Intervention de Charles Guené

Réunion du 3 mai 2023 à 21h45
Programme de stabilité et orientation des finances publiques — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur général a très bien souligné l'optimisme du Gouvernement, à rebours des analyses extérieures, quant au calcul des divers indicateurs. L'abaissement de la note de la France par l'agence Fitch nous pousse encore un peu plus à mener une véritable politique d'assainissement des comptes publics. Désormais, en sus des Français, nous allons devoir convaincre le reste de la planète que nous pouvons suivre la trajectoire proposée.

Notre groupe rappelle depuis des années, dans cet hémicycle, la nécessité pour l'État de s'engager dans une démarche sincère de rétablissement des comptes publics. Ce processus doit impérativement devenir une réalité.

Nous avions alerté le Gouvernement sur les risques que représentait une politique fondée sur la dette. Avec les nouveaux taux, la charge de notre dette ne cessera de croître jusqu'à quasiment doubler d'ici à 2027. Nous sommes par conséquent très sceptiques quant au réalisme de la trajectoire envisagée.

Au vu de votre recours à une prévision de croissance et à un déflateur jugés unanimement excessifs, nous craignons que vous ne soyez obligés d'agir sur des variables d'ajustement.

Dans ce contexte particulier, je voudrais évoquer le traitement des collectivités locales – je le souhaite d'autant plus qu'elles devront entrer dans le processus de la transition énergétique. Vous prévoyez une amélioration de leur solde à la faveur de la poursuite des efforts de maîtrise de la dépense de fonctionnement et tablez sur une baisse en matière d'investissement, en fin de période, grâce au cycle électoral. La trajectoire proposée est, là aussi, optimiste.

Dans votre analyse, vous comptez sur l'inflation pour réguler les hausses en volume, sachant que la plupart des recettes sont aux mains de l'État depuis le passage à une fiscalité nationale. Vous escomptez donc un effet d'étau – en un seul mot – entre l'inflation et la fiscalité régulée. Pour compléter le dispositif, vous envisagez d'associer les administrations publiques locales (Apul) à l'effort de modération de la dépense publique, en concertation avec les différents acteurs.

Exit l'article 23 de la programmation précédente et les contrats de Cahors. On constate qu'un effort moindre de ralentissement de la dépense publique est demandé aux collectivités : 0, 5 %, contre 0, 8 % assumés par l'État. Dont acte.

Cependant, nous nous interrogeons sur les mécanismes de concertation auxquels il sera fait recours. En effet, ainsi que nous l'avons maintes fois évoqué dans cet hémicycle, les conditions d'une concertation ne sont pas réunies.

Le passage à une fiscalité nationale entièrement ordonnancée par le Gouvernement et la persistance d'une fiscalité locale et d'un système de financement obsolètes laissent la conduite de la négociation totalement entre les mains de l'État, qui peut procéder à sa guise, au coup par coup. Or, sans plaider pour un retour chimérique à l'autonomie fiscale, il nous semble primordial qu'un nouveau processus permette aux collectivités de retrouver une libre administration.

Cela passera par une réforme réelle de la fiscalité et des dotations, conçue sur des bases cohérentes et contemporaines, tenant compte à la fois des charges et besoins des territoires et des dynamiques locales.

Cette réforme est urgente. Pour la faire vivre, une double articulation sera nécessaire : sur le plan national, entre l'État et les autres secteurs et, au niveau interne, entre les collectivités elles-mêmes. Cette réforme doit introduire une nouvelle gouvernance du système, qui formera l'espace de dialogue et de concertation attendu réunissant l'État, le Parlement, et les collectivités. C'est seulement à ce prix que nous réintroduirons la libre administration propre à une démocratie moderne. À défaut, le programme de stabilité demeurera à nos yeux un pacte léonin.

Pour nous faire changer d'avis, il conviendrait de nous fournir, à brève échéance, une loi de programmation intégrant au moins l'ébauche d'un tel dispositif. §

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