Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les 30 millions de logements qui existent en France, 5 millions sont considérés comme des passoires énergétiques. Or nous avons tous ici conscience de l’importance des déperditions de chaleur résultant de l’isolation défectueuse d’un logement.
Ce constat nous place devant deux conséquences majeures qu’il faut considérer avec la plus grande des attentions.
Rappelons tout d’abord que, en raison de la piètre isolation de certains foyers, quasiment 4 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. Nous ne pouvons rester insensibles face à cette situation d’étranglement financier d’une partie non négligeable de la population.
Nous avons déjà agi contre ce phénomène. En effet, le dispositif MaPrimeRénov’ a permis de délivrer 416 000 subventions entre janvier et août 2022.
Ensuite, l’existence de ces passoires énergétiques renforce un phénomène qui représente probablement la plus grande menace de notre siècle : je veux parler des émissions de gaz à effet de serre.
En effet, le secteur du bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Il est donc fondamental pour notre société que nous mettions en œuvre toute notre énergie pour contrecarrer cette production qui empoisonne notre planète. Nous subissons déjà les premières conséquences du dérèglement climatique.
L’ensemble de ces constats nous met face à nos responsabilités et nous enjoint d’agir, en tant que législateurs, pour tenter de stopper rapidement tous ces phénomènes.
Par conséquent, les élus du groupe RDPI souscrivent à l’objectif de ce texte.
Cependant, nous émettons plusieurs réserves sur cette proposition. En effet, ce texte est étudié avant des échéances importantes qui concernent le sujet de la précarité énergétique. Je pense notamment aux travaux de la commission d’enquête lancée par le Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, dont les conclusions seront publiées entre les mois de juin et juillet 2023.
Mes chers collègues, cette proposition de loi me paraît ainsi prématurée d’un point de vue législatif, puisqu’elle précède des événements qui permettraient son enrichissement.
Par ailleurs, j’émettrai quelques réserves sur la pertinence de plusieurs des mesures présentées.
S’il est fondamental d’accélérer la réduction des passoires énergétiques, le conditionnement des incitations financières aux rénovations performantes et globales pourrait potentiellement déstabiliser le secteur. En effet, celui-ci est fortement soutenu par les dispositifs comme MaPrimeRénov’ ou encore par les bouquets de travaux. Leur rôle économique serait donc réduit et pourrait fragiliser les entreprises dépendantes des subventions proposées par l’État. De plus, cette proposition entre en contradiction avec l’objectif de massification des rénovations énergétiques.
Nous nous rallions tous à l’opinion selon laquelle le reste à charge des rénovations est un frein pour les ménages désireux d’entreprendre ce type de travaux. L’Institut de l’économie pour le climat estime ce reste à charge à 35 000 euros pour la rénovation d’un pavillon. Prévoir un reste à charge nul est une idée louable, mais il est nécessaire d’impliquer les foyers financièrement : chacun doit se sentir engagé dans la rénovation de son logement. Une contribution pécuniaire, même minime, permettrait cet engagement.
Enfin, le principe d’extension de la durée de la rénovation énergétique jusqu’à six ans ajouterait de la complexité au dispositif et limiterait son efficacité.
En effet, il est admis qu’une rénovation globale doit être effectuée dans un délai limité. C’est la raison pour laquelle le règlement prévoit une durée de travaux entre dix-huit mois et trois ans selon la situation dans laquelle se trouve le logement concerné.
Mes chers collègues, encore une fois, même si nous partageons l’objectif du texte, celui-ci intervient avant de nombreuses échéances sur le sujet de la précarité énergétique. Plusieurs mesures sont à retravailler, car elles pourraient entraîner des conséquences problématiques notamment d’un point de vue économique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDPI ne votera pas cette proposition de loi.