Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de six années pendant lesquelles les gouvernements successifs ont minimisé le rôle central de l’énergie dans la transformation profonde de notre pays, nous voilà, à travers ce projet de loi portant relance du nucléaire, en situation de poser un second acte, après le premier relatif aux énergies renouvelables (EnR).
À l’encontre de la logique la plus élémentaire, qui aurait nécessité que nous actualisions d’abord la stratégie nationale bas-carbone, que nous discutions ensuite la loi de programmation sur l’énergie et le climat et qu’enfin en soit déduite la PPE, la commission mixte paritaire propose d’actualiser la PPE en vigueur pour le nucléaire, alors qu’une telle actualisation était apparue inutile ou sans portée à la suite du texte relatif à l’accélération du déploiement des EnR. Comprenne qui pourra !
Le projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN, présenté au détour d’un amendement introduit après la discussion du texte au Sénat, nous a confirmé l’intention de passage en force du Gouvernement et, accessoirement, le peu de considération qu’il a pour la Haute Assemblée.
Le groupe socialiste a pris le temps d’écouter les personnels de l’IRSN, dont je tiens à saluer le sens des responsabilités et du devoir.
Potentiellement, toute évolution de la doctrine et de l’organisation française en matière de sûreté nucléaire doit être documentée et discutée avec la représentation nationale et les acteurs de la société civile.
C’est pour aller dans ce sens que notre groupe a proposé à la commission mixte paritaire un amendement visant à confier à l’Opecst une étude relative à l’organisation des missions de l’ASN et de l’IRSN. La présidente de la commission des affaires économiques du Sénat a donné suite à cet amendement sous la forme d’une saisine officielle de l’organisme par le Sénat. C’est une bonne chose, et nous nous en réjouissons !
Cependant, nous n’avons pas voté l’amendement relatif au recrutement par l’ASN de contrats privés.
Je rappelle que la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes permet déjà à l’ASN de recruter des contractuels. Cette disposition introduite en commission mixte paritaire amorce donc, à bas bruit, une fusion.
La prise en compte de l’artificialisation des sols engendrée par les nouvelles installations nucléaires dans le ZAN des territoires concernés a, bien entendu, retenu notre attention. La solution consistant à renvoyer le traitement de cette question à une loi spécifique qui serait adoptée au plus tard le 1er janvier 2024 nous paraît relever d’un pis-aller. Un « compté à part » seul ne résoudra rien.
L’équité doit prévaloir et l’impact des projets nationaux doit être pris en compte sur l’ensemble du territoire. La solution technique est simple, encore faut-il un peu de courage politique pour la mettre en œuvre. Nous en reparlerons.
En définitive, ce texte permettra de gagner une année, ou un peu plus, après que nous en avons perdu cinq, et ce pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus.
Cela relativise la portée des mesures proposées. Nous sommes néanmoins globalement favorables à ces dispositions de simplification, qui faciliteront le travail des opérateurs – EDF production, RTE et les filières industrielles concernées –, tout en respectant les territoires et les collectivités locales directement touchés.
De nombreux autres points touchant au nucléaire restent cependant en suspens ; ils conditionneront la réussite finale du plan engagé. Nous pouvons ainsi citer, du côté de l’appareil industriel : la maîtrise technologique des EPR 2, le coût de financement des programmes, les compétences techniques nécessaires, l’attractivité des métiers – sujet qui renvoie aux statuts et cadres d’emplois – ou encore l’organisation du groupe EDF. Nous pouvons citer également, du côté des consommateurs : la suppression de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et la réforme structurelle des tarifs permettant la vente au plus près du coût moyen pondéré du mix électrique national, ainsi que l’élargissement des tarifs réglementés visant à protéger les artisans, les très petites entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et les collectivités locales, dispositions que vient de voter l’Assemblée nationale et dont j’espère que nous débattrons prochainement.
Tous ces sujets se trouvent dans le champ de responsabilité du Gouvernement et de votre ministère. Nous en attendons beaucoup, dans l’intérêt du pays.
En conclusion, ce texte sera utile, malgré sa portée relative, et notre groupe votera donc favorablement les conclusions de la commission mixte paritaire.