Intervention de Annie David

Réunion du 21 juillet 2009 à 21h30
Repos dominical — Exception d'irrecevabilité

Photo de Annie DavidAnnie David :

… car elles démontrent que cette proposition de loi ne correspond pas aux besoins économiques de notre pays, ni à ceux de nos concitoyennes et concitoyens !

Mais surtout, en dépit de ce que vous ne cessez de déclarer, l’ouverture des magasins le dimanche ne correspond pas à une attente populaire. Selon une étude menée en novembre dernier par le CRÉDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, trois Français sur quatre estiment que « le temps d’ouverture des commerces est déjà suffisant ».

La différence existant entre celles et ceux de nos concitoyens qui sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche et celles et ceux qui y sont opposés réside dans leur rapport au temps, et plus particulièrement, aurais-je envie de dire, au temps libre. Ainsi apprend-on dans cette même étude du CREDOC que « 36 % des Français déclarent manquer de temps pour faire ce qu’ils ont à faire, mais ne sont que 28 % à manquer de temps pour leurs achats ». Ce serait donc pour cette minorité que vous voudriez renoncer, monsieur le ministre, à tout ce que représente le dimanche, en bouleversant tous les équilibres sociaux et humains bâtis depuis l’adoption de la loi de 1906 ?... Je n’ose le croire !

Je pense plutôt que vous vous servez de cette minorité pour imposer une société où l’individualisation – qu’il ne faut pas confondre avec la prise en compte des intérêts individuels – prendra le pas sur le collectif, où le travail et, au-delà, le rapport marchand constitueraient les seules références.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG sont opposés à cette conception réductrice dans laquelle vous prétendez enfermer l’humanité. Nous estimons que, à côté de la vie professionnelle, il doit y avoir une vie sociale et sociétale permettant de conjuguer passions, intérêts, « vivre ensemble » et collectivité, solidarité et partage. Nous refusons de considérer que les hommes et les femmes sont strictement voués à des relations de travail ou de consommation. Soutenus par toutes les organisations syndicales, hormis le Medef, nous entendons affirmer aujourd’hui que nous ne sommes pas réductibles à notre seule force de travail ou à notre capacité d’achat ! Ou, pour reprendre les excellents propos du député UMP Marc Le Fur : « Nous ne voulons pas d’une République qui traite l’homme contemporain en individu consommateur ! »

Nous sommes convaincus que cette vie sociale et sociétale passe par un temps pour soi et pour les autres, identique et simultané. Toutes les études historiques et sociologiques le prouvent : l’existence d’une journée commune de repos a joué un rôle important en termes de cohésion et de socialisation. C’est, par exemple, grâce à l’application de loi de 1906, qui instaura le principe du repos dominical, que la loi de 1901 relative au contrat d’association a commencé à prendre son ampleur. Pour le sociologue Jean-Yves Boulin, le dimanche a « une fonction de synchronisation des temps et des activités ». Cette journée en commun est donc nécessaire au maintien du collectif, y compris au sein du cercle familial.

Cela est d’autant plus vrai que les modes de vie se sont intensifiés en moins de trente ans et que les pratiques et les usages des temps sociaux ont été profondément bouleversés, notamment en raison de l’individualisation et de la multiplication des horaires de travail atypiques, souvent à temps partiel, ainsi que de la « morcellisation » du travail, une évolution dont votre politique est responsable.

De plus, le cercle familial et la vie familiale ont également évolué, notamment avec la généralisation des foyers bi-actifs ou le nombre toujours croissant de familles monoparentales. Toutes ces évolutions induisent une exigence unique : la conservation de temps partagés « par » et « pour » tous.

Vous ne pouvez, monsieur le ministre, rester insensible à cette argumentation, à moins que Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, ne vienne contredire Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, qui n’hésitait pas, en 2007, à déclarer que la fermeture des écoles le samedi permettrait « aux familles de se retrouver ».

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