Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 14 juin 2023 à 21h30
Protéger les logements contre l'occupation illicite — Discussion générale

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

… au détriment des seconds. Elle fragilise davantage encore les familles les plus démunies et les mal-logés sous prétexte de traiter un nombre infime de situations.

Il arrive en effet que de petits propriétaires voient leur lieu de vie squatté. Pour faire face à ces problèmes, la loi contient déjà un certain nombre d’outils. Peut-être méritent-ils d’être encore renforcés ; quoi qu’il en soit, ces cas de figure sont extrêmement rares.

En résumé, on a utilisé ces faits divers et ces drames pour justifier une offensive contre les locataires et les plus démunis.

Contre cette proposition de loi, nos arguments sont encore plus forts aujourd’hui, car, hélas !, la situation s’est détériorée.

Nous l’avons déjà dit en première lecture : il ne devrait pas y avoir d’expulsion sans relogement. En effet, le logement n’est pas un bien comme les autres : c’est un élément essentiel de la dignité humaine. Quand on expulse quelqu’un, quel que soit son statut, ce n’est pas une solution de le jeter à la rue.

Le Président de la République avait dit, en 2017, qu’il ne voulait plus voir personne à la rue, que c’était l’une de ses priorités. Or une telle politique ne fait qu’aggraver le problème.

Nous ajoutions que la meilleure solution était une politique plus favorable à la mise en œuvre du droit au logement opposable, du Logement d’abord et du droit au logement pour tous.

Nous proposions également des outils pour mieux combattre les impayés. Je vous rappelle que nous avons toujours défendu la garantie universelle des loyers (GUL), votée par le Sénat au titre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Cette garantie protégerait de manière équilibrée les propriétaires et les locataires. En parallèle, nous insistions sur la revalorisation des APL pour limiter les impayés.

Que voyons-nous depuis ?

Premièrement, le nombre d’impayés augmente dans des proportions extrêmement préoccupantes. Cette évolution est certes récente – après la crise covid on ne l’observait pas encore –, mais elle prend désormais une ampleur considérable. C’est sans doute la conséquence de l’inflation.

Deuxièmement, le nombre de demandeurs d’habitation à loyer modéré (HLM) a littéralement bondi.

Troisièmement, pour les familles modestes, les APL couvrent une part de moins en moins grande des dépenses de logement, notamment du fait de l’augmentation des loyers et des charges.

Monsieur le ministre, une fois de plus, votre gouvernement cultive le « en même temps » : il durcit les lois en direction des locataires et des plus démunis et, en même temps, il ne prend pas les décisions nécessaires pour contrecarrer la crise du logement.

Les conclusions du Conseil national de la refondation Logement ne peuvent que nous inquiéter. Aucune régulation des loyers n’est prévue. L’indice de référence des loyers (IRL) est relevé de 3, 5 % quand les rémunérations de la fonction publique n’augmentent que de 1, 5 % : les traitements des fonctionnaires ne suivent pas l’inflation. Il n’y a ni augmentation des aides à la pierre, ni baisse de la TVA, ni remise en cause de la RLS. Et pour le Logement d’abord, qui, face à de tels problèmes, devrait être l’un des outils privilégiés, vous ne proposez que 160 millions d’euros supplémentaires, quand les associations – je vous renvoie aux conclusions du CNR – fixaient leur seuil minimal à 400 millions d’euros.

Bref, la politique que vous menez ne fera qu’accroître les problèmes. Non seulement elle menace la dignité d’un certain nombre de nos concitoyens, mais, en réalité, elle ne résoudra aucun des graves problèmes dont il s’agit, notamment les cas marginaux que vous avez invoqués.

Une fois de plus, nous voterons contre cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que j’ai été meurtrie par vos propos sur « les honnêtes gens ».

Vous avez dit : je défends les honnêtes gens…

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