Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc en train de discuter d’un texte visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Il s’agit essentiellement d’une recodification à droit constant.
Il s’agit d’un texte sans réelle ambition, hormis celle de faciliter la compréhension de la loi.
La méthode demeure inchangée, mais nous en avons l’habitude ! Alors que c’est l’usage, et en dépit d’un processus qui a duré trois années, il n’y a pas eu de réel travail avec les assemblées des territoires concernés. Nous le déplorons.
Des normes vont-elles s’abattre une nouvelle fois sur des décideurs locaux, sans qu’ils aient pu se les approprier, sans qu’aient été remises à plat certaines règles désuètes, voire inadaptées, et en l’absence de dialogue et de consensus ?
L’assemblée de Polynésie française s’est dressée contre le rapport à la démocratie entretenu par le Gouvernement, en fustigeant des saisines multiples et en urgence. Elle a été contrainte d’émettre un avis défavorable sur ce texte, car « la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées ».
Le Sénat n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur. Il doit, lui aussi, examiner au pas de charge un projet de loi dont il ne peut saisir l’ensemble des implications et des conséquences. Nous avons en effet eu deux semaines, en comptant l’interruption des travaux parlementaires, pour examiner un texte qui résulte de trois années de travail !
Je m’arrêterai sur deux articles, qui nous semblent poser problème, l’article 1er bis et l’article 5.
L’article 1er bis, qui a été introduit par M. le rapporteur, tente d’imposer à un gouvernement récalcitrant la pleine application d’une volonté inscrite dans la loi du 8 octobre 2021. Il s’agit de permettre aux collectivités d’émettre des obligations à des créanciers qui pourraient être des personnes morales, donc des entreprises.
Cela revient à faire financer tous les services publics choisis par les collectivités par les entreprises via une plateforme en ligne. Du reste, mon collègue Pascal Savoldelli a eu l’occasion de demander, voilà quelques jours, s’il existait de meilleurs moyens que les impôts pour financer les services publics !
M. Yvon Goutal, avocat associé et professeur des universités, résume dans La Gazette des communes les raisons qui nous obligent à nous opposer à cette idée quelque peu saugrenue.
L’affectation budgétaire des montants collectés est interdite, car elle entre en contradiction avec le principe d’universalité budgétaire. La promesse politique d’utiliser cet argent pour un investissement particulier est possible, mais elle n’est soumise à aucune contrainte juridique.
L’universalité budgétaire est la manifestation d’une solidarité. En s’acquittant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Total finançait les services publics de la petite enfance ou les services environnementaux. À l’avenir, Total pourrait choisir de financer un service public selon ses propres intérêts. Il en va de même pour les impôts locaux aux personnes physiques ! Vous me pardonnerez ces rudiments de finances publiques locales.