Séance en hémicycle du 21 juillet 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • contrepartie
  • dimanche
  • dominical
  • dérogation
  • repos
  • touristique

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Patrice Gélard, Yves Détraigne, Bernard Frimat, Simon Sutour et Mme Éliane Assassi.

Suppléants : Mmes Anne-Marie Escoffier et Jacqueline Gourault, MM. Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet, François Pillet, Jean-Pierre Sueur et Jean-Pierre Vial.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (578, 2008-2009).

En conséquence, l’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à la création d’une commission spéciale sur ce projet de loi.

Je soumets donc au Sénat cette proposition qui a recueilli en conférence des présidents l’accord de tous les groupes et celui des commissions intéressées.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour appelle la nomination des membres de cette commission spéciale.

Il va être procédé à cette nomination, conformément à l’article 10 du règlement.

La liste des candidats établie par les présidents de groupe va être affichée.

Cette liste sera ratifiée s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration d’un délai d’une heure.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

La discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie, par Mme David et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°119.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (562, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cheminement de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’a pas été un long fleuve tranquille puisque la majorité s’y est reprise à quatre fois en moins de deux ans pour imposer à ses parlementaires, le 15 juillet dernier, un texte dont ils ne voulaient pas. Je passerai sur l’épisode de décembre 2008 où, sous la pression de plus de cinquante députés UMP, l’avant-dernière mouture de ce texte a été retirée de l’ordre du jour de nos débats…

Il demeure que, malgré la pression constante du Président de la République, vingt-cinq députés de la majorité ont, d’une manière ou d’une autre, refusé d’adopter cette proposition de loi ; et on les comprend !

En effet, en raison même de son dispositif, celle-ci sera contraire au principe d’égalité cher aux constitutionnalistes, mais aussi à nos concitoyennes et concitoyens, qui y voient l’un des principes les plus protecteurs. En effet, dès lors que l’article Ier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux droits », il est du devoir premier des législateurs de respecter ce principe et de veiller à le protéger.

Or, en imposant, demain, le travail dominical à l’ensemble des salariés dont l’entreprise ou l’établissement sera situé en zone touristique, vous transgressez deux fois ce principe.

Tout d’abord, vous privez les salariés de leur liberté de refuser une modification substantielle de leur contrat de travail et vous les plongez dans une situation d’inégalité. En effet, à n’en pas douter, en cette période de crise, alors que le chômage plane sur notre pays tel un spectre, à la situation de subordination dans laquelle sont déjà placés les salariés vis-à-vis de leur employeur s’ajoute une fragilité économique qui aggrave leur dépendance, et ils n’auront pas, vous le savez bien, monsieur le ministre, madame le rapporteur, la liberté de refuser la modification qui leur sera proposée.

Quant à l’organisation de différents modes de rémunération pour la même activité, selon que le salarié se trouve dans une zone touristique, dans un PUCE, avec ou sans contrepartie – car les deux seront possibles –, ou dans une zone non couverte par ces différentes dérogations, vous organisez un traitement différencié qui ne trouve aucune justification dans l’existence d’une situation différente puisque c’est la loi elle-même qui l’organise !

Pour notre part, nous, sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche, considérons qu’il faut renforcer la protection des salariés plutôt que de permettre aux patrons de disposer d’outils de pression supplémentaires sur leur personnel.

Avec nos collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale, nous entendons nous associer à toutes les démarches entreprises en direction du Conseil constitutionnel afin qu’il censure une proposition de loi lourde de conséquences pour les droits fondamentaux des salariés de notre pays.

À ce titre, j’invite le Conseil constitutionnel à se pencher sur le non-respect, par cette proposition de loi, de l’esprit et des principes de notre Constitution. Je pense, par exemple, à l’interdiction, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 27 mars 2000, de résilier un contrat de travail en raison de la situation familiale du salarié. Je citerai en particulier le cas des mères célibataires qui, dans les zones touristiques, se verront contraintes de travailler le dimanche : en raison de leur situation de famille et de l’immense précarité qui est souvent la leur – 60 % des salariés de la distribution sont des femmes, dont les salaires sont rarement supérieurs au SMIC et qui sont souvent employées à temps partiel –, elles devront soit refuser et être licenciées, soit sacrifier leur temps libre avec leurs enfants et accroître, au passage, leurs frais de garde, point évoqué tout à l’heure par M. Lardeux.

Ces femmes-là, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces mères de famille partagées entre leurs enfants et leur travail, n’iront pas le dimanche dans les commerces ouverts, faute d’en avoir le temps, mais aussi faute d’avoir suffisamment d’argent !

Par ailleurs, monsieur le ministre, je regrette que vous ne vous soyez pas conformé au respect du principe de sincérité des débats. J’en conviens, celui-ci est plus particulièrement utilisé en matière budgétaire. Il n’en demeure pas moins que, pour garantir la pleine application de l’article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants », vous auriez dû peser de tout votre poids pour que votre majorité mette un terme à son exercice d’énonciation de contrevérités. Je regrette, à cet égard, que vous vous soyez vous-même, dans l’hémicycle, prêté tout à l’heure à ce jeu, ainsi que je vais le démontrer.

La première contrevérité se trouve dans l’intitulé de cette proposition de loi. À le lire, celle-ci permettrait de réaffirmer le principe du repos dominical. Drôle de manière de réaffirmer un principe que d’étendre les dérogations existantes et d’en ajouter de nombreuses autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mais il vous aurait été médiatiquement difficile de présenter cette proposition de loi pour ce qu’elle est : la généralisation du travail le dimanche. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… et ma collègue Isabelle Pasquet l’a très bien expliqué lors de la discussion générale.

L’intitulé de l’avant-dernière proposition de loi du député Richard Mallié avait au moins le mérite d’être clair : « Proposition de loi visant à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires ».

Mais cet intitulé, à l’évidence, ne permettait pas à votre gouvernement de mener à bien sa campagne de « matraquage », consistant à répéter à l’envi que cette proposition de loi était d’une importance moindre que la précédente. Ce tour de passe-passe, le premier d’une longue série, avait visiblement une double vocation : finir de convaincre celles et ceux de vos amis sur lesquels les pressions élyséennes n’auraient pas suffi, mais également rassurer, à la veille des vacances, nos concitoyennes et concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous avez ensuite tenté de faire croire que cette proposition de loi reposait sur la notion de volontariat… Sauf que ce volontariat, les salariés qui travaillent actuellement dans les villes touristiques ne pourront même pas s’en prévaloir. Pour eux, c’est simple : travail obligatoire le dimanche, sous peine de perdre son emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Au groupe CRC-SPG, nous ne cessons de dénoncer les employeurs voyous qui pratiquent du chantage à l’emploi.

Je me souviens d’avoir entendu ici même, monsieur le ministre, l’un de vos prédécesseurs dénoncer en séance publique le comportement d’un directeur d’usine qui menaçait de fermeture un établissement dont les salariés refusaient de revenir sur les 35 heures. Eh bien, demain, dans les zones touristiques, ce chantage pourra se poursuivre, et d’autant plus facilement qu’avec cette proposition de loi le Gouvernement, en ne prévoyant rien quant à la protection des salariés dans les zones touristiques, qu’elles soient d’intérêt ou d’affluence touristique – nous y reviendrons pendant le débat –, se fait le complice de ce chantage puisqu’il donne toute latitude aux employeurs mais aussi leur fournit les outils pour s’y livrer.

S’agissant des autres salariés, notamment ceux des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, il faut être au mieux bien naïf, au pis malhonnête, pour croire qu’ils pourront refuser de travailler le dimanche sans avoir à craindre pour leur emploi. C’est bien, d’ailleurs, ce qui avait amené quelque cinquante-cinq députés de l’UMP et du Nouveau Centre à affirmer, le 27 novembre dernier, dans la tribune intitulée « Vivement Dimanche » : « Chacun connaît les limites du volontariat : sans faire de procès d’intention aux chefs d’entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d’autre choix que celui d’accepter. »

Depuis cet appel, me direz-vous, bon nombre d’entre eux sont rentrés dans le rang, certains allant même jusqu’à cosigner le présent texte. Mais ce ralliement tardif ne signifie en rien que les propos tenus hier ne sont plus justes aujourd’hui, d’autant que la proposition de loi ne présente aucune garantie supplémentaire par rapport à ses précédentes versions.

Je ne peux que rappeler que la notion de « volontariat » n’a aucun sens dans un contexte de travail collectif puisque, comme dans toute société, les décisions individuelles ont nécessairement des répercussions collectives. Je reconnais toutefois que cela correspond au mouvement d’individualisation des relations de travail que vous avez entamé depuis des années, et dont la première pierre a été posée dans les années soixante-dix, avec l’individualisation des horaires de travail.

Au regard des politiques que votre majorité mène depuis des années, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que vous avez permis, avec l’« individualisation » des conditions de travail, la « morcellisation » des droits collectifs. Comme le soulignait Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, dans le magazine Liaisons sociales publié en mai dernier, « le volontariat est le moyen employé pour banaliser les atteintes aux protections collectives contenues dans le code du travail ».

La société du « libre choix » dont vous vous réclamez n’existe pas. S’accrocher à cette notion, c’est méconnaître l’ensemble des contraintes tant économiques que sociales qui pèsent sur les salariés dans les entreprises, et en dehors.

Quant aux contreparties financières censées « récompenser » les salariés privés de repos dominical – et vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré en séance publique à l'Assemblée nationale qu’elles devaient être « sérieuses » –, elles sont loin d’être à la hauteur. Contrairement aux annonces officielles, seule une minorité des salariés en profitera : celles et ceux qui travaillent dans les fameux PUCE, qui piquent beaucoup, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… et encore en fonction des accords négociés, lesquels peuvent être, vous le savez, moins favorables que la loi ou les conventions collectives ; nous y reviendrons.

Toutes ces contrevérités n’ont qu’un objectif : dresser un écran de fumée, détourner l’attention de nos concitoyennes et concitoyens sur votre intention réelle, qui est d’imposer de profonds changements de société.

Il faut dire que les temps dédiés aux loisirs, à la culture, à la vie associative, cultuelle, à l’engagement politique, sont, à vos yeux, des temps non productifs au sens marchand du terme. Certains de vos amis ont même affirmé dans les médias que cette proposition de loi permettait de « remettre la France au travail » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Là encore, le tableau dépeint par la droite est loin d’être fidèle à la réalité puisque 7 % des salariés de notre pays travaillent déjà le dimanche, ce qui nous place bien au-dessus de la moyenne européenne. Si l’on y inclut les salariés occasionnels du dimanche, le pourcentage est alors de 25 %.

Au-delà du seul travail du dimanche, la France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de salariés travaillant occasionnellement ou durablement le samedi : cela concerne 70 % d’entre eux.

Contrairement à ce que vous voudriez faire croire en vous attaquant aux 35 heures, aux rythmes de travail et, aujourd’hui, au repos dominical, notre pays n’est donc pas atteint par ce que l’on appelle le « sous-travail », si ce n’est en raison du chômage et des temps de travail morcelés que vos propres politiques favorisent !

Mieux, d’après une étude menée en septembre 2007 par Eurostat, la France se classe, en termes de productivité, en troisième position, juste derrière les États-Unis et la Norvège. Je sais, monsieur le ministre, que ces vérités vous déplaisent, …

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Pourquoi ? Je n’ai rien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… car elles démontrent que cette proposition de loi ne correspond pas aux besoins économiques de notre pays, ni à ceux de nos concitoyennes et concitoyens !

Mais surtout, en dépit de ce que vous ne cessez de déclarer, l’ouverture des magasins le dimanche ne correspond pas à une attente populaire. Selon une étude menée en novembre dernier par le CRÉDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, trois Français sur quatre estiment que « le temps d’ouverture des commerces est déjà suffisant ».

La différence existant entre celles et ceux de nos concitoyens qui sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche et celles et ceux qui y sont opposés réside dans leur rapport au temps, et plus particulièrement, aurais-je envie de dire, au temps libre. Ainsi apprend-on dans cette même étude du CREDOC que « 36 % des Français déclarent manquer de temps pour faire ce qu’ils ont à faire, mais ne sont que 28 % à manquer de temps pour leurs achats ». Ce serait donc pour cette minorité que vous voudriez renoncer, monsieur le ministre, à tout ce que représente le dimanche, en bouleversant tous les équilibres sociaux et humains bâtis depuis l’adoption de la loi de 1906 ?... Je n’ose le croire !

Je pense plutôt que vous vous servez de cette minorité pour imposer une société où l’individualisation – qu’il ne faut pas confondre avec la prise en compte des intérêts individuels – prendra le pas sur le collectif, où le travail et, au-delà, le rapport marchand constitueraient les seules références.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG sont opposés à cette conception réductrice dans laquelle vous prétendez enfermer l’humanité. Nous estimons que, à côté de la vie professionnelle, il doit y avoir une vie sociale et sociétale permettant de conjuguer passions, intérêts, « vivre ensemble » et collectivité, solidarité et partage. Nous refusons de considérer que les hommes et les femmes sont strictement voués à des relations de travail ou de consommation. Soutenus par toutes les organisations syndicales, hormis le Medef, nous entendons affirmer aujourd’hui que nous ne sommes pas réductibles à notre seule force de travail ou à notre capacité d’achat ! Ou, pour reprendre les excellents propos du député UMP Marc Le Fur : « Nous ne voulons pas d’une République qui traite l’homme contemporain en individu consommateur ! »

Nous sommes convaincus que cette vie sociale et sociétale passe par un temps pour soi et pour les autres, identique et simultané. Toutes les études historiques et sociologiques le prouvent : l’existence d’une journée commune de repos a joué un rôle important en termes de cohésion et de socialisation. C’est, par exemple, grâce à l’application de loi de 1906, qui instaura le principe du repos dominical, que la loi de 1901 relative au contrat d’association a commencé à prendre son ampleur. Pour le sociologue Jean-Yves Boulin, le dimanche a « une fonction de synchronisation des temps et des activités ». Cette journée en commun est donc nécessaire au maintien du collectif, y compris au sein du cercle familial.

Cela est d’autant plus vrai que les modes de vie se sont intensifiés en moins de trente ans et que les pratiques et les usages des temps sociaux ont été profondément bouleversés, notamment en raison de l’individualisation et de la multiplication des horaires de travail atypiques, souvent à temps partiel, ainsi que de la « morcellisation » du travail, une évolution dont votre politique est responsable.

De plus, le cercle familial et la vie familiale ont également évolué, notamment avec la généralisation des foyers bi-actifs ou le nombre toujours croissant de familles monoparentales. Toutes ces évolutions induisent une exigence unique : la conservation de temps partagés « par » et « pour » tous.

Vous ne pouvez, monsieur le ministre, rester insensible à cette argumentation, à moins que Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, ne vienne contredire Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, qui n’hésitait pas, en 2007, à déclarer que la fermeture des écoles le samedi permettrait « aux familles de se retrouver ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Y compris pour faire des courses !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

On pourrait donc vous objecter, monsieur le ministre, que faire travailler les salariés le dimanche, seul jour véritablement partagé, aura l’effet inverse. Vous aurez alors beau jeu de dénoncer le démantèlement du cercle familial et d’imposer aux parents que vous jugerez inconséquents – en réalité, contraints de travailler les jours de repos de leurs enfants – des sanctions pénales et financières.

Pour notre part, nous refusons de voir notre société se transformer en une société de satisfaction immédiate des envies matérielles et commerciales. Cette logique du « tout-commerce », du matérialisme, ne peut être celle d’une société d’épanouissement de tous. Elle ne fera, au contraire, qu’accroître le sentiment d’inégalité entre celles et ceux qui accumulent le plus de richesses, peuvent disposer à leur guise de leur temps, acheter les biens qu’ils désirent, et les plus précaires de nos concitoyens, contraints d’accepter tous les emplois, y compris ceux qui incluent le travail le dimanche.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne sera qu’une pièce d’un engrenage. Après avoir cherché à satisfaire les envies des consommateurs qui veulent être libres d’acheter meubles et vêtements le dimanche, il faudra bien satisfaire celles et ceux qui voudront acheter téléviseurs et chaussures tout au long de la nuit !

Avant de conclure, je tiens à indiquer que l’ouverture des commerces le dimanche n’est en rien comparable à l’ouverture des services publics, qui exige une continuité dans l’offre qu’elle apporte à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens, et vous le savez parfaitement !

Avec cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, nous voulons permettre à toutes celles et tous ceux qui, sans distinction d’appartenance politique, souhaitent replacer le politique au-dessus de l’économique, remettre les femmes et les hommes au cœur de nos préoccupations, qui entendent s’opposer à l’émergence d’une société conditionnée par les exigences des consommateurs et refuser une société dans laquelle les intérêts collectifs seraient sacrifiés sur l’autel de l’argent roi !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission n’a pas été convaincue par les arguments avancés par Mme David à l’appui de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Manifestations de surprise feinte sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Ainsi que nous l’avons déjà souligné, les aménagements proposés concernant le repos dominical sont de portée limitée. Ils ne portent donc pas atteinte au droit au repos et aux loisirs garanti par le préambule de la Constitution de 1946.

Quant aux différences entre les salariés, elles s’expliquent par l’existence de deux situations distinctes : dans certains cas, le travail dominical est conditionné à l’obtention d’une autorisation temporaire et individuelle, alors qu’il est de plein droit dans d’autres cas, en raison de la nature même de l’activité ou de la zone géographique considérée.

Pour autant, certaines obligations seront fixées, telle la négociation obligatoire même là où la dérogation est de droit, contrairement à ce qui se passe actuellement. Ce texte comporte donc des avancées par rapport à la situation existante.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

En référer comme vous le faites, madame David, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est considérer que les 7 ou 8 millions de personnes qui travaillent aujourd'hui le dimanche dans des stations thermales ou touristiques sont victimes d’un ostracisme, ce que je conteste.

Par ailleurs, je formulerai sept brèves remarques.

Premièrement, la loi n’implique aucune obligation pour le salarié d’accepter la modification de son contrat de travail.

Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Je ne vois pas ce qu’il y a là de comique !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

C’est exactement ce qui est écrit dans la loi ! Mais si cela vous amuse…

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Deuxièmement, le refus de travailler le dimanche n’est pas en soi, vous le savez, constitutif d’une faute justifiant un licenciement.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. J’ai rappelé tout à l'heure que les directions départementales de l’inspection du travail procéderaient à des vérifications.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Troisièmement, nous proposons non pas une généralisation du travail dominical, comme cela a été affirmé à plusieurs reprises, mais tout simplement une extension limitée et encadrée.

Quatrièmement, il n’y a aucune individualisation des relations du travail en France. À la différence de nombreux pays européens, la France est, au contraire, reconnue pour la place éminente qu’elle accorde à la négociation collective

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Cinquièmement, les statistiques dont vous faites état doivent être, c’est le moins que l’on puisse dire, nuancées : en matière de temps de travail, la France se situe non pas en tête du peloton, mais dans sa deuxième moitié.

Sixièmement, c’est non cette proposition de loi qui comporte un vrai risque de démantèlement du lien familial, mais le chômage, contre lequel le Gouvernement mobilise toutes ses forces.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Septièmement, enfin, le droit individuel des salariés ne sera pas sacrifié.

En conséquence, le Gouvernement s’oppose fermement à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix la motion n° 119, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 201 :

Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés337Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption137Contre 200Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie, par M. Jeannerot, Mme Le Texier, M. Desessard, Mmes Printz, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Courteau, Yung, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°6.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (562, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Claude Jeannerot, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications. Croyez que je ne vous fais aucun procès d’intention. Par définition, je vous accorde même le bénéfice de la bonne foi et j’aimerais pouvoir croire aux assurances que vous avez bien voulu nous donner. Mais, vraiment, je pense que vous faites une erreur d’analyse. Vous sous-estimez, en particulier, la force des signes. Le signe que vous donnez est de bien mauvais augure pour notre société et, au terme de cette discussion générale, ma conviction se trouve renforcée.

Mes chers collègues, contrairement aux apparences, le débat qui nous mobilise aujourd’hui, au cœur de l’été, n’est pas un débat technique visant, comme on l’affirme, à permettre quelques aménagements subalternes et périphériques. Il ne s’agit pas seulement de régler des exceptions plus ou moins larges par rapport à un principe qui demeurerait celui du repos dominical. Ne vous y trompez pas, ce n’est pas à un simple toilettage juridique que nous avons ici affaire !

En fait, ce texte renvoie à une question de société. Il porte en germe des bouleversements profonds et, de notre point de vue, inacceptables. Pour tout dire, le texte qui nous est proposé doit être retiré dans sa totalité pour trois raisons décisives : les mesures qu’il comporte sont inefficaces économiquement, injustes socialement et dangereuses pour la cohésion sociale.

Mes collègues ont longuement développé le fait que les mesures proposées sont inefficaces économiquement. D’ailleurs, ici comme ailleurs, personne ne croit pouvoir en escompter un quelconque effet positif sur la consommation et sur la croissance. Vous le savez bien, c’est le pouvoir d’achat qui est à la source de la croissance, et celui-ci est d’abord commandé par les salaires.

Une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, sur la situation en Allemagne montre que l’ouverture des magasins le dimanche n’a modifié ni les comportements de consommation ni les comportements d’épargne.

La généralisation progressive du travail le dimanche n’aura qu’un effet : l’élargissement du temps de consommation. Ainsi, les précaires n’auront pas davantage de travail, mais leur travail, quand ils en auront, sera plus émietté. Mais ni la croissance ni le pouvoir d’achat des Français ne s’en trouveront stimulés... Au contraire, le travail dominical détruira des emplois en pénalisant les petits commerces qui, à chiffre d’affaires égal, emploient trois fois plus de salariés que les grandes surfaces.

De l’avis d’une majorité d’experts et des organisations syndicales et patronales représentant les PME et les très petites entreprises, ce sont même des dizaines de milliers d’emplois qui seraient ainsi menacés dans le petit commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Peu l’ont souligné, l’ouverture des commerces le dimanche, c’est aussi, paradoxalement, la certitude d’une augmentation des prix. Les surcoûts liés aux charges fixes sont évalués à 4 % ou à 5 % et seront répercutés sur les prix payés par tous les consommateurs, y compris par ceux qui achètent en semaine. Ouvrir un dimanche coûte trois fois plus cher qu’ouvrir un jour de semaine, du fait des frais de communication qu’il faut engager ou des charges de fournisseurs qui se trouvent augmentées par les prestations dominicales.

Par ailleurs, beaucoup l’ont dit, l’extension du travail du dimanche est également une aberration au regard du développement durable. Après l’adoption du Grenelle de l’environnement, la course à la consommation suscitée, et non raisonnée, est malvenue. Chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus est évidemment générateur de surconsommation d’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Ces sujets n’ont donné lieu à aucune évaluation.

Je signale que des commerces d’ameublement ont cessé d’ouvrir le dimanche au vu des coûts suscités, et des accords locaux se multiplient pour fermer simultanément dans des départements entiers.

Ce texte est encore injuste socialement.

Quoi que vous en disiez, le texte qui nous est présenté constitue un changement de cap. Il ouvre une brèche dans notre droit du travail. D’ailleurs, il nous arrive sous forme rampante et insidieuse, et, comme l’ont dit mes collègues, le choix de la procédure, celle d’une proposition de loi, n’est pas le fruit du hasard. Même si, au bout du compte, les partenaires sociaux ont pu faire entendre leur voix, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, le recours à une proposition de loi permet, vous le savez, de contourner le dialogue social préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

L’Élysée a en effet sciemment utilisé la proposition de loi du député Richard Mallié pour court-circuiter les syndicats. S’il s’était agi d’un projet de loi, il aurait fallu les consulter dans un cadre formel et organisé ; c’était une obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

D’ailleurs, en invitant à la fin octobre les parlementaires « à s’en saisir sans tabou », le Président de la République a indiqué sa volonté de voir le projet aboutir au plus vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

On invoque régulièrement – et vous venez de l’utiliser à nouveau, monsieur le ministre – l’argument de la liberté de choix. Pourquoi, demande-t-on, vouloir interdire à ceux qui le souhaitent de travailler le dimanche ?

Je le dis avec force, un tel argument n’est évidemment pas crédible ! C’est oublier que le contrat de travail n’est pas un contrat comme les autres ; il n’est pas passé entre deux personnes placées sur un pied d’égalité. S’il existe encore, dans notre pays, un droit du travail distinct du droit des contrats, c’est précisément sur le fondement de la reconnaissance du lien de subordination entre employeur et salarié. Dans le rapport salarial, l’égalité entre les parties au contrat, la parfaite liberté de l’une et de l’autre partie constituent une illusion, vous le savez bien. Les salariés ne sont jamais volontaires en raison même de ce lien de subordination.

Un seul exemple suffira à le montrer, celui d’un demandeur d’emploi lors d’un entretien d’embauche. Imaginez la scène : pourra-t-il affirmer tranquillement qu’il ne veut pas travailler le dimanche si l’employeur le lui demande et conserver réellement toutes ses chances d’être embauché ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Si au moins cette obligation de fait permettait aux salariés d’obtenir des compensations salariales, une telle mesure trouverait peut-être un début de justification. Mais, dès lors qu’ils travaillent dans une zone ou une commune de tourisme, le texte ne prévoit pour eux aucune compensation.

Enfin, ce texte est dangereux pour la cohésion sociale, et j’insisterai sur ce point.

Ce texte nous incite à élargir notre réflexion : dans quelle société voulons-nous vivre ? Voilà la question centrale !

Tous les équilibres auxquels nous sommes parvenus à travers les siècles seront, quoi que vous en disiez, remis en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Aujourd’hui, le marché exige l’ouverture le dimanche. Hier, c’était la précarisation du salariat. Que demandera-t-il demain ?

Voilà pourquoi il ne faut pas seulement des règles de protection ; il faut des principes intangibles au service de l’organisation sociale. Ces principes sont au centre de toute l’histoire du mouvement social. Ils rappellent la prééminence de l’humain sur le matériel. Et même si l’activité commerciale dominicale devait permettre de créer des richesses supplémentaires, ce qui est loin d’être démontré, celles-ci ne valent rien par rapport à cette prééminence de l’humain, dans toutes ses dimensions, citoyenne, culturelle, affective et spirituelle. L’homme ne saurait être réduit à un consommateur.

Entendez la voix de Jean Jaurès, qui vous adjure de ne pas renoncer à cette grande loi qui, en 1906, a instauré le repos dominical obligatoire de vingt-quatre heures pour les ouvriers et les employés du commerce !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Aux femmes et aux hommes qui ne se réclament pas de cette tradition de la gauche, mais qui se réfèrent à la démocratie chrétienne, je veux rappeler que ce repos dominical ne fut pas la victoire de la seule CGT. Elle fut aussi la leur puisque, en 1880, la loi de 1814 qui permettait déjà de chômer le dimanche avait été abrogée et que, en 1906, c’est une loi de consensus national qui fut votée, je tiens à le souligner, afin de protéger les travailleurs. Ce consensus, vous allez le briser !

Mes chers collègues, ce débat n’est pas un débat comme les autres. Si cette proposition de loi en est à sa quatrième mouture, c’est bien parce que nous pressentons tous, par-delà les sensibilités politiques, que le travail du dimanche est une digue dont la destruction en emportera beaucoup d’autres !

La philosophie de ce texte est claire et c’est toujours la même : il faut travailler plus, plus longtemps, plus vieux, le dimanche, les jours fériés, la Pentecôte et, bientôt, pendant son arrêt de maladie ou son congé maternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

La philosophie de ce texte est également fort simple : un pays « moderne » serait un pays où la consommation doit être élevée au rang de loisir et où le bon vouloir de la clientèle se mue en objectif d’intérêt général. Dans cette optique, le dimanche est présenté comme une survivance surannée de vielles obligations religieuses ; l’abolition du dimanche chômé serait donc une marque de « modernité »…

Ce qui est en question, ce n’est pas seulement l’intérêt des salariés : c’est aussi toute notre vie collective et sociale, qui, soyez-en sûrs, chers collègues de la majorité – et je suis prêt à prendre date avec vous –, se trouvera ébranlée.

Le repos dominical est, dans notre droit, érigé en principe d’ordre public. Le législateur a choisi de sacraliser un jour voué au repos individuel et collectif, à la famille, aux amis, un jour qui échappe à l’échange marchand, à l’emprise de l’activité commerciale. De ce point de vue, il exerce, monsieur le ministre, une fonction symbolique essentielle, ainsi qu’une fonction sociale éminente, que chacun s’accorde du reste à reconnaître, tant l’enjeu dépasse a priori les clivages politiques habituels, comme nous avons encore pu le vérifier cet après-midi.

Par ce texte, vous fragilisez tout notre édifice social, vous jouez les apprentis sorciers !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Quelles conséquences aura votre réforme sur la vie familiale, la vie associative, les pratiques culturelles ?

Sourires sur les mêmes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Quelles conséquences auront, en termes de santé publique, des mesures qui détériorent le tissu social et familial ?

Certes, j’en conviens avec vous, il est difficile de disposer d’éléments de projection précis. §J’observe toutefois qu’aucune forme d’expertise n’a été sollicitée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Cependant, un élément devrait troubler le Gouvernement et la majorité, remettre en cause leurs certitudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Toutes les organisations représentatives de salariés, qui, par définition, expriment toutes sortes de sensibilité, de la CGT à la CFTC en passant par la CGC, émettent les plus expresses réserves sur ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Et elles ne viennent que de ceux du haut ! Sur le terrain, ils sont tous d’accord pour travailler le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

En commission, toutes se sont accordées, de façon absolument explicite, sur une position commune : ces mesures sont dangereuses pour le tissu social et familial.

Plus généralement, les Français ont exprimé leur position. Lorsqu’on leur demande s’ils seraient d’accord pour travailler régulièrement le dimanche, 64 % d’entre eux répondent par la négative et seulement 13 % y sont favorables. Toujours selon ce sondage Ipsos, réalisé en novembre dernier, les ouvriers sont défavorables à cette proposition à plus de 65 %, les salariés des professions intermédiaires et les cadres à plus de 67 %.

Parce que ce texte est inefficace économiquement, injuste socialement et dangereux pour notre « vivre ensemble », nous en demandons le retrait. C’est le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’ai exposé au cours de la discussion générale les raisons qui ont conduit la commission à soutenir cette proposition de loi ; je n’y reviendrai donc pas en détail.

Toutefois, je souhaite apporter des précisions sur deux points.

Monsieur Jeannerot, vous avez évoqué la loi du 13 juillet 1906. Or, dès 1913, on recensait 25 000 dérogations.

Et alors ? sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Ma chère collègue, je me contente de rappeler une évolution historique, sans aucun esprit polémique !

Aujourd’hui, les dérogations sont seulement au nombre de 180.

Par ailleurs, la question du repos dominical ne relève pas, dans notre pays, du traditionnel clivage droite-gauche.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Avec la droite dure, si !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mais peut-être est-ce le cas dans cet hémicycle !

Je rappelle à cet égard la mobilisation de longue date de Jean-Pierre Blazy, maire de Gonesse, en faveur de l’ouverture dominicale. Il a même, me semble-t-il, fait classer sa ville en zone touristique – vous me direz si j’ai tort, monsieur le ministre –, afin que les magasins de sa ville puissent ouvrir le dimanche. Voici les propos qu’il tenait le 15 novembre 2008 sur ce sujet : « La ville de Gonesse et ses élus défendent le principe du repos dominical. Toutefois, dès lors que ces emplois existent et que la modification de l’ouverture des commerces en menacerait la pérennité, une solution spécifique doit être trouvée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Jean-Pierre Blazy est un élu socialiste ! Ce débat n’oppose donc pas la gauche à la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Aujourd’hui, certains élus locaux, de gauche comme de droite, font preuve de pragmatisme, estimant qu’une solution doit être trouvée pour ces zones. La solution que nous défendons, même si elle n’est pas parfaite, permettra de mieux protéger les salariés.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Par conséquent, la commission souhaite le rejet de cette motion.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Le Gouvernement est évidemment hostile à la motion tendant à opposer la question préalable.

Monsieur Jeannerot, vous avez eu la courtoisie de préciser que vous ne mettiez pas en cause les convictions des uns et des autres. Pour ma part, j’ai écouté vos propos avec attention.

Cette motion se présente sous la forme d’un postulat selon lequel cette proposition de loi participerait « d’un projet de société néfaste à la qualité de vie des citoyens ».

À cet égard, je formulerai trois remarques.

Premièrement, contrairement à ce que vous semblez croire, il n’y a pas un avant et un après-1906. Certes, la loi de 1906 a instauré le repos dominical, mais, comme vous le savez, ce fameux jour « sacralisé », dont vous avez parlé, a fait l’objet d’une multitude de dérogations de toutes natures. On en compte aujourd’hui plus de 180, beaucoup ayant été adoptées à la demande de gouvernements que vous souteniez. Je rappelle à cet égard l’ordonnance du 16 janvier 1982, qui a autorisé les équipes de suppléance de fin de semaine dans l’industrie, ainsi que les différentes dérogations introduites entre 1991 et 1993.

Que n’avez-vous invoqué, à cette époque, lorsque Mme Aubry elle-même vous demandait d’autoriser des dérogations au travail dominical, le droit sacré au dimanche ? Pourquoi n’avez-vous pas alors dénoncé la disparition de la culture au profit du Caddy ?

Deuxièmement, il n’y aura pas non plus, au regard de notre civilisation, un avant et un après l’adoption de cette proposition de loi ! Il y aura des dérogations nouvelles, un encadrement meilleur, une protection accrue des salariés, ainsi qu’une clarification de la situation dans des zones appelées « périmètres d’usage de consommation exceptionnel ». Vous ne verrez pas le monde entier basculer subitement !

Troisièmement, à vous entendre, monsieur Jeannerot, les partenaires sociaux n’auraient pas été entendus. Je l’ai déjà dit cet après-midi, ce n’est pas exact.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Le Conseil économique, social et environnemental s’est saisi de la question. À cette occasion, les représentants des associations se sont exprimés et aucun d’entre eux, je le rappelle, n’a voté contre les dispositions proposées.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

J’ajouterai, pour terminer, que vos propos font l’impasse sur un élément absolument essentiel, à savoir la décision politique des maires. Or la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, occupez ou avez occupé cette fonction, et vous défendez tous, dans cet hémicycle, l’intérêt des élus locaux.

J’insiste donc sur ce point : si le maire le refuse l’application dans sa commune des dispositions prévues dans cette proposition de loi, elles n’y seront pas appliquées. Faites donc davantage confiance à la démocratie, monsieur Jeannerot !

Je considère donc que les prémisses de cette motion, quels que soient les principes moraux sur lesquels elles se fondent – et je ne doute pas une seconde de la sincérité de vos intentions, monsieur Jeannerot –, ne sauraient s’appliquer ici.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption signifierait le rejet de l’ensemble du texte, a été défendue avec pertinence par notre collègue Claude Jeannerot.

Notre groupe juge en effet la situation relativement inquiétante, l’adoption de ce texte étant susceptible d’entraîner des désordres graves et des bouleversements sociaux dans le pays, tant il porte en germe un certain nombre d’évolutions qui pourraient se révéler catastrophiques à bien des égards.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans cette perspective, notre motion prend tout son sens.

Bien sûr, on a donné à cette proposition de loi un habillage économique. Son exposé des motifs nous l’indique, elle est censée créer un sursaut économique.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cependant, les études qui ont pu être menées, notamment celle du CREDOC, révèlent qu’elle aura un impact négatif sur l’emploi.

Ainsi, chers collègues de la majorité, en vous appuyant sur un tel argument, vous ne convainquez que ceux qui sont déjà convaincus et dont la philosophie politique est en phase avec les principes qui guident ce texte.

Je souhaite d’ailleurs attirer votre attention sur l’exploitation idéologique de cette rhétorique économique, exploitation qu’on voit ici à l’œuvre depuis plusieurs années.

On nous l’a répété à l’envi depuis 2003, la logique exigerait que l’on baisse les impôts, les taxes et l’ensemble des redevances, cela étant supposé avoir une incidence extrêmement positive sur la croissance. Or, de fait, c’est le contraire qui s’est produit ! La France, qui avait un taux de croissance supérieur à la moyenne européenne, enregistre aujourd’hui, après les nombreuses baisses d’impôt décidées depuis six ans, un taux de croissance inférieur à cette même moyenne. L’impact économique de ces mesures a donc été nul, contrairement à tout ce que l’on a pu prétendre.

Pis, ces baisses d’impôt ont entraîné un déficit de 39 milliards d’euros dans le budget 2009 ! Les pertes de ressources constatées n’ont ainsi fait qu’alourdir la dette.

Autrement dit, l’habillage économique qui nous est servi à longueur de temps sur différents textes, y compris sur celui-ci, ne tient pas ! Préoccupons-nous plutôt des conséquences très graves que cette proposition de loi peut avoir sur notre organisation sociale.

Les conclusions du Conseil économique, social et environnemental n’ont apparemment pas convaincu. Pour ma part, j’aurais souhaité que vous puissiez, chers collègues, leur accorder une écoute plus attentive. Elles mettent en avant des dérèglements importants, qui remettraient notamment en cause, de façon accélérée, l’équilibre des différentes formes de commerce. Dès lors, selon le CESE, la question posée est celle du modèle de société auquel nous aspirons.

De ce point de vue, comme Claude Jeannerot l’a démontré, nos inquiétudes sont totalement fondées, dans la mesure où la banalisation du travail dominical introduite par ce texte aura des incidences sociétales néfastes. Un rapport du Conseil d’analyse économique sur le temps de travail le souligne, l’impossibilité de vivre une vie de famille normale, grâce la préservation de périodes de loisir et de repos communes à tous ses membres, provoque une désocialisation engendrant des mécanismes « dépressiogènes ».

Dès lors que le volontariat sera fictif, on imagine quelles seront les conséquences pour les familles monoparentales, souvent des femmes élevant seules leurs enfants : elles seront inévitablement confrontées à des problèmes de garde ; de nouvelles discriminations, frappant les ménages les plus modestes, verront le jour, renvoyant la cause des femmes deux décennies en arrière.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Au-delà du cercle familial, la fin de semaine est aussi l’occasion de pratiques sportives et associatives, de relations amicales. Le travail du dimanche rendra ces pratiques difficiles, voire impossibles.

Au fond, c’est le capital social des Français qui sera ainsi entamé par pur dogmatisme idéologique, c’est un modèle de société qui sera sacrifié sur l’autel de la consommation outrancière.

Voilà pourquoi nous avons le sentiment que ce texte est porteur d’un très grave danger pour la cohésion sociale de notre pays et qu’il importe donc de le rejeter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 202 :

Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés335Majorité absolue des suffrages exprimés168Pour l’adoption151Contre 184Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie, par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°120.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (562, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, en préambule, je me permettrai de rappeler une fois encore combien il me paraît aberrant de défendre les motions après la clôture de la discussion générale. J’espère que nous pourrons revoir cette pratique lors de la prochaine réforme de notre règlement.

Cette motion de renvoi à la commission des affaires sociales se justifie tout d’abord par des raisons de forme. Les conditions dans lesquelles cette proposition de loi a été étudiée ne sont pas acceptables. Elles sont bien loin de l’esprit de la réforme constitutionnelle, que vous ne cessez de présenter comme permettant de renforcer le rôle des parlementaires, particulièrement ceux de l’opposition.

En effet, comment se satisfaire de l’examen dans la précipitation, à quelques jours des vacances, d’une proposition de loi aussi importante que celle-ci ?

Pour mémoire, la proposition de loi du député Richard Mallié, dont il n’aura échappé à personne qu’elle constituait une prime à la délinquance ou une loi d’amnistie – il était en effet urgent d’amnistier ceux qui, jusqu’ici, se situaient dans l’illégalité – a été adoptée à l’Assemblée nationale le 15 juillet dernier dans l’après midi. Les sénateurs ont eu jusqu’à dix-neuf heures le même jour pour déposer des amendements devant la commission des affaires sociales. Le lendemain matin, Mme Debré présentait son rapport et, pour finir, le délai limite de dépôt des amendements en séance publique a expiré hier, à onze heures.

Je vois dans cette démarche une double volonté : tout d’abord, satisfaire au plus vite le Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qui avait fait de ce dossier une priorité et qui n’avait pas supporté le camouflet de décembre 2008.

M. Roland Courteau manifeste son approbation

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je regrette, comme l’ont fait les précédents intervenants, la forme choisie pour ce texte, à savoir une proposition de loi d’inspiration présidentielle. Ce stratagème vous permet d’éviter la consultation obligatoire des organisations syndicales. Vous pouvez ainsi, dans une période peu propice aux mobilisations des salariés, imposer une contre-réforme qui a réussi l’exploit de faire se dresser contre elle, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, la CFDT, la CFTC, la CGC, Force Ouvrière, les Solidaires, la CGT, mais également des organisations patronales comme l’Union des professions artisanales, l’UPA et la Confédération générales du patronat des petites et moyennes entreprises. Évidemment, compte tenu de la manière dont le processus parlementaire s’est déroulé, ces organisations n’ont pu être auditionnées par la commission des affaires sociales.

Mme le rapporteur le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je note d’ailleurs que vous n’avez pas auditionné non plus l’association « Laissez-nous travailler », qui prétend se faire le porte-parole de la minorité de salariés favorables au travail le dimanche. Il faut dire qu’au vu des débats à l’Assemblée nationale, notamment de la négation du volontariat dans les zones touristiques et de l’absence de contreparties, son président, M. Grumberg, pourtant ardent défenseur du travail le dimanche, considère aujourd’hui que le compte n’y est pas pour les salariés.

Tout cela permet d’entrevoir un troisième motif à cette précipitation : agir vite pour éviter la contestation dans votre propre camp.

Mais, au-delà de ces considérations, qui intéressent surtout la majorité sénatoriale, je ne peux que dénoncer l’absence d’étude d’impact, pourtant si chère aux parlementaires, tout particulièrement aux sénateurs. Celle-ci aurait permis de mieux cerner les conséquences sur l’emploi de l’application de cette proposition de loi, notamment dans le commerce de proximité.

Une étude avait pourtant bien été menée avant l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République : elle avait démontré que, pour un emploi créé dans la grande distribution, trois seraient supprimés dans le commerce de proximité. Et l’on sait par expérience que, dans la grande distribution, très grande utilisatrice de temps partiel et non moins grande pourvoyeuse de précarité, les emplois sont moins protecteurs et moins rémunérateurs que dans le commerce de proximité. Les comptes sociaux pâtiront immanquablement de cette perte en quantité et en qualité.

Ainsi, au Royaume-Uni, pays qui vous sert de modèle – alors même que les Britanniques prennent aujourd’hui conscience de certains effets négatifs du thatchérisme –, on comptait, avant l’application de la loi autorisant le travail le dimanche, 15 000 magasins de proximité non franchisés vendant des chaussures ; aujourd'hui, il n’en reste plus que 350…

Naturellement, je vous entends déjà contester ces propos, monsieur le ministre. C’est votre droit et, de toute façon, en l’absence d’étude d’impact, rien ne peut venir ni les corroborer ni les contredire !

Cette étude d’impact aurait également permis de mesurer les conséquences de l’application de cette proposition de loi sur la vie sociale et familiale, ainsi que sur l’environnement. Je ne reprendrai pas ce qui a été dit précédemment par mes collègues à ce sujet, mais chacun sait que, plus les grandes surfaces s’éloignent des centres-villes, plus les gens sont obligés de se déplacer avec leurs voitures.

En outre, je regrette que la commission des affaires économiques ne se soit pas autosaisie, comme je l’y avais invitée par courrier. Au mieux, ce refus traduit votre volonté d’aller vite, très vite, au détriment de la qualité du travail parlementaire. Au pis, il prouve que, dans vos propres rangs, certains doutent des quelques effets positifs de cette nouvelle dérégulation sur l’économie de notre pays. Pour ma part, je penche pour la deuxième hypothèse. Comme le faisait justement remarquer M. François Baroin en décembre dernier, « les gens qui consommeront le dimanche ne le feront pas un autre jour ». C’est une sans doute une lapalissade, mais précisément parce qu’il s’agit d’une vérité d’évidence !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est d’autant plus vrai que votre gouvernement n’aura pas amélioré le pouvoir d’achat de nos concitoyens, bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Permettez-moi de consacrer le reste de mon propos à Paris, la situation de son agglomération étant évidemment emblématique.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui lui réserve une place à part, en prévoyant que le préfet de Paris décidera seul si la capitale doit être considérée comme une commune touristique dans sa totalité et, dans le cas contraire, déterminera quelles seront les zones touristiques. Le Conseil de Paris et le maire n’auront plus leur mot à dire. Avouez, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une conception très particulière de la concertation si chère au Gouvernement ! En réalité, le maire et la majorité du Conseil de Paris s’étant prononcés contre ce projet à de multiples reprises, vous voulez passer outre. Mais comment justifier cette attitude par rapport à la démocratie locale et au pouvoir des autres maires ?

Si ce texte était adopté, Paris pourrait tout à la fois répondre à la définition des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les fameux PUCE, et remplir les critères de l’extension des zones touristiques, avec pour conséquence l’ouverture des commerces toute l’année et tous les jours, alors même qu’il existe un lien direct entre l’augmentation de l’amplitude horaire et l’extension du temps partiel imposé.

L’adoption de cette disposition signifierait que, dans un même quartier, les salariés concernés par le nouveau dispositif des PUCE recevraient des contreparties obligatoires, tandis que ceux qui travaillent dans les sept zones délimitées précédemment, et qui relèvent de l’article L. 3132-25 du code du travail, n’en disposeraient plus.

Comment assurer, dans ces conditions de concurrence entre les deux dispositifs, la pérennité des contreparties en salaire et en repos au travail du dimanche ? Peut-être nous répondrez-vous enfin, monsieur le ministre…

En tout état de cause, le vote de ce texte aurait pour conséquence immédiate la légalisation de l’ouverture de tous les établissements de vente au détail le dimanche, et plus seulement celle des commerces culturels, de loisirs et de tourisme. Force est de constater que, sur ce point, le terrain a été largement préparé. Nombre de commerces de détail effectuent déjà illégalement une ouverture dominicale, et ce jusqu’en soirée, comme le dénoncent régulièrement les syndicats, pas seulement les confédérations d’ailleurs, mais aussi les syndicats du commerce.

Outre les faibles moyens alloués à l’inspection du travail pour faire respecter le droit du travail, cet état de fait ne peut s’expliquer que par la clémence, voire la complaisance des pouvoirs publics.

Par ailleurs, à Paris, les magasins Galeries Lafayette et Printemps du boulevard Haussmann viennent d’obtenir une dérogation préfectorale pour ouvrir un sixième dimanche dans l’année, au lieu des cinq prévus dans le code du travail. En outre, il est d’ores et déjà prévu que des zones commerciales du Val-d’Oise, des Yvelines et de l’Essonne deviendront des PUCE.

On voit que les choses sont déjà bien engagées et que, bien entendu, la loi va accélérer le processus.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais le comble est atteint lorsqu’on sait que l’ouverture des magasins le dimanche coûte cher, comme l’ont déjà indiqué certains orateurs. Elle induit une augmentation des frais fixes d’environ 15 % et une destruction massive des emplois liés au petit commerce, remplacés, au mieux, par des postes encore plus précaires. Or il s’agit uniquement, en quelque sorte, d’effectuer un simple transfert de clientèle !

D’une telle ouverture il résultera une augmentation des prix, que les mêmes groupes tenteront de compenser en « rognant » sur la masse salariale et en détruisant des emplois. Quand on sait que les employés des caisses représentent 65 % de la masse salariale, on imagine aisément ce qui se passera ensuite !

À Paris, au cours des dix dernières années, les horaires n’ont cessé d’être allongés. Néanmoins, le commerce parisien a perdu 50 000 emplois. Vous pouvez constater, chers collègues, l’effet de cette mesure sur la création d’emplois !

Par ailleurs, je suis scandalisée par le propos selon lequel le niveau de l’emploi pourrait être amélioré grâce à la riche clientèle étrangère qui viendra plus facilement faire des achats à Paris.

La Samaritaine, ancien grand magasin devenu enseigne de luxe sous la houlette du groupe LVMH, a été purement et simplement fermée au motif que le taux de rentabilité du capital – moins de 15 % – était insuffisant, et cette fermeture a provoqué la suppression de 2 000 emplois directs ou induits. J’attends que vous me démontriez que le travail du dimanche permettra le recrutement par le groupe LVMH de 2 000 personnes sur les Champs-Élysées !

De plus, la présente proposition de loi aura de lourdes conséquences dans une région qui est déjà particulièrement concernée par le temps partiel imposé et souvent annualisé dans nombre de secteurs. Mais qui se soucie des salariés ?

Mes chers collègues, permettez-moi de vous citer les propos d’une salariée, caissière chez Monoprix : « 80 % des contrats sont à temps partiel, de 17 à 34 heures. Ceux à 34 heures permettaient à l’entreprise de bénéficier des 30 % d’abattement. Le temps partiel, c’est la porte ouverte à tous les abus, c’est les horaires les plus dégueulasses, par exemple jusqu’à vingt-deux heures. Quand j’ai commencé à travailler, le magasin fermait à dix-neuf heures quinze. Les employeurs invoquent toujours le même argument pour ouvrir plus tard : la clientèle. Cette politique a tué le petit commerce et a aggravé nos conditions de travail. Mon Monoprix n’est pas ouvert le dimanche, mais d’autres le sont. Le but du patronat du commerce est d’ouvrir tous les magasins tous les jours. Bientôt, il faudra abandonner ses enfants, divorcer et planter sa tente dans le magasin. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

« Avant la généralisation du temps partiel, il y avait deux filles par rayon ; aujourd'hui, une seule pour trois rayons. Et on embauche à 3 heures 45 par jour, pour contourner le quart d’heure de pause toutes les quatre heures. Les filles à temps partiel, elles gagnent un demi-SMIC. »

Depuis, Monoprix a lancé à Paris, sous l’enseigne Monop’, que vous connaissez peut-être, des magasins ouverts jusqu’à minuit… et le dimanche !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Une étude d’impact aurait pu nous faire connaître le nombre d’emplois qui ont été créés depuis…

Les employés parisiens, des femmes dans leur grande majorité, habitent loin de Paris, car leur salaire ne leur permet pas de se loger dans la capitale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Leur vie est infernale. Quand elles terminent leur travail à vingt-deux heures – je ne parle même pas de minuit ! –, elles regagnent leur domicile une heure, voire une heure trente plus tard.

Vous pouvez ainsi apprécier, chers collègues, la qualité de vie des salariés des grands groupes du commerce parisien !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ce que nous n’apprécions pas, c’est votre discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez donc de brailler !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Cela me rajeunit : on me faisait ce type de remarque à la maternelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Borvo Cohen-Seat et à elle seule !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Braye devrait intervenir pour nous faire part des arguments très intéressants qu’il doit avoir en magasin…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. En magasin ouvert le dimanche, bien sûr !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… et qui justifient, à ses yeux, le travail du dimanche !

Je vous propose plutôt d’oser chercher à concilier vie professionnelle et vie familiale et sociale. Il faudrait, pour cela, revenir aux règles applicables auparavant au secteur du commerce, avec des amplitudes d’ouverture de dix à onze heures, ce qui n’est pas négligeable et permet déjà à tout un chacun de faire ses courses. Cela signifie, en général, une fermeture des magasins à dix-neuf heures, ainsi qu’une fermeture dominicale.

Je vous propose également de chercher à mettre fin à ce jeu de concurrence féroce auquel se livrent la grande distribution et les enseignes du centre-ville pour remporter des parts de marché à coups de déréglementation décidée et financée par les pouvoirs publics.

Encore une fois, l’argument relatif au chiffre d’affaires est fallacieux. Tout le monde sait que les capacités de consommation ne sont pas extensibles, surtout quand les salariés gagnent de moins en moins.

De surcroît, la relance économique de notre pays repose-t-elle entièrement sur les achats des touristes fortunés dans les magasins LVMH de la capitale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Depuis la chute du mur de Berlin, nous attendons les Russes, qui dépensent beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel mode de vie voulons-nous ? Comme l’ont dit certains collègues, n’y a-t-il rien de mieux à faire le dimanche, en tout cas pour ceux de nos concitoyens qui ne travailleront pas ce jour-là, que de faire du shopping avec ses enfants, comme vous dites, monsieur le ministre, non sans un certain cynisme ?

M. le ministre s’étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir renvoyer cette proposition de loi en commission, ce qui nous permettrait de réfléchir à toutes ses conséquences.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Ma chère collègue, je ne peux pas vous laisser dire que la commission n’a pas travaillé. Elle a procédé à différentes auditions, qui étaient ouvertes. Certes, lorsqu’elle a reçu les représentants de la CGPME, un seul représentant de la gauche était présent, une de nos collègues qui est d’ailleurs ici ce soir. Quoi qu'il en soit, la commission a auditionné les syndicats.

Ma chère collègue, si vos collègues n’ont pas participé à ces auditions, c’est peut-être parce qu’ils avaient d’autres choses à faire, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais je ne peux pas vous laisser dire que la commission n’a pas travaillé.

Un travail très approfondi a eu lieu entre l’Assemblée nationale et le Sénat, en particulier avec M. Mallié.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je refuse ce genre de caricature !

Par ailleurs, je vous ai entendu parler de Monoprix, de Monop’, etc. Or cette proposition de loi ne vise absolument pas le commerce alimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monoprix ne commercialise pas que des denrées alimentaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Certes, mais cette enseigne ne sera pas ouverte le dimanche, sauf le matin, puisqu’elle vend majoritairement des produits alimentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, nous pouvons témoigner d’un minimum d’éducation dans cet hémicycle.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je ne vous ai pas interrompue une seule fois. Soyez assez aimable pour me rendre la pareille, c’est tout ce que je vous demande !

Très bien !sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Les membres de la Haute Assemblée peuvent faire preuve de respect les uns vis-à-vis des autres ! Nous n’avons pas les mêmes convictions. Je respecte vos idées. Respectez les miennes.

J’en reviens au débat. Les discussions relatives aux dérogations au repos dominical ont débuté voilà plus d’un an, avec M. Mallié.

Vous auriez préféré le dépôt d’un projet de loi et non d’une proposition de loi. C’est votre droit. Mais ne prétendez pas que les syndicats n’ont pas été écoutés. Ils ont même été entendus. De surcroît, et vous le reconnaissez vous-même, le propre des parlementaires est de faire des propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Pourquoi aurait-on empêché M. Mallié, qui réfléchit à ce sujet depuis très longtemps, de déposer une telle proposition de loi ? Ce texte, selon vous, aurait été suggéré par l’Élysée. Mais je connais suffisamment M. Mallié : il n’est pas homme à se laisser guider lorsqu’il n’en a pas envie.

Comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre, le Conseil économique, social et environnemental a également été consulté.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez évoqué la destruction de trois emplois dans une grande surface à la suite de la création d’un unique emploi, mais, sauf erreur de ma part, ce cas de figure concernait des commerces alimentaires qui ne sont pas visés par la présente proposition de loi.

Mes chers collègues, la commission vous propose de rejeter la motion de renvoi en commission, afin que nous puissions engager maintenant la discussion des articles.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Bien entendu, le Gouvernement ne souhaite pas, lui non plus, le renvoi de ce texte en commission.

Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué de nombreux points qui ont déjà été abordés, mais elle l’a fait de manière particulièrement incisive.

Madame le sénateur, comment pouvez-vous, en l’occurrence, parler de précipitation ? Vous manquez d’imagination en employant cette formule : voilà un an et demi que ce texte ne cesse de circuler, d’être modifié, d’aller, de venir….

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

S’il y a un texte qui n’a pas fait l’objet de précipitation, c’est bien la présente proposition de loi. Au fur et à mesure de ses différentes études, les remarques formulées par les uns et les autres ainsi que nombre d’amendements ont été pris en considération.

Madame le sénateur, vous souhaitez une étude d’impact, mais vous n’avez pas évoqué l’un des amendements qui ont été adoptés, l’« amendement Méhaignerie », qui vise à la création d’un groupe de suivi composé à parité de sénateurs et de députés, tant de l’opposition que de la majorité. Ces parlementaires pourront vérifier l’impact de la future loi.

D’ailleurs, que n’avez-vous demandé une étude d’impact lorsque les 35 heures ont été adoptées sans autre forme de procès, 35 heures qui ont eu sur la situation de l’emploi en France des conséquences à coup sûr bien plus dommageables que les mesures que nous proposons aujourd’hui !

Puisque vous avez, à votre tour, soutenu l’idée selon laquelle il s’agirait d’une loi d’amnistie, je tiens à rappeler que l’adoption de ce texte n’interrompra aucun contentieux, aucune procédure pénale engagée contre ceux qui ne respectent pas l’actuelle législation. Évoquer une loi d’amnistie constitue donc un authentique abus de langage.

Applaudissements sur les mêmes travées. – M. Jean Boyer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix la motion n° 120, tendant au renvoi à la commission.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je rappelle qu’il a été procédé à l’affichage de la liste des candidats aux fonctions de membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (578, 2008-2009).

Le délai fixé par le règlement est expiré.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie :

M. Gilbert Barbier, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Bernadette Bourzai, MM. Jean-Claude Carle, Gérard César, Serge Dassault, Mmes Annie David, Isabelle Debré, Christiane Demontès, Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont, Jean-Luc Fichet, Mmes Gisèle Gautier, Colette Giudicelli, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Humbert, Claude Jeannerot, Jacques Legendre, Mmes Raymonde Le Texier, Colette Mélot, Isabelle Pasquet, MM. François Patriat, Jean-Pierre Plancade, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, Patricia Schillinger, MM. André Trillard, Jean-Marie Vanlerenberghe, René Vestri, Jean-Paul Virapoullé.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Je souhaite faire un rappel au règlement afin de rétablir la vérité à la suite des déclarations de Mme Isabelle Debré sur la position de Jean-Pierre Blazy, maire socialiste de Gonesse.

Mes chers collègues, je vous invite à consulter le site du collectif des Amis du dimanche, sur lequel vous pourrez prendre connaissance des déclarations de Jean-Pierre Blazy. Il y prend acte de la décision du préfet d’autoriser l’ouverture du magasin Castorama de Gonesse dès dimanche prochain et appelle au rejet de la proposition de loi Mallié.

Voici ce qu’on y lit par ailleurs :

« Depuis 1906, le repos dominical constitue une avancée majeure pour les salariés et les élus de Gonesse sont attachés à ce droit acquis de haute lutte. Pourtant, à l’heure où des emplois existants sont en jeu, où des familles sont menacées par des pertes importantes de pouvoir d’achat et où notre pays rentre dans une crise économique majeure, la responsabilité des élus locaux est de pérenniser les emplois et de défendre les salaires.

« C’est pourquoi Jean-Pierre Blazy rappelle sa très ferme opposition à toute généralisation du travail dominical. Celui-ci doit en outre faire l’objet d’une majoration salariale et d’un repos compensatoire réels et significatifs pour les salariés.

« La proposition de loi Mallié soutenue par le Gouvernement et examinée le 11 décembre par l’Assemblée nationale n’offre aucune garantie sur ces deux conditions essentielles. Elle ouvre au contraire la voie à un recul du droit au repos dominical pour les salariés. Aussi, Jean-Pierre Blazy appelle les députés à rejeter cette proposition de loi inacceptable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le Gouvernement a donc encore menti ! Ce n’est pas croyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comme vous le voyez, mes chers collègues, ces propos se passent de commentaire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Cela prouve que M. Blazy change toujours d’avis ! Il est d’ailleurs bien connu pour ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Si j’ai bien écouté les propos qui viennent d’être rapportés, M. Blazy ne veut pas que les autres fassent ce que lui-même fait dans la commune dont il est le maire, mais passons…

Par ailleurs, il affirme s’opposer à la « généralisation du travail du dimanche ». Mais c’est aussi notre cas !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Ce n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, et je voudrais qu’on cesse de faire cette confusion !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 7, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 1 du code du travail, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés (quatre fois) les mots : « ou le Parlement ».

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Depuis 2008, et plus encore depuis la dernière révision constitutionnelle, nous observons que le nombre des propositions de loi s’accroît.

Cette évolution devrait a priori nous réjouir, puisqu’elle est apparemment la conséquence d’un renforcement des droits du Parlement.

Toutefois, un soupçon nous vient : un certain nombre de projets de loi ne revêtiraient-ils pas le masque de la proposition de loi ?

Comme nous le savons, une proposition de loi ne passe pas sous les fourches caudines du Conseil d'État, ce qui peut permettre quelques arrangements avec les principes législatifs…

De surcroît, en matière de droit du travail et de négociation interprofessionnelle, la proposition de loi échappe à l’article L. 1 du code du travail adopté sur l’initiative de M. Gérard Larcher, alors qu’il était ministre chargé du travail.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici le premier alinéa de cet article :

« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives […] en vue […] d’une telle négociation. »

Nous sommes en plein dans le champ de cette proposition de loi ! Une négociation nationale et interprofessionnelle s’imposait sur le thème du travail dominical.

Cet exemple prouve que, à travers une proposition de loi, peut surgir un véritable débat de société, qui dépasse les clivages politiques et transcende les différences philosophiques.

En matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle, il faut donc prévoir que les partenaires sociaux seront saisis pour les propositions de loi, comme ils le sont pour les projets de loi à la suite de la révision constitutionnelle, et dans les mêmes conditions.

Ce texte se trouve sur le bureau des assemblées depuis plus d’un an, et c’est de la majorité que se sont élevées les premières contestations.

Si nous rappelons son existence aujourd'hui, c’est parce qu’une proposition de loi allant dans le même sens que notre amendement a été déposée le 15 juillet dernier à l’Assemblée nationale par notre collègue Jean-Frédéric Poisson, qui, je le rappelle, fut l’un des premiers signataires de l’appel des soixante députés contre le travail le dimanche.

Je rappelle aussi que M. Poisson est l’auteur d’une proposition de loi sur les groupements d’employeurs, le prêt de main-d’œuvre et le télétravail qui se trouve en instance devant le Sénat.

Or, – ce point est important – l’examen de cette proposition de loi est au point mort après le vote de l’Assemblée nationale, parce que les partenaires sociaux ont demandé à négocier sur les importants sujets qu’elle traite. M. Poisson est donc très au fait de cette négociation nécessaire avant toute modification législative en la matière.

C'est pourquoi nous proposons d’inscrire dès à présent dans le code du travail la formalisation de la consultation des partenaires sociaux, qu’il s’agisse d’un projet ou d’une proposition de loi.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Cet amendement tend à soumettre tous les projets de réforme d’origine parlementaire à une obligation préalable de concertation avec les partenaires sociaux.

Cette idée peut sembler séduisante, mais elle mérite d’être précisée. Comme vous le savez, mes chers collègues, de nombreuses propositions de loi sont déposées chaque année, mais peu seront examinées en séance publique.

Faut-il organiser une concertation pour chacune d’entre elles ? À l’évidence, la question soulevée par cet amendement déborde le cadre de la présente proposition de loi et nécessite un débat approfondi.

C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Tout d'abord, cet amendement est dénué de rapport avec la présente proposition de loi. C’est une question beaucoup plus générale qui est posée ici.

Ensuite, ses auteurs ne respectent ni le principe de la séparation des pouvoirs ni l’autonomie du Parlement. Ce dernier peut tout à fait, s’il le souhaite, entendre les partenaires sociaux. C’est d'ailleurs ce qui s’est passé au Sénat le 16 juillet dernier : la commission des affaires sociales a reçu les syndicats pour une consultation.

En revanche, les assemblées ne peuvent limiter le pouvoir de légiférer qu’elles tiennent de la Constitution. Personne ne peut décider ici qu’une proposition de loi devrait être soumise à telle ou telle condition !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Qui a déclenché la procédure accélérée ?

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Je renvoie d'ailleurs sur ce point aux échanges entre les parlementaires et le Gouvernement qui eurent lieu lors de l’examen de la loi dite « Larcher ». À cette époque, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je ne crois pas que vous ayez dénoncé le risque de limitation des pouvoirs du Parlement, comme vous le faites aujourd'hui !

Enfin, je rappellerai que le Conseil économique, social et environnemental a été saisi de cette question. En décembre 2007, Jean-Paul Bailly s’est exprimé au nom de la commission temporaire sur les mutations de la société et les activités dominicales. D'ailleurs, tous les acteurs concernés ont eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises.

Cet amendement ne saurait se justifier, ni dans ses fondements constitutionnels ni compte tenu des consultations qui ont présidé à la préparation de cette proposition loi.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mes chers collègues, il y a tout de même un point qui mérite vérification.

J’ai participé à la réunion de la commission des affaires sociales au cours de laquelle les représentants des syndicats sont intervenus. Nous étions d'ailleurs assez nombreux, certes bien plus à gauche qu’à droite, comme d’habitude

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… mais certaines sénatrices et sénateurs de la majorité étaient tout de même présents, ce qui leur permettra de confirmer mes propos.

Nous avons demandé à la CGT si elle était favorable à ce texte, et elle a répondu par la négative. Nous avons questionné la CFDT, et c’était également « non ». Les cinq confédérations ont fait la même réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Or nous avons interrogé aujourd'hui par deux fois M. le ministre, qui nous a affirmé que les syndicats étaient favorables à la réforme.

Ce n’est pourtant pas ce que j’ai compris en commission. Mais peut-être, chers collègues de la majorité, entend-on différemment selon l’endroit de la pièce où l’on est placé ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est bien la preuve qu’il faut consulter formellement les organisations syndicales et valider leur position par un texte ou un acte officiel !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Monsieur Desessard, vous réclamez un document qui validerait définitivement la position des syndicats. Mais le seul qui vaille en la matière, c’est l’avis du Conseil économique, social et environnemental, puisqu’il a fait l’objet d’un vote et non d’une opinion exprimée par quelques syndicalistes au cours d’une réunion de commission.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Or, je vous le confirme, aucun représentant des partenaires sociaux n’a voté contre cet avis du Conseil économique, social et environnemental !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 8, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est abrogé.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

L’article 102 de la loi de modernisation de l’économie, ou loi LME, a permis l’ouverture des grandes surfaces jusqu’à 1 000 mètres carrés sans autorisation.

Il en est résulté, en quelques mois, l’ouverture au public de 1 million de mètres carrés supplémentaires de surfaces commerciales.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Aussi, le texte dont il est question aujourd'hui entraînera inexorablement la destruction de nombreux commerces de proximité au profit des grandes surfaces de périphérie, et cela alors que la France compte déjà la plus forte densité d’hypermarchés au monde par habitant.

Chers collègues de la majorité, si 92 % des commerçants sont opposés à votre proposition de loi, ce n’est pas sans raison : ils savent qu’ils ne pourront rester ouverts le dimanche et qu’ils perdront une partie de leur clientèle.

Ils mesurent à leur juste valeur les promesses de la majorité sur la croissance et le pouvoir d’achat, eux qui sont les victimes des pertes constatées en la matière. Ils apprécient aussi la véritable hypocrisie qui consiste à évoquer l’animation des centres-villes tout en prenant les mesures les plus efficaces pour tuer ces derniers !

Permettez-nous de citer l’exemple britannique ; en effet, pour les libéraux, les pays anglo-saxons constituent bien souvent un modèle.

En Grande-Bretagne, l’ouverture des commerces sept jours sur sept a fait passer de 11 000 à 350 le nombre des magasins de chaussures.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

En France, ceux-ci sont encore 6 000.

À quoi sert-il de faire disparaître ces magasins ? En quoi est-ce un élément de rationalité économique ? Combien d’emplois seront supprimés puisque, dans les hypermarchés, les clients, se débrouillent seuls avec leur achat jusqu’à la caisse ?

Combien d’emplois seront perdus dans les centres-villes ? L’étude du CRÉDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, montre qu’un emploi créé dans une grande surface en fera perdre trois dans les petits commerces.

Ce texte est d’autant plus un contresens que nous vivons une période de remontée du chômage. Toutes les études prouvent qu’il n'y aura pas un accroissement de la consommation, mais un déplacement de celle-ci.

Or un tel mouvement ne compense pas la baisse du pouvoir d’achat. En revanche, il présente un intérêt certain pour les grandes surfaces, qui étaient en perte de vitesse ces dernières années et qui veulent manifestement « se refaire », si j’ose dire, sur le dos du petit commerce.

De nouveau, ce sont les dirigeants de ces entreprises, aux revenus considérables, qui sont privilégiés, au détriment des petits commerçants et de tous ceux qui ont besoin du commerce de proximité, notamment les personnes âgées.

Et que deviennent les efforts réalisés par les élus locaux, toutes tendances politiques confondues, pour revitaliser leurs centres-villes ou leurs centres-bourgs ?

Alors que nous devons resserrer nos budgets en raison de la diminution des dotations de l’État, c’est un nouveau coup qui est porté directement au développement des collectivités locales.

Mes chers collègues, c’est pour préserver l'équilibre commercial et la vie de nos collectivités territoriales que nous vous demandons d’abroger l’article 102 de la LME.

Mme Gisèle Printz et M. Jean Desessard applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Si j’osais, je qualifierais cet amendement de « cavalier législatif ». En effet, je ne vois vraiment pas quel rapport il entretient avec la présente proposition de loi.

Le Sénat a approuvé l’an dernier la réforme des règles relatives à l’implantation des grandes surfaces, et aucun élément nouveau ne paraît nous conduire à revenir sur ce vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

C’était aussi un cavalier dans la loi LME !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, cet amendement est dénué de lien avec le présent texte.

En outre, l’ancien dispositif d’autorisation préalable n’avait pas vraiment démontré son efficacité. L’article 102 de la loi de modernisation de l’économie, qui a assoupli les règles en la matière, visait précisément à favoriser l’implantation de nouveaux opérateurs et, par là même, à assurer une concurrence plus vive.

Je le répète, cet amendement est dépourvu de rapport avec la proposition de loi, et le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Je trouve dommage que Mme le rapporteur et M. le ministre estiment qu’il n’y a pas de lien entre ce que nous proposons par le biais de cet amendement et la proposition de loi : en effet, notre amendement est inspiré par la problématique des grandes surfaces et des commerces de proximité.

Je vis dans une zone touristique : mon département compte soixante-cinq communes touristiques. J’ai reçu d’innombrables courriers émanant de petits commerçants inquiets quant à leur devenir, compte tenu de l’ouverture des grandes surfaces le dimanche.

Comme le disait mon collègue Claude Jeannerot tout à l’heure, un emploi dans une grande surface correspond à trois emplois dans le petit commerce, d’où l’inquiétude légitime des petits commerçants.

Prétendre que ce que nous proposons n’a pas de rapport avec la proposition de loi, c’est faire preuve de mauvaise foi.

Protestations sur les travées de l ’ UMP. – M. le ministre proteste également.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Non ! Pas du tout !

L'amendement n'est pas adopté.

Le premier alinéa de l'article L. 3132-27 du code du travail est ainsi rédigé :

« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. »

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet article 1er résulte de l’adoption par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale d’un amendement issu d’une longue série déposée par le groupe GDR, plus particulièrement par nos amis M. Roland Muzeau et Mme Martine Billard, tendant à accorder aux salariés privés de repos dominical des contreparties, tant financières, à savoir le doublement du salaire, que matérielles, en offrant un temps de récupération, un repos compensateur.

La majorité a fait le choix de n’adopter qu’un seul des amendements de toute cette série, celui qui visait à prévoir le doublement du salaire et l’obtention d’un repos compensateur pour les seuls salariés travaillant cinq dimanches par an en raison des dérogations accordées par le maire.

Je conteste vigoureusement les fondements de cette position : selon vous, il est nécessaire de distinguer deux catégories de salariés : d’une part, celles et ceux qui sont contraints de travailler le dimanche dans les zones ou communes touristiques ou thermales, pour qui le dimanche deviendrait un jour de travail comme les autres…

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

« Deviendrait » ? Devient !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… et qui, donc, ne bénéficieraient pas de contreparties, et, d’autre part, celles et ceux qui seraient « volontaires » – le volontariat étant tout relatif – et qui, pour le coup, mériteraient des compensations.

Votre position nécessite pour le moins quelques explications de fond sur les raisons qui vous conduisent à écarter les contreparties pour les salariés contraints de travailler le dimanche.

Pour notre part, nous sommes profondément opposés à cette distinction arbitraire et artificielle, considérant que les contreparties doivent reposer non pas sur un éventuel volontariat du salarié, mais sur l’effectivité du travail réalisé le dimanche.

Que les salariés soient contraints directement ou indirectement, il faut, selon nous, assurer une juste rémunération à tous ceux d’entre eux qui travaillent le dimanche pour le plus grand plaisir de quelques riches touristes qui viendraient, d’après le Gouvernement, acheter leur canapé, leur téléviseur ou – pourquoi pas ? – leur tondeuse à gazon sur nos côtes françaises avant de retourner en Chine, en Norvège ou aux États-Unis !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé sur cet article un amendement.

L’article 1er constitue bien sûr une avancée souhaitable pour les salariés concernés par l’ouverture dominicale des magasins les cinq dimanches accordés par le maire, puisqu’il clarifie la rédaction actuelle du code du travail et précise le temps de repos compensateur – ce n’était pas le cas auparavant – ainsi que la somme versée aux salariés, qui sera équivalente au salaire d’une journée. Cependant, il est très largement insuffisant, il opère une discrimination injuste entre salariés. Aussi, sauf adoption de notre amendement, nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Madame la présidente, je vous remercie de me donner la parole sur l’article 1er. Si j’avais pu m’exprimer sur la motion tendant au renvoi en commission, j’aurais mis un « s » à commission.

En effet, tout texte de loi devrait avoir en corollaire une étude d’impact. Je suis très surpris que la commission des affaires économiques n’ait pas été saisie, même pour avis, de cette proposition de loi.

Alors que sont évoqués à tout propos l’intérêt économique et l’économie touristique, la commission des affaires économiques n’est pas saisie de ce texte ! De quoi se préoccupe-t-elle donc, si ce n’est de l’intérêt économique et de l’emploi dans notre pays ?

Monsieur le ministre, je peux supposer que vous doutez du bien-fondé de cette étude d’impact…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

… et que vous avez voulu court-circuiter les résultats de celle-ci. D’ailleurs, n’avez-vous pas agi de même s’agissant de la concertation avec les organisations syndicales ?

Première remarque, monsieur le ministre, pourquoi n’avez-vous pas eu le courage de déposer une « loi Darcos » sur le travail le dimanche, au lieu de faire porter ce texte par un parlementaire

Mme Gisèle Printz applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

… ce qui permet de court-circuiter toute la concertation et d’éviter d’avoir un vote effectif des centrales syndicales, quelle que soit leur appartenance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Darcos n’était pas encore ministre du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur Braye, vous pouvez retourner dans votre département, je ne vous ai pas interpellé !

Deuxième remarque, je déplore le côté immoral de l’amnistie de pratiques illégales menées depuis une dizaine d’années par des gens qui continue à bafouer la loi et à qui vous allez donner l’absolution.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Sans pénitence !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Troisième remarque, – cela a été évoqué plusieurs fois, notamment lors de la discussion du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, à propos de l’examen d’un amendement déposé par M. Maurey ou par M. Pozzo di Borgo, je ne me rappelle plus quel en était l’auteur – c’est à un véritable choix de société que nous sommes confrontés.

Il ne faut pas nous dire que 200 000 ou 300 000 emplois sont concernés. En fait, le Gouvernement est en train d’entrouvrir une porte, dont je ne sais quand elle sera refermée et dont j’ignore jusqu’à quel point elle sera ouverte.

Que le Président de la République, à Versailles, choisisse de faire référence au Conseil national de la Résistance ou au pacte social qui a été passé par notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale dénote, selon moi, un manque certain de pudeur.

Depuis que vous êtes au pouvoir, mesdames, messieurs les membres de la majorité, vous n’avez de cesse de détricoter le pacte social qui avait été construit petit à petit.

Mme Raymonde Le Texier opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Comment pouvez-vous prétendre que ce texte se situe dans la droite ligne du discours de Versailles, du Conseil national de la Résistance et du pacte social ? Si tel était le cas, nous signerions des deux mains, mais c’est en fait tout le contraire : ce texte relève d’une indéniable hypocrisie – je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre –, à moins que vous n’ayez le courage de le porter en tant que projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Annie David applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 72, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Tout salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Avec cet amendement, nous entendons modifier l’article 1er de cette proposition de loi, pour permettre à l’ensemble des salariés qui travaillent le dimanche de bénéficier d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération due pour toute autre journée et d’un repos compensateur.

Nous avons eu l’occasion de le dire, notamment au cours de notre intervention sur cet article : nous considérons que tout salarié travaillant le dimanche, indistinctement du cadre dans lequel il effectue ce travail, doit bénéficier de compensations.

Cette question est pour nous fondamentale, puisque nous estimons que travailler le dimanche, jour commun de repos accordé en 1906 à tous les travailleurs de notre pays, constitue, qu’il soit volontaire ou subi, un effort particulier de nos concitoyens, d’autant plus que ce travail sera, pour quelques rares employeurs, créateur de richesses. Ces richesses, dès lors qu’elles sont la conséquence du travail des salariés, nous entendons en toute logique qu’elles soient partagées.

Voilà quelques mois, alors que notre pays plongeait dans la crise et que l’État multipliait les chèques en direction des banques et des groupes industriels, le Président de la République proposait ni plus ni moins de moderniser le capitalisme et de partager les richesses selon une répartition en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et un tiers pour la structure et son développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Aujourd'hui, au regard de cette proposition de loi, de ces belles formules, il ne reste rien !

En limitant les contreparties à une minorité de salariés, vous refusez que les richesses produites en raison du travail le dimanche soient partagées.

Quant à la modernisation du capitalisme, il s’agit là d’une belle chimère, et, en organisant le travail le dimanche sans contrepartie, vous renvoyez la France dans un passé ancien.

L’amendement que nous proposons est légitime. Il est attendu par nos concitoyens, y compris et d’abord par ceux qui se sont déclarés favorables au travail le dimanche. Ces derniers espéraient pouvoir y trouver un complément de salaire bien utile lorsque le salaire de base ne suffit plus pour vivre. Même ceux-là exigent qu’on leur assure une rémunération supplémentaire. Ils veulent qu’elle soit prévue par la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mme Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... . - L'article L. 3132-26 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur fait appel aux seuls salariés volontaires qui ont exprimé leur demande par écrit.

« Le refus du salarié de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise à offrir les mêmes garanties à l'ensemble des salariés qui travaillent le dimanche.

De la même façon que le texte prévoit une rémunération double et un repos compensateur pour les salariés des établissements de commerce de détail exceptionnellement ouverts par décisions du maire, il est utile de préciser que ces salariés doivent également bénéficier du principe du volontariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 72, qui prévoit de payer double tous les salariés qui travaillent le dimanche et de leur accorder un repos compensateur équivalent, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré, rapporteur. … s’appliquerait dans tous les secteurs d’activité

M. Daniel Raoul s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Or cela risquerait de déstabiliser les secteurs d’activité qui fonctionnent de droit le dimanche depuis longtemps et qui ont développé leur propre contrepartie par la voie de la négociation collective.

Je souligne que, dans ce texte, sur l’initiative, d’ailleurs, de nos collègues du Nouveau Centre de l’Assemblée nationale, les négociations sont aujourd'hui obligatoires dans les zones touristiques, alors qu’elles ne l’étaient absolument pas jusqu’à maintenant. Cela constitue un net progrès.

S’agissant des PUCE, je rappelle que la négociation est obligatoire et que, en l’absence des compensations prévues, il y aura un référendum. De toute façon, le paiement double et le repos compensateur seront obligatoires. Je ne pense pas qu’il soit possible d’aller plus loin aujourd'hui.

J’en viens à l’amendement n° 140 rectifié. Dans le code du travail sont déjà prévues les contreparties auxquelles ont droit les salariés qui travaillent les cinq dimanches autorisés par le maire.

Le principe du volontariat n’a pas été retenu dans ce cadre, compte tenu du caractère très ponctuel de ces dérogations au repos dominical, sans que cela pose de réelles difficultés : en général, il y a en effet appel à candidatures et, selon une étude, les candidats sont trop nombreux à vouloir profiter de l’occasion de bénéficier des compensations financières – ce travail dominical est ponctuel –, au point que, souvent, l’employeur se voit obligé de procéder à un tirage au sort.

Aujourd'hui, le volontariat est de fait. Il ne me semble donc pas indispensable d’introduire cette règle dans le code du travail.

Néanmoins, je demande l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Avant de donner l’avis du Gouvernement, je souhaite formuler deux observations.

D’abord, je tiens à m’étonner de ce que M. Raoul me demande pourquoi je n’ai pas porté moi-même ce texte. Je trouve extrêmement surprenant qu’un parlementaire – je l’ai moi-même été – reproche à un autre parlementaire de déposer une proposition de loi.

Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Qu’un parlementaire trouve dommage qu’un autre parlementaire dépose une proposition de loi dépasse l’entendement !

Plus étrange encore, il demande à un ministre qui assume ses fonctions depuis cinq semaines seulement de se saisir d’une proposition de loi déposée voilà plusieurs mois !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Je peux faire beaucoup de choses, mais je ne peux pas organiser l’illusion rétrospective du vrai.

Ensuite, sur l’amnistie supposée de ce texte, je répète que cette proposition de loi n’interrompt aucune des poursuites pénales et contentieuses en cours.

M. Dominique Braye s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Il peut être utile de répéter – bis repetita placent –, toutefois, j’apprécierais que l’on m’en dispense !

J’en viens à la question complexe et qui sera récurrente des deux catégories de salariés concernés par le travail dominical. Je ferai une réponse de principe circonstanciée à laquelle je me référerai systématiquement, pour éviter d’avoir à me répéter.

Il existe deux situations objectivement distinctes.

Dans le premier cas, les salariés savent, au moment de leur embauche, qu’ils seront amenés à travailler le dimanche : je pense aux personnels des restaurants, des hôpitaux, des stations-service, des cinémas ou à ceux qui exercent leur activité dans des zones touristiques ou dans des stations de sport d’hiver. Pour cette catégorie de personnels, le travail dominical constitue une caractéristique intrinsèque de l’emploi qu’ils occupent et nous ne saurions imaginer qu’ils soient dispensés de travailler le dimanche. Il s’agit d’une composition normale de l’activité, parfaitement connue et anticipée au moment de l’embauche. Il convient alors de laisser les partenaires sociaux négocier les contreparties, s’ils le souhaitent. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans l’immense majorité des cas, vous le savez.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Dans le second cas, et c’est à cette catégorie que s’adresse plus particulièrement la proposition de loi, une autorisation administrative temporaire et individuelle est nécessaire pour travailler le dimanche. En effet, le salarié occupe un emploi ou exerce son activité dans une zone qui n’implique pas le travail dominical. Dans ce cas, le texte prévoit que le salarié bénéficie de contreparties spécifiques. S’il s’agit d’une situation particulière, des négociations entre les partenaires sociaux seront possibles, dans les conditions qui ont été rappelées par Mme le rapporteur.

C'est la raison pour laquelle nous avons cherché un équilibre juridique et économique entre ces situations différentes, que le texte entend pérenniser. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 72.

L'amendement n° 140 rectifié est plus complexe. Actuellement, les dérogations accordées par le maire, telles qu’elles sont prévues par l'article L. 3132-26 du code du travail, répondent à une demande ponctuelle et limitée des entreprises. Nous avons tous été maires – certains le sont encore – et nous savons qu’elles sont généralement accordées avant les fêtes de fin d’année ou à l’occasion d’autres grandes fêtes.

Il n’est pas envisagé, dans le cadre du présent texte, de modifier l’équilibre de ce dispositif. Toutefois, dans un souci de cohérence, la proposition de loi prévoit que les salariés qui travailleront le dimanche bénéficieront d’une double rémunération et d’un repos compensateur, dans la mesure où le travail dominical ne constitue pas une caractéristique intrinsèque de l’emploi qu’ils occupent, mais vise à satisfaire une exigence ponctuelle.

Si le salarié qui refuse de travailler le dimanche se voit sanctionner pour ce motif, le régime de droit commun s’appliquera. Il permet déjà à un salarié s’estimant victime d’une inégalité de traitement de saisir le juge et d’obtenir réparation du préjudice subi.

Je reconnais que l'amendement n° 140 rectifié est porté par une intention extrêmement louable. Cependant, puisque toutes les garanties sont déjà prévues, que ce soit dans le texte qui vous est soumis, dans le code du travail ou dans le régime du droit commun relatif au droit du travail, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 72.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous avons tous bien compris qu’il existait deux catégories de salariés. Ainsi, ceux qui travaillent déjà dans une zone touristique ou dans un commerce lié au tourisme, par exemple un hôtel, un restaurant – dans ce cas, la dérogation s’applique, même s’ils ne travaillent pas dans une zone touristique –, et qui savent, au moment même de leur embauche, qu’ils seront amenés à travailler le dimanche. En ayant postulé pour cet emploi, ils devaient s’y attendre !

Or ce texte élargit le champ des commerces qui pourront ouvrir le dimanche. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, les touristes viendront sur nos côtes françaises pour acheter des canapés, des téléviseurs ou des tondeuses à gazon, car c’est de cela qu’il est question !

Dans les zones touristiques, les commerces ayant un lien avec l’activité touristique continueront d’ouvrir le dimanche. Nous ne contestons nullement les 180 dérogations qui sont déjà accordées à ce titre. En revanche, nous ne pouvons accepter que ce dispositif soit étendu à l’ensemble des commerces, c'est-à-dire à ceux qui n’ont absolument aucun lien avec le tourisme et qui ne sont pas concernés par l’activité de ski, de montagne ou de plage.

De plus, ces commerces auront désormais le droit d’ouvrir le dimanche toute l’année, quelle que soit leur activité, alors que cette autorisation ne concernait jusqu’à présent que les commerces situés dans les zones touristiques et ne valait que pendant certaines périodes définies par le préfet et clairement identifiées dans le code du travail. C’est cela que nous refusons.

Ainsi, le salarié d’un magasin de chaussures – je ne citerai aucune grande marque pour ne pas leur faire de publicité ! – n’imaginait pas, au moment de son embauche, travailler le dimanche : il supposait que le magasin serait fermé ce jour-là. Or si, par malchance, ce magasin se situe dans une zone touristique, car c’est comme cela qu’il faut dire les choses, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

... ce salarié sera obligé de travailler le dimanche, même si ce n’était pas prévu initialement.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Non, il n’est pas obligé !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

J’en viens aux PUCE. Le texte permet à tout commerce situé dans ce périmètre d’ouvrir le dimanche et prévoit des compensations pour les salariés concernés : le doublement de la journée de salaire et le repos compensateur, en l’absence d’accord entre les parties.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

C’est la définition de l’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vous signale qu’un accord peut être moins favorable que la loi ! Quand vous affirmez que les salariés bénéficieront de ces contreparties, c’est faux !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Il leur suffit de ne pas signer l’accord. C’est un raisonnement absurde !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Elles ne s’appliqueront qu’en l’absence d’accord et après référendum.

Vous savez très bien qu’il existera des accords propres à chaque commerce, qui s’appliqueront indépendamment de la convention collective. En l’absence de syndicat dans l’entreprise, les salariés n’auront d’autre choix que d’accepter !

De plus, ce texte ne prévoit aucune rétroactivité des contreparties fixées. Est-ce à dire que seuls les salariés embauchés après la promulgation de la loi bénéficieront du doublement de la journée de salaire et du repos compensateur, les autres n’étant pas concernés ? Il serait opportun que vous apportiez des éclaircissements à ce sujet, monsieur le ministre.

Je terminerai cette explication de vote par une précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Si on voulait faire de la provocation, on pourrait être tenté de voter l’amendement n° 72. Cependant, j’ai bien entendu Mme le rapporteur souligner qu’il ne tenait pas économiquement.

Dans ce cas, qu’en est-il de l'article 1er, tel qu’il a été voté par l'Assemblée nationale ? Les contreparties prévues pour les salariés qui travailleront les cinq dimanches accordés par le maire constituent-elles un modèle qui tient économiquement partout ? Cela ne va-t-il pas introduire des différences assez considérables d’un commerce à l’autre et d’une région à l’autre ?

Par ailleurs, ce dispositif tient-il économiquement dans les PUCE ? Si, dans la pratique, ce n’est pas faisable, pourquoi nous demander de voter de telles dispositions ?

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Madame David, je souhaite vous rassurer sur trois points.

Tout d’abord, vous faites remarquer avec raison que les salariés ne seront payés double qu’en l’absence d’accord salarial. En conséquence, selon vous, ils ne sont pas protégés. Bien sûr que si ! S’ils ne jugent pas l’accord convenable, ils refuseront de le signer et ils percevront une double rémunération. Et s’il n’y a pas de syndicat dans l’entreprise, aucun accord ne pourra être conclu et les contreparties prévues par le texte s’appliqueront alors. Vous le voyez, les précautions qui ont été prises sont très favorables aux salariés.

Ensuite, ceux qui sont employés aujourd’hui dans des zones de commerces généraux et qui travaillent le dimanche verront leur situation changer lorsque ces zones feront parties d’une PUCE. En effet, il n’existe pas de PUCE aujourd’hui. Aussi, par définition, la loi crée un système nouveau et tous ceux qui travailleront dans ces PUCE, sans exception, quelle que soit leur situation ex ante, seront bien sûr concernés par l’accord salarial.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Enfin, il n’y a qu’un seul texte du Conseil économique et social qui fait autorité sur les questions que nous nous posons aujourd'hui, il n’y en a pas d’autre ! C’est le rapport de M. Léon Salto du mois de février 2007, et non l’étude présentée par M. Jean-Paul Bailly, à laquelle vous faites allusion. Je le répète : la CFDT, la CFTC, la CGC ont voté pour, la CGT et FO se sont abstenus.

Quant à la question des cinq dimanches, j’ai déjà répondu indirectement à M. André Lardeux et je n’y reviens donc pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur Lardeux, la disposition prévue par l'amendement n° 72 ne tient pas économiquement car elle prévoit le doublement de la rémunération dans tous les secteurs d’activité, y compris les cafés et les restaurants. Ce n’est pas possible.

Quant aux établissements situés dans les PUCE, si leurs responsables considèrent qu’il n’est pas rentable de les ouvrir le dimanche, ils resteront fermés !

MM. Michel Houel et Jackie Pierre applaudissent.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Voilà ! Il n’y a pas d’obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame le rapporteur, on entend souvent dire dans cet hémicycle que certaines professions, notamment les métiers de bouche et la restauration, manquent de main-d’œuvre : « Les gens ne veulent pas travailler, on a du mal à trouver du personnel ; du travail, il y en a... » Ne serait-ce pas dû au fait que, dans ces secteurs, les conditions de travail sont difficiles et que les salariés sont amenés à travailler le dimanche sans compensation financière ? Avez-vous étudié cette question ?

N’y aurait-il pas un rapport entre la difficulté de certains secteurs à trouver du personnel qui devra travailler le dimanche et l’absence de compensation financière pour ce travail ? Avez-vous fait ce rapprochement, madame le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’entends souvent dire sur les travées de la majorité : les gens ne veulent pas travailler, il y a du travail, mais on ne trouve pas de personnel. Lorsqu’on vous demande quels métiers sont concernés, vous évoquez les métiers de bouche, la restauration et d’autres métiers où l’on travaille le dimanche et où les conditions de travail sont difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Michel Houel pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

J’ai l’impression que peu de membres de cette assemblée ont été en rapport avec le commerce dans leur vie professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

En effet, madame Borvo Cohen-Seat, vous avez évoqué tout à l'heure la fermeture de la Samaritaine et le départ de deux mille salariés. Mais la question est de savoir si ce type de commerce est aujourd'hui approprié. La Samaritaine ne l’était plus et c’est pourquoi il a fallu la supprimer. Un commerce vit et meurt. Le personnel n’était pas du tout adapté à la vente de prêt-à-porter haut de gamme, alors qu’il était habitué à vendre de la quincaillerie auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Par ailleurs, monsieur Desessard, il faut savoir que 80 % des jeunes qui sortent d’apprentissage dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ne poursuivent pas dans cette filière, c’est-à-dire qu’ils n’y travailleront pas, et ce non pas simplement pour une question de salaire, mais également en raison des contraintes du week-end.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

En revanche, dieu merci, un certain nombre d’apprentis sont prêts à travailler dans le secteur, et heureusement pour nous tous, car nous sommes certainement allés au restaurant un samedi ou un dimanche !

Quant aux difficultés des commerces et au problème du double salaire, comme Mme le rapporteur l’a dit très justement, un commerçant est fait pour gagner de l’argent, et s’il n’en gagne pas, il n’ouvre pas ! Qu’il soit dans une zone touristique ou une zone non touristique ne change rien à l’affaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le salarié aussi doit gagner de l’argent !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

D’ailleurs, certains commerces n’ouvrent pas les cinq dimanches autorisés par an, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

… tout simplement parce que leurs produits ne sont pas appropriés à ce que l’on recherche le dimanche. Je pourrais plaisanter en disant que l’on ne vend pas des tondeuses à gazon au mois de décembre. Plus sérieusement, on a besoin d’être en famille pour certains achats, notamment d’ameublement. Quand on achète un salon, on a besoin d’avoir l’avis de sa famille, y compris de ses enfants, par exemple afin d’imaginer avec eux la place qu’ils occuperont pour regarder la télévision !

Il faut donc ramener les choses à leur juste valeur et distinguer clairement, d’un côté, le commerce et, de l’autre, les gens qui veulent bien y travailler.

Pour ma part, j’ai travaillé les week-ends pendant trente ans. Pour autant, je ne suis pas mort ni en mauvaise condition physique, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Le travail le dimanche et le week-end, c’est une question de volonté, un choix qui a ses avantages et ses inconvénients.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous avez raison, c’est un choix, mais cela doit rester un choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur Houel, je ne pense pas que vous ayez été employé à la Samaritaine, sinon vous sauriez que les vendeuses de ce magasin étaient des démonstratrices de marques. Ce n’étaient donc pas des employées de la quincaillerie chargées de vendre des vêtements de luxe ! Renseignez-vous avant d’affirmer !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Il n’en demeure pas moins que le commerce s’est transformé ! M. Houel s’est renseigné ! C’est vous qui avez tout faux, madame Borvo Cohen-Seat !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En permettant aux maires d’accorder cinq dérogations – et seulement cinq – par an au principe du repos dominical, l’article L. 3132–27 du code du travail, dans sa nouvelle rédaction proposée par l’article 1er, préserve le dimanche comme élément fondamental de la vie familiale, sportive, culturelle, associative et spirituelle.

En réaffirmant l’obligation de la majoration salariale et du repos compensateur, il signifie clairement que le dimanche n’est pas un jour comme les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Comme je peux en témoigner en ma qualité d’élue parisienne, cette stricte limitation du travail dominical est absolument vitale pour le devenir de nos commerces de proximité et l’attractivité des centres-villes, déjà fragilisés par la loi de modernisation de l’économie votée l’année dernière.

C’est pourquoi le groupe socialiste votera l’article 1er.

Mais quelle est la portée de cet article, quelle valeur donner à ce vote quand on sait que l’article suivant, à savoir l’article 2, s’acharne méthodiquement, en vingt-huit points, à le contourner, voire à le contredire, et à faire en sorte que le repos dominical devienne un privilège de classe, se faisant ainsi complice de la délinquance économique et sociale ?

M. Dominique Braye s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La loi de modernisation de l’économie a considérablement fragilisé l’économie des commerces de proximité. Présentée comme vitale par le Gouvernement pour la moralisation des relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, elle a en réalité donné les coudées franches à la distribution.

Si la réduction des délais de paiement, autre mesure soi-disant phare de la LME, entre Leclerc et un petit producteur a un sens, elle n’en a plus quand il s’agit des relations commerciales entre la librairie de quartier et le groupe Hachette.

Concurrence en périphérie, réduction des délais de paiement, augmentation des loyers commerciaux, stagnation du pouvoir d’achat, tout concourait déjà à nuire à la bonne santé économique des commerces de proximité. Plutôt que de répondre aux besoins de ces commerces, qui forment l’ossature de nos villes et représentent un élément fondamental du lien social, le Gouvernement a pour seule considération les desiderata des grands, des gros et des puissants.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La fragilisation du commerce de centre-ville et des commerces de proximité, au-delà des drames individuels, pose un vrai problème en matière d’attractivité des centres-villes et d’animation urbaine, ainsi qu’un problème social, car un emploi créé en grande surface détruit trois emplois dans le petit commerce.

Comme le démontre l’étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, l’ouverture des commerces non alimentaires le dimanche entraînerait la perte de plusieurs milliers d’emplois.

Les organisations représentatives des commerces de centre-ville, des commerces indépendants, sont farouchement hostiles aux mesures de ce texte. Elles craignent, à juste titre, les problèmes de concurrence et d’évasion commerciale que pose l’ouverture dominicale. Elles reconnaissent que, pour limiter le transfert de consommation vers les zones commerciales, les commerces de centre-ville, les indépendants, chercheront à s’organiser pour ouvrir également le dimanche, entraînant par capillarité la généralisation du travail dominical.

Cette mesure est mauvaise. Elle a pour seul mérite d’être considérée par le Président de la République comme un symbole de sa capacité d’aller jusqu’au bout des réformes.

Le travail dominical est un marqueur, une obsession de la droite libérale, dans la lignée du bouclier fiscal, désastreux pour nos finances publiques et pour notre sens commun de la justice, dans la lignée également des déclarations du porte-parole de l’UMP considérant normal de travailler pendant un congé maternité ou un congé maladie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 42 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 76 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »

La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l’amendement n° 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous proposons, par cet amendement, que le premier alinéa de l’article L. 3132–12 du code du travail soit complété par une phrase ainsi rédigée : « Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent sous réserve d’un accord collectif plus favorable. »

On ne peut accepter que la légalisation du travail dominical ne s’accompagne d’aucune contrepartie en termes de salaire et de repos compensateur. C’est une question de justice sociale et d’égalité de traitement entre tous les salariés sur l’ensemble du territoire.

Le travail du dimanche doit être payé double, car – vous l’avez dit et tout le monde l’affirme – le dimanche n’est pas un jour comme les autres, ce qui doit se traduire d’une façon ou d’une autre.

Un repos compensateur doit aussi être prévu, c’est le minimum.

Cela n’interdit pas, bien sûr, qu’un accord collectif de branche puisse être plus favorable que ce que prévoit le code du travail, mais nous souhaitons voir le principe d’égalité entre les salariés inscrit dans la loi pour empêcher tout abus de la part des employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 76.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Au sein du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, nous sommes convaincus que les contreparties au repos dominical doivent être d’ordre public, c’est-à-dire s’appliquer à tous les salariés, sans distinction quant aux types de dérogations qui conduisent les salariés à travailler le dimanche.

C’est pourquoi l’un de nos amendements, que nous examinerons ultérieurement, vise à empêcher que des accords collectifs puissent prévoir des contreparties moins favorables que celles qui sont légalement prévues.

Mais en attendant, avec le présent amendement, nous entendons compléter le premier alinéa de l’article L. 3132–12 du code du travail, relatif aux dérogations permanentes de droit, par une phrase ainsi rédigée : « Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent sous réserve d’un accord collectif plus favorable. »

Cette précision est d’autant plus importante que, depuis l’adoption en décembre 2003 d’un amendement déposé par M. François Fillon, alors ministre du travail, un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, la hiérarchie des normes est inversée. En effet, le code du travail, pierre de base dans l’édifice fondamental de protection du salarié, peut se voir en toute légalité contredit par une disposition inférieure, l’accord collectif ou d’entreprise.

Cette primauté donnée à une règle inférieure sous prétexte de renforcer la négociation constitue en réalité l’un des stratagèmes que vous avez construits pour vider de son contenu le code du travail et amoindrir les protections d’ordre public.

Naturellement, vous ne confirmerez pas mes propos. La question à laquelle vous accepterez peut-être de répondre est donc la suivante : entendez-vous permettre à des accords collectifs ou d’entreprise de prévoir des contreparties inférieures à celles qui sont légalement instituées ?

Pour notre part, nous y sommes opposés, et nous considérons que le devoir de clarté nous incombe, afin de rédiger des textes compréhensibles par tous, de préciser que les accords collectifs ne pourront prévoir des contreparties moins favorables que celles qui sont prévues dans cette loi.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, les syndicats ont voté contre le rapport présenté par M. Bailly. En revanche, vous avez raison, monsieur le ministre, ils ont approuvé le rapport de M. Léon Salto, de février 2007, où il est précisé : « Le Conseil économique et social recommande de ne pas banaliser cette journée en généralisant l’ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical. Il suggère d’ouvrir à ce propos un débat sociétal plus large dans le cadre de travaux futurs. »

C’est donc bien à cette recommandation que les syndicats ont dit « oui », et non pas à l’ouverture des commerces le dimanche dans les zones touristiques ou dans les PUCE.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 42 et 76 pour les raisons que j’ai déjà exposées précédemment.

Je rappelle que, en ce qui me concerne, je fais confiance à la négociation collective.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Même avis.

Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, je ne répéterai pas les précisions que j’ai apportées lors de l’examen de l’amendement n° 72 sur les deux situations possibles des salariés. Je vous renvoie donc à la réponse que j’ai faite à cette occasion.

Concernant les négociations collectives, je ne veux pas être discourtois à l’égard de Mme David, mais je m’exprimerai sur le sujet lors de l’examen des amendements y afférents, ce qui n’est pas le cas des amendements actuellement en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, vous n’aimez pas vous répéter, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… mais vous auriez tout de même pu dire à Mme David que le vote des syndicats des salariés en faveur du rapport Salto ne signifie pas qu’ils sont favorables à la présente proposition de loi ! Le rapport en question soulignait que le Conseil économique et social considérait que le travail du dimanche ne devait pas être banalisé et devait faire l’objet d’un débat sociétal. Ce n’était donc pas du tout la même chose que le vote qui nous est demandé aujourd’hui !

Puisque vous n’aimez pas vous répéter, vous aviez justement l’occasion de ne pas le faire : vous auriez pu dire une chose légèrement différente, étant donné ce que vient de rappeler Mme David sur le vote intervenu en 2007. §

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

J’aurais dit la même chose, monsieur Desessard ! Je répète que le seul texte…

Mme David brandit deux documents.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

... sur lequel nous avons un vote correspondant à l’objet de la présente proposition de loi n’a rien à voir avec la question évoquée par Mme David. Celle-ci a fait référence à l’avis concernant la généralisation du travail du dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Eh voilà, monsieur Desessard ! Cela fait cinq fois la même réponse !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Ici, il s’agit non pas de la généralisation du travail du dimanche, mais d’un certain nombre de dérogations au repos dominical. Cette question a été abordée dans un texte qui n’a pas été désapprouvé par les représentations syndicales, puisqu’elles se sont abstenues. Je n’ai pas dit qu’elles l’avaient approuvé !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Je confirme donc très exactement les propos que j’ai déjà tenus et je ne me laisserai pas impressionner !

Très bien et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Entre « approuver » et « ne pas désapprouver », ce n’est pas une nuance, c’est un précipice !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 45 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 75 est présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par les mots : «, après consultation et avis de la commission de la négociation collective ».

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 45.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’article L. 3132-12 du code du travail prévoit qu’« un décret en Conseil d’État détermine les catégories d’établissements intéressées » par une dérogation à la règle du repos dominical.

L’inscription des secteurs d’activité sur la liste déterminée par décret en Conseil d’État ouvre à tous les commerces relevant d’un secteur visé une possibilité permanente de déroger sans autorisation à la règle du repos dominical et revêt donc une importance toute particulière.

Au regard de la spécificité de ces dérogations permanentes et pour échapper à toute polémique quant à l’opportunité d’élargir la liste des secteurs concernés, la consultation préalable des partenaires sociaux apparaît nécessaire. Je dis bien : la consultation préalable des partenaires sociaux apparaît nécessaire. Pour ma part, je ne me lasserai pas de répéter des choses importantes !

Notre amendement vise donc à préciser que le décret en Conseil d’État déterminant les catégories d’établissements intéressées sera pris après avis de la Commission nationale de la négociation collective, la CNNC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 75.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

À la suite de notre collègue et ami Jean Desessard, nous vous invitons à compléter l’article L. 3132-12 du code du travail, qui prévoit que la liste des activités qui sont autorisées à déroger de droit à la règle du repos dominical, en raison notamment des contraintes de la production ou de l’accueil du public, est définie par décret en Conseil d’État.

Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation qui écarte de fait les partenaires sociaux, alors même que le principe de la liste d’activités permet aux établissements qui relèvent de celle-ci d’être ouverts le dimanche, de droit et de manière permanente.

Cette situation, qui écarte donc les partenaires sociaux, constitue une source potentielle de conflits portant sur l’opportunité d’inscrire ou non certaines activités sur la liste des dérogations permanentes.

C’est pourquoi nous proposons que les partenaires sociaux soient consultés et que la liste mentionnée à l’article L. 3132-12 du code du travail soit arrêtée ou modifiée après consultation et avis de la Commission nationale de la négociation collective, qui, en raison de sa composition et de ses missions, nous semble compétente en la matière.

Pour mémoire, au nombre des missions qui lui sont confiées, je voudrais citer celle qui est visée au troisième alinéa de l’article L. 2271-1 du code du travail, aux termes duquel la commission a pour mission « d’émettre un avis sur les projets de loi, d’ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail ».

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter le présent amendement, puisque nous ne saurions nous satisfaire du seul avis du Conseil d’État, celui-ci ne représentant pas les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’article L. 2271-1 du code du travail prévoit que la CNNC est consultée sur les projets de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail.

Les amendements identiques qui nous sont soumis me paraissent donc redondants. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement, mais a priori j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Ces amendements visent à réaliser ce qui existe déjà, puisque l’examen des projets de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail entre dans le champ de compétence de la Commission nationale de la négociation collective.

C’est donc prévu par le code du travail, à l’article L. 2271–1. Dès lors, je ne vois pas l’intérêt d’adopter des amendements visant à demander que s’applique ce qui est déjà prévu !

Je suis par conséquent défavorable à ces amendements, qui sont superflus.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 43, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. Ces dispositions sont d'ordre public sous réserve de dispositions plus favorables prévues par convention ou accord collectif. »

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement, comme l’amendement n°42, vise à inscrire dans la loi le principe d’égalité de traitement entre tous les salariés sur l’ensemble du territoire.

Les contreparties au travail dominical doivent être inscrites clairement dans la loi, puisqu’elles viennent compenser une dérogation légale permanente.

Comme l’indiquait le Conseil économique et social dans un avis du 28 février 2007, intitulé « Consommation, commerce et mutations », le dimanche est « un point fixe structurant permettant de se retrouver et de consolider la cellule familiale de plus en plus éclatée et dispersée ». Il ajoutait : « C’est aussi un temps privilégié pour les activités culturelles, sportives, ludiques, touristiques, associatives, la rencontre avec des amis, la disponibilité sociale au service d’autrui, donc le support de la cohésion de la société. » Voilà donc ce qu’indiquait dans un avis de 2007 le Conseil économique et social. Mais peut-être M. le ministre en a-t-il une lecture différente…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Ne me cherchez pas, monsieur Desessard !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La reconnaissance du fait que le dimanche n’est pas un jour comme les autres doit donc impérativement s’accompagner de mesures compensatoires, aussi bien dans le cadre des dérogations temporaires que dans celui des dérogations permanentes au repos dominical accordées par le préfet.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 77, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Avec cet amendement, nous entendons poursuivre notre engagement en faveur de l’égalité entre les salariés qui travaillent le dimanche, ce qui constitue, monsieur le ministre, la démarche inverse de celle que vous défendez !

Et pourtant, en vous entendant défendre cette proposition de loi et répéter à l’envi qu’il fallait simplifier une situation devenue trop complexe pour tous, nous aurions pu avoir espoir que l’ensemble des salariés pourraient, demain, bénéficier des mêmes droits.

Cependant, la simplification dans laquelle vous vous drapez vise non pas la situation des salariés, mais, nous l’avons bien compris, celle des employeurs et de leurs sociétés.

Cette proposition de loi que vous souhaitez nous faire adopter conforme est en réalité tout entière tournée vers l’intérêt des patrons, les salariés étant quant à eux traités à la marge.

Monsieur le ministre, le Gouvernement avait pourtant l’occasion d’harmoniser les droits des salariés. Mais vous avez préféré vous cantonner à une extension des dérogations et à une multiplication des inégalités de traitement entre les salariés, puisque leur situation sera différente s’ils travaillent le dimanche dans les PUCE – les périmètres d’usage de consommation exceptionnel –, s’ils sont anciens ou nouveaux, mais aussi s’ils travaillent déjà habituellement ou occasionnellement le dimanche. Vous excluez de fait la majorité des salariés concernés par le travail dominical en zone touristique.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Bref, cette proposition de loi est une usine à gaz, un véritable jeu de construction qui vous permet, en instaurant une multitude de systèmes inégalitaires, de limiter le plus possible le nombre de salariés bénéficiant des contreparties correspondant au doublement du salaire et au repos compensateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Notre position est claire : l’égalité pour tous les salariés qui travaillent le dimanche. C’est pourquoi nous considérons qu’il faut recourir à la loi. Nous ne voulons pas que des accords collectifs moins favorables puissent venir réduire ces droits.

Ce que nous proposons et ce que les salariés attendent, c’est une loi qui les protège. Or cette revendication ne peut être satisfaite par une négociation collective, dont on sait combien elle peut être parfois défavorable au salarié.

Et, monsieur le ministre, madame le rapporteur, ce ne sont pas ceux qui ont préféré passer par la voie d’une proposition de loi plutôt que par un projet de loi pour contourner la négociation avec les partenaires sociaux, ceux qui refusent une étude d’impact pour les mêmes conditions, qui pourront, afin d’écarter notre amendement, nous renvoyer à cette négociation qu’ils ont eux-mêmes contournée.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

C’est pourquoi nous vous soumettons cet amendement prévoyant que les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de celle qui est normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent, sous réserve d’un accord collectif plus favorable.

Nous vous invitons donc à voter en faveur de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Dans les établissements régis par l’article L. 3132-20 du code du travail, la proposition de loi prévoit que les salariés bénéficieront des mêmes garanties que ceux qui travaillent dans des PUCE.

Les contreparties seront définies soit par des accords collectifs, soit par des référendums d’entreprise, qui aboutiraient, vous le savez, au salaire double et au repos compensateur.

Il ne nous paraît donc pas nécessaire d’aller au-delà de ce dispositif qui est équilibré. La commission émet par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements : priorité à la négociation collective !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Lors de l’examen d’un précédent amendement, M. le ministre m’avait affirmé que nous aurions une discussion sur les conventions et les accords, afin que nous sachions si un accord collectif peut être moins favorable que la loi. Or il vient de se contenter de dire : « Même avis que la commission ».

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Mais c’est parce que je partage effectivement cet avis ! N’est-ce pas une bonne raison ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Tout à l’heure, vous promettiez un avis et un débat, et là vous me renvoyez à un argument qui ne tient pas la route !

M. Jean Desessard s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ce que je dis ne tient pas la route ?

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

M. Xavier Darcos, ministre. Puisque vous le souhaitez, je vais développer ma réponse. J’ai tout mon temps et je peux me coucher tard…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

La proposition de loi prévoit une rémunération double et un repos compensateur en cas d’absence d’accord collectif applicable pour les salariés des entreprises bénéficiant des dispositions de l’article L. 3132-20.

En revanche, si un accord collectif a été négocié dans le secteur considéré, les choses sont très claires : celui-ci s’applique. Le Gouvernement n’entend pas limiter la capacité de négociation des partenaires sociaux.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à votre amendement : la proposition de loi répond déjà à votre souhait s’agissant des contreparties pour les salariés travaillant le dimanche, en raison d’une dérogation issue de l’article L. 3132-20, tout en préservant la liberté de négociation des partenaires sociaux.

Vous le constatez, c’est exactement ce que vous a dit Mme Debré. C’est pourquoi je vous disais que nous avions même avis. Mais je suis tout à fait disposé, pour chacune de mes réponses, à répéter ce qui vous aura déjà été dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous acceptez donc qu’un accord d’entreprise soit moins favorable que la loi, même dans le commerce !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Je vous ai répondu !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 44, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 3132-31 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’établissement, sur injonction de l’inspecteur du travail, n’est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l’établissement. »

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si l’on ne veut pas qu’une exploitation abusive de l’extension des dérogations au repos dominical se développe, il est indispensable de renforcer l’effectivité des sanctions.

Nous avons tous en tête des exemples de contentieux durant depuis plusieurs années, notamment à Plan-de-Campagne, dont la situation a conduit à la présente proposition de loi.

Nos avis divergent : alors que certains prônent l’amnistie, pour notre part, nous nous y refusons, d’où notre opposition à ce texte. Malgré tout, nous pourrions au moins nous mettre d’accord sur cet amendement, dont l’adoption permettrait au Parlement d’affirmer sa volonté d’éviter de nouveaux contentieux d’ouverture illégale, en offrant une garantie contre les dérives supplémentaires. Dans ce cas, nous entendons permettre à l’inspecteur du travail de demander en référé la fermeture administrative de l’établissement visé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 74, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3132-31 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’établissement, sur injonction de l’inspecteur du travail, n’est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l’établissement. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous souhaitons nous aussi renforcer les sanctions à l’encontre des établissements qui ne respecteraient pas la législation en vigueur concernant les dérogations au repos dominical que cette proposition de loi multiplie.

Monsieur le ministre, un amendement similaire déposé à l’Assemblée nationale a reçu un avis défavorable de la commission et de vous-même, au motif, avez-vous dit, que « cette faculté, au demeurant fort légitime, est déjà prévue par le code du travail ».

Vous aviez alors fait référence à l’article L. 3132-31 de ce code, aux termes duquel « L’inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. »

Permettez-moi donc de revenir plus précisément sur ces deux derniers articles.

D’une part, l’article L. 3132-3 du code du travail voit sa rédaction modifiée ainsi par l’article 2 de la proposition de loi : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Cette formulation n’est pas satisfaisante, car, trop floue, elle ne permet pas aux inspecteurs du travail de s’y référer en toute sécurité.

Du reste, le repos dominical ne doit pas, selon nous, relever du seul intérêt des salariés ; mais nous y reviendrons ultérieurement.

D’autre part, l’article L. 3132-13 concerne uniquement les commerces de détail alimentaire ayant obtenu des dérogations permanentes.

En visant dans cet amendement l’article L. 3132-20, relatif aux dérogations accordées par le préfet, et l’article L. 3132-25-1, relatif aux dérogations accordées aux PUCE, nous entendons donc aller plus loin que le dispositif existant.

Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous voudriez nous faire accroire, votre opposition ne repose pas sur des fondements juridiques. Il s’agit là d’une argutie pour éviter un renforcement des sanctions à l’encontre des contrevenants. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces derniers ont su trouver le chemin de vos oreilles !

Pourtant, l’adoption de l’amendement n° 74 permettrait au Parlement d’affirmer sa volonté d’éviter, grâce au renforcement des sanctions, des contentieux supplémentaires liés à de nouvelles ouvertures illégales. Cela répondrait d’ailleurs, me semble-t-il, à nombre des préoccupations soulevées tout à l’heure par plusieurs de mes collègues, lesquels se sont inquiétés à juste titre de ces situations illégales, qui pourraient être par la suite légalisées par un projet de loi ou – mieux encore… – par une proposition de loi.

De telles dérives ne manqueront pas de se répéter au cours des prochaines années et seront, à n’en point douter, encore une fois légalisées à l’occasion d’une révision de cette proposition de loi.

Afin que la nouvelle loi qui sera issue de cette session extraordinaire soit respectée, il faut, de notre point de vue, durcir les sanctions à l’égard des contrevenants. C’est là tout le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le fait de priver un salarié de repos dominical en dehors des dérogations prévues par la loi est sanctionné – c’est bien normal – par une contravention qui nous paraît suffisamment dissuasive.

L’employeur encourt ainsi une amende de 1 500 euros par salarié employé illégalement le dimanche, et de 3 000 euros en cas de récidive. De plus, le juge des référés peut également ordonner la fermeture d’un établissement sous astreinte.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 44 et 74.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Je partage l’avis exprimé par Mme le rapporteur. Monsieur Desessard, je le répète, il ne s’agit pas d’une proposition de loi d’amnistie, puisque aucune des poursuites actuellement engagées ne sera interrompue. Je le répéterai d’ailleurs autant de fois qu’il sera nécessaire. Bis, ter, quatuor, repetita placent

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Madame David, je ne peux que vous répéter ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale, et la nouvelle rédaction de l’article L. 3132-3 du code du travail, qui commence désormais par les mots « dans l’intérêt des salariés », n’y change rien. Sans être un spécialiste, je ne vois pas en quoi une telle précision modifie le raisonnement que j’ai tenu devant vos collègues députés : actuellement, l’inspecteur du travail peut déjà saisir en référé un juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser un emploi illicite des salariés en infraction aux dispositions de l’article L. 3132-3.

Par conséquent, je confirme que je suis tout à fait défavorable à ces amendements n° 44 et 74.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Notre amendement vise à ajouter au sein de l’article L. 3132-31 du code du travail la référence à l’article L. 3132-25-1, qui n’existait pas jusqu’à présent puisqu’il est créé par la proposition de loi !

Cette dernière prévoit ainsi de nouvelles dérogations, à l’article L. 3132-25, entièrement réécrit, et aux six articles supplémentaires qui lui sont adjoints, notamment l’article L. 3132-25-1.

Les sanctions applicables actuellement, vous l’avez rappelé avec raison à l’Assemblée nationale, visent les infractions aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. Nous demandons que celles-ci s’appliquent également aux nouvelles dérogations créées dans ce texte de loi et qui, pour le moment, ne figurent pas dans le code du travail.

Votre réponse est donc incomplète. Au demeurant, si des sanctions existent aujourd’hui, malheureusement, elles ne sont pas vraiment appliquées. Je veux bien vous entendre quand vous dites que les procès en cours ne seront pas interrompus et que les grandes enseignes, notamment, qui doivent beaucoup d’argent, paieront. Peut-être viendrez-vous vous-même nous annoncer bientôt la bonne nouvelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. En attendant, puisque l’article L. 3132-25-1 n’existait pas dans le code du travail, il serait bon de l’assortir de quelques sanctions si toutefois il n’était pas respecté.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

L’article L. 3132-31 constitue une loi générale, qui vise en particulier les employeurs ne respectant pas le code du travail. Vous souhaitez le compléter pour sanctionner éventuellement les manquements aux nouvelles dérogations prévues dans la proposition de loi. Mais on ne peut pas sanctionner des personnes qui appliquent le droit à déroger !

Je le répète, je ne comprends pas l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’incompréhension entre nous est totale, monsieur le ministre !

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 66, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n’entrera en vigueur qu’après la signature d’un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans le chapitre préliminaire du code du travail actuellement en vigueur, les articles L. 1, L. 2 et L. 3 définissent les modalités du dialogue social entre le Gouvernement, les entreprises et les représentants des salariés.

Aux termes de l’article L. 1, « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation ».

Pour appliquer la législation en vigueur dans le code du travail, il est indispensable que les partenaires sociaux soient saisis avant que la loi n’entre en vigueur.

Monsieur le ministre, peut-on prôner la rénovation du dialogue social et se passer de l’avis et des propositions des partenaires sociaux lorsqu’on réforme une disposition aussi importante du code du travail ? Je vous rappelle en effet que la grande majorité des partenaires sociaux souhaitent que des discussions sur un accord interprofessionnel soient ouvertes préalablement à la mise en application du texte.

Aussi, nous vous proposons d’insérer, après l’article 1er, un article additionnel précisant que la présente loi n’entrera en vigueur qu’après la signature d’un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur Desessard, comme je l’ai dit en commission, j’ai eu un petit peu de mal à comprendre cet amendement. Vous souhaitez subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la conclusion d’un accord national interprofessionnel, mais vous ne précisez pas sur quoi ce dernier devrait porter : sur le texte lui-même, sur les dispositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Faute d’une rédaction suffisamment précise, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Monsieur Desessard, lors de l’examen du premier amendement, l’amendement n° 7, j’ai déjà répondu sur ce sujet. Le législateur prend toutes ses responsabilités, en particulier dans le cadre d’une proposition de loi. Cela n’interdit pas les négociations, qui ont d’ailleurs eu lieu. Mais il est hors de question de modifier aujourd’hui l’organisation à la fois législative et réglementaire au détour de ce texte.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’amendement n° 73 rectifié, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant.

Un décret précise les conditions dans lesquelles la Haute autorité de lutte contre les discriminations peut être saisie et rend un avis sur la situation individuelle portée devant elle.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

À l’occasion des débats à l’Assemblée nationale, le député Richard Mallié, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, a tenté de la présenter comme un texte censé défendre les intérêts des salariés. Il a notamment indiqué : « Il n’y a pour moi aucune honte à faire en sorte que, en période de crise, d’augmentation phénoménale du chômage, ces salariés conservent leur emploi. »

Cette déclaration met en lumière ce que nous ne cessons de dénoncer : il nous est demandé de voter une loi d’exception, destinée à un nombre restreint de grands patrons qui pratiquent le chantage permanent.

À écouter M. Mallié, si ce texte n’était pas adopté, ce seraient 15 000 salariés qui risqueraient le licenciement. Il faudrait donc, pour satisfaire les employeurs qui brandissent la menace du licenciement, revenir sur une règle datant de 1906.

Le groupe CRC-SPG entend protéger tous ces salariés qui subissent presque quotidiennement cette situation de pression permanente sur l’emploi, source de grand stress.

Nous souhaitons, par cet amendement, préciser que le « refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant ».

Il s’agit d’une disposition d’autant plus importante que, déjà, des patrons de différentes enseignes, notamment de bricolage, ont fait savoir qu’ils jugeaient légitime de favoriser le développement de carrière des salariés travaillant le dimanche.

Notre proposition présente l’avantage de rappeler aux employeurs le cadre légal dans lequel doit s’inscrire le refus du salarié de travailler le dimanche, tout en offrant à ces derniers la force de la précision législative.

En commission, Mme le rapporteur ne s’y est pas déclarée défavorable ; elle a simplement regretté que rien n’ait été prévu quant au contrôle. Nous avons donc rectifié notre amendement en y intégrant la possibilité de saisine de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

En effet, à n’en pas douter, l’application d’un traitement différencié sur des fondements non légitimes, en l’occurrence le refus de travailler le dimanche, constitue une discrimination illégale et rend la HALDE totalement compétente.

Afin de conserver la compétence des inspecteurs du travail, qui n’ont théoriquement à connaître que des conflits collectifs, la compétence de la HALDE nous a semblé s’imposer : son avis n’empiétera pas sur le champ judiciaire, mais pourra, le cas échéant, éclairer les juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je vais m’exprimer, au nom de la commission, sur l’amendement n° 73 et non sur l’amendement n° 73 rectifié, qui n’a pas été transmis à la commission.

Il s’agit d’interdire à l’employeur de prendre en compte le refus du salarié de travailler le dimanche lorsque vient le moment de décider du versement des primes et des augmentations de salaire.

Dans la pratique, il risque d’être difficile de contrôler le respect d’un tel principe. C’est la raison pour laquelle la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Madame Pasquet, le refus de travailler le dimanche peut être, selon vous, préjudiciable à la carrière du salarié et à sa rémunération. Nous en convenons.

Encore faut-il préciser que cela est d’ores et déjà prévu par l’ensemble des textes. En ce qui concerne les dérogations administratives individuelles, le texte garantit le salarié contre toute mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. De ce point de vue, votre souhait, au demeurant légitime, est satisfait.

Dans tous les autres cas où le travail du dimanche constitue une caractéristique intrinsèque de l’emploi, nous souhaitons préserver les équilibres actuels : le fait qu’un travail le dimanche devienne durable pourra constituer une modification du contrat de travail qui suppose l’accord des salariés.

Quelle que soit la légitimité de cet amendement, il est déjà satisfait par les textes actuels, y compris d’ailleurs dans sa version rectifiée : le renvoi à la HALDE si un refus était opposé à une femme qui, confrontée à une maternité, voudrait cesser de travailler le dimanche. Elle serait évidemment soutenue d’emblée par le juge administratif, par l’inspection du travail, voire par la HALDE, si cette dernière était saisie.

C’est dire que l’état actuel de la législation rend cet amendement superflu.

Je demande, au nom du Gouvernement, son retrait, car il ne fait que confirmer l’état actuel de la loi et de la réglementation. S’il était maintenu, l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je m’exprime à titre personnel : après avoir entendu les explications de M. le ministre, je demande le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 106, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque salarié qui travaille le dimanche bénéficie du paiement intégral des frais de transport supplémentaires, du paiement intégral des frais supplémentaires liés à la garde des enfants et du paiement intégral des frais de repas supplémentaires, consécutifs au travail le dimanche.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Cet amendement vise à prévoir, parmi les contreparties destinées aux salariés, la prise en charge d’un certain nombre de frais qu’ils pourraient avoir à assumer en raison du travail dominical.

Tel pourrait être le cas des frais de transport supplémentaires, tenant notamment à l’éloignement entre leur lieu de travail et leur lieu d’habitation, ou encore des frais de garde de leurs enfants.

Cette question des frais de garde est d’autant plus importante que, nous le savons tous, la majorité des salariés de la grande distribution sont des femmes souvent en situation de grande précarité compte tenu des faibles niveaux de salaire, des femmes qui élèvent parfois seules leurs enfants. Et pourtant, bien que nous soyons tous conscients de cette situation, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est curieusement muette sur ces questions.

Interrogé à l’Assemblée nationale sur une série d’amendements similaires, vous avez, monsieur le ministre, un temps tenté de louvoyer, avant de répondre étonnamment : « Le texte porte sur le travail du dimanche, pas sur tous les problèmes sociologiques », un peu comme si le législateur n’avait pas à se soucier des conséquences qui résulteraient de ses travaux !

Surprenante réponse puisqu’elle nous renvoie à votre propre obstination à priver la représentation nationale d’une étude d’impact qui aurait pu être utile pour aborder sereinement ces questions.

Concernant la garde des enfants, le petit bricolage qui pourrait consister à confier ses enfants aux grands-parents ou à des proches n’est pas satisfaisant, puisque tout le monde ne pourra pas bénéficier d’une aide familiale, ne serait-ce que pour des problèmes de proximité de domicile. Ce bricolage est d’autant moins satisfaisant qu’on ne peut accepter que les salariés qui travaillent le dimanche soient contraints de faire appel à la solidarité familiale sous prétexte que les représentants de la nation, les législateurs, n’auraient pas pris la peine d’accompagner les évolutions sociales, sociétales et sociologiques qui résultent de la généralisation du travail le dimanche.

Poussé dans vos retranchements, vous avez même osé dire : « Nous n’obligeons personne à travailler le dimanche ! ».

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Il s’agit soit d’un déni de réalité, soit d’une méconnaissance de la proposition de loi elle-même, puisque dans les zones touristiques, les salariés n’auront pas le choix, le travail le dimanche sera de droit.

Et c’est précisément parce que ces dérogations sont de droit, qu’elles ont, en quelque sorte, une force obligatoire sur les salariés, que nous devons prévoir les solutions pour permettre aux salariés d’accomplir le travail qu’on leur imposera demain dans des conditions un peu moins difficiles et injustes.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je vais vous répondre de façon extrêmement sincère et honnête.

En tant que mère de famille, je m’étais posée la même question. Interrogés, les syndicats m’ont répondu que, s’agissant de la garde des enfants, ils n’avaient du tout la remontée de terrain que vous évoquez.

En effet, comme vous l’avez souligné à juste titre, beaucoup de femmes seules souhaitent travailler le dimanche. Je le tiens des syndicats, une solidarité familiale, amicale ou de proximité joue, leur évitant des frais de garde le dimanche, et elles ont droit à deux jours de repos compensateur.

Nous en avions parlé avec Mme Le Texier voilà quelque temps. Je ne trahirai pas sa pensée en disant qu’elle a, elle aussi, souvent rencontré des femmes élevant seules leurs enfants qui lui ont dit souhaiter travailler le dimanche, pas forcément parce que c’était payé double, mais parce qu’il y avait deux jours de repos compensateur. Et ces journées, elles pouvaient les passer avec leurs enfants sans recourir à un mode de garde.

Je me suis posée cette question qui est totalement légitime. Compte tenu de la réponse des syndicats et des femmes que j’ai interrogées, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 106. Je vous le dis, la solidarité familiale joue ou le conjoint – quand elle est séparée – prend l’enfant le dimanche où elle travaille.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faudra veiller à ce que les juges confient les enfants au père le dimanche où les femmes travaillent !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Sur l’amendement n° 106, je ferai approximativement la même réponse qu’à l’Assemblée nationale, ce qui me permettra de continuer à la gloser régulièrement.

L’article 2 de la proposition de loi précise très clairement qu’il appartient aux partenaires sociaux, aux entreprises, aux institutions représentatives de régler les conditions de mise en place des dérogations et, en conséquence, d’examiner ensemble les contreparties accordées aux salariés concernant les frais occasionnés par le travail du dimanche.

Je confirme que la proposition de loi contient l’ouverture du principe selon lequel toutes ces discussions doivent se dérouler au sein de l’entreprise concernée.

Il ne revient pas au législateur de fixer ici d’emblée les conditions de transport, de garde, de repas... Nous sommes devant des situations extrêmement diverses. Comme l’a dit Mme le rapporteur, on a un exemple très précis : celui de la garde des enfants, qui doit être réglé au sein de l’accord partenarial applicable à l’entreprise.

Je le confirme, je suis, au nom du Gouvernement, défavorable à cet amendement, tout simplement parce qu’il limite, à l’intérieur de l’entreprise, la discussion entre les partenaires sociaux sur les contreparties qui seront accordées aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Je tiens à répondre aux propos de Mme le rapporteur. Nous avons, en effet, eu un échange tout à fait informel sur ce point et il me semble important de préciser ma pensée.

J’ai rencontré dans une grande surface de bricolage ouverte le dimanche des caissières qui m’ont expliqué combien il était important pour elles de travailler le dimanche. En effet, cela leur permettait d’avoir 300 euros de plus. Et grâce à ce complément de salaire, me disaient-elles, elles pouvaient aller un peu au-delà du strict paiement du loyer et des charges obligatoires de tout un chacun : l’eau, le gaz, électricité…

Je livre cela à votre méditation : certaines femmes sont obligées de travailler le dimanche pour qu’il leur reste à la fin de la semaine un peu plus que 20 euros ! Cela vaut la peine de poursuivre la réflexion !

J’en suis certaine, personne ici ne souhaite une telle société, une société dans laquelle des personnes chargées de famille ou n’importe quel citoyen est obligé de travailler encore et encore plus pour tout juste survivre jusqu’à la fin du mois !

Quant au problème de la garde d’enfant, je vous le dis très amicalement, madame le rapporteur, si vous êtes obligée d’interroger les syndicats pour savoir s’il y a un problème sur ce point, c’est tragique ! Ouvrons les yeux !

Il y a des milliers de femmes seules avec enfants, vous le savez. Elles sont de plus en plus nombreuses et sont les premières à prendre ce qu’elles trouvent comme emploi, notamment les emplois le dimanche, les emplois précaires dans toutes les grandes surfaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Elles sont payées trente-quatre heures par semaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Comment font-elles pour faire garder leurs enfants ? Quelles solutions vont-elles mettre en œuvre ? On n’a pas besoin d’interroger les syndicats à ce sujet. On sait bien les difficultés auxquelles se heurte n’importe quelle femme, sans problème matériel particulier, pour faire garder ses enfants. On le sait bien, c’est à chaque fois le parcours du combattant !

Comment ces femmes peuvent-elles trouver une solution le dimanche ? Leurs enfants vont rester un jour de plus avec la clé autour du cou !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Expliquez-nous ce que vous faites pour elles !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Mme Raymonde Le Texier. Au nom de la cohérence, il faudra cesser de déplorer que les parents démissionnent, que les valeurs ne soient plus transmises et que les enfants soient livrés à eux-mêmes, et il y en aura de plus en plus !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Si nous faisons du cinéma, vous, vous ne faites rien !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le mardi 21 juillet 2009, M. le président du Sénat a reçu :

- n° 577, 2008-2009 – Proposition de loi de M. Jean-Pierre Raffarin tendant à rendre obligatoire le port de la ceinture de sécurité dans les autocars transportant des enfants, envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement ;

- n° 573, 2008-2009 – Projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ;

- n° 574, 2008-2009 – Projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances, envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ;

- n° 575, 2008-2009 – Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous munitions, envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement ;

- n° 578, 2008-2009 – Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, envoyé à une commission spéciale ;

- n° 576, 2008-2009 – Avis de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Procédure accélérée) (n° 155, 2008 2009) ;

- n° 579, 2008-2009 – Rapport d’information de M. Jean Arthuis, fait au nom de la commission des finances, sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 22 juillet 2009, à neuf heures quarante-cinq, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (557, 2008-2009).

Rapport de Mme Isabelle Debré, fait au nom de la commission des affaires sociales (561, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 562, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 22 juillet 2009, à zéro heure quarante- cinq.