Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 10 mai 2023 à 15h00
Code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l'outre-mer — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le neuvième à intervenir sur ce projet de loi, qui est un texte particulièrement technique, un texte de correction rédactionnelle et d'adaptation de fond du code monétaire et financier pour certaines collectivités d'outre-mer, pour lequel je risque de verser dans l'ultracrépidarianisme. Vous connaissez ce terme, qui qualifie un comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on ne possède pas de compétence crédible ou démontrée.

Je remercie d'ailleurs notre collègue Hervé Maurey pour son analyse. Il a rendu ce texte compréhensible et l'a amélioré au travers de ses amendements.

Je ne veux pas non plus prendre le risque de dire moins bien que d'autres que l'adoption de ce projet de loi est nécessaire, puisque les ordonnances, dont l'échéance est désormais très proche, doivent être consolidées.

Deux mesures contenues dans ce projet de loi appellent notre vigilance.

Tout d'abord, la nécessité de proroger de deux années supplémentaires l'expérimentation en matière de financement participatif, défendue par le rapporteur et adoptée à l'unanimité des votants de notre commission, mérite évidemment d'être retenue.

La seconde mesure est la fin de la règle de gratuité totale des retraits d'espèces par carte effectués en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Si la plupart des banques et leurs filiales sont représentées dans les grandes villes-métropoles, ce n'est pas toujours le cas en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, dans les atolls, où il faut parfois aller très loin pour trouver le bon distributeur. L'avis argumenté du Conseil d'État doit se conjuguer avec la préservation du pouvoir d'achat, moins élevé pour nos concitoyens qui y résident que pour la plupart de ceux qui vivent dans l'Hexagone.

À propos des ordonnances, nous ne nions pas leur utilité sur des sujets techniques tels que celui qui nous réunit aujourd'hui. Toutefois, comme le rappelait le président de notre groupe, Guillaume Gontard, lors du débat sur le suivi des ordonnances, en février 2022, « sous le quinquennat Macron, 345 habilitations par ordonnances ont été accordées, et ce nombre a doublé en dix ans – sans doute est-ce d'ailleurs sur ce doublement qu'il faut insister… »

Les ordonnances ne doivent pas devenir un mode d'élaboration de la loi. Pas plus, au passage, selon moi, que le recours au 49.3 ou à l'article 47-1 de la Constitution. Ces modus operandi affaiblissent le Parlement, dans son pouvoir d'initiative et d'amendement.

Aussi, nous sommes déterminés à ce que ce pouvoir ne soit pas corseté lors des débats qui touchent aux sujets essentiels de la vie de nos concitoyens, comme celui des retraites, et soit peut-être moins sollicité sur des sujets dont la technicité nous éloigne parfois des problèmes les plus essentiels des Ultramarins.

Il est vrai que, quand je pense aux outre-mer, je ne pense pas en premier lieu au code monétaire et financier, même si ce sujet technique est sérieux. Je pense plutôt à la précarité qui fait rage dans nos territoires, à l'inflation qui frappe plus brutalement les portefeuilles là-bas qu'ici, à la vie chère, au manque d'emplois, à une jeunesse qui manque parfois de perspectives, autant de réalités qui sont le quotidien des habitants des outre-mer.

Lorsque je pense aux outre-mer, je pense aussi aux sargasses, à l'orpaillage illégal en Guyane, à la construction controversée de la nouvelle route du littoral à La Réunion, à la défense de la biodiversité des fonds marins, du vivant et des écosystèmes, qui figurent parmi les plus riches au monde et doivent être au cœur de nos actions dans les territoires d'outre-mer, plus encore qu'ailleurs.

Je pense également aux batailles juridiques, menées notamment par Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre et par d'autres – certains siègent sur nos travées –, pour faire reconnaître les préjudices liés au chlordécone, un scandale sanitaire, social et environnemental dont l'État s'est rendu coupable et dont je ne suis pas certain que les leçons aient été tirées.

Voilà, mes chers collègues, les sujets qui me viennent à l'esprit lorsque je pense aux outre-mer. Il est nécessaire que l'État tienne ses promesses, loin des effets d'annonce auxquels il recourt parfois.

Merci au livre VII du code monétaire et financier de m'avoir permis d'évoquer, un peu par effraction – je le reconnais volontiers –, ces sujets qui nous tiennent à cœur.

Nous voterons ce texte, tel qu'il a été amendé par la commission.

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