Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 10 mai 2023 à 15h00
Respect du droit à l'image des enfants — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'essor du numérique et l'avènement des réseaux sociaux ont profondément révolutionné la vision que nous avons de notre image et l'usage que nous en faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend à mieux faire respecter le droit à l'image des enfants par leurs parents, qui en sont responsables.

Cela a été répété, mais il faut le redire, à l'âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet !

Ce comportement numérique des parents, apparemment anodin, n'est pourtant pas dénué de risques.

Ces risques sont d'abord pédocriminels, puisque 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Ces risques sont ensuite liés à la prédation sexuelle, car les lieux fréquentés par les enfants ou les informations personnelles qu'ils livrent peuvent être identifiés sur des photos.

Des risques de cyberharcèlement, de harcèlement scolaire ou encore d'usurpation d'identité, enfin, peuvent aussi exister.

Évidemment, l'immense majorité des parents agit par naïveté. La fierté et la méconnaissance des dangers liés au partage de l'image de leur enfant sur internet les poussent parfois à l'imprudence. Quelques-uns le font par bêtise, malveillance ou profit.

C'est pourquoi il était nécessaire d'essayer de trouver un équilibre entre liberté d'expression et intérêt supérieur de l'enfant, entre sensibilisation aux risques et répression.

Ce texte, à visée pédagogique surtout, s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs initiatives parlementaires qui ont été prises au cours des dernières années en vue de renforcer la protection du droit à l'image des enfants sur internet.

Je pense notamment à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a reconnu aux mineurs un droit à l'oubli numérique, à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, grâce à laquelle les mineurs n'ont pas besoin du consentement de leurs parents pour demander l'effacement de leurs données personnelles.

Je pense également à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne et à la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, toujours en cours de navette parlementaire.

Le Gouvernement s'est également engagé à accompagner les parents face aux enjeux de parentalité numérique pour prévenir les usages excessifs et inappropriés des écrans, en soutenant ces initiatives parlementaires, en lançant une campagne nationale de prévention consacrée à la parentalité numérique ou encore au travers de la création d'une plateforme d'information et d'accompagnement à la parentalité numérique.

Plus précisément, la proposition de loi qui est soumise à notre examen prévoit d'introduire dans la définition de l'autorité parentale la notion de vie privée, afin de sensibiliser les parents à l'importance qu'ils doivent accorder à cet enjeu, au même titre que la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant.

La commission a, en revanche, choisi de supprimer l'article 2, qu'elle a jugé redondant, et l'article 4, dont les dispositions ont été considérées comme inopérantes. Je salue à cette occasion le travail de Mme la rapporteure.

Ce texte, issu des travaux de l'Assemblée nationale, permettait aussi au juge aux affaires familiales d'interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l'autorisation de l'autre parent lorsqu'il y avait désaccord entre eux sur l'exercice des actes non usuels relevant du droit à l'image de l'enfant. Afin d'éviter une interprétation différente de la notion d'actes usuels ou non usuels entre juridictions, la commission a décidé d'inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant nécessiterait l'accord des deux parents et que, en cas d'atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, la Cnil pourrait agir en référé.

Il nous semble important de renforcer la protection des enfants tout en évitant de rigidifier à l'excès le quotidien des familles, ce que, à notre sens, cette nouvelle rédaction risque de provoquer. Aussi, nous vous soumettrons un amendement proposant de permettre au juge d'interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent, sans faire référence aux actes non usuels de l'autorité parentale qui figurait dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Le groupe RDPI se félicite de l'examen de ce texte qui répond à un défi sociétal actuel et accompagnera les parents dans l'exercice de leur parentalité numérique, afin d'éviter un usage abusif du droit à l'image des enfants et leur surexposition sur les plateformes sociales.

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