Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous continuons à contester fortement l'opportunité, les modalités et les objectifs de ce projet de loi.
Les propositions et modifications qui figurent dans ce texte constituent une régression du droit de l'environnement et une atteinte au droit de participation du public, au mépris des textes en vigueur.
Il va bien au-delà de son objet initial et devient un texte programmatique. Nous déplorons vivement la suppression de deux jalons majeurs de la politique énergétique française, l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique et la limitation de la puissance installée à 63, 2 gigawatts, introduits en 2015 dans un souci de diversification du mix électrique et de maîtrise des coûts de production. Ces suppressions constituent des cavaliers législatifs.
En inscrivant votre volonté de construire quatorze réacteurs de type EPR 2, dont l'ingénierie n'est toujours pas aboutie, et de SMR qui sont encore à l'état de prototype, vous bafouez vos engagements de respecter le débat sur la programmation énergétique à venir et ne respectez pas non plus les conclusions des débats publics qui viennent de s'achever.
Si nous sommes bien lucides sur la nécessité de devoir faire encore un moment avec les centrales existantes, notre opposition à la construction de nouveaux réacteurs reste entière.
Doit-on rappeler une nouvelle fois les déboires technologiques et les débordements financiers invraisemblables de cette filière ? Des défaillances graves s'enchaînent ces dernières semaines, marquées par la découverte de nouvelles fissures d'une ampleur inégalée sur les sites de Penly et Cattenom. Vous persistez dans le mensonge de l'indépendance énergétique en maintenant la France sous perfusion des pays fournisseurs d'uranium naturel et enrichi, russe en particulier.
Vous avez également souhaité introduire dans le texte, sans étude préalable, un nouvel article disposant le regroupement de la fonction d'autorisation et de contrôle des activités nucléaires de l'ASN avec les activités d'expertise et de recherche de l'IRSN.
Fort heureusement, grâce à la mobilisation et aux nombreuses alertes émises par des parlementaires de tous bords politiques, et à la mobilisation des acteurs de la filière elle-même, le texte définitif a écarté cette fusion. Il est essentiel de maintenir notre système dual !
Face au changement climatique, le renforcement de l'expertise constitue une urgence absolue. Il faut augmenter significativement les budgets tant de l'IRSN que de l'ASN. Ne bradez pas la sûreté.
Le texte ouvre en revanche la possibilité pour l'ASN de recruter des agents contractuels. Nous serons vigilants sur ce point, qui pourrait mettre à mal l'indépendance de cette autorité.
Autre point essentiel, cette loi ne répond pas suffisamment aux enjeux que représente la nécessaire adaptation des centrales aux impacts du dérèglement climatique des prochaines décennies.
Sur la question essentielle de l'eau, dans un contexte de plus en plus difficile, comment pouvons-nous continuer à prélever plus de 26 milliards de mètres cubes d'eau par an ? Quant à la part de l'eau consommée, le Service des données et études statistiques (Sdes) l'a fait passer du jour au lendemain de 31 % à 12 %. La part d'eau évaporée est passée de 72 % à 22 %. Nous pouvons nous interroger sur le sérieux de ces chiffres.
Par ailleurs, qu'en sera-t-il demain dans le cas d'une augmentation des températures de quatre degrés Celsius ? Quid des centrales situées dans des zones vulnérables aux inondations ? Le risque de submersion marine est un sujet central en matière de sûreté, que vous refusez de prendre réellement en compte.
Les autres points du texte – contournement des procédures environnementales et de participation du public, « détricotage » du code de l'urbanisme – constituent autant de mesures dérogatoires que nous contestons. Vous en attendez un gain de temps que le Conseil d'État lui-même ne peut pas estimer.
Enfin, nous déplorons la réintroduction de la suspension des aides publiques à une organisation dont un membre s'introduit dans une centrale. Plutôt que de renforcer la sécurité des centrales, on préfère s'en prendre aux lanceurs d'alerte !
Madame la ministre, présenter la relance du nucléaire comme une solution contre la crise climatique est un non-sens et va à rebours du consensus scientifique, qui exige de réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Nous n'avons plus que sept ans pour agir, alors que les éventuels nouveaux réacteurs ne verront pas le jour avant 2037 au plus tôt.
Nous refusons de donner un blanc-seing à cette relance sans nuance, car elle sera lourde de conséquences et engage les générations futures, qui n'ont pas signé pour ce cadeau empoisonné.
Planifions démocratiquement une sortie raisonnée et maîtrisée du nucléaire, pensée avec les salariés et nos concitoyens.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre le texte issu de la CMP. §