pas appliqués sur une grande partie du territoire à l'été 2022. Face à cette inertie et à l'exaspération légitime des usagers et des élus locaux, j'ai déposé en juillet 2022 la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui.

Monsieur le ministre, dès votre nomination, en juillet dernier, vous avez exprimé votre volonté de vous saisir de ce sujet ; je salue votre engagement. Les opérateurs ont d'ailleurs promis de nouvelles mesures en septembre 2022. Si cette proposition de loi a contribué à les sensibiliser à la nécessité d'accélérer leurs efforts, nous pouvons nous en réjouir.

Néanmoins, nous avons le droit de nous interroger sur la crédibilité de ces annonces comme sur la capacité de la filière à mettre rapidement en place les mesures promises depuis trois ans. La fermeture du réseau cuivre étant désormais engagée, nous ne pouvons plus nous permettre de repousser les échéances.

C'est la raison pour laquelle ce texte a été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée. Il propose un ensemble de mesures concrètes pour assurer la qualité des raccordements à la fibre par le biais de plusieurs leviers.

Le premier, qui est peut-être le plus important, concerne l'encadrement des modalités de recours au mode Stoc. L'article 1er de la proposition de loi vise principalement à clarifier la répartition des responsabilités entre opérateurs et à rappeler le rôle de garant de la qualité des raccordements confié aux opérateurs d'infrastructure.

Cet article souligne que le recours au mode Stoc relève d'un choix de l'OI pour rétablir un véritable principe de sous-traitance et met en place des outils pour assurer la bonne réalisation des travaux et la réparation des malfaçons.

D'une part, il crée un guichet unique auprès de l'OI, chargé de traiter les difficultés de raccordement rencontrées par les usagers. D'autre part, il prévoit la remise systématique à l'utilisateur final, par l'intervenant chargé du raccordement, d'un certificat attestant de la conformité des opérations aux règles de l'art.

L'utilisateur pourra également se prévaloir face aux opérateurs des stipulations des contrats de sous-traitance, lesquels devront intégrer des garanties en matière de qualité de raccordement et de contrôle.

En outre, l'article 3, dans sa rédaction initiale, vise à interdire le recours au mode Stoc dans les zones ayant le statut de zone fibrée, soit 430 communes environ. Dans ces secteurs, déjà entièrement raccordables à la fibre et dans lesquels la transition de l'ADSL vers cette technologie va s'accélérer, il m'a semblé indispensable que la qualité des raccordements fasse l'objet d'une attention particulière.

Le deuxième axe concerne plus spécifiquement les leviers à disposition des collectivités pour contrôler la bonne réalisation des raccordements dans les réseaux d'initiative publique (RIP). La qualité des raccordements revêt en effet une importance supplémentaire dans ces zones, car les réseaux y sont déployés grâce aux deniers publics.

L'article 2 prévoit notamment la remise à la collectivité porteuse du RIP des certificats attestant de la qualité des raccordements afin que celle-ci puisse vérifier la bonne réalisation des travaux. En l'absence de remise de ces certificats, la collectivité ne sera pas tenue de rémunérer l'opérateur pour les travaux de raccordement.

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