Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 9 mai 2023 à 14h30
Influenceurs sur les réseaux sociaux — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru en dix ans !

Oui, c’était en 2013 : le célèbre « Non, mais allô quoi ! », prononcé par Nabilla Vergara se répandait comme une traînée de poudre sur internet, la propulsant à des sommets de notoriété. Dix ans plus tard, l’intéressée est suivie par neuf millions de personnes sur Instagram, ce qui est deux fois et demie plus que le compte Instagram du Président de la République et 140 fois plus que celui de notre vénérable institution, le Sénat.

Ces ratios suscitent des interrogations. En effet, lorsque l’intéressée fait la promotion de services boursiers sur Snapchat sans mentionner qu’elle est rémunérée pour le faire, on imagine les conséquences sur la souscription de ces produits. Cela a d’ailleurs suscité une amende infligée par la DGCCRF, en 2021, pour pratiques commerciales trompeuses.

Cet exemple le montre, nous ne partons pas d’une feuille vierge, puisqu’un dévoiement a provoqué une sanction. Toutefois, il existe un besoin impérieux de préciser des définitions, de renforcer les sanctions et de travailler sur l’éducation.

C’est tout l’objet du travail conduit par les députés. Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte sur cette proposition de loi transpartisane, qui nous est soumise.

Je veux également saluer l’importante concertation menée dans le même temps – les initiatives ont été convergentes – par Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, dans le cadre du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui a suscité près de 20 000 contributions et à laquelle 400 professionnels ont participé.

Tout cela a permis de trouver un équilibre. C’était important, car notoriété et algorithmes peuvent former un mélange détonant dans la société que nous connaissons.

Dès lors, comment rappeler aux 150 000 influenceurs français leurs devoirs et à nos compatriotes les droits dont ils disposent en tant que consommateurs ? C’est l’équation que cette proposition de loi transpartisane ambitionne de résoudre.

La définition de l’influence commerciale a été ajustée à l’Assemblée nationale, en séance, puis au Sénat, en commission des affaires économiques. À mon sens, on atteint désormais un bon équilibre : l’influence commerciale est définie avec justesse et clarté.

L’agent d’influence fait lui aussi l’objet d’une définition, et la responsabilité solidaire qu’elle implique est la bienvenue.

Il a fallu, en conséquence, déterminer les outils à même d’encadrer cette pratique. Un certain nombre d’entre eux sont d’ordre général. Je pense aux directives européennes sur la vie privée, les communications électroniques ou encore les pratiques commerciales déloyales dans le marché intérieur. Je pense aussi à un certain nombre de textes fixant les interdictions sectorielles de la publicité.

Toutefois – on a pu s’en convaincre –, ce cadre était mal connu et parfois inadapté. Il était donc indispensable d’ajuster un certain nombre de dispositifs.

En particulier, le Sénat a jugé nécessaire qu’un contrat écrit liant les influenceurs, les agences et les annonceurs soit rendu obligatoire.

De même, nous avons besoin d’une véritable responsabilisation des plateformes en ligne, laquelle suppose l’intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette direction doit être confortée dans ses prérogatives et dans son action : c’est pourquoi le présent texte lui donne à la fois un pouvoir d’injonction et des moyens supplémentaires.

Cela étant, on pourrait s’interroger : toutes ces mesures, toutes ces contraintes ne vont-elles pas avoir raison du secteur ?

Gardons à l’esprit que nous sommes face à une activité économique à part entière, qui s’est rapidement structurée. Elle doit certes pouvoir se développer, mais dans un cadre défini par des règles claires.

Ce n’est pas un secteur à part : c’est un secteur à part entière. Chaque année, 40 millions de nos compatriotes effectuent des achats en ligne. D’ailleurs, le ministère est très attentif aux risques de décommercialisation et, sur ce sujet, plusieurs travaux ont été enclenchés à la suite des États généraux du commerce.

Il importait de rappeler qu’un certain nombre d’obligations applicables aux activités de promotion et de publicité dans leur ensemble s’étendent à l’influence commerciale.

Dans le même esprit, nous avons renforcé diverses mesures de protection, notamment en matière de santé publique. Ces dispositions concernent tout particulièrement les mineurs, qu’il s’agisse de chirurgie esthétique, d’abstention thérapeutique ou de produits financiers.

Pour l’ensemble de ces raisons, cette proposition de loi est de force à garantir une véritable protection des consommateurs, en assurant une relation commerciale de confiance entre les influenceurs et leur public.

Les mentions de publicité prévues nous semblent tout à fait justifiées.

Les influenceurs bénéficieront d’une meilleure information grâce au guide des bonnes pratiques qui sera régulièrement mis à jour. À l’évidence, nous devons progresser en ce sens : au total, 60 % des 50 influenceurs contrôlés par Bercy ont commis des infractions.

Naturellement, le citoyen doit lui aussi faire l’objet d’un effort de pédagogie, car il a besoin d’être éclairé lorsqu’il consomme.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDPI souhaitaient attirer l’attention sur ces quelques points. Accompagner, protéger et éclairer : tels sont les trois buts de cette proposition de loi. La voter, c’est faire œuvre utile, et nous la voterons.

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