La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Théophile.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner une proposition de loi très attendue.
Comme vous, monsieur le rapporteur, nous considérons que le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture constitue un bon compromis. Il permet de lutter plus efficacement contre le squat tout en améliorant l’accompagnement des locataires en difficulté. En parallèle, il assure un équilibre entre la défense du droit de propriété et la protection du droit au logement.
Le durcissement des peines encourues en cas de violation de domicile, la création d’un délit d’occupation frauduleuse d’un local ne constituant pas un domicile, la répression de la propagande et de la publicité en faveur du squat et l’alourdissement des peines applicables aux marchands de sommeil sont autant de réponses concrètes aux situations dramatiques et traumatisantes auxquelles sont aujourd’hui confrontés nombre de nos concitoyens.
Plus largement, c’est la santé économique du secteur du logement qui s’en trouvera améliorée. Les mesures de cette proposition de loi sont en effet de nature à rassurer les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.
Nous constatons avec satisfaction que le texte soumis à notre examen comprend de nombreuses dispositions issues d’amendements sénatoriaux.
Mes collègues du groupe RDPI et moi-même sommes heureux d’avoir pu contribuer à l’amélioration du dispositif proposé par l’Assemblée nationale. À cet égard, nous nous réjouissons que nos collègues députés aient maintenu, à l’article 1er A, une disposition issue d’un amendement du président Patriat : la gradation entre la peine prévue pour le squat de domicile et celle applicable au squat de locaux ne constituant pas un domicile.
Pour ce qui concerne l’article 1er C, je salue la sagesse de nos collègues députés. Ils sont revenus sur l’obligation, pour le préfet de département, d’appliquer une décision d’expulsion rendue par le juge dans un délai de sept jours. Cette disposition risquait de porter atteinte au droit au recours. Aussi, elle aurait sans nul doute été censurée par le Conseil constitutionnel.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez déjà souligné : depuis l’adoption du texte en première lecture par le Sénat, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la procédure accélérée d’expulsion, que l’article 2 de cette proposition de loi prévoit d’étendre aux locaux à usage d’habitation.
Tirant les conséquences de la réserve d’interprétation formulée par les sages de la rue de Montpensier, l’Assemblée nationale a opportunément prévu l’obligation, pour le préfet, de prendre en considération la situation personnelle et familiale du squatteur préalablement à la mise en demeure de quitter le logement. Nous saluons cette excellente initiative, qui permet de sécuriser juridiquement le dispositif.
Pour ce qui concerne l’article 2 ter, nous nous félicitons du renforcement du contrôle de la mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales. L’État pourra ainsi prévenir tout risque de voir des entreprises se saisir du dispositif à des fins contraires à son objet initial.
Mes chers collègues, comme moi, vous avez peut-être entendu parler du terrible drame survenu à La Garenne-Colombes le 3 juin dernier. Une sexagénaire ayant accumulé d’importantes dettes de loyer auprès d’un bailleur social s’est immolée devant la mairie de cette commune. Elle a malheureusement succombé à ses blessures.
Cette affaire tragique montre combien il est urgent de renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté. Tel est l’objet des articles 5, 7 et 8, que l’Assemblée nationale a votés conforme en deuxième lecture.
Je conclus mon propos en remerciant, au nom du groupe RDPI, le président Kasbarian, ainsi que les groupes Renaissance et Horizons de l’Assemblée nationale, qui nous ont permis de prendre à bras-le-corps les problématiques du squat et du contentieux locatif. Bien évidemment, les élus du groupe RDPI voteront ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet et M. Pierre Médevielle applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dénombre en France 4, 15 millions de personnes mal logées. Ce chiffre est tiré du dernier rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, publié le lendemain de l’examen de ce texte en première lecture par notre assemblée.
Alors que cette proposition de loi dite « anti-squat » revient devant nous en deuxième lecture, on pourrait être tenté de mettre ce chiffre en regard des quarante situations de squat recensées chaque année dans le pays, mais cela ne me semble pas pertinent. En effet, ce texte mal renommé ne se concentre pas sur la seule question du squat. Il vise également les locataires en difficulté, qui se trouvent en situation d’impayé.
Dans le contexte actuel, les choix opérés par cette proposition de loi nous semblent symboliques d’une forme d’aveuglement face à la crise du logement et à ses conséquences dans notre pays.
Construction de logements sociaux, lutte contre la vacance, revalorisation des aides au logement, plan massif de rénovation thermique : aux yeux des sénateurs socialistes, il existe une foule de chantiers prioritaires. Or, dans ces différents domaines, les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur.
Monsieur le ministre, c’est au nom de cette ambition que, dès septembre 2022, nous vous avons appelé à faire du logement la grande cause nationale de ce quinquennat. Malheureusement, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale traduit une ambition toute différente.
Si nous sommes convaincus de la nécessité de protéger les propriétaires contre les occupations abusives, il nous semble essentiel de préserver, comme vous l’avez dit vous-même, un équilibre entre le droit à la propriété et le droit au logement. Or le présent texte vient rompre cet équilibre construit au fil des décennies sans pour autant apporter de nouvelles garanties concrètes aux propriétaires.
En tant que législateurs, nous devons être attentifs à l’efficacité des dispositifs que nous votons. Dans cet esprit, on peut s’interroger sur l’intérêt de la création d’un délit, passible d’une amende de 7 500 euros, pour le locataire en défaut de paiement qui se maintient dans un logement.
Cette mesure n’apporte strictement aucune plus-value aux propriétaires. Ce ne sont pas eux qui percevront ces 7 500 euros. On sait d’ailleurs que, dans la très grande majorité des cas, les dettes locatives ne sont pas recouvrées par les propriétaires. Il en sera évidemment de même du montant de cette amende. En effet, rares sont les locataires qui choisissent de ne pas payer leur loyer et de se retrouver en situation d’expulsion. Au total, cet article aura pour seule conséquence l’engorgement de notre appareil judiciaire.
En première lecture, nous avions également dénoncé la réduction des délais entre le commandement de payer et l’assignation en justice.
De l’avis des professionnels comme des associatifs, cette période est essentielle pour mener tout le travail d’accompagnement social que suppose une procédure d’expulsion. C’est d’ailleurs ce travail qui, dans certains cas, permettra de trouver des solutions de paiement profitables aux deux parties.
On peut bien sûr débattre de la durée des procédures d’expulsion. Entre leur lancement et l’expulsion effective, il s’écoule, en général, dix-huit à vingt-quatre mois. Dès lors, on comprend que l’enjeu n’est pas de réduire de quinze jours le délai entre le commandement de payer et l’assignation.
Dans un grand nombre de cas, la principale cause d’allongement de la procédure est l’absence de solution de relogement, qui empêche le concours de la force publique.
Déjà difficile, le relogement des locataires menacés d’expulsion est encore compliqué par la pénurie de logements sociaux. Une nouvelle fois, nous en revenons à la crise du logement – c’est bien le problème central – et à la nécessité d’une réponse politique à la hauteur des enjeux.
Les décisions prises depuis 2017, notamment la mise en œuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS), ont considérablement fragilisé le secteur du logement social. Les bailleurs sociaux n’ont plus la capacité de produire des logements en nombre suffisant, si bien que la construction de logements sociaux a chuté de 40 %.
Entre 2017 et 2022, ce sont 15 milliards d’euros d’économies qui ont été réalisés sur le logement des Français les plus modestes ; et, malgré de nombreux signaux d’alerte, le ministre chargé des comptes publics annonçait le mois dernier que le ministère du logement serait particulièrement concerné par la baisse des dépenses publiques envisagées pour 2024.
Après la baisse des aides personnalisées au logement, après les milliards d’euros d’économies imposés au titre de la RLS, quelles seront les nouvelles baisses de crédits des politiques du logement ? Surtout, quelles en seront les conséquences pour les Français, qui ont de plus en plus de mal à se loger ?
Cette proposition de loi ne résout pas les problèmes des propriétaires. En revanche, elle pourrait accélérer la précarisation extrême de certains locataires.
Les acteurs associatifs, tout comme la Défenseure des droits, et même les rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations unies chargés du logement et de l’extrême pauvreté, se sont inquiétés des conséquences de cette proposition de loi. Dans un courrier adressé à notre gouvernement, ces derniers ont relevé « l’absence d’étude d’impact sur les conséquences qui pourraient résulter des changements introduits par ce texte ».
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, ces mises en garde devraient vous interpeller.
Une nouvelle fois, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposeront à cette proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions de ce texte, avant de voter contre.
Nos arguments pouvaient se résumer en quelques mots : cette proposition de loi déséquilibre les rapports entre propriétaires et locataires, …
… au détriment des seconds. Elle fragilise davantage encore les familles les plus démunies et les mal-logés sous prétexte de traiter un nombre infime de situations.
Il arrive en effet que de petits propriétaires voient leur lieu de vie squatté. Pour faire face à ces problèmes, la loi contient déjà un certain nombre d’outils. Peut-être méritent-ils d’être encore renforcés ; quoi qu’il en soit, ces cas de figure sont extrêmement rares.
En résumé, on a utilisé ces faits divers et ces drames pour justifier une offensive contre les locataires et les plus démunis.
Contre cette proposition de loi, nos arguments sont encore plus forts aujourd’hui, car, hélas !, la situation s’est détériorée.
Nous l’avons déjà dit en première lecture : il ne devrait pas y avoir d’expulsion sans relogement. En effet, le logement n’est pas un bien comme les autres : c’est un élément essentiel de la dignité humaine. Quand on expulse quelqu’un, quel que soit son statut, ce n’est pas une solution de le jeter à la rue.
Le Président de la République avait dit, en 2017, qu’il ne voulait plus voir personne à la rue, que c’était l’une de ses priorités. Or une telle politique ne fait qu’aggraver le problème.
Nous ajoutions que la meilleure solution était une politique plus favorable à la mise en œuvre du droit au logement opposable, du Logement d’abord et du droit au logement pour tous.
Nous proposions également des outils pour mieux combattre les impayés. Je vous rappelle que nous avons toujours défendu la garantie universelle des loyers (GUL), votée par le Sénat au titre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Cette garantie protégerait de manière équilibrée les propriétaires et les locataires. En parallèle, nous insistions sur la revalorisation des APL pour limiter les impayés.
Que voyons-nous depuis ?
Premièrement, le nombre d’impayés augmente dans des proportions extrêmement préoccupantes. Cette évolution est certes récente – après la crise covid on ne l’observait pas encore –, mais elle prend désormais une ampleur considérable. C’est sans doute la conséquence de l’inflation.
Deuxièmement, le nombre de demandeurs d’habitation à loyer modéré (HLM) a littéralement bondi.
Troisièmement, pour les familles modestes, les APL couvrent une part de moins en moins grande des dépenses de logement, notamment du fait de l’augmentation des loyers et des charges.
Monsieur le ministre, une fois de plus, votre gouvernement cultive le « en même temps » : il durcit les lois en direction des locataires et des plus démunis et, en même temps, il ne prend pas les décisions nécessaires pour contrecarrer la crise du logement.
Les conclusions du Conseil national de la refondation Logement ne peuvent que nous inquiéter. Aucune régulation des loyers n’est prévue. L’indice de référence des loyers (IRL) est relevé de 3, 5 % quand les rémunérations de la fonction publique n’augmentent que de 1, 5 % : les traitements des fonctionnaires ne suivent pas l’inflation. Il n’y a ni augmentation des aides à la pierre, ni baisse de la TVA, ni remise en cause de la RLS. Et pour le Logement d’abord, qui, face à de tels problèmes, devrait être l’un des outils privilégiés, vous ne proposez que 160 millions d’euros supplémentaires, quand les associations – je vous renvoie aux conclusions du CNR – fixaient leur seuil minimal à 400 millions d’euros.
Bref, la politique que vous menez ne fera qu’accroître les problèmes. Non seulement elle menace la dignité d’un certain nombre de nos concitoyens, mais, en réalité, elle ne résoudra aucun des graves problèmes dont il s’agit, notamment les cas marginaux que vous avez invoqués.
Une fois de plus, nous voterons contre cette proposition de loi.
Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que j’ai été meurtrie par vos propos sur « les honnêtes gens ».
Vous avez dit : je défends les honnêtes gens…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Figurez-vous que, parmi les gens qui squattent, il y a des personnes qui sont tout à fait honnêtes, mais en détresse sociale.
Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.
Nous ne sommes pas pour la politique des squats. Nous sommes pour la politique qui garantit…
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon discours n’aura pas tout à fait la même teneur que le précédent…
Après les débats auxquels cette proposition de loi a donné lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, je ne comprends pas que l’on persiste à opposer, d’un côté, les gentils protecteurs des mal-logés et, de l’autre, les méchants défenseurs des propriétaires.
Ce texte ne mérite pas tant d’indignité. Il n’a pas vocation à résoudre l’ensemble des problèmes de logement : il a pour but de régler le problème du squat…
Il a donc un objet tout à fait délimité, auquel il fait bien de s’attaquer.
Le fait d’être mal-logé ne justifie évidemment pas le squat. Le fait d’être propriétaire ne protège pas des difficultés financières. J’y insiste, il serait temps de sortir du manichéisme.
Le présent texte porte sur l’occupation illicite des logements, qui recouvre à la fois le phénomène du squat et la situation des locataires défaillants. Il s’agit bien entendu de deux sujets distincts.
Je tiens à rendre hommage à notre rapporteur, André Reichardt, ainsi qu’à Dominique Estrosi Sassone, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann, qui sont, dans cette maison, les bonnes fées du droit au logement et de l’urbanisme !
Sourires.
Leur travail, comme celui des commissions des lois et des affaires économiques, a permis de rééquilibrer ce texte : il en avait encore besoin après sa première lecture au Sénat.
Monsieur le ministre, la procédure accélérée n’ayant pas été enclenchée, ce texte bénéficie de deux lectures dans chaque chambre, ce qui présente tout de même beaucoup d’avantages, en particulier pour éviter les malfaçons : dans un délai qui reste raisonnable, nous adoptons des textes de meilleure facture…
C’est tout de même plus satisfaisant que de voter la loi au lance-pierre.
D’un côté, nous avons des squatteurs sans droit ni titre, qui élèvent par moments la violation de domicile au rang de combat idéologique, utilisant notamment des guides du squat ; nous avons d’ailleurs pris des dispositions pour sanctionner la publication de tels documents.
Les propriétaires comme les locataires peuvent être victimes de squat : les chiffres en témoignent. Nous avons souhaité renforcer la lutte contre ce phénomène en supprimant la possibilité pour le juge d’accorder des délais à un squatteur faisant l’objet d’une décision d’expulsion. En cela, nous envoyons un signal clair à ceux et celles qui pensent pouvoir ignorer le droit de propriété, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
De l’autre côté, nous avons des locataires qui ne paient pas ou plus leur loyer. À cet égard, le présent texte fait bien la différence entre les personnes subissant des accidents de la vie et les locataires de mauvaise foi.
Monsieur le garde des sceaux, je me réjouis de vous retrouver pour l’examen de ce texte, peu après le vote du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice : pour traiter de ces questions, votre présence est évidemment la bienvenue, et le binôme que vous formez avec votre collègue chargé du logement se révèle tout à fait efficace.
Je me félicite de vous voir tous deux au banc du Gouvernement pour débattre de problèmes dont nous aurons à traiter lors de l’examen du projet de loi de finances. En effet, nous devrons assurer les moyens d’exécuter les décisions prises…
Non seulement les locataires défaillants ne doivent pas tous être mis sur le même plan, mais – je le répète – ils ne sauraient être confondus avec les squatteurs. C’est pourquoi nous avons tenu, au Sénat, à maintenir les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement aux locataires de bonne foi : le présent texte ne pénalise que les locataires de mauvaise foi, qui refusent de régulariser leur situation ou de quitter le logement qu’ils occupent de manière illicite. C’est l’équilibre que le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé.
Tel qu’il ressort de l’Assemblée nationale, le présent texte remplit sa fonction : assurer la lutte contre les squats.
C’est en alliant ces considérations d’efficacité et de justice que nous parviendrons à rétablir la confiance des Français dans la propriété. Les squats sont des opérations extrêmement irritantes, qui font régulièrement la une des journaux ; peut-être ces situations sont-elles marginales, mais il n’en est pas moins nécessaire de les traiter.
Cette proposition de loi atteint son but et nous la voterons des deux mains.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conception qu’ont nos sociétés de la propriété et le régime juridique qui y est associé figurent parmi les éléments fondamentaux de notre droit.
De Locke à Rousseau, la notion de propriété a inspiré nombre de penseurs au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Nos textes fondateurs gardent la trace de leurs débats, à commencer par la Déclaration des droits de l’homme, qui – je me permets de le rappeler – dispose que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », parmi lesquels la liberté et la propriété.
C’est au législateur d’agir pour éviter que des propriétaires ne se trouvent désemparés face à l’occupation d’un bien dont l’acquisition a nécessité, parfois, des années de travail et de sacrifice.
Chacun a en tête les cas médiatisés de retraités à faibles revenus dont les résidences sont squattées. Face à ces affaires, l’administration semble impuissante et incapable de réagir.
Nous l’affirmons : il faut défendre les propriétaires. Bien sûr, cela ne signifie pas que nous n’avons pas conscience des réalités sociales conduisant à ces situations dramatiques. La précarité et la paupérisation de notre société doivent être combattues, en même temps qu’il faut garantir le respect de la propriété.
Il est peut-être naïf de le rappeler, mais l’État français devrait être en mesure, d’un côté, de protéger des occupations illicites et, de l’autre, de veiller à la prise en charge des personnes démunies. Nous constatons, hélas ! des défaillances dans ces deux domaines.
Quoi qu’il en soit, pour assurer la répression du squat, cette proposition de loi est la bienvenue.
Je pense en particulier aux dispositions pénales introduites par le présent texte, lesquelles viennent combler une lacune de notre droit. Comment imaginer qu’il n’existe à ce jour ni délit ni peine pesant sur l’occupation d’un immeuble sans titre, sur le seul fondement de l’atteinte au droit de propriété, indépendamment de la notion de domicile ? Ironie de l’ordre du jour sénatorial : nous débattons de ce texte quelques jours après avoir examiné un projet de loi relatif aux douanes, qui met précisément en avant cette notion.
Il faut que la loi incrimine ces agissements largement et les quantums de peine proposés me semblent justes. Toutefois, pour ce qui concerne ces dispositions innovantes, nous saluons les apports du Sénat : ils permettront de distinguer parfaitement le squatteur du locataire pour ne sanctionner que le premier des deux.
Nous sommes également favorables à la nouvelle prorogation, par l’article 2 bis, du dispositif introduit par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Cet outil permet de confier à des organismes agréés l’occupation temporaire de locaux vacants afin d’assurer leur protection et leur préservation.
Naturellement, le problème des occupations illicites appelle la question des locaux vacants, notamment dans les zones hyper-urbanisées, au regard de la difficile situation du logement social.
Mes chers collègues, j’en viens au second volet de ce texte, à savoir les dispositions relatives aux locataires en difficulté. À cet égard, nous avons été particulièrement vigilants. En effet, nous souhaitons éviter tout amalgame entre ces personnes et les squatteurs, dont les situations sont fondamentalement différentes.
Dès la première lecture, les élus de notre groupe s’étaient inquiétés d’un possible déséquilibre entre les droits des propriétaires et la protection des locataires. Toutefois, tel qu’il nous est soumis à l’issue de la navette, le présent texte semble satisfaisant. Aussi, comme en première lecture, les membres du RDSE voteront majoritairement cette proposition de loi.
M. Pierre Médevielle applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette seconde lecture, nous arrivons au terme de l’examen du présent texte, qui ne contient plus que cinq articles en débat, la plupart ayant d’ores et déjà été votés par l’Assemblée nationale dans la rédaction établie par le Sénat.
Je tiens tout particulièrement à remercier notre rapporteur, André Reichardt, avec qui nous avons pu travailler de manière très constructive en première lecture, puis dans la suite de la navette.
Tout d’abord, je rappellerai les apports majeurs du Sénat pour assurer la répression du squat et la gestion des impayés de loyer.
Le squat est un viol de l’intimité §et nous souhaitons qu’il soit réprimé sans faiblesse : je me réjouis que ce texte reprenne l’essentiel des dispositions de la proposition de loi que j’avais déposée sur ce sujet et que le Sénat a votée en janvier 2020.
Il sera désormais possible de s’attaquer aux réseaux qui organisent et favorisent le squat.
La protection du domicile est étendue. En outre, en pérennisant le logement intérimaire sous contrôle strict de l’État, le présent texte promeut une alternative légale à l’occupation de sites inoccupés, au bénéfice de personnes fragiles ou en mobilité.
Pour ce qui concerne les impayés de loyer, l’apport du Sénat a été tout aussi déterminant. Dans l’intérêt des propriétaires comme des locataires, nous avons préservé les possibilités d’accord amiable et de règlement de la dette locative sous l’égide du juge. Ce dernier doit pouvoir vérifier le montant de la dette et la décence du logement. Il doit également être en mesure d’établir un échéancier et de fixer des délais de paiement sur la base d’un diagnostic social et financier renouvelé.
Sur ma proposition, le Sénat a renforcé l’accompagnement des locataires en difficulté, ainsi que la prévention précoce des impayés et des expulsions, dans un nouveau chapitre de cette proposition de loi. Ce dernier a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale et je m’en réjouis.
Dans chacun de nos départements, la saisine des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives aura lieu beaucoup plus tôt. Ces instances disposeront de pouvoirs renforcés. En parallèle, le temps prévu pour la réalisation du diagnostic social et financier sera doublé : en résultera une nette amélioration de l’action des travailleurs sociaux.
Parmi les dispositions encore en discussion, je relèverai deux points.
Premièrement, nous avons su adapter et sécuriser le présent texte pour tenir compte de la récente décision du Conseil constitutionnel validant la procédure d’évacuation forcée prévue par l’article 38 de la loi Dalo. Il s’agit notamment des cas où le logement squatté est le futur domicile de la victime, en particulier lorsqu’elle vient de l’acheter ou de conclure le bail.
Deuxièmement, en cas de procédure d’impayé, il conviendra que le préfet informe les locataires de l’ensemble de leurs droits, qu’il s’agisse des délais de paiement ou du maintien dans les lieux. Ce sera également un volet essentiel de la réforme du diagnostic social et financier qui résultera de ce texte. En effet, il est de l’intérêt des deux parties que ces éléments aillent de pair afin que le locataire conserve son logement et que le propriétaire récupère son dû. Sans le corollaire du maintien dans les lieux, l’échéancier établi par le juge n’aurait pas de sens.
À nos yeux, nous avons su trouver un équilibre, en étant plus fermes contre les squatteurs et les locataires de mauvaise foi tout en assurant une meilleure prévention des expulsions, sans en faire peser le poids sur les propriétaires. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, défendre le droit de propriété n’est pas chose aisée. C’est un comble au pays des droits de l’homme ! La propriété occupe en effet une place centrale dans la Déclaration de 1789, où elle figure en deuxième position de la liste établie par l’article II, juste après la liberté – excusez du peu – et avant la sûreté et la résistance à l’oppression.
Défendre le droit de propriété, ce n’est pas prendre parti pour les propriétaires, ce n’est pas ignorer les difficultés sociales, ce n’est pas non plus militer contre le droit au logement. C’est simplement défendre la démocratie et ses valeurs.
Il me paraît important de rappeler ces évidences, car le droit de propriété est de plus en plus malmené en France, de facto et de jure.
De facto, parce que les intrusions et les occupations illicites sont devenues choses communes dans l’ensemble du territoire national.
Nous avons tous entendu parler de familles ou de couples de personnes âgées soudain privées de leur logement par des squatteurs. Ils se trouvent du jour au lendemain dans une situation extrêmement difficile : ils sont à la fois obligés d’assumer les charges induites par un logement dont ils ne jouissent plus et privés d’un bien qui leur est cher. Surtout, en raison de la complexité juridique et administrative, ces personnes, qui voient leur droit bafoué, pensent que la situation profite à ceux qui ont enfreint la loi et qui ne sont pas tenus de rendre des comptes.
Cette situation donne à penser que ceux qui ne respectent pas la loi peuvent agir en toute impunité. Elle est le terreau fertile de réactions virulentes, qui ne s’expriment pas dans les faits, mais qui le feront dans les urnes.
Mais le droit de propriété est aussi malmené de jure : les textes tendent à protéger les locataires contre les propriétaires. Cette tendance n’est pas nouvelle : Arthur Levasseur, premier haut-commissaire chargé du logement de France, en responsabilité lors du Cartel des gauches, déclarait devant la Chambre des députés : « Je serai le ministre des locataires ».
Depuis lors, notre droit n’a cessé de mieux protéger les locataires, pour contrebalancer le pouvoir dont les propriétaires disposent de fait. Ce rééquilibrage est sain dans la mesure où il permet d’éviter que des foyers précaires ne se retrouvent à la rue.
Mais les abus sont désormais légion.
Mme Marie-Noëlle Lienemann lève les bras au ciel.
L’Assemblée nationale, en deuxième lecture, a conservé la plupart des améliorations que le Sénat avait apportées en première lecture. Ainsi, la réduction des délais, la simplification des procédures et l’aggravation des sanctions contre les squatteurs sont autant de réponses que nos compatriotes attendent depuis longtemps.
Enfin, le chapitre III de la proposition de loi, qui vise à mieux accompagner les locataires en difficulté, permet d’équilibrer le dispositif et d’apporter une réponse, certes incomplète, mais effective, à la crise du logement qui s’annonce.
Comme en première lecture, notre groupe votera ce texte à l’unanimité.
M. le rapporteur applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà la deuxième lecture d’une proposition de loi discutable, censée porter sur le sujet sensible et primordial du logement.
Discutable, car le titre est trompeur : le logement n’est pas le sujet central du texte, qui fait un amalgame entre logement, domicile et propriété.
Au-delà des dérives certaines, dues à la précipitation dans l’écriture, mais déjà atténuées par le Sénat lors de la première lecture, cette proposition de loi est bâtie sur une prémisse très simple : le squat serait la conséquence de la carence du droit actuel, incapable de dissuader les squatteurs et leurs complices et de garantir les droits des propriétaires. Les auteurs du texte présupposent, d’une manière que je trouve caricaturale, une absence d’équilibre, qu’ils prétendent corriger, entre le droit au logement et le droit à la propriété.
En réalité, les résolutions de cas, parfois très médiatiques, montrent que le droit en vigueur est suffisant et qu’il n’est pas nécessaire de modifier la loi. Bien sûr, il faut permettre un recours rapide à l’autorité publique pour expulser des occupants illégaux d’un domicile principal ou secondaire. Mais la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, adoptée ici même en octobre 2020, le permet déjà. Elle a même considérablement durci la répression à l’égard de tels occupants. Pourtant, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’aller plus loin – selon moi, beaucoup trop loin.
L’émotion et l’emballement médiatique offrent des opportunités à certains pour prôner une répression sévère, sans considération de l’état des locaux ou de leur occupation.
Je rappelle que les notions de domicile et de protection dudit domicile relèvent principalement du droit à la vie privée. Les auteurs du texte souhaiteraient infliger de nouvelles sanctions à toute personne se maintenant dans un bien immobilier, quel qu’en soit leur usage et que ce bien soit vacant ou non.
L’application à la lettre de ce texte pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile, selon le Secours catholique.
L’adoption de cette proposition de loi représenterait une régression rare du droit au logement, d’après cette même association, et une inquiétante criminalisation de la pauvreté, comme l’a rappelé aujourd’hui même la Défenseure des droits lors de son audition.
Cette proposition de loi instaure bel et bien des délits d’introduction et d’occupation d’un bien immobilier, qui seraient fondés non plus sur le domicile, mais sur le fait que ce bien serve de logement.
Monsieur le ministre, à l’heure où tous constatent l’échec du CNR Logement, le problème du mal-logement reste un sujet majeur : on compte près de 3, 9 millions de mal-logés et 300 000 sans domicile fixe (SDF) dans notre pays. Or cette question n’est pas abordée ni même prise en compte dans ce texte !
Pourtant, en 2022, avant l’examen de cette proposition de loi, quelque 17 500 ménages ont été contraints de quitter leur logement avec le concours de la force publique. Il s’agit du plus haut niveau d’expulsions locatives jamais enregistré !
Le droit au logement est reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle, mais les politiques du logement en France n’ont pas réussi à rendre concret ce principe. Aussi, renforcer l’arsenal pénal en étendant en quelque sorte le champ des squatteurs et le périmètre des condamnés potentiels dans ce contexte d’expansion du mal-logement nous paraît au mieux inapproprié.
Enfin, ce texte n’a pas bénéficié d’une étude d’impact, puisque la majorité présidentielle a préféré déposer une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi, ce qui est regrettable.
Les carences de l’État, couplées aux dispositions de ce texte, ouvrent de trop grandes possibilités de sanctions, liées non pas à une situation de squat intolérable, mais à des occupations résultant d’actions revendicatives et militantes, voire de réquisitions légitimes.
Les associations ou les collectifs qui occupent de façon illicite depuis des années des bureaux vides pourront-ils être sanctionnés ? Oui !
Qu’en sera-t-il des pénalités encourues pour l’occupation de la réception d’une entreprise lors d’une action associative ou militante ?
Les dispositions de la proposition de loi pourraient-elles s’appliquer en cas d’occupation d’un terrain sans destination ou d’un local agricole non exploité et sans meubles ?
Bien sûr, les propriétaires ne doivent plus subir les défaillances de l’État, qui est parfois incapable de les aider à reprendre possession de leur logement, alors qu’ils sont dans leur droit.
Aussi, nos préoccupations sur les conséquences de ce texte, à un moment où l’accès au logement devient un problème majeur dans notre pays, amènent les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à s’opposer à cette proposition de loi.
Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une première lecture en décembre 2022, la navette parlementaire permet aujourd’hui de poursuivre l’examen de cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
Elle est la démonstration que l’examen parlementaire est un facteur d’amélioration des textes, à condition de laisser au Parlement le temps de travailler. Chaque chambre a pu enrichir la proposition de loi pour parvenir à une rédaction permettant un vote conforme.
L’atteinte à la propriété privée est un problème public d’ampleur, comme l’ont déjà souligné nombre d’orateurs précédents : on dénombre près de 500 000 commandements de payer et quelque 150 000 assignations en justice, pour 70 000 décisions d’expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le concours de la force publique.
Ce texte revêt une forte dimension symbolique. En ne laissant plus s’organiser un état de fait d’occupations illégales de propriétés privées ou de loyers impayés, son adoption permettra de renforcer la confiance dans l’État et dans les pouvoirs publics.
Dans un souci de justice, ce texte tend à défendre avec équité l’application de la loi et à empêcher que l’on abuse impunément des biens d’une personne.
Cette proposition de loi n’est pas une réponse de plus à un fait divers ; elle a une portée certaine sur un enjeu majeur, dont la politisation a empêché toute avancée plus rapide.
Ce texte s’inscrit en effet à la suite de plusieurs travaux sénatoriaux, en particulier de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Estrosi Sassone, qui a été adoptée par le Sénat en janvier 2020. Je salue ici le travail important déjà engagé sur le sujet.
Le texte vise à mieux protéger la propriété privée, « droit inviolable et sacré » selon l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, contre les squatteurs. Cette proposition de loi vise également à rééquilibrer les rapports locatifs, à la lumière des nombreuses difficultés rencontrées par les propriétaires confrontés aux impayés de loyer.
L’adoption de ce texte permettra de rassurer les propriétaires et de favoriser – on peut l’espérer – le maintien et la mise en location de biens dans un contexte de très fortes tensions sur le marché immobilier à la suite des récentes contraintes liées à la rénovation énergétique et à la fixation des loyers.
En première lecture, la commission des lois et la commission des affaires économiques du Sénat ont réalisé un travail considérable. Ainsi, quelque vingt-huit amendements ont été adoptés, afin notamment de distinguer la situation du squatteur de celle du locataire défaillant et de prévenir les expulsions locatives dans l’intérêt commun des propriétaires et des locataires.
Le texte a également pour objet, d’une part, d’améliorer l’application de la loi, qui est particulièrement difficile en matière d’occupation illicite de logement ; de l’autre, d’accélérer la procédure contentieuse locative.
Je terminerai mon intervention par une pensée particulière pour les maires aux prises avec ce type de problème. Ils recueillent les doléances de leurs administrés et sont, en tant qu’élus de proximité, les premiers confrontés aux tensions résultant de ces situations. Espérons qu’ils constateront une amélioration à la suite de l’adoption de ce texte.
Je pense aussi aux préfets, acteurs essentiels en la matière, chargés d’exécuter les décisions de justice en apportant le concours de la force publique. Il s’agit de décisions forcément difficiles, mais nécessaires pour faire appliquer la loi dont nous souhaitons tous qu’elle soit plus efficace !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je suis saisi, par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 5.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (n° 692, 2022-2023)
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, samedi 3 juin, à La Garenne-Colombes, une femme menacée d’expulsion s’est rendue devant la mairie. Ce n’était pas la première fois, mais cette fois-ci elle n’y demanda pas assistance. Désespérée, elle s’est aspergée d’essence. En situation de grande précarité, avec une dette locative élevée et trop peu de ressources pour y faire face, elle a mis fin à ses jours en s’immolant…
Cet exemple dramatique, même s’il n’est pas isolé, n’est pas le lot de toutes les situations de détresse rencontrées par nos concitoyens dans la précarité à qui l’on a asséné un commandement de quitter les lieux ou contre lesquels on a requis un concours de la force publique. Et heureusement, car ils sont 1, 2 million en situation d’impayés, tous montants confondus. Je prends cet exemple, parce qu’il est significatif du désespoir engendré par de telles situations de pauvreté et du poids que ce texte peut ajouter sur des épaules déjà bien chargées par les dettes.
Véritable criminalisation de la pauvreté, cette proposition de loi ajoute de la dette à la dette en sanctionnant les impayés par des amendes pouvant aller jusqu’à 7 500 euros, les auteurs ayant même envisagé d’imposer des peines de prison à ceux qui se trouvent dans la misère locative.
Plusieurs d’entre nous pensent défendre ici les petits propriétaires, qui sont de plus en plus minoritaires, …
… puisque 3, 5 % des ménages possèdent près de 68 % du parc privé ! Il y a des situations d’occupation de logement qui posent problème, il est vrai, mais elles ne seront réglées ni par une amende, ni par la force, ni par cette proposition de loi. Derrière un texte que vous avez intitulé « loi anti-squat » se dissimulent des mesures anti-locataires.
Le manque de logements accessibles avec des loyers adaptés aux revenus des ménages, le manque de logements tout court, avec un niveau de construction au plus bas depuis vingt ans, et, bien évidemment, le nombre insuffisant de places d’hébergement sont des éléments représentatifs du manque de moyens alloués à la politique du logement. Étant donné que près de 5, 7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus au logement, il paraît évident que seules la revalorisation des salaires et l’augmentation du pouvoir d’achat constitueraient une solution pérenne à la crise du logement.
Le délai anormalement long pour être reconnu prioritaire au titre de la loi Dalo ne fait qu’augmenter : il atteint dix ans – une décennie ! – à Paris et au moins trois ans en Île-de-France. Et pour beaucoup, partout, les délais sont souvent indéterminés et plus longs encore. Les hébergements sont toujours saturés, en nombre insuffisant et de mauvaise qualité.
Dans la rue, on ne vit pas, on survit, si on a de la chance. On est victime de violence, on est confronté à la solitude ou à l’isolement. Sans évoquer la situation des femmes à la rue, victimes de l’intersectionnalité de leur situation.
Les locataires endettés sont des êtres humains, des femmes, des hommes et même des enfants. Dans notre pays, les familles ne sont pas prioritaires pour un hébergement si leur enfant a plus de trois ans.
Comment ne pas penser au jeune Falou, âgé de 4 ans, et à sa maman. Passant d’hôtel en hôtel et de logement de secours en logement de secours pendant des mois, livrés à eux-mêmes et dépendants du fonctionnement aléatoire du 115. Cette situation ayant entraîné un retard de croissance inquiétant, le jeune Falou ne grandissait plus depuis ses 3 ans.
Mes chers collègues, alors que vous vous apprêtez à durcir les sanctions à l’encontre des locataires cherchant à se maintenir à l’abri, sachez que 611 personnes sans domicile sont mortes dans la rue l’an dernier ! Cette année, il y en a déjà plus d’une par jour, selon le collectif Les Morts de la rue. Sur la période 2012-2021, 126 personnes décédées étaient mineures ; en 2021, le plus jeune avait 1 mois ! Ceux-là ne sont-ils pas des enfants comme les autres ? La convention relative aux droits de l’enfant, dont l’article 1er dispose que l’on est enfant jusqu’à 18 ans et l’article 27 réaffirme le droit à l’alimentation, à l’habillement et au logement pour tous les enfants, est pourtant très claire.
Certains d’entre eux sont des enfants sans toit, alors même qu’ils sont scolarisés, comme le jeune Falou, au groupe scolaire de l’Orme au Chat d’Ivry-sur-Seine. Je connais la stupeur de ses camarades de classe, des parents d’élèves et des enseignants confrontés à l’inaction. C’est pourquoi nous avons lutté tous ensemble, avec le collectif de parrainages civils de la ville, mais aussi, je le reconnais, avec la préfète du Val-de-Marne, qui a constaté avec nous l’imperfection des dispositifs d’hébergement d’urgence.
Dans la période que nous vivons – hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie sans hausse proportionnelle des salaires –, ce n’est pas le moment d’ajouter des punitions ni de se montrer plus sévère à l’encontre de celles et ceux qui n’y arrivent plus.
Pis, l’action mise en œuvre par le Gouvernement ces dernières semaines a eu pour seule conséquence de permettre une hausse des loyers de 3, 5 %, à la suite d’une proposition de loi débattue la semaine dernière : nous l’avons rejetée, mais elle va revenir, avec l’aide de la majorité présidentielle, de la droite et de l’extrême droite, à l’Assemblée nationale. Comme si tout n’était pas déjà assez cher ! Comme si les APL n’avaient pas été les premières cibles de la politique du logement de M. Macron dès son premier quinquennat !
Le monde vers lequel vous nous conduisez prend déjà forme : quelque 330 000 personnes sont à la rue, près de 2, 4 millions de ménages attendent un logement social, dont 100 000 dans mon département du Val-de-Marne, plus de 4 millions de personnes sont mal-logées et 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique.
Aux victimes de la bombe sociale provoquée par la crise du logement, vous répondez : « payez vos loyers ou vous payerez des amendes ».
Pourtant, notre droit protège ; et il doit d’abord protéger davantage celles et ceux qui en ont le plus besoin. Voilà notre rôle d’élus, de républicains convaincus !
Alors que les pouvoirs publics n’existent que pour favoriser la cohésion sociale, ils en sont aujourd’hui les destructeurs.
Une personne, qu’elle soit pauvre ou non, a droit à un toit. Elle a droit à un logement décent, quels que soient ses revenus. Et c’est d’ailleurs le problème de ce texte, qui tend à accentuer l’asymétrie de pouvoir entre les locataires et les propriétaires. Par cette proposition de loi, vous retirez des droits aux locataires, sans ajouter de devoirs aux propriétaires, comme si le marché réglait tout.
J’avais relevé en ce sens les propos du Président de la République qui déclarait, dans un élan de lucidité : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » C’était le 12 mars 2020, au début de la pandémie de covid-19, mais les promesses du monde d’avant n’ont jamais vu le monde d’après…
Les essentiels, « que nos sociétés rémunèrent si mal », comme le Président ajoutait encore, comptent justement dans leurs rangs de nombreuses personnes prises à la gorge par le prix exorbitant de leur loyer, combiné à la faiblesse de leurs revenus et à la violence de certaines lois.
Vous vous rangez derrière le droit de propriété, c’est là votre seul argument – je viens de l’entendre de nouveau. Pourtant, ce droit n’est pas mis à mal, le propriétaire restant tout à fait propriétaire de son bien, qui doit demeurer différent de son domicile. Sur ce point aussi, la proposition de loi ajoute de la confusion en mettant sur le même plan les notions de propriété et de domicile.
M. François Bonhomme proteste.
Je le dis avec force : le droit de propriété n’est jamais gagnant quand il s’appuie sur des fondements d’exclusion et d’inégalité d’accès. Je veux citer ici Eugène Varlin, figure de la Commune de Paris, qui disait très justement : « Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines. »
Que sont devenus le droit au logement, le droit à la dignité, le droit à vivre décemment ? Et nous allons déployer notre police et notre justice, pour punir les plus pauvres ?
Je veux vous rappeler les fondements de nos institutions. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, issue de la Révolution française, que nous célébrerons avec fierté dans un mois, garantit le droit à la vie privée. Cette vie-là ne peut exister dans la rue.
Comme nous le rappelait l’abbé Pierre, le logement est un droit, non un privilège. Les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui ont valeur constitutionnelle et qui sont d’une très grande modernité, l’explicitent clairement. Le dixième alinéa dispose ainsi : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Le onzième alinéa est aussi très clair : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Que faisons-nous de ces valeurs constitutives de notre Nation ?
Ne perdez pas de vue l’idéal républicain et les valeurs qui ont fondé notre République, au prix de nombreuses luttes.
C’est aussi, et j’en termine ainsi, la demande formulée dans le courrier adressé à la France, le 30 mars dernier, par le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur le logement convenable et par le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et sur les droits de l’homme. La Défenseure des droits a aussi formulé une alerte, estimant que ce texte n’était ni nécessaire ni proportionné.
Vous n’êtes pas si sévère avec les marchands de sommeil – l’un d’entre nous a abordé ce sujet précédemment – dont l’activité est particulièrement lucrative. Vous me direz si je me trompe, monsieur le garde des sceaux, mais ils ne risquent au maximum qu’une amende de 15 000 euros, alors qu’ils profitent de la misère des gens.
M. le garde des sceaux le conteste.
Les membres de mon groupe entendent ces nombreuses alertes unanimes. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons d’acter l’irrecevabilité de cette proposition de loi.
Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Elle permet, au contraire, d’assurer un équilibre entre le droit de propriété et le droit au respect de la vie privée, entre le principe d’inviolabilité du domicile et le droit au logement.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que le Conseil constitutionnel, le 24 mars dernier, a jugé conforme à la Constitution la procédure accélérée d’expulsion de l’article 38 de la loi Dalo, que la proposition de loi vise à renforcer.
Ce texte ne méconnaît donc aucun principe constitutionnel. Il est pragmatique et juste. Il a pour objet de rééquilibrer un arsenal juridique jusqu’alors favorable aux occupants. Je rappelle qu’actuellement un squatteur risque un an de prison et 15 000 euros d’amende, alors que le propriétaire qui change la serrure encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
M. François Bonhomme renchérit.
Notre objectif est non pas de mettre plus en difficulté les personnes fragiles, mais de trouver des solutions durables pour tous. Il est intolérable de voir se multiplier les sites de promotion du squat. Nous devons être fermes et y mettre un terme.
Le squat est entouré d’un mythe politico-romantique qui cache une réalité plus sombre : la détresse de nombreux petits propriétaires, souvent sans recours.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera contre cette exception d’irrecevabilité.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Mes chers collègues, sans surprise, la commission est défavorable à cette motion.
Son adoption irait à l’encontre de la position déjà exprimée par le Sénat en première lecture, au cours de laquelle nous avons soutenu ce texte, qui reprend très largement les propositions que nous avions déjà votées lors de l’examen de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, voilà près de trois ans.
Par ailleurs, la commission souscrit aux objectifs généraux fixés par les auteurs de ce texte, à savoir la lutte contre le squat d’abord, la sécurisation des rapports locatifs ensuite, la responsabilisation des locataires enfin. Je rappelle ce point très important, qui a déjà été mentionné plus tôt : le Sénat a substantiellement complété ce texte en ajoutant un nouveau chapitre tendant à renforcer l’accompagnement social des locataires confrontés à des difficultés. Nous pouvons donc considérer que cette proposition de loi est plutôt équilibrée.
Pour ce qui est des arguments des auteurs de la motion relatifs à l’éventuelle inconstitutionnalité du texte, je leur opposerai non seulement que le droit à la propriété privée est de longue date garanti par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion, lors d’une question prioritaire de constitutionnalité de mars dernier, de se prononcer sur la procédure d’évacuation forcée, abordée dans la présente proposition de loi. Le Conseil a reconnu que le législateur pouvait légitimement « assurer l’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers. »
Pour ces raisons, cher Pascal Savoldelli, la commission est défavorable à cette motion visant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Sans surprise, notre position est la même que celle de la commission.
Je préciserai un point tout de même, puisque vous m’y avez invité, monsieur le sénateur Savoldelli : les marchands de sommeil peuvent être punis de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende – et non de 15 000 euros, comme vous l’avez indiqué –, sans tenir compte d’un certain nombre de circonstances aggravantes.
J’ajoute qu’il est parfaitement possible de saisir l’immeuble concerné quand il sert à de tels hébergements indignes. De plus, grâce aux mécanismes que nous avons mis en place, nous pouvons réattribuer un immeuble, une fois qu’il a été saisi et confisqué, notamment à une association caritative, comme nous l’avons récemment fait à Dunkerque.
J’aurai un dernier mot pour Mme la sénatrice Lienemann. La phrase qui vous a tant choquée, je la reprends au mot près : la lutte contre le squat est indispensable – je pense que vous serez d’accord avec moi – ; c’est d’ailleurs l’une de mes priorités, car oui, la loi doit d’abord protéger les honnêtes gens.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le confirme de nouveau !
Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.
Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
La motion n ’ est pas adoptée.
Chapitre Ier
Mieux réprimer le squat
(Non modifié)
Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel
« Art. 315 -1. – L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
« Art. 315 -2. – Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende.
« Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »
L’amendement n° 20, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Dans le texte qui nous est transmis en deuxième lecture subsistent de nombreuses dispositions que nous avons tenté de retirer en première lecture. Les discussions ont alors été intenses, et les arguments avancés dans cet hémicycle, notamment pour durcir les sanctions contre les locataires en difficulté, étaient en complet décalage avec la réalité du terrain.
Les sanctions prévues à cet article incluaient même à l’origine des peines de prison contre les locataires qui connaissaient des impayés de loyers et qui ne quittaient pas leur logement après un jugement d’expulsion…
Quand on connaît la situation de ces familles en détresse, sur lesquelles planent souvent d’autres menaces que les seules dettes locatives, cela constituait déjà une offense à l’égard de nos concitoyens. La prison était démesurée, et nous avons obtenu sa suppression. Reste que l’amende proposée paraît complètement hors-sol, à l’image de ce texte qui généralise des mesures à partir de faits divers déconnectés du réel.
Il y aurait donc, dans notre pays, des personnes capables de payer 7 500 euros d’amende, mais qui n’auraient pu s’acquitter de leur loyer ! Certes, les loyers sont de plus en plus élevés, mais, si des personnes n’arrivent pas à verser un loyer mensuel de 1 000 euros pour un deux-pièces à Paris – voilà la réalité de votre politique du laisser-faire, messieurs les ministres –, croyez-vous qu’elles pourront payer les amendes ? Certainement pas !
Je le redis, notre pays ne manque pas de fermeté à l’égard des locataires les plus pauvres : il manque surtout de logements accessibles, de places d’hébergement et d’une hausse des salaires permettant à chacun de payer facilement son loyer.
L’objet de cet amendement est contraire à la position exprimée par le Sénat en première lecture et confirmée par la commission lors de ses travaux en deuxième lecture.
La commission émet donc un avis défavorable.
Si je suis contre cet article, donc favorable à sa suppression, c’est parce qu’une autre solution existe.
On cherche à nous faire passer pour des gens qui considèrent que les propriétaires n’ont pas à percevoir leurs loyers, ni à retrouver le logement en bon état à la fin du bail. Or nous estimons seulement que les dispositions prévues à cette fin déséquilibrent le rapport entre le bailleur et le locataire, au détriment de ce dernier lorsqu’il est en difficulté.
La solution passerait par la garantie universelle des loyers (GUL), c’est-à-dire par la mutualisation des risques. D’ailleurs, on le constate, les risques d’impayés sont tellement importants qu’il devient nécessaire de mettre en place des garanties – je ne parle même pas des aides personnelles au logement. La GUL permettrait de garantir à la fois le locataire de bonne foi qui ne pourrait payer son loyer et le propriétaire, puisque celui-ci toucherait tout de suite son loyer.
Par ailleurs, le gestionnaire de la GUL pourrait se retourner contre les locataires de mauvaise foi, qui sont d’ailleurs rarement les plus pauvres.
Ce système a été voté dans le cadre de la loi Alur. Pourtant, on ne veut plus parler de ce système de mutualisation des risques à un moment où ces derniers ne font que croître.
Monsieur Patriat, je vous le rappelle, la critique sur le déséquilibre entre locataires et propriétaires a déjà été émise lorsque la gauche a fait voter en 1982 la loi relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi Quilliot. C’est toujours la même chose : on finit toujours par nous dire que les avancées permises par la gauche ne sont ni légitimes ni sources de progrès ! Hélas, ce que vous proposez est un recul.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne vais pas vous étonner : il y a une cohérence entre nos arguments en faveur de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et ceux que nous développons pour demander la suppression de cet article.
En effet, la mesure prévue ici constitue une dérive déjà présente en première lecture. Tout le monde l’a bien compris, les procédures d’expulsion des locaux ne pouvant être considérés comme des domiciles principaux seront accélérées. Pour notre part, nous considérons qu’il n’y a pas d’urgence à libérer un espace inutilisé ou vacant.
Ainsi, on va déployer des forces de police dont les effectifs sont souvent insuffisants dans nos communes pour remettre à la rue des personnes qui se retrouveront par conséquent dans une situation d’insécurité.
Je ne développerai pas d’autres éléments pour étayer mon point de vue. La suite de nos travaux, notamment l’examen de la prochaine loi de finances, montrera quels projets soutiennent les différentes sensibilités politiques de cet hémicycle : nous verrons alors qui encourage le développement de moyens à destination des différents types d’hébergements pour éviter ces situations.
L’amendement n° 9, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
de deux ans d’emprisonnement et de 30 000
par les mots :
d’un an d’emprisonnement et de 15 000
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet article sanctionne de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende l’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel.
Si nous estimons que cette mesure est démesurée, régressive et intransigeante, c’est tout d’abord parce que cet article confond la propriété et le domicile. Il s’agit pourtant d’une distinction essentielle, car il n’est pas aussi grave de s’introduire dans un hangar que dans un domicile. Nous ne sommes pas opposés à la protection des deux, mais nous souhaitons que perdure, au minimum, la gradation de la protection issue de cette distinction.
Cet article présente une autre particularité, la création d’une peine de prison. Nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023-2027, la semaine dernière, l’inflation pénale crée, de fait, de plus en plus de comportements illégaux et répréhensibles, lesquels se traduisent par une criminalisation et une pénalisation accrues, c’est-à-dire une incarcération des délinquants, qui sont très souvent des primodélinquants, ainsi qu’une amplification et une aggravation du phénomène de surpopulation carcérale.
M. François Bonhomme s ’ exclame.
Qui plus est, les auteurs de ce texte veulent porter la peine prononcée pour l’intrusion de propriété, même inexploitée, au même niveau que le recel de cadavres !
C’est pourquoi nous demandons non pas la suppression complète de cet article, mais l’ajustement de la peine au délit. Un allégement de la peine à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende nous semble déjà plus que largement dissuasif, d’autant que l’ONU alerte le Gouvernement, rappelle que la France doit respecter ses engagements internationaux et souligne que cette proposition de loi empiète sur certaines libertés.
Les rapporteurs de l’ONU nous alertent aussi sur l’extrême pauvreté et les droits humains en matière de logement convenable. Ils font également part de leur inquiétude sur cet article.
Nous devrions donc poursuivre notre réflexion, pour trouver une sanction allégée et adaptée.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mme Noël, MM. Panunzi, Cadec et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Regnard et Calvet, Mmes Procaccia et Pluchet, M. Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Houpert, D. Laurent, Pellevat, Bouchet, B. Fournier, Meurant et Cambon, Mmes Belrhiti, Petrus et Goy-Chavent, MM. Saury, E. Blanc, C. Vial, Gremillet, Duplomb et Klinger et Mme Chauvin.
L’amendement n° 4 rectifié ter est présenté par Mmes V. Boyer et Di Folco, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Lopez et Thomas, MM. Bacci, Anglars, Tabarot, de Nicolaÿ et Savary, Mme Lassarade, M. Genet, Mme Bellurot et M. J.B. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue au présent article.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l’amendement n° 1er rectifié ter.
Cet amendement vise à permettre à l’autorité judiciaire de prononcer une interdiction du territoire français dans les conditions prévues par l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger qui aurait commis le délit prévu à l’article 315-1 du même code.
Le but du texte que nous examinons est de durcir la peine prévue à l’article 315-1 pour lutter contre l’occupation illicite des logements. C’est également l’objet de cet amendement.
Il convient de rappeler que le respect de la loi pénale est le minimum pour toute personne vivant sur le territoire français. Aussi, un étranger qui méconnaît ces dispositions doit se voir prononcer une peine d’interdiction du territoire français, et ce d’autant que cette proposition de loi a pour conséquence un durcissement de la peine encourue.
Bien sûr, cet amendement n’a pas pour objet de renvoyer tous les étrangers coupables de ce délit. Il vise simplement à laisser une marge de manœuvre plus importante à l’autorité judiciaire pour prononcer cette peine. Cette institution, « gardienne de la liberté individuelle » conformément à l’article 66 de la Constitution, assurera cette nouvelle possibilité dans le seul cadre légal prévu par le code pénal et appréciera chaque situation pour permettre de répondre aux exigences demandées par l’État de droit.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié ter.
D’une part, au risque de me répéter, je rappelle que la rédaction de l’article 1er A nous semble constituer un équilibre entre les positions exprimées par l’Assemblée nationale et par le Sénat. C’est pourquoi la commission souhaite son adoption conforme.
En particulier, l’amendement n° 22, qui est un amendement de suppression, est contraire à la position du Sénat en première lecture, qui a été confirmée par les travaux de la commission en deuxième lecture.
D’autre part, l’adoption des amendements identiques n° 1 rectifié ter et 4 rectifié ter, dans leur rédaction actuelle, autoriserait le juge à prononcer une interdiction de territoire définitive pour les personnes étrangères condamnées pour squat, ce qui semble non seulement disproportionné, mais aussi contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative au droit à la vie privée et familiale.
Qui plus est, l’article 226-4 du code pénal, qui sanctionne le squat du domicile, ne prévoit pas de peine d’interdiction du territoire. Il serait donc excessif d’instaurer une peine d’interdiction du territoire pour le squat des locaux à usage économique, alors que celle-ci n’est pas prévue pour le squat du domicile, qui est pourtant bien plus grave en termes de conséquences pour la vie privée de nos concitoyens.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 9, les peines encourues pour squat d’un local à usage d’habitation ou pour squat d’un local à usage économique ont déjà été abaissées par le Sénat en première lecture – le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, je le rappelle, prévoyait une peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende pour le squat des locaux à usage d’habitation et des locaux à usage économique, soit une peine identique à celle que l’article 1er prévoit pour le squat du domicile. La commission considère qu’il convient d’en rester au compromis trouvé pour maintenir l’effet dissuasif recherché.
J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Le Gouvernement est tout à fait hostile à l’amendement n° 22. Point n’est besoin d’épiloguer !
Monsieur le sénateur Benarroche, je note avec grand intérêt que vous n’êtes pas contre le principe de l’emprisonnement, puisque, au travers de cet amendement, vous prévoyez une sanction d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Vous auriez pourtant pu proposer un travail d’intérêt général (TIG) !
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guy Benarroche sourit.
Enfin, les auteurs des amendements identiques n° 1 rectifié ter et 4 rectifié ter y vont fort, si vous me permettez cette familiarité ! Un étranger qui entre dans un domicile ne risque pas d’être expulsé, alors qu’il risque de l’être s’il dort dans un hangar. Au fond, ces amendements tendent à inciter les étrangers à squatter un domicile plutôt que le hangar qui le jouxte…
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, dont l’objet est à bien des égards excessif.
Je voudrais simplement citer un certain nombre d’affaires qui ont beaucoup marqué nos concitoyens.
Le 10 mai 2022, cent quatre squatteurs étrangers ont été évacués de trente-quatre logements dans trois bâtiments différents de la cité Kallisté à Marseille.
Le 6 juin 2022, une personne de nationalité marocaine prétendument mineure et deux personnes algériennes ont squatté et dégradé une maison à Vienne, agressant le propriétaire à son retour.
Le 26 octobre 2022, à Bègles, onze personnes algériennes déboutées du droit d’asile sont expulsées d’un squat par le préfet.
Le 27 janvier 2023, dans le Val-de-Marne, un Tunisien sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été interpellé par la police dans un logement, causant des dégradations dont les réparations s’élèveraient à plusieurs milliers d’euros.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.
Mme Valérie Boyer. Eu égard à ces différentes situations d’occupations illicites – je n’en ai cité que quelques exemples, il y en a malheureusement plus –, il est logique que nous, représentants du peuple français, représentants des communes, nous fassions ce qui est en notre pouvoir pour mieux protéger nos concitoyens. Nous ne sommes pas seulement face à des faits divers : nous sommes face à de véritables faits de société et à des drames !
M. le garde des sceaux proteste.
Aussi, ces amendements identiques ont pour objet de permettre à l’autorité judiciaire de prononcer une interdiction du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger qui aurait commis l’infraction prévue à l’article 1er A.
L’autorité judiciaire conserve une marge de manœuvre : il ne s’agit pas d’instaurer une peine automatique, ni forcément définitive ! La disposition proposée reste conforme à l’article 131-30 du code pénal, aux termes duquel, « lorsqu’elle est prévue par la loi, la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit ».
Le respect de la loi pénale est le minimum pour toute personne vivant sur le territoire français. Celui qui méconnaît ces dispositions doit se voir prononcer une peine d’interdiction du territoire français, d’autant que cette proposition de loi a pour conséquence un durcissement de la peine encourue.
Je tenais à insister sur l’objet de cet amendement, monsieur le président.
M. Guy Benarroche. Je reconnais bien là votre habileté, monsieur le garde des sceaux…
Sourires.
J’en appelle maintenant à votre finesse de raisonnement. Au Sénat, nous adoptons des amendements à des textes, et j’ai bien entendu voté l’amendement du groupe CRCE visant l’abrogation totale de cet article.
Ce que nous votons a un effet sur les gens de la vraie vie. Ainsi, ceux qui ne pourront plus payer leur loyer et devront quitter leur domicile pour chercher à se loger ailleurs souffriront. Ils se heurteront au délit d’introduction.
Monsieur le garde des sceaux, il va de soi que je préférais qu’ils ne soient pas condamnés à des peines de prison. Reste que, si le juge peut les condamner à un an de prison et à 15 000 euros d’amende, c’est déjà mieux que deux ans de prison et 30 000 euros d’amende ! Je pense que nous pourrons partager ce constat, ce qui ne signifie pas que je sois favorable aux peines de prison.
J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, que c’est à nous de faire en sorte que le condamné fasse des travaux d’intérêt général et ne soit pas incarcéré. Car à force de condamner les gens à des peines d’emprisonnement, vous aurez beau construire des établissements pénitentiaires, cela ne suffira pas !
Madame Valérie Boyer, je ne reviendrai pas sur les OQTF et les exemples que vous avez pris. Mais je pourrais vous citer autant d’exemples de situations dangereuses ou terribles de gens qui, étrangers ou pas, meurent parce qu’ils ne peuvent pas avoir accès à un logement et s’installent alors dans des locaux inoccupés pour survivre, y compris à Marseille.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends que vous soyez titillé par mon propos, qui se voulait aimable, monsieur Benarroche. À tout péché miséricorde…
Sourires.
Madame Boyer, il n’était pas nécessaire de nous égrener la liste des étrangers – Tunisiens, Marocains… – qui se sont mal tenus. C’est d’ailleurs une liste assez courte !
Mme Valérie Boyer le conteste.
Je me suis placé sur un terrain purement logique. Comment défendre un amendement qui vise à prévoir l’expulsion pour un étranger qui dormirait dans un hangar ou sur un terrain à la belle étoile, alors que celui qui s’introduirait dans un domicile ne risquerait pas une telle peine ? C’est tout ce que j’ai dit.
Au fond, vous auriez pu me dire que j’avais raison. Vous n’avez pas souhaité le faire. Il est inutile de polémiquer plus avant.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié ter et 4 rectifié ter.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 23 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Bouad, pour présenter l’amendement n° 6.
Il est particulièrement inquiétant que soit envisagée la pénalisation des personnes ayant occupé un lieu d’habitation alors qu’elles rencontraient des difficultés dans le paiement de leur loyer.
L’introduction d’une amende de 7 500 euros en pareille situation est véritablement disproportionnée. On voit d’ailleurs mal comment un propriétaire qui réclame des impayés sera aidé par l’accroissement de la dette de son locataire…
En vérité, avec cette mesure, le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : accroître la pression sur les familles pour qu’elles partent d’elles-mêmes, évitant ainsi à l’État de trouver lui-même des solutions de relogement avant une expulsion manu militari. Voilà donc la réponse de la majorité gouvernementale à la crise du logement et aux milliers de gens qui éprouvent de grandes difficultés pour se maintenir dans leur logement.
Ce texte n’est ni juste ni équilibré. C’est pourquoi le groupe SER demande que cette sanction pénale soit retirée de la proposition de loi.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 23.
Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le montant :
par le montant :
La parole est à M. Guy Benarroche.
Monsieur le garde des sceaux, je rappelle que, en première lecture, le Sénat a voté la suppression de la peine de prison qui était prévue à cet article – je répète à cette occasion que je ne suis évidemment pas partisan des peines de prison –, suppression qui a été conservée par l’Assemblée nationale, et c’est tant mieux.
Nous demandons maintenant que le montant de l’amende, aujourd’hui fixé à 7 500 euros, soit réduit de moitié et ramené à 3 250 euros. En effet, nous estimons que le maintien dans un local désaffecté ou dans un local habité n’a pas la même gravité et que, une fois de plus, cette proposition de loi confond domicile et propriété.
Le montant de l’amende paraît en outre disproportionné. Condamner des personnes en grande difficulté financière à une amende représentant à peu près douze fois le revenu de solidarité active (RSA) est totalement incohérent. C’est d’ailleurs le cas aussi pour le propriétaire qui est censé récupérer les loyers impayés, puisque l’amende est telle qu’elle empêchera les locataires, dont le porte-monnaie n’est pas extensible, de verser ce qu’ils doivent aux propriétaires. Une telle mesure ne leur permettra donc pas de régulariser leur situation. Au contraire, elle aggravera leur précarité.
Qui plus est, sauf erreur, cette amende est cumulative avec la peine déjà très lourde de l’introduction illicite dans un domicile ou une propriété. Ainsi, le cumul de ces deux peines est suffisamment dissuasif, même en ramenant le montant de l’amende à 3 250 euros, pour que l’on s’en tienne là.
Si quelques affaires de squat ont fait les gros titres et permis de légitimer auprès de l’opinion publique la mise en place de cette proposition de loi, la réalité est que ce texte s’attaque aux ménages les plus vulnérables et aura pour conséquence d’empiéter sur leurs droits. En d’autres termes et pour le dire sans ambages, il ne ressemble pas à un élan de solidarité de la part des députés Renaissance !
Cet article fait primer la propriété immobilière sur la nécessité pour un individu de disposer d’un logement. Je ne rappelle pas la position des rapporteurs de l’ONU à cet égard, sinon qu’« il faut donner la priorité voulue aux groupes sociaux vivant dans une condition défavorable en leur accordant une attention particulière ». C’est tout ce que nous voulons faire.
Ces amendements reviennent de nouveau sur la position exprimée par le Sénat en première lecture. À ce titre, les amendements identiques visent la suppression d’une partie de l’article.
Je rappelle que le dispositif que nous avons voté ne concerne qu’une très faible proportion des locataires défaillants : il s’agit non pas du locataire sujet à une difficulté épisodique de paiement de son loyer, mais du locataire défaillant qui se maintiendrait dans le logement en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois.
Concrètement, compte tenu des délais légaux incompressibles qui entourent la procédure judiciaire, cela signifie que l’on se situe en moyenne déjà deux ans après le premier impayé.
Il semble alors non seulement normal, mais aussi juste, de donner au propriétaire qui ne peut récupérer son bien un nouvel outil pour dissuader cette pratique.
Enfin, pour répondre aux auteurs de l’amendement n° 11, je précise que le Sénat a déjà assoupli le dispositif proposé par l’Assemblée nationale en supprimant la peine de six mois de prison qu’auraient pu encourir ces locataires. Abaisser en parallèle la sanction pécuniaire risquerait de faire perdre au dispositif sa portée.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Ce qui fait débat et qui peut paraître utopique, voire injuste à certains, c’est que, dans des amendements de suppression ou de repli, la gauche part du principe suivant : lorsqu’une expulsion est exécutée, une proposition de relogement ou d’hébergement doit être prévue.
C’est cette question qui fait débat. Je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’elle n’appartienne qu’à la gauche.
Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.
Les valeurs républicaines que j’ai invoquées tout à l’heure supposent que l’on propose a minima un hébergement – je ne parle pas d’un logement à n’importe quel prix. En effet, une famille que l’on expulse se retrouve à la rue et entre alors dans le cercle non vertueux de l’isolement, de la solitude, etc. Nous connaissons tous ces situations : aucun département, aucune ville n’y échappe.
Voilà ce qui sous-tend notre position et explique la nature de nos amendements. Ce n’est pas de l’extrémisme ! À cette étape, il incombe à la République de formuler une offre d’hébergement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er A est adopté.
(Suppression maintenue)
(Non modifié)
I. –
Non modifié
II. – L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;
b) Les mots : « ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci » sont remplacés par les mots : «, toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé » ;
c) Après les mots : « son domicile », sont insérés les mots : « ou sa propriété » ;
d) Sont ajoutés les mots : «, par le maire ou par un commissaire de justice » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite, dans un délai de soixante-douze heures, l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;
3°
Supprimé
4° Au premier alinéa, aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département » ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prise », sont insérés les mots : «, après considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant, » ;
6° Après la première phrase du troisième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l’introduction d’une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l’exécution de la décision du représentant de l’État. »
L’amendement n° 26, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Il s’agit d’un amendement dont l’objet est contraire à la position exprimée par le Sénat en première lecture.
La commission émet donc un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Cet amendement de repli tend à cibler des alinéas précis de cet article, qui étendent les procédures d’expulsion accélérée et que nous souhaitons voir disparaître.
En mettant sur le même plan tout type de propriété, vous ne protégez pas seulement les logements contre l’occupation illicite, vous empêchez toute mise à l’abri de quiconque, quelles qu’en soient les raisons ou quel que soit le lieu.
De fait, vous êtes en train de franchir une nouvelle étape et de durcir davantage les mesures contre les plus précaires, en renforçant la protection des biens au détriment des personnes.
Il est compréhensible de vouloir respecter la propriété, mais pas d’expulser une personne sans solution de relogement ou de mise à l’abri, comme vient de le dire mon collègue. Ce n’est pas défendre l’intérêt général !
L’âge moyen des personnes qui vivent dans la rue, nous le savons, est d’environ cinquante ans. Celles et ceux qui s’en sortent et qui quittent la rue ont souvent des séquelles et rencontrent de grandes difficultés de réinsertion. Elles sont prises dans un cercle vicieux. Ce texte va inéluctablement rendre leur situation plus compliquée. Il faut éviter les expulsions à tour de bras !
Enfin, sachez que, à la fin de l’année 2022, quelque 2 000 enfants étaient à la rue chaque nuit. Alors qu’ils n’ont pas de toit, aucune loi ne les protège. Pour ma part, je considère que cette situation est insoutenable. Elle est indigne de notre pays, signataire de la convention internationale des droits de l’enfant.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Notre groupe s’oppose à l’assimilation entre propriété privée et domicile. La jurisprudence a d’ailleurs toujours différencié la protection dans ces deux cas. Nous souhaitons que cette jurisprudence soit maintenue.
La présente proposition de loi, ma collègue vient de le dire, fonde très clairement un nouveau paradigme, porteur d’une grande violence sociale : la primauté absolue du droit de propriété sur tout autre droit social, notamment celui de disposer d’un logement pour y vivre.
Pourtant, en 1995, le Conseil constitutionnel avait déjà érigé la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent au rang d’objectif de valeur constitutionnelle.
Par cet amendement, nous dénonçons la dénaturation insidieuse du délit de violation de domicile et de la procédure d’expulsion prévue en conséquence.
Pensé pour protéger la vie privée des personnes en sanctionnant l’occupation de logements meublés, le délit protège désormais la propriété immobilière, en sanctionnant l’occupation de tout local d’habitation, fût-il inhabité, vide de tout meuble ou vacant depuis des années.
Cette extension considérable du délit de violation de logement est d’autant plus choquante, monsieur le ministre du logement, que la France compte aujourd’hui dix fois plus de logements vacants que de personnes à la rue.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par Mme Noël, MM. Panunzi, Cadec et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Regnard et Calvet, Mmes Procaccia et Pluchet, M. Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Houpert, D. Laurent, Pellevat, Bouchet, B. Fournier, Meurant et Cambon, Mmes Belrhiti, Petrus et Goy-Chavent, MM. Saury, E. Blanc, C. Vial, Gremillet, Duplomb et Klinger et Mme Chauvin.
L’amendement n° 3 rectifié ter est présenté par Mmes V. Boyer et Di Folco, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Lopez et Thomas, MM. Bacci, Anglars, Tabarot, de Nicolaÿ et Savary, Mme Lassarade, M. Genet, Mme Bellurot et M. J.B. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le mot : « officier » est remplacé par le mot : « agent » ;
II. – Alinéa 7
Après le mot :
maire
insérer les mots :
, ses adjoints
III. – Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
L’amendement n° 136 déposé en novembre 2022 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Il tend à étendre au maire la faculté de constater l’occupation illicite constitutive d’un squat de domicile, au sens de l’article 226-4 du code pénal. En effet, le maire exerce d’ores et déjà ses attributions d’officier de police judiciaire (OPJ) sous la direction du procureur de la République.
Il s’agit d’une avancée importante, même si le présent amendement tend à ajouter également la possibilité pour les adjoints de procéder à ce constat pour rester en cohérence avec le premier alinéa de l’article 16 du code de procédure pénale.
L’amendement n° 136 visait également à rappeler que, comme les auditions l’ont montré, les officiers de police judiciaire sont bien souvent insuffisamment nombreux pour pouvoir procéder au constat de manière réactive. Le renfort du maire ou de ses adjoints dans cette procédure ne sera pas inutile, mais il demeurera insuffisant, notamment dans certaines communes de grande taille ou de taille moyenne.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre également aux agents de police judiciaire de procéder à ce constat.
Les agents de police judiciaire sont sous placés les ordres et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire. Par ailleurs, ils ont pour mission « de constater les crimes, délits ou contraventions et d’en dresser procès-verbal ». Ils sont donc tout désignés pour procéder à ces constats.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié ter.
L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 prévoit que, en cas « d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence, principale à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire. »
Les députés ont étendu cette disposition aux maires et aux commissaires de police. En effet, comme les auditions l’ont montré à l’Assemblée nationale, les officiers de police judiciaire sont bien souvent insuffisamment nombreux pour procéder au constat de manière réactive.
En aucun cas, il n’a été prévu que les adjoints au maire et les agents de police judiciaire puissent avoir la faculté de constater l’occupation illicite constitutive d’un squat de domicile.
Si le Parlement a été capable d’étendre cette faculté aux maires et aux commissaires de police, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour les agents de police judiciaire ou les adjoints au maire ? Si cela n’était pas prévu pour les maires ou les commissaires, pourquoi le serait-ce pour les agents de police ou les adjoints au maire ?
En fait, cet amendement, identique à celui de ma collègue Laurence Muller-Bronn, a pour objet d’accélérer le déroulement de cette procédure, afin que les squatteurs puissent être expulsés au plus vite. Il vise aussi à permettre aux mairies d’être plus efficaces et moins soumises aux aléas de ces occupations.
Nous l’avons tous constaté en tant que maires lorsque nous avons eu affaire à des victimes de squat : les procédures sont lourdes et longues, même si elles ont été améliorées. La disposition que nous proposons permettrait aux maires d’être beaucoup plus réactifs.
L’amendement n° 10, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Notre groupe trouve disproportionnée la possibilité d’utiliser le régime d’exception de l’article 38 de la loi Dalo, la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, lorsqu’il s’agit de locaux vides.
Que faire dans des locaux vides, monsieur le garde des sceaux ? Michel Polnareff parlait dans sa chanson de la chambre vide de la maison vide… Peut-on appliquer le régime d’exception de la loi Dalo à des locaux vides ?
Les délais d’évaluation de la situation personnelle sont particulièrement courts. La non-judiciarisation de la mise en demeure dans ces cas-là ne nous paraît pas justifiée.
Par ailleurs, nous souhaitons que, en parallèle des amendes ou des peines de prison prévues pour les locataires, l’on augmente les sanctions prévues pour les marchands de sommeil. Nous avions déposé un amendement sur ce sujet, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution – il n’est jamais ressorti de l’entonnoir !
Sourires.
Les amendements de suppression n° 24 et 13 visent explicitement à revenir sur la position exprimée par le Sénat en première lecture. Je considère par conséquent que nous avons déjà pu débattre largement de ces sujets.
Le III des amendements identiques n° 2 rectifié ter et n° 3 rectifié ter vise à supprimer les dispositions que l’Assemblée nationale a ajoutées en deuxième lecture afin de prendre en compte les récentes réserves d’interprétation que le Conseil Constitutionnel a formulées à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ces ajouts, de l’avis de la commission, sont utiles et garantissent la pleine conformité de la procédure d’évacuation forcée de l’article 38 de la loi Dalo à la Constitution. Nous souhaitons donc les maintenir.
En outre, ces amendements sont partiellement satisfaits, puisque les adjoints au maire, tout comme les maires, ont déjà la qualité d’officier de police judiciaire, conformément à l’article 16 du code de procédure pénale. À ce titre ils peuvent donc déjà constater l’occupation illicite d’un logement.
Enfin, monsieur Benarroche, les dispositions de l’amendement n° 10 me semblent aller à l’encontre de leur objet, sûrement aux dépens de ses auteurs, puisque son dispositif vise à supprimer les alinéas qui permettent de différer l’expulsion. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Au total, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
J’émets le même avis sur les cinq amendements : défavorable.
Pour ma part, je soutiens les amendements de notre collègue Guy Benarroche qui visent la différenciation entre l’occupation d’un domicile et celle d’un autre local.
Mes chers collègues, vous êtes en train de rompre l’équilibre entre l’intérêt général, l’ordre public et la propriété qui a été instauré par Conseil national de la Résistance – le véritable CNR, monsieur le garde des sceaux ! – à la Libération. On avait alors considéré que, pour des motifs d’intérêt général, d’ordre public, de respect de la dignité de la personne et de droit au logement, il était possible de réquisitionner des logements ou des locaux vides et que la propriété pouvait être interrompue, si j’ose dire, en cas de non-usage. Le droit de réquisition ne pouvait donc s’appliquer au domicile d’une famille.
Le débat date de cette époque : où se situe le point d’équilibre entre la propriété et son abusus, en l’occurrence le fait de ne rien faire d’un bien ?
Je pense que nous assistons là à un important recul républicain. J’espère que l’histoire montrera qu’il vaut mieux revenir à la législation antérieure.
Monsieur le rapporteur, je vais retirer mon amendement, car votre réponse m’a satisfaite.
Si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que, même s’il est satisfait juridiquement, la disposition qu’il tend à introduire n’est pas effective. J’espère que des instructions seront données après l’adoption de ce texte, afin qu’elle soit mise en œuvre dans les territoires. C’est important, car cela soulagera beaucoup les mairies.
Pour l’instant, je le répète, le dispositif que nous proposons ne fonctionne pas dans les territoires. Or nous en avons réellement besoin.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
Les amendements n° 2 rectifié ter et 3 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 24.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 21, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette évacuation forcée ne peut être réalisée lorsqu’aucune place d’hébergement ne peut être proposée aux occupants du lieu. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement vise à prévoir qu’une évaluation forcée ne peut être réalisée si aucune place d’hébergement n’est susceptible d’être proposée aux occupants du lieu.
Je connais un peu le parcours du ministre du logement, qui, je le sais, connaît ces situations. Pour ma part, je les connais pour m’être occupé de l’action sociale dans mon département.
Les travailleurs sociaux parlent de « fonctionnement en escalier » : lorsque vous entrez dans un hébergement d’urgence, vous devez ensuite obtenir un hébergement de réinsertion sociale, avant d’avoir droit à un logement de droit commun.
Franchement, il faut que l’on arrive à trouver une solution à ce problème. Les chiffres, que nul ne conteste ici, ont explosé : on parle de 330 000 personnes sans abri, mais je pense que ce nombre est supérieur. Si on ne trouve pas de solutions d’hébergement, on risque d’en arriver à une situation d’une violence extraordinaire dans notre société. On en sera à 400 000 ou 500 000 sans-abri. Le risque, c’est que la cohésion sociale et le vivre-ensemble explosent.
Interrogez les travailleurs sociaux sur les difficultés qu’ils rencontrent : ils vivent ce fonctionnement en escalier – cela n’a rien d’idéologique –, et c’est terrible. Je le répète, le risque, c’est la violence et la rancœur à l’égard de la République.
Je tenais à attirer votre attention sur ce sujet.
Je suis sensible à l’argumentation de Pascal Savoldelli, mais j’attire son attention sur le fait que le préfet dispose d’une marge d’appréciation avant de décider de mettre un squatteur en demeure de quitter le domicile d’autrui.
Tel qu’il est rédigé, l’article 38 de la loi Dalo autorise le préfet à ne pas donner suite à la demande d’un propriétaire victime d’une occupation frauduleuse de son logement s’il estime qu’il existe « un motif impérieux d’intérêt général ».
Les marges d’appréciation du préfet ont été en outre accrues lors de l’examen du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, pour tenir compte de la récente QPC que j’ai mentionnée précédemment : il est désormais prévu que le préfet « considère la situation personnelle et familiale de l’occupant » illicite avant de prononcer une mise en demeure.
Ces précautions me semblent suffisantes, sauf à nier la possibilité d’intervention du préfet, et proportionnées, afin de maintenir l’effectivité d’un dispositif qui – je le rappelle une fois encore, car c’est manifestement nécessaire ! – s’adresse aux squatteurs des domiciles d’autrui et non aux locataires défaillants.
Je comprends la sensibilité du groupe CRCE à cette problématique, mais, pour les raisons que je viens d’indiquer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Le garde des sceaux m’a repris tout à l’heure sur les sanctions applicables aux marchands de sommeil. Pourrait-il me faire parvenir les dernières décisions de justice qui ont été prises les concernant ? Cela m’intéresse… Quand je me trompe, je reconnais mon erreur. En outre, j’aime être au fait de la vérité.
Cela étant, mes chers collègues, si j’avais proféré tant d’énormités, vous m’auriez tous repris, je n’en doute pas. J’ai l’habitude des débats aiguisés et argumentés ici, au Sénat.
Il faut dix ans en moyenne à Paris pour obtenir un logement au titre du droit au logement opposable, trois ans en Île-de-France. J’entends l’argument sur la marge d’appréciation du préfet – ce dernier n’est pas en cause –, mais les faits sont là : je le répète, il faut dix ans à Paris et trois ans en Île-de-France pour être relogé ! Ailleurs, dans les autres régions – je le sais par mes collègues qui ne sont pas de l’Île-de-France –, les délais ne cessent de s’allonger.
J’attire votre attention, sans volonté aucune de polémiquer : un nombre exponentiel de gens vont se retrouver sans hébergement si on ne trouve pas de solution.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 2 est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et à titre expérimental » sont supprimés ;
1° bis Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme du contrat de résidence temporaire, si le résident se maintient dans les lieux, l’organisme ou l’association mentionnés au troisième alinéa du présent article ou le propriétaire peut faire constater l’occupation sans droit ni titre des lieux en vue de leur libération, selon la procédure de l’ordonnance sur requête. » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des personnes morales de droit privé bénéficient du dispositif mentionné au présent article, l’État vérifie régulièrement la conformité de sa mise en œuvre aux dispositions légales et réglementaires applicables. »
II et III. –
Non modifiés
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par Mme Artigalas, MM. Bouad et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 17 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À la première phrase du dernier alinéa, l’année : « 2023 » est remplacé par l’année : « 2024 » ;
La parole est à M. Denis Bouad, pour présenter l’amendement n° 8.
Le texte pérennise un dispositif qui autorise les propriétaires à confier la gestion de leurs biens immobiliers vacants à des sociétés privées agréées par l’État.
Des résidents temporaires peuvent être logés dans ces locaux vacants durant une période limitée, en échange d’une redevance.
Des lois successives ont prévu que ce dispositif devait faire l’objet d’une évaluation, laquelle devait être remise au Parlement. Or aucun rapport n’a jamais été transmis par le Gouvernement. Par ailleurs, il semble, d’après les remontées du terrain dont nous disposons, que ce dispositif soit perfectible.
Il est pour le moins surprenant de pérenniser ce dispositif alors même que plusieurs médias ont récemment dénoncé des dérives de nature à justifier une révision des conditions de délivrance et de contrôle de l’agrément de l’État, mais aussi des conditions sanitaires et de respect de la vie privée.
Sans évaluation de ce dispositif par le Gouvernement, notre groupe est opposé à sa pérennisation.
Je sais que le Sénat n’aime pas – moi non plus, d’ailleurs –, les expérimentations qui sont généralisées sans même avoir fait l’objet d’une évaluation. Tous ici, sur quelques travées que nous siégions, nous avons souvent critiqué cette façon de procéder à propos de multiples expérimentations.
Cette expérimentation a été mise en place en 2009. Un rapport annuel de suivi et d’évaluation devait être remis chaque année au Parlement, de 2010 à 2014, soit cinq rapports.
La loi Alur de 2014 a prévu la communication au Parlement d’un rapport bisannuel de suivi et d’expérimentation, de la fin de 2015 à 2018, soit sept rapports.
La Élan de 2018 a prorogé l’expérimentation en rappelant l’obligation de fournir un bilan avant le terme de l’expérimentation au 31 décembre 2023, soit un rapport, que nous n’avons toujours pas reçu.
Au total, treize rapports auraient dû être remis au Parlement par les gouvernements successifs, mais ne l’ont pas été. Et on nous demande aujourd’hui de généraliser une expérimentation qui n’a jamais été évaluée !
Je ne comprends pas que le Sénat propose aujourd’hui de généraliser cette expérimentation, après tout ce que nous avons voté par le passé et alors qu’aucun rapport ne nous a jamais été remis depuis 2009. Où est la cohérence ?
Monsieur Bouad, monsieur Benarroche, je regrette tout comme vous que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de la mission de suivi et d’évaluation de l’expérimentation relative à l’occupation temporaire, que la loi Élan, monsieur le ministre, lui a pourtant confié explicitement.
Il serait cependant malvenu – je le dis comme je le pense – de refuser la pérennisation d’un dispositif pour la seule raison de l’inaction du Gouvernement. Sa pérennisation permettra au contraire d’apporter une sécurité juridique aux propriétaires qui mettent leurs locaux à disposition et constituera donc une mesure incitative.
Les auditions que j’ai menées en qualité de rapporteur ont permis de tirer un bilan positif de cette expérimentation. Selon les chiffres qui m’ont été transmis, certes avant l’examen du texte en première lecture, plus de 1 000 bâtiments vacants ont fait l’objet d’une occupation temporaire depuis la création de ce dispositif en 2009, ce qui a permis de loger près de 10 000 résidents temporaires.
Ces chiffres montrent que ce dispositif a trouvé son public et mériterait d’être davantage connu, aussi bien pour lutter contre la vacance des logements que pour proposer des solutions d’hébergement temporaire.
Enfin, je rappelle que l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui vise à imposer à l’État de procéder à des contrôles réguliers des associations et organismes bénéficiant de ce dispositif.
Dans ces conditions, il nous semble opportun de pérenniser ce dispositif, qui a d’ailleurs déjà été prorogé à trois reprises.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Le Gouvernement souhaite pérenniser ce dispositif. L’ancien professeur de sciences physiques que je suis a tendance à penser qu’une expérimentation de quatorze ans n’en est plus une et qu’il s’agit d’une pérennisation déguisée…
Certes, aucune évaluation n’a été faite de ce dispositif depuis quatorze ans par les gouvernements successifs, ce que je déplore. Cela étant, nous allons mettre en place une mission d’inspection pour que ce dispositif, qui, pour l’essentiel, fonctionne bien, soit pérennisé.
Par ailleurs, si des organismes étaient défaillants, ce qui a parfois été le cas, nous leur retirerions leur agrément, comme je me suis déjà engagé à le faire.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’activité des organismes ou associations agréés s’exerce sur le territoire du département où l’agrément a été accordé. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
Puisque l’on a pérennisé l’expérimentation, j’espère que les contrôles prévus seront réellement effectués et que nous aurons des informations à cet égard, faute d’avoir obtenu des informations sur l’expérimentation…
Cela étant, on pourrait au moins essayer d’encadrer un peu ce dispositif, sachant qu’il a donné lieu à des dérives : si les choses se passent bien parfois, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, vous le savez parfaitement.
Nous proposons donc de renforcer les conditions de délivrance et de contrôle de l’agrément de l’État pour les opérations d’occupation temporaire des locaux, en limitant leurs compétences territoriales. Au lieu d’accorder un agrément à des sociétés qui sont souvent des entreprises de gardiennage, on pourrait mieux les contrôler, en restreignant les autorisations ou les agréments à certains territoires.
L’article 1er du décret d’application de l’article 29 de la loi Élan, qui régit le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants, prévoit explicitement que la demande de l’agrément est présentée par l’association ou l’organisme intéressé au préfet du département où se situe l’une des opérations d’occupation temporaire envisagée.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, dans la mesure où il est satisfait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 27, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition s’applique uniquement dans les cas où la vacance du lieu, après la fin du contrat de résidence temporaire, n’excède pas trois mois.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Puisque le dispositif est maintenu, dès lors que les travaux d’aménagement n’ont pas lieu dans les trois mois suivant le départ du résident temporaire, nous préconisons que ce dernier puisse rester dans les lieux, en payant évidemment un loyer, et ne puisse être expulsé en l’absence de signes tangibles de démarrage de travaux.
La proposition de nos collègues du groupe CRCE, si elle était adoptée, aurait simplement pour effet de dissuader de nombreux propriétaires de locaux vacants de les mettre à disposition pour une occupation temporaire.
Si la période de vacance était supérieure à trois mois – par exemple le temps pour le propriétaire de trouver les fonds nécessaires à la réalisation de travaux d’ampleur –, les dispositions relatives à la libération des lieux par les occupants temporaires ne seraient plus applicables.
L’instauration d’un régime différent selon que la vacance serait supérieure ou inférieure à trois mois rendrait en outre à mon sens le dispositif moins lisible et plus complexe.
Je le répète, le dispositif de l’article 29 de loi Élan ne trouverait plus de propriétaire intéressé.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Pour exactement les mêmes raisons, j’émets le même avis défavorable que M. le rapporteur.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 28, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le résident n’aurait pas de solution alternative d’hébergement ou de logement proposée avant la fin du contrat temporaire de résidence, le représentant de l’État dans le département peut ordonner la prolongation du contrat de résidence temporaire à la demande du résident, pour un délai de six mois renouvelable. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement tend à introduire une mesure relativement modérée, qui fait écho aux dispositions relatives à la réquisition, lesquelles ne sont jamais mises en œuvre par les préfets. J’ignore si Mme Valérie Boyer compte établir la liste exhaustive des réquisitions effectives, mais cela s’annonce difficile !
Les préfets disposent pourtant de ce droit en vertu de la loi, concernant spécifiquement les logements vacants. L’alinéa que nous proposons d’ajouter leur offrirait la possibilité de prolonger une occupation éphémère en renouvelant le contrat de résidence temporaire, préservant ainsi la protection existante à l’égard d’une personne sans domicile.
Cette disposition pourrait se révéler utile, notamment lors des périodes de grands froids, alors que les places d’hébergement deviennent difficiles à trouver et que de nombreuses personnes risquent de se retrouver sans-abri, augmentant ainsi le nombre des individus sans domicile fixe.
Mes chers collègues, nous vous soumettons là une mesure concrète, une solution de rechange : permettre aux préfets d’autoriser une occupation éphémère, sous le contrôle de l’État.
Je vous prie de me pardonner de paraître direct, voire clivant, aux yeux de certains d’entre vous, mais si cette proposition était également rejetée, cela signifierait que l’on ne cherche pas véritablement de solution pour les personnes concernées et qu’on les condamne à demeurer sans abri et sans hébergement.
Je suis sincèrement navré pour Pascal Savoldelli : comme l’amendement précédent, la proposition de nos collègues du groupe CRCE aurait pour effet de dissuader un grand nombre de propriétaires de locaux vacants de les proposer pour une occupation éphémère.
Or un tel dispositif ne peut fonctionner efficacement que s’il conserve suffisamment de souplesse, pour le propriétaire des locaux comme pour les résidents.
J’ai cherché à m’adapter à votre sensibilité particulière, mon cher collègue, à la nécessité de trouver des solutions d’hébergement de rechange, mais, tel qu’il est rédigé, cet amendement tend à autoriser des résidents temporaires à demeurer dans le logement de manière indéfinie, dans la mesure où la période de six mois mentionnée serait renouvelable.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je comprends votre thèse, monsieur le rapporteur, et je serais prête à l’entendre s’il s’agissait d’accorder un droit à une personne, de manière quasi automatique, dans le cas où l’opération n’a pas lieu.
L’objectif de cet amendement est toutefois de conférer aux préfets la possibilité d’évaluer l’opportunité de la mesure. Comme vous le savez parfaitement, un préfet ne prendra pas de décision susceptible d’entraver un futur aménagement ou une construction. Il ne cherchera pas à nuire délibérément à un propriétaire portant un tel projet. Que le choix lui revienne permet précisément de juger du bon équilibre entre la réalité du projet et l’intérêt général pour maintenir ou non une personne dans les lieux.
Vous le savez, certains propriétaires envisagent de réaliser leurs projets d’ici à trois à six mois, mais font face à des retards pour diverses raisons, comme des contestations de permis de construire. Dès lors, en présence du préfet, un accord pourrait être trouvé.
C’est pourquoi, dans la mesure où le préfet serait autorisé à prolonger ce bail temporaire, la disposition ne paraît pas aussi dissuasive que vous semblez le redouter.
Marie-Noëlle Lienemann a bien détaillé la nature de notre proposition. Je ne mets en cause aucune mauvaise volonté de la part de M. le rapporteur, mais il ne s’agit pas ici du droit de la personne : cette possibilité relèverait de l’autorité des préfets, avec une possibilité de reconduction au bout de six mois.
De grâce, faisons confiance au représentant de l’État dans le département ! Je ne vois pas où réside le doute sur ce point.
Vous voterez librement, mes chers collègues, mais je vous demande de le faire en considération de la réalité de cet amendement, lequel autorise une occupation temporaire, éphémère, sur l’initiative du préfet et à la suite de son diagnostic.
C’est sur cette question que votre vote doit porter : faut-il offrir ou non au préfet une telle souplesse, en réponse à une situation donnée ?
J’apprécie toujours les arguments avancés par M. le rapporteur, qui défend l’idée selon laquelle le texte ne doit pas être modifié, tout en prenant position sur chaque amendement ; je l’en remercie.
Pour autant, je ne comprends pas l’argument avancé ici : d’une manière homothétique, celui-ci implique en réalité que le propriétaire ne ferait pas confiance à l’État, et non plus à l’occupant, pour faire respecter son droit de propriété. Si tel était bien le cas, il pourrait néanmoins accorder sa confiance au Sénat : il ne fait aucun doute qu’au sein de notre assemblée le droit de propriété sera défendu !
Monsieur le rapporteur, je le répète, cette proposition ne fait courir aucun risque aux propriétaires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 2 ter est adopté.
(Non modifié)
L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, au début, le mot : « Toute » est remplacé par les mots : « Tout contrat de bail d’habitation contient une » et, après le mot : « garantie », sont insérés les mots : « . Cette clause » ;
1° bis A Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le locataire est informé par le représentant de l’État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement, prévu au V du présent article. » ;
1° bis À la première phrase du V, les mots : « même d’office » sont remplacés par les mots : « à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience » ;
2° La première phrase du premier alinéa du VII est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. »
L’amendement n° 29, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Nous abordons ici l’article 4, lequel systématise la présence de clauses de résiliation dans les contrats de bail.
Il nous semble impossible de considérer que toutes les situations sont identiques, et cette opinion est partagée par des associations et nombre de nos concitoyens. Comme cela a été indiqué précédemment, tous les impayés ne justifient pas une expulsion, et un contrat de location ne repose pas uniquement sur une question de paiement.
Je souhaite également attirer l’attention du ministre, sans que je lui apprenne rien, sur le fait qu’un coût important pour l’État découlera de ces dispositions, car notre République, ce pays que nous aimons, possède des spécificités, notamment des garde-fous exceptionnels au regard de la situation qui règne dans de nombreux autres pays. Même s’il y a beaucoup à dire, nous maintenons un niveau élevé de protection.
En fin de compte, nous allons donc accroître nos dépenses. C’est un paradoxe : de plus en plus d’hommes, de femmes, voire d’enfants vont être privés de droits, alors que nous augmenterons la dépense publique. Si nous devons avancer en ce sens, faisons en sorte que cette dépense soit au moins source de droits nouveaux !
Cet amendement est contraire à la position du Sénat, exprimée en première lecture.
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Bouad.
En conditionnant l’octroi de délais de paiement à la reprise des paiements du loyer et des charges avant la date de l’audience, l’article 4 porte atteinte aux dispositifs de prévention des expulsions locatives.
En supprimant la suspension d’office par le juge de la clause résolutoire, vous allez précipiter des dizaines de milliers de personnes vers l’expulsion.
Cette mesure accroît inutilement la pression sur les familles en difficulté de paiement, dans un contexte économique et social particulièrement mal choisi pour fragiliser davantage les personnes les plus vulnérables. Couplée à l’accélération de la procédure d’expulsion prévue à l’article 5, elle empêchera également les services sociaux et les acteurs de la solidarité de réaliser correctement leur diagnostic social et financier, donc de mobiliser des aides pour trouver des solutions amiables et organiser la reprise des paiements.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande la suppression de ces dispositions.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 30 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 18.
Marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, ne vous inquiétez pas, nous aurons fini aux douze coups de minuit !
La demande de reprise du paiement du loyer avant l’audience nous semble excessive et n’est pas loyale vis-à-vis de personnes en difficulté, victimes, pour la quasi-totalité d’entre elles, d’un accident de la vie – perte d’emploi, maladie, décès, etc.
Si un diagnostic social et financier doit bien être réalisé, nombre de ménages arrivent à l’audience sans avoir été convoqués par un travailleur social ou en n’ayant pu le rencontrer que tardivement et brièvement. Ils ne sont donc ni informés ni accompagnés assez tôt dans la mise en œuvre de démarches pour accéder à des aides telles que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), les dispositifs de lutte contre le surendettement, etc. La saturation des services sociaux n’est plus à démontrer : beaucoup de postes restent vacants et ne sont pas remplacés.
Quant aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex), la Cour des comptes elle-même constate qu’elles ne peuvent étudier qu’une proportion marginale des dossiers dont elles sont saisies.
Les locataires ne sont ni informés ni soutenus dans la reprise du paiement du loyer, laquelle ne correspond d’ailleurs pas au premier réflexe du bailleur : celui-ci sollicite avant tout le remboursement de la dette et lui impute parfois les paiements ultérieurs, plutôt que de les recevoir comme des loyers courants.
Pour les bénéficiaires des allocations de logement, il est important d’avoir à l’esprit que c’est la décision de justice accordant un échéancier qui décidera la caisse d’allocations familiales (CAF) à rétablir l’aide, donc à permettre aux ménages de reprendre le règlement intégral de leur loyer.
Pour finir, j’indique que cet amendement a été rédigé en grande partie grâce aux travaux de la Fondation Abbé Pierre.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 30.
Nouvelles marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.
S’agissant des horaires, mes chers collègues, je vous rappelle que ce texte avait initialement sa place dans une niche contrainte dans le temps, mais que le Gouvernement a décidé de l’en sortir, afin de s’assurer qu’il soit voté. Nous sommes maintenant collectivement dans cette situation, et je vous serais donc reconnaissant d’en prendre acte !
L’alinéa 4 de l’article 4 porte une anticipation singulière du jugement de rétablissement du bail du locataire. Ce dernier devra avoir remboursé l’intégralité de sa dette pour espérer retrouver un logement de droit commun et bénéficier d’un bail en bonne et due forme.
Or les jugements dans les cas d’impayés de loyers et de procédures d’expulsion servent à établir un accord sur la reprise du loyer et octroient parfois des délais supplémentaires aux locataires, leur laissant le temps de se rétablir ou de mobiliser une aide, comme le FSL.
Il arrive en outre qu’ils provoquent un déclic pour des personnes qui n’avaient pas montré de signaux positifs concernant le paiement du loyer, parfois pendant plusieurs mois ou années, et qui retrouvent de l’espoir en bénéficiant d’un sursis dans leur processus d’expulsion ou d’un soutien pour retrouver un droit aux aides personnelles au logement.
C’est notamment le cas lorsqu’un plan d’apurement est mis en œuvre avec l’aide d’un travailleur social, ce qui permet d’obtenir beaucoup plus facilement un remboursement que lorsque l’on accentue la précarité par une expulsion systématique sans solution de relogement. Ce dernier cas de figure limite au contraire les possibilités d’insertion et de perception d’un salaire pour les locataires en impayés.
En somme, ces dispositions vont obliger les locataires à la fois à reprendre le paiement du loyer en amont et à avoir remboursé la dette locative. Je crains qu’un tel mécanisme ne dégrade la situation de beaucoup des personnes concernées.
Tel est le sens de cet amendement.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 19.
Dans le même article, l’alinéa 5 va également dégrader la situation.
Supprimer la suspension de la clause résolutoire d’office par le juge va précipiter vers l’expulsion des dizaines de milliers de personnes, que les services de prévention des expulsions locatives, l’offre de logement social et les capacités d’hébergement, complètement saturées, ne seront absolument pas en mesure d’absorber. On peine déjà, je le rappelle, à reloger les ménages dont la situation relève du droit au logement opposable (Dalo).
Le locataire doit scrupuleusement respecter l’échéancier qui lui est fixé, en plus de payer mensuellement son loyer ; à défaut, le bail est résilié. Le bailleur n’est donc aucunement lésé : si la décision de justice est respectée, il est payé, et son locataire reste ; si elle ne l’est pas, l’expulsion a lieu.
Il faut prendre en compte le fait que cette disposition s’ajoute aux autres mesures de la loi, déjà très sévères et préjudiciables pour les ménages en impayés : réduction des délais en amont, réduction des délais pour quitter les lieux, lourde amende si ceux-ci restent dans le logement après décision de justice prononçant leur expulsion.
La grande majorité des impayés de loyer intervient à la suite d’un accident de la vie. Permettons au moins aux locataires qui en ont la capacité de rester dans leur logement.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 31.
Nous insistons fermement : les propriétaires ne sont pas lésés dans la situation actuelle. Le locataire est en effet tenu de régler son loyer, conformément à l’échéancier défini. S’il s’acquitte de cette obligation, il peut rester dans les lieux ; dans le cas contraire, l’expulsion a lieu.
Par conséquent, je ne vois pas la nécessité d’enfoncer encore plus sous l’eau la tête de gens qui ne sont pas tous de mauvais payeurs ou des individus irresponsables. Il s’agit parfois de personnes confrontées à une détresse sociale temporaire ; aussi, au contraire, tout doit être mis en œuvre dans la société pour leur permettre de se rétablir et de retrouver une voie normale.
L’amendement n° 14, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
Lorsque le juge
insérer les mots :
se saisit d’office ou lorsqu’il
La parole est à M. Guy Benarroche.
Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli, visant à fournir une garantie supplémentaire d’accès à un droit que certains justiciables sont susceptibles d’ignorer. Le bailleur et le locataire peuvent déjà saisir le juge afin de suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit, comme le précise l’article 4 de cette proposition de loi.
Nous proposons d’ajouter la possibilité pour le juge de s’autosaisir. Certains justiciables méconnaissent en effet leurs droits : les locataires en situation de précarité sont souvent mal informés sur ceux-ci et sur les modalités pour les faire valoir.
On pourrait arguer qu’il suffira d’améliorer l’information, etc. En attendant, la connaissance des droits est essentielle. Elle permet à l’individu de savoir ce qui lui est dû et à quoi il peut prétendre.
Or le droit peut être difficile à comprendre, voire inaccessible, pour les justiciables, qui ne sont pas nécessairement familiers des procédures. Je ne vois donc pas comment une telle possibilité d’autosaisine du juge pourrait être préjudiciable à qui que ce soit. Elle constitue la seule garantie que le droit à la suspension soit accessible à tous de manière équitable devant la loi.
Nous considérons en outre que le juge est un arbitre ; sa qualité de professionnel garantit une impartialité et une compétence pour juger de la nécessité de s’autosaisir. Compte tenu de la complexité du droit, et en particulier de la législation relative au droit immobilier, nombreux sont ceux qui ignorent qu’ils peuvent faire usage d’un tel levier.
Précédemment, nous avons refusé de faire confiance à l’État ainsi qu’aux préfets, maintenant nous refusons de faire confiance au juge. À quoi faisons-nous confiance ? Uniquement au droit de propriété ?
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet article 4 a constitué le principal point de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’Assemblée nationale souhaitait initialement supprimer intégralement les pouvoirs d’office du juge en matière d’octroi de délais de paiement, de vérification des éléments constitutifs de la dette locative, de contrôle de la décence du logement et de suspension des effets de la clause résolutoire – c’est-à-dire en matière de maintien dans le logement.
Cette suppression nous est apparue comme contre-productive, pour des raisons évidentes, aussi bien pour le locataire que pour le bailleur. En effet, le maintien dans le logement doit être privilégié pour inciter le locataire en difficulté à régler sa dette locative, selon un échéancier d’apurement établi par le juge.
C’est pourquoi nous avons, lors de la première lecture, rétabli les pouvoirs d’office sur tous ces points, en les conditionnant cependant à la reprise du versement du loyer courant par le locataire, ce qui nous semble constituer une condition minimale pour satisfaire le bailleur et responsabiliser le locataire, qui se doit d’honorer ses engagements contractuels.
Nous avons, en parallèle, ajouté des dispositions permettant de rendre plus précoce l’élaboration du diagnostic social et financier et d’accroître les pouvoirs des Ccapex, dans la perspective de mieux accompagner les locataires les plus en difficulté, sans que cela soit à la charge des bailleurs.
Mes chers collègues, je ne vous cache pas que la défense de ces points a nécessité d’âpres négociations avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, qui est également l’auteur de cette proposition de loi.
Nous sommes parvenus à une rédaction de compromis qui tient compte des lignes rouges du Sénat : les pouvoirs d’office du juge ont été en grande partie rétablis, même si j’aurais souhaité qu’ils le soient totalement. Nous pouvons donc nous satisfaire de cette rédaction, que je vous invite à voter conforme.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur ces six amendements.
Je tiens à ajouter que l’expulsion locative est un échec pour un locataire de bonne foi en difficulté. C’est la raison pour laquelle le travail que vous avez mené, qui renforce la Ccapex, me semble avoir porté ses fruits.
C’est important, car cet article présente ainsi un résultat équilibré. Il continue à préserver le pouvoir du juge, notamment celui d’apprécier la reprise des paiements avant le recours à la justice. Par la suite, en présence du locataire en difficulté ou de son représentant lors de la séance, le juge pourra accorder des délais.
Les pouvoirs du juge sont donc préservés et une position d’équilibre entre l’Assemblée nationale et le Sénat a été trouvée.
Par conséquent, je souhaite le maintien du texte en l’état et je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, puisque nous avons un peu d’avance
Exclamations.
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué avec brio l’amendement qui vous a été présenté, que vous auriez donc pu approuver. Faire et défaire, c’est toujours travailler. §Le Sénat a fait, et en l’occurrence bien fait ; l’Assemblée nationale a défait ; nous demandons au Sénat de refaire.
C’est pour cette raison que j’espérais un avis favorable de votre part.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Notre groupe se réjouit de l’adoption définitive de cette proposition de loi, qui a conservé, à l’issue de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, la plupart des contributions apportées par le Sénat en première lecture.
Cela a été souligné à maintes reprises, ce texte a trouvé un véritable équilibre : d’une part, il renforce la fermeté à l’encontre des squatteurs et des locataires indélicats ; d’autre part, il prévoit une amélioration de la prévention des expulsions et un meilleur accompagnement des locataires en difficulté. En effet, nous nous gardons bien de confondre ces derniers avec des squatteurs ou des locataires de mauvaise foi.
Ce soir, nous envoyons également un message fort aux propriétaires, ce qui est très important.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je souhaite avant tout à exprimer mes remerciements à l’égard de toutes les personnes qui se sont investies dans l’élaboration de cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
En premier lieu, je salue notre rapporteur, qui n’a pas ménagé ses efforts, ainsi que le président de la commission des lois, M. Buffet, et l’ensemble des membres de cette instance.
Comme vous le savez, ce texte a pour objectif, d’une part, de clarifier le régime juridique du squat et, d’autre part, de favoriser l’accélération du contentieux locatif.
Le Gouvernement a exprimé, tout au long du processus législatif, sa volonté d’équilibrer cette proposition de loi. Vous l’avez bien exprimé, monsieur le ministre, lorsque vous avez souligné qu’il ne fallait pas réagir de la même manière face aux squats, en particulier ceux qui sont orchestrés par des marchands de sommeil, et face aux impayés de loyers.
Compte tenu de ces arguments, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 303 :
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous exprimer ma gratitude pour le travail accompli. Grâce à l’effort concerté de tous les parlementaires, le texte adopté aujourd’hui est équilibré.
Au nom du Gouvernement, et en mon nom propre, je remercie sincèrement l’ensemble des sénateurs de la qualité des débats. Les échanges lors des deux lectures au sein de la Haute Assemblée ont souligné l’importance que nous accordons tous à la question du logement, en particulier à l’équilibre entre les propriétaires et les locataires. Ils ont montré l’attention que nous portons aux plus vulnérables, tout en respectant les droits des propriétaires.
De plus, nous avons été unanimes s’agissant des squats, qui constituent indubitablement des situations inacceptables et contre lesquelles nous devons lutter, en particulier lorsqu’elles découlent d’agissements de marchands de sommeil.
Je salue enfin Guillaume Kasbarian, qui a probablement suivi nos échanges en ligne.
Je ne suis pas tout à fait Cendrillon, mais il est presque minuit : à très bientôt !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 15 juin 2023 :
De dix heures trente à treize heures puis de quatorze heures trente à seize heures :
Ordre du jour réservé au groupe SER
Proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer, présentée par Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 702) ;
Proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 700).
À l’issue de l’espace réservé au groupe SER (pour une durée de 4 heures) :
Ordre du jour réservé au groupe UC
Proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, présentée par Mme Sonia de La Provôté (texte de la commission n° 704) ;
Proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 696).
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC :
Proposition de loi visant à développer l’attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l’ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, présentée par Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 688).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
La liste des candidats désignés par la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Laurent Lafon, Mmes Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Elsa Schalck, M. David Assouline, Mme Sabine Van Heghe et M. Julien Bargeton ;
Suppléants : Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Cédric Vial, Mmes Béatrice Gosselin, Annick Billon, MM. Jean-Jacques Lozach, Bernard Fialaire et Jérémy Bacchi.