Intervention de Patricia Demas

Réunion du 2 mai 2023 à 14h30
Réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Patricia DemasPatricia Demas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, si elle peut sembler technique au premier abord, répond à une préoccupation quotidienne de nos concitoyens.

Je tiens à remercier mon collègue Patrick Chaize d’avoir déposé ce texte, qui apporte des solutions pragmatiques pour remédier aux désordres occasionnés dans le raccordement d’utilisateurs finals à la fibre, en raison du recours à une chaîne de sous-traitance, souvent mal maîtrisée, dans le cadre du mode Stoc. Cette expression désigne un mode de réalisation des raccordements à la fibre par lequel l’opérateur d’infrastructure, responsable du réseau, confie la dernière partie du raccordement aux opérateurs commerciaux, qui font généralement eux-mêmes appel à d’autres prestataires.

Alors que cette pratique était l’exception avant 2015, ce mode opératoire est devenu la règle.

Nous avons tous constaté dans nos territoires l’exaspération des usagers et des élus locaux en raison des dysfonctionnements issus du recours au mode Stoc : débranchements injustifiés, branchements réalisés de façon anarchique, armoires vandalisées et, surtout, absence de recours effectif.

À l’aube de la fermeture du réseau cuivre, le raccordement final à la fibre optique est sans conteste le talon d’Achille du plan France Très Haut Débit. Il est dès lors de notre responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la réussite de ce projet ambitieux, alors même que nous entrons dans sa dernière ligne droite.

Face aux problèmes liés à la qualité des raccordements à la fibre, trois options s’offrent à nous.

La première, privilégiée par le Gouvernement jusqu’à maintenant, consiste à négocier avec les opérateurs une solution contractuelle non prescriptive. Si ce mode d’action apparaît comme le plus souple, force est de constater qu’il est pour le moment insuffisant et qu’il n’a pas produit les résultats escomptés.

La révision des contrats Stoc, initiée en 2020 grâce aux contrats dits « Stoc II » puis « Stoc III », a permis des progrès, qui restent toutefois trop timides. Le constat est clair : trois ans après le début des négociations, les engagements pris par les opérateurs peinent encore à être mis en œuvre.

La négociation avec la filière est indispensable, mais elle gagnerait à être encadrée et accompagnée par le législateur si nous souhaitons accélérer la montée en qualité des réseaux fibre et venir à bout des réticences de certains opérateurs.

La deuxième option, la plus radicale, consisterait à mettre fin au mode Stoc et à charger l’opérateur d’infrastructure de la réalisation du raccordement, passant donc en mode OI. À première vue, il peut s’agir de la solution la plus évidente et je comprends que nombre d’acteurs, certains élus locaux notamment, aient pu l’avoir à l’esprit.

Elle conduirait cependant à changer de plan au milieu de la bataille, alors que, depuis 2018, 20 000 locaux en moyenne sont raccordés chaque jour à la fibre. Changer de mode opératoire à ce stade risquerait de mettre un coup d’arrêt à ce déploiement, ce qui ne serait pas conforme à nos objectifs.

La troisième option, à laquelle je souscris pleinement, consiste à mieux encadrer le mode Stoc. Cette solution pragmatique permet de répondre aux préoccupations des usagers et des collectivités sans pour autant renverser la table ni déstabiliser les dynamiques à l’œuvre.

Le présent texte s’inscrit pleinement dans cette troisième voie d’équilibre. Je remercie Patrick Chaize et la commission de m’avoir accordé leur confiance à ce sujet.

Dans des délais restreints, j’ai entendu toutes les parties prenantes – opérateurs, régulateur, administrations centrales, élus locaux et usagers – et proposé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de reprendre plusieurs de leurs suggestions.

J’en viens à présent aux axes qui ont guidé le travail de la commission et aux principales modifications apportées à la proposition de loi.

Le premier axe a été la clarification des modalités de mise en œuvre du mode Stoc et de la répartition des responsabilités entre les opérateurs.

Conformément aux objectifs de Patrick Chaize, nous avons prévu, à l’article 1er, que l’opérateur d’infrastructure confie la réalisation du raccordement à la fibre à l’opérateur commercial selon un mécanisme de priorité et sous réserve du strict respect des règles de l’art.

Cette proposition pragmatique permet de conserver la volonté de l’auteur de garantir un principe de sous-traitance, en rappelant que la mise en œuvre du mode Stoc relève d’un choix de l’opérateur d’infrastructure, tout en préservant l’équilibre des contrats de sous-traitance en cours.

Avec le même objectif, la commission a souhaité renforcer le caractère opérationnel du guichet unique pour prendre en charge les difficultés de raccordement à la fibre rencontrées par les utilisateurs. Nous avons renforcé la place de ces derniers dans le dispositif, en leur permettant de suivre la résolution des difficultés rencontrées et en garantissant que celle-ci intervienne dans un délai raisonnable, qui ne pourra excéder dix jours.

Ce guichet unique a suscité des réactions différentes chez les usagers, les opérateurs et le Gouvernement. Si tout le monde s’accorde sur son utilité, la définition de ses modalités opérationnelles fait débat. Notre proposition est une première pierre à l’édifice, mais nous sommes ouverts à la perspective qu’un travail plus approfondi soit mené sur cette question dans le cadre de la navette parlementaire.

Enfin, la commission a modifié l’article 3, qui interdit le recours au mode Stoc dans certaines zones du territoire, pour en affiner le périmètre d’application afin de prendre en compte la fermeture du réseau cuivre et restreindre l’interdiction aux raccordements longs et complexes, de manière à limiter les atteintes à la liberté d’entreprendre.

Le deuxième axe des travaux de la commission a été de consolider les exigences de qualité et de contrôle applicables aux raccordements.

Nous avons prévu, à l’article 1er, l’élaboration d’un socle d’exigences minimales de qualité, que les contrats et les cahiers des charges liant les opérateurs commerciaux et leurs sous-traitants devront respecter.

Nous avons également introduit une obligation de labellisation de tout intervenant chargé de réaliser un raccordement à la fibre, selon un référentiel national. De plus, nous avons consacré dans la loi la réalisation systématique d’un compte rendu d’intervention pour permettre à l’opérateur d’infrastructure et à l’utilisateur de vérifier la bonne réalisation du raccordement.

Enfin, à l’article 2, qui concerne les réseaux d’initiative publique, c’est-à-dire les zones dites « RIP », nous avons garanti un délai maximal de quarante-huit heures pour la transmission à la collectivité du calendrier hebdomadaire des interventions de raccordement lorsque cette dernière en fait la demande, de manière à renforcer les moyens de contrôle des élus locaux, souvent démunis face aux malfaçons dans le raccordement final.

Le troisième et dernier axe des travaux de la commission a été d’assurer le caractère opérant des dispositifs.

Nous avons ainsi proposé une nouvelle rédaction de l’article 4, qui étend les pouvoirs en matière de qualité des raccordements à la fibre de l’Arcep, dont nous entendons ainsi clarifier les moyens de contrôle et de sanction.

À l’article 5, qui ouvre de nouveaux droits aux consommateurs en cas d’interruption prolongée du service d’accès à internet, nous avons, d’une part, amélioré l’articulation dans le temps des sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre de l’opérateur commercial et, d’autre part, veillé à protéger ce dernier d’éventuels abus de la part des consommateurs.

En somme, tous ces ajustements de bon sens, qui résultent d’un travail approfondi de concertation avec tous les acteurs, s’inscrivent pleinement dans l’esprit du texte présenté par Patrick Chaize tout en consolidant sa portée et son caractère opérationnel.

Vous l’aurez compris, face aux dysfonctionnements dans le raccordement des utilisateurs finals à la fibre optique, il n’existe pas de solution miracle emportant satisfaction de l’ensemble des intervenants. Il y a pourtant urgence à agir pour assurer la pérennité et la qualité des raccordements. Le texte de la commission est une proposition ambitieuse et équilibrée, mais nous avons conscience qu’elle est aussi perfectible.

Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp pour poursuivre, dans le cadre de la navette parlementaire, le travail sur cette initiative sénatoriale. Celle-ci répond, vous l’aurez compris, à de très fortes attentes de la part des usagers et des élus locaux.

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