Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de l’année 2022, les trois quarts du territoire étaient couverts par la fibre optique et 18 millions de Français avaient souscrit un abonnement.
Notre pays est le champion d’Europe de la fibre optique. Et pourtant, à la fin de 2022, l’Arcep avait reçu près de 45 000 alertes – ce nombre a augmenté de 17 % en un an –, imputables pour une large part à des problèmes liés à l’internet fixe et, notamment, aux raccordements. Entre 15 % et 20 % des abonnés seraient touchés par un dysfonctionnement.
Il suffit d’en parler autour de nous pour constater le ras-le-bol général : la fibre est devenue un sujet de crispation du quotidien.
Alors qu’internet est aujourd’hui un outil indispensable, y compris pour accéder aux services publics les plus essentiels, les coupures à répétition, les erreurs de raccordement et les malfaçons du réseau fibré sont particulièrement mal vécues. Elles sont aussi une source d’inquiétude, alors que le réseau cuivre est progressivement abandonné et qu’il n’existera bientôt plus aucune solution de remplacement à un réseau en fibre sûr et performant.
Aujourd’hui, la réussite est quantitative, quand la qualité est déceptive.
La proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize, que nous sommes plusieurs à avoir cosignée au sein du groupe du RDSE, prévoit des solutions pour pallier les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement final de l’usager.
Cette responsabilité a été sous-traitée par l’Arcep aux opérateurs commerciaux et aux fournisseurs d’accès à internet. Les contrats de sous-traitance dits « Stoc » sont une exception, une dérogation devenue la règle. Ils ont sans aucun doute permis le déploiement rapide de la fibre et son succès commercial, mais ils sont directement mis en cause pour leur implication dans les problèmes de raccordement, la qualification des intervenants étant souvent insuffisante et le manque de contrôle évident.
Les opérateurs ont pris des engagements en 2020, puis en 2022, sans effets visibles pour les usagers et les collectivités.
Sans remettre en cause l’équilibre actuel et la dynamique du déploiement de la fibre, le texte issu des travaux de la commission comporte des pistes d’amélioration auxquelles nous souscrivons.
Tout d’abord, la proposition de loi précise que, si le raccordement est confié en priorité à l’opérateur commercial, c’est à condition qu’il respecte strictement les règles de l’art. Tout en rappelant que l’opérateur d’infrastructure est responsable de son réseau, nous garantissons ainsi la stabilité des contrats de sous-traitance en cours.
Ensuite, tout en restant la norme, la sous-traitance aux opérateurs commerciaux serait interdite pour les raccordements longs et complexes dans les zones déjà fibrées, dans les communes où la fermeture du réseau cuivré est engagée et en cas de simple changement de fournisseur d’accès à internet par un abonné déjà raccordé.
Ces précisions devraient permettre de concentrer le mode Stoc sur le déploiement massif et rapide de la fibre, tout en garantissant un niveau de qualité optimal dans les zones les plus tendues et dans les cas les plus complexes.
Enfin, les exigences minimales envers les sous-traitants et les sanctions en cas d’interruption prolongée de l’accès à internet seraient relevées, tandis que les pouvoirs de police de l’Arcep seraient étendus.
Le travail effectué par notre rapporteure, dans des délais très contraints, a permis d’aboutir à ce que nous considérons comme une position d’équilibre.
Les opérateurs commerciaux, tout comme l’Arcep et le Gouvernement, sont opposés à ce texte, notamment à certains de ses aspects : ils considèrent que cette proposition de loi pourrait conduire à la déstabilisation d’un modèle qui a fait ses preuves.
Confier le raccordement final à l’opérateur d’infrastructure entraînerait en effet une réorganisation de la filière et, peut-être, un ralentissement du déploiement de la fibre. Mais 80 % des locaux sont aujourd’hui raccordables. L’objectif d’une couverture intégrale du territoire en fibre optique en 2025 est à portée de main. Alors que le réseau cuivre sera bientôt éteint, peut-être devrions-nous dès à présent nous concentrer sur la qualité du réseau fibré plutôt que sur sa vitesse de déploiement, quitte à ralentir un peu la cadence.
L’organisation actuelle a donné lieu à des situations ubuesques : on observe des habitations et des équipements dégradés, des clients débranchés sans raison, des câbles installés de façon anarchique.
Dans le cadre d’une analyse de terrain effectuée l’an dernier, l’Arcep a constaté que, dans 840 points de mutualisation, seule la moitié des câblages respectaient les règles de l’art. En outre, les opérateurs d’infrastructure et les opérateurs commerciaux se renvoyant la balle, il est difficile pour les utilisateurs et les élus locaux d’identifier un responsable.
Ce texte a le mérite d’apporter des solutions : il renverse la hiérarchie de la filière pour faire du plan France Très Haut Débit une réelle réussite. Attentif aux difficultés et aux inquiétudes des usagers et des élus, le groupe du RDSE s’associera à cette démarche.