Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est largement issue des recommandations du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la compétitivité de la ferme France.
Les discussions que nous avons eues autour des conclusions de ce rapport nous ont permis de cheminer et de convenir, en commission, qu'il ne fallait ni opposer des modèles les uns aux autres ni condamner en bloc la stratégie de montée en gamme.
Si la compétitivité de notre modèle agricole ne peut pas reposer uniquement sur le haut de gamme, ne miser que sur les volumes sans tenir compte des externalités négatives que cette approche comporte ferait passer notre agriculture à côté des grands enjeux qui s'imposent non seulement à elle, mais aussi à toutes celles de la planète.
En plus d'assurer la souveraineté alimentaire, notre agriculture doit répondre à une exigence croissante de qualité et s'orienter vers des pratiques plus durables, respectueuses de l'environnement et du climat.
Face à la concurrence internationale croissante, de nombreux producteurs français ont ainsi fait le choix du bio ou d'une activité sous signe de qualité, synonyme de valeur ajoutée, de prix plus rémunérateurs et de conquêtes de nouveaux marchés.
La France fait ainsi, en Europe, figure de leader en matière de bio. Lorsque nous réussissons, soyons-en fiers, persévérons et maximisons notre avantage comparatif !
Les évolutions des pratiques et des exigences sociétales sont partagées par de jeunes agriculteurs, déjà installés ou en devenir, qui souhaitent être acteurs de la transition. Leur réussite sera la nôtre, car, d'ici à dix ans, un tiers des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite.
Le renouvellement des générations est donc une priorité ; c'est même le principal défi de notre agriculture, car sans agriculteurs, il n'y aura pas de ferme France.
Le dérèglement climatique et les évolutions démographiques nous imposent d'évoluer en profondeur, de nous adapter et d'anticiper.
C'est pourquoi, depuis six ans, nous sommes aux côtés du Gouvernement pour que les transitions nécessaires s'engagent rapidement, de manière pragmatique et efficace. Les concertations nationales et locales pour le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles préfigurent un débat riche pour notre agriculture et une loi structurante pour son avenir.
Aujourd'hui, c'est de la compétitivité de notre agriculture que nous débattons : lutter contre la concurrence déloyale, rééquilibrer la fiscalité agricole, favoriser l'innovation et les investissements… Tout cela, nous y souscrivons.
Cependant, en examinant le texte qui nous est soumis, nous notons que, si nous partageons de tels objectifs, nous avons en revanche des réserves sur certaines mesures qui semblent parfois en contradiction avec ceux-ci.
Ainsi, alors que la bureaucratie et la surabondance des normes sont des freins à la compétitivité de notre agriculture, la mise en place d'un haut-commissaire à la compétitivité et d'un plan quinquennal de compétitivité peut étonner.
Il faut toutefois reconnaître et saluer la qualité du travail fourni par Mme la rapporteure, car certaines modifications apportées au texte en commission constituent des évolutions positives.
Je tiens en particulier à insister sur celles apportées à l'article 8, ainsi que sur l'expérimentation de la pulvérisation par aéronefs téléguidés. Tout en tenant compte des observations de l'Anses, on lève ainsi les freins à l'innovation qui entravaient le développement de toute une filière. Le recours à des drones permettra en effet de réduire significativement l'utilisation de produits phytosanitaires.
Le groupe RDPI a cependant déposé, deux amendements visant à supprimer des mesures qui feront, sans aucun doute, l'objet de nouvelles discussions lors de l'examen du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles : d'une part, à l'article 15, la présomption d'intérêt général majeur des ouvrages visant à prélever et stocker l'eau à des fins agricoles ; d'autre part, à l'article 18, l'abrogation de deux avancées significatives de la loi Égalim : la séparation de la vente et du conseil et l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques.
L'article 15 porte sur un sujet sensible qui fait débat dans l'ensemble de la société. La solution préconisée, en plus de susciter des crispations, affaiblirait la concertation locale que l'article 16 vise pourtant à renforcer au sein des projets territoriaux de gestion de l'eau (PTGE).
Le revirement opéré à l'article 18, quant à lui, nécessiterait que l'on prenne le temps d'en évaluer l'impact en termes de recours aux produits phytopharmaceutiques.
Enfin, les mesures proposées de maîtrise des charges sociales et des charges de production, si elles nous paraissent pertinentes, semblent davantage relever du projet de loi sur le travail que nous examinerons cet été ou du projet de loi de finances.
Mes chers collègues, le chemin parcouru depuis la parution du rapport d'information qui a inspiré ce texte semble préfigurer de potentiels consensus sur le projet de loi d'orientation agricole ; il est important de le souligner sans masquer les désaccords qui subsistent.
Pour ces raisons, et sous réserve des débats que nous aurons sur ce texte, les membres du groupe RDPI auront pleine liberté de vote.