Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est pas facile de prendre la parole après Roger Karoutchi. Tout a été dit, ou presque, sur ce projet de loi, qui comporte à mes yeux une erreur historique majeure.

Le texte reprend en effet l’expression connotée, datant de deux ordonnances de 1944 et 1945, désignant le régime de Vichy comme une autorité de fait « se disant “gouvernement de l’État français” ».

Madame la ministre, ce n’est pas le « se disant gouvernement » qui a expulsé mon père du lycée Charlemagne.

Ce ne sont pas des « se disant gendarmes » qui ont raflé mon père et ses parents, le 16 juillet 1942.

Ce n’est pas le « se disant commissaire-priseur », sur ordre du préfet du Nord, monsieur le sénateur Kanner, qui a spolié ma grand-mère et son mari de quelques biens qu’ils possédaient dans un petit magasin de chapeaux à Douai.

Madame la ministre, la liste des spoliations ne s’arrête pas aux œuvres d’art. On a pris à mes grands-parents des pieds, un rayonnage d’un montant de 350 francs, une caisse et quelques autres éléments, pour un total de 11 160 francs de l’époque.

Mon grand-père maternel ne s’est pas laissé faire. L’histoire est un peu longue pour aujourd’hui, mais, dans une lettre du 25 juin 1942 que ma mère a gardée précieusement, il écrivait ceci au préfet du Nord : « Vous voudrez bien me faire parvenir toute communication ou instruction nouvelle adressée par le commissariat général à Paris relative à cette affaire. »

C’est bien l’État français qui était en cause, comme l’a reconnu le président Chirac dans un discours historique responsable. J’ai déposé des amendements visant à préciser la rédaction dans ce sens.

Dans cette période troublée, madame la ministre, il faut appeler les choses par leur nom de façon à éviter les amalgames et le négationnisme.

Il faut aussi éviter que certains candidats aux élections présidentielles puissent affirmer que Vichy a protégé les Juifs.

Les spoliations sont des vols, des injustices commises par l’État français et ses ilotes.

Les spoliations sont une blessure due à ces injustices que le temps n’efface pas et qui se transmet de génération en génération.

Je veux rappeler ici la mémoire des milliers de familles spoliées de quelques biens meubles, de leur linge de maison, de quelques instruments de cuisine, spoliées de tout et de leur vie.

Hier – hasard du calendrier –, France 5 diffusait un documentaire remarquable sur l’opération « meubles », lors de laquelle 44 000 foyers juifs ont été vidés du sol au plafond, tandis que de la lingerie, des jouets et des petites cuillères étaient spoliés.

Madame la ministre, il faudrait lancer un appel à tous ceux et à toutes celles qui pourraient être en possession de documents tels que ceux que j’ai entre les mains pour poursuivre le travail déjà accompli.

Le texte que nous allons voter aujourd’hui est un texte mémoriel, qu’il s’appelle ainsi ou non. C’est un texte pour la mémoire ; Roger Karoutchi l’a très bien dit. Comme je l’ai dit à votre prédécesseur, madame la ministre, vous n’êtes pas aujourd’hui seulement le ministre de la culture : vous êtes aussi celui de la justice.

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