Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il était hier un sésame incontournable et convoité ; il est désormais boudé pour son coût, sa difficulté et une utilité jugée moindre. Le permis de conduire, qui a fêté son centenaire l’année passée, se heurte aux aléas de notre époque.
D’abord, les contraintes liées à la sécurité routière ont amplement complexifié son obtention, notamment en zone urbaine. On dénotait ainsi 47 % de réussite à l’examen pratique dans le Rhône ou à Paris contre 75 % en Lozère ou encore 78 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ensuite, son coût a considérablement augmenté : de 1 500 francs en moyenne, soit 200 euros, en 1981 contre 1 592 euros en moyenne en 2022, là encore, avec de grandes disparités territoriales.
Enfin, le développement des nouvelles mobilités ou les considérations écologiques rendent son obtention moins nécessaire qu’elle ne l’était par le passé, notamment pour les résidents des zones urbaines.
Pourtant, le permis de conduire demeure le passeport vers la liberté pour un grand nombre de jeunes au lendemain de leurs 18 ans. C’est le seul moyen pour nombre de nos concitoyens d’assurer leur autonomie dans les territoires ruraux ou les petites villes, où l’offre de transports est souvent insuffisante, voire inexistante.
Il est par ailleurs indispensable au quotidien à la mobilité de millions de travailleurs, au point d’être une condition sine qua non de recrutement sur certains emplois.
C’est pourquoi il paraît aujourd’hui quasiment anachronique que le permis de conduire demeure un parcours du combattant pour autant de personnes : 20 % des Français en âge de travailler, soit 7 millions d’individus, se trouveraient en situation de précarité en termes de mobilité ; 28 % des personnes en insertion professionnelle auraient même déclaré avoir dû refuser une formation ou un emploi en l’absence de moyens de déplacement.
Il convient bien évidemment de saluer l’initiative de cette proposition de loi. Les rectifications apportées par notre collègue rapporteur, Loïc Hervé, vont dans le sens d’un assouplissement des contraintes techniques et administratives qui pèsent sur l’examen.
Je pense plus spécifiquement à la suppression du bilan mentionné à l’article 1er, qui imposait aux collectivités de retracer l’ensemble des financements apportés aux candidats au permis. L’objectif de transparence est louable ; imposer une nouvelle contrainte sur les collectivités ou les missions locales l’est moins.
Je salue aussi la suppression de l’article introduit par les députés qui tendait à renvoyer à un décret en Conseil d’État la tâche d’assouplir l’exigence de présenter l’ASR ou l’ASSR 2 pour les moins de 21 ans.
Cependant, il reste plusieurs points sur lesquels le texte ne répond pas pleinement aux problématiques identifiées sur le sujet.
Le recrutement de nouveaux inspecteurs du permis par voie externe est une première avancée, mais elle ne saurait résoudre durablement la question des délais de présentation de l’examen, quand on sait que les facteurs susceptibles de prolonger ceux-ci sont davantage d’ordre financier pour bon nombre de nos concitoyens.
Le financement par le CPF est une solution judicieuse pour les personnes en emploi. La proposition d’une cessibilité au sein d’un seul et même foyer, comme entre parents et enfants, est le fruit d’une bonne intention, mais devra être retravaillée pour combler les risques de fraude et de mésusage et pour atténuer les risques d’iniquité.
Les droits à la formation sont en effet variables selon la profession, généralement plus généreux pour les professions les plus qualifiées. Cela risquerait donc de pénaliser les ménages les moins aisés.
Le principal problème réside, sans surprise, dans le coût de l’épreuve et des heures de conduite. Les aides financières sont insuffisantes et cette proposition de loi n’y apporte pas de solutions concrètes.
Les missions locales pour l’emploi et la formation, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les agences de Pôle emploi peuvent apporter un complément de financement pour aider les plus en difficulté, mais elles ont des moyens d’action limités.
Le plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution » devra aller plus loin sur les financements proposés et associer les collectivités dans le pilotage de ces fonds.
Enfin, je ne suis pas favorable à un abaissement trop important de l’âge légal d’obtention du permis. On a pu observer dans les dernières statistiques fournies par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière que la mortalité décroissait avec l’âge : le ratio moyen atteint 101 tués par million d’habitants pour les jeunes de 18-24 ans, avant de descendre à 61 pour les 25-34 ans, puis à 52 pour les 35-74 ans.
Si un abaissement de l’âge venait à être adopté, il faudrait absolument mettre les bouchées doubles sur la sensibilisation et la prévention routières dans les collèges et les lycées. À l’heure actuelle, les campagnes font effet, mais elles ne sont pas encore suffisantes.
Bien évidemment, la demande des jeunes provenant des territoires ruraux s’entend, mais la réponse ne doit pas entraîner un retour en arrière sur les progrès réalisés en matière de sécurité routière.
La route est encore longue pour faire du permis de conduire une étape accessible à tous financièrement et matériellement, tout en gardant comme finalité suprême la lutte pour la sécurité routière.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, mais appelle le Gouvernement à consolider les moyens de son action en la matière.