Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux prendre le temps de remercier les membres de la CMP de leur travail. Les conclusions de cette commission comportent des avancées que notre groupe avait portées. Néanmoins, nous restons critiques sur d'autres points.
Commençons par les avancées.
Premièrement, je me réjouis que le texte prévoie l'accès aux masseurs-kinésithérapeutes sans diagnostic préalable et sans prescription. Cela facilitera sans aucun doute la vie de nos concitoyennes et concitoyens, en rendant plus simple la prise des rendez-vous.
Deuxièmement, et dans la même veine, nous saluons l'accès direct aux IPA. Leur permettre de prescrire des produits médicaux soumis à prescription médicale obligatoire me semble une mesure utile. Toutefois, nous souhaitons rappeler que c'est le médecin qui coordonne les soins des patientes et patients.
Troisièmement, les pharmaciens et pharmaciennes biologistes pourront désormais dépister le cancer du col de l'utérus, ce que nous saluons. Avec la vaccination, le dépistage est le moyen le plus efficace pour lutter contre ce cancer, mais moins de 60 % des personnes concernées se font dépister. Je me demande simplement pourquoi cette mesure, bienvenue sur le fond, ne nous a été soumise qu'aujourd'hui…
Enfin, nous nous réjouissons que la CMP ait supprimé l'article qui prévoyait des sanctions financières pour chaque rendez-vous médical manqué. Bien entendu, comme je l'avais dit, il faut honorer ses rendez-vous, et nous devons faire en sorte qu'un créneau qui ne sera pas utilisé puisse bénéficier à d'autres. Toutefois, le dispositif prévu allait pénaliser de manière disproportionnée des publics déjà précaires, et donc les éloigner encore davantage du soin, ce qui est à l'opposé de l'objectif.
Comme je l'ai dit, ce compromis comprend aussi des dispositions critiquables. C'est le cas de l'encadrement des effectifs des assistantes et assistants dentaires. D'une part, le texte leur accorde davantage de compétences : ils et elles pourront désormais contribuer aux actes d'imageries à visée diagnostique, comme les radios, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et aux soins postchirurgicaux. D'autre part, le compromis prévoit qu'il ne pourra pas y avoir plus d'assistantes et d'assistants dentaires qu'il y a de chirurgiennes-dentistes et de chirurgiens-dentistes dans un établissement.
Bien évidemment, il faut éviter la dérive de la montée en compétences. Et nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne serait pas bon que des structures emploient presque uniquement des assistantes et assistants dentaires. Cela aurait un effet délétère sur la qualité des soins. Toutefois, il faut aussi penser à la charge de travail des assistantes et assistants dentaires. Ils et elles auront plus de travail, comme le texte leur accorde plus de compétences, sans aucune contrepartie.
Cette contradiction relève d'un problème général, malheureusement inhérent à ce texte. La solution proposée, au fond, est de faire monter en compétences toutes les personnes qui constituent la colonne vertébrale de notre système de santé, mais sans améliorer en rien leurs conditions de travail, et sans les payer un euro de plus.
Or le problème de notre système de santé, ce sont des années et des années de sous-investissement. Le résultat est que nous manquons cruellement de professionnels de santé. Alors que nous en comptons 58 pour 1 000 personnes, on en dénombre 84 aux Pays-Bas, 90 au Danemark et 111 en Norvège, soit deux fois plus.
Nous pouvons donner plus de responsabilités à toutes ces personnes qui sont déjà là, qui se lèvent tôt, qui travaillent la nuit et les jours fériés, mais ces efforts seront vains sans amélioration des conditions de travail, sans revalorisation des salaires et sans investissement dans les soins en général.
Au lieu de leur demander de faire toujours plus, de soigner plus vite, plus efficacement, il faut s'attaquer au sous-investissement chronique dans notre système de santé. Il faut accélérer les formations, embaucher plus de professionnels de santé, améliorer leurs conditions de travail et, enfin, leur verser une juste rémunération.
Mettre davantage de pression sur des personnes qui ne sont ni plus nombreuses ni mieux payées n'améliorera ni l'accès aux soins ni la confiance. Celle-ci se fonde plutôt, par exemple, sur la possibilité d'avoir accès facilement à du Sabril contre l'épilepsie de son enfant, ou de trouver rapidement un médecin quand on en a besoin, et pas trois mois plus tard. Elle se fonde aussi sur la certitude que l'accès à la pilule abortive n'est pas en danger en France, que les tensions d'approvisionnement seront résolues et que le Gouvernement a pour objectif de bâtir un système de santé fondé sur les besoins et non sur les coûts.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s'abstiendra.