Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrôle aérien est un service public essentiel pour notre pays. Il participe de notre souveraineté, permet d’assurer le contrôle de notre espace aérien et assure un rôle majeur pour nos territoires et pour la connectivité du pays, un rôle régalien. En assurant la sécurité des vols, on garantit notre connectivité, notre ouverture sur le monde.
Ce service public est en cours de modernisation. J’ai été, en 2018, l’auteur d’un rapport d’information assez critique sur l’état de ce service public ; on ne saurait donc me suspecter d’une gentillesse exagérée à son égard. Or je peux dire aujourd’hui que ce service public est engagé dans une modernisation qui lui permet de rejoindre le peloton de tête européen dans le cadre du « ciel unique » et de l’interopérabilité.
J’ai pris l’initiative de cette proposition de loi, parce qu’une difficulté subsiste au sein des règles spécifiques qui s’appliquent aux contrôleurs aériens, une difficulté que chacun connaît et que nous devons essayer de traiter.
Plusieurs de nos collègues ont déposé des propositions de loi à ce sujet ces dernières années. Je veux citer Bruno Retailleau, que je remercie tout particulièrement de s’être associé à la présente proposition de loi : il en avait déposé une, avec son groupe, qui couvrait un champ plus large. Je pense aussi à Joël Guerriau, qui avait lui aussi déposé une proposition de loi sur ce sujet et qui s’est également associé au présent texte.
Nous devons garder en tête le fait que les contrôleurs aériens sont soumis à des règles particulièrement strictes, du respect du survol aux exigences de continuité et de sécurité. À ces règles s’ajoute le cadre européen que j’ai mentionné, le « ciel unique ».
Les contrôleurs aériens ont par conséquent été exclus, dès l’origine, du champ d’application des dispositions de la loi du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, dite loi Diard. En effet, ils étaient déjà soumis à un service minimum, car nous devons évidemment pouvoir assurer à tout moment la continuité du survol du pays, d’autant que la France est un pays particulièrement survolé, avec un trafic complexe.
Néanmoins, ce dispositif de service minimum fonctionne aujourd’hui assez mal ; les difficultés sont très largement documentées.
Des troubles surviennent assez fréquemment, et il arrive que la manière dont le service minimum est calculé conduise en fin de compte à des annulations de vols « à chaud », alors même que l’on avait déjà procédé à des « abattements », selon la formule consacrée, dès le préavis de grève déposé.
Or les annulations « à chaud », annoncées à la dernière minute, causent de grandes difficultés dans les aéroports pour les compagnies, mais aussi à l’évidence pour les voyageurs, qui sont tout de même la finalité du transport aérien.
Il arrive aussi fort souvent, à l’inverse, que la direction générale de l’aviation civile (DGAC) mette en place le service minimum et demande aux compagnies de réduire le nombre de vols, alors que les grévistes sont finalement peu nombreux.
Le système en vigueur aujourd’hui pose donc un certain nombre de grandes difficultés. Il apparaît à certains égards découplé du nombre de grévistes : la réduction du trafic n’est pas proportionnée au nombre de contrôleurs aériens en grève.
C’est en raison de cette difficulté que la France a bien souvent été pointée du doigt, dans un certain nombre de classements européens, comme le pays où l’on trouve le plus de retards et d’annulations de vols. C’est un élément difficile à vivre, et ce même pour les contrôleurs aériens, qui ont l’ambition de développer la capacité de trafic, mais aussi de favoriser ce qu’on appelle des « routes droites » – les trajets aériens les plus directs possible permettent de moindres émissions de CO2 et donc de préserver notre planète. Lorsque la France subit des réductions de capacité, on est amené à en écarter le trafic : notre pays est moins survolé, mais plus de CO2 est émis.
Je précise que ma démarche est sans lien avec certaines procédures, que l’on peut qualifier de « médiatiques », menées par différentes compagnies aériennes étrangères. J’estime simplement, comme je suis attaché à la question de la navigation aérienne, que nous avons le devoir de trouver une solution qui soit conforme à nos traditions.
Il convient bien sûr de respecter le droit de grève : c’est le pilier de cette proposition de loi. C’est bien parce qu’existe ce principe constitutionnel, auquel nous sommes tous attachés et avec lequel il faut concilier le service minimum, que je propose d’organiser de la sorte une prévisibilité quant au nombre de grévistes. Il s’agit finalement de parvenir à une meilleure organisation du service minimum.
Ce dispositif spécifique ne prendra pas place dans le code des transports, mais dans le code général de la fonction publique, parce que les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires. Nous avons essayé de trouver un équilibre, que je vais à présent vous exposer.
Si cette proposition de loi est adoptée et va jusqu’au bout de son examen par le Parlement, les contrôleurs aériens seront astreints à une obligation de se déclarer grévistes quarante-huit heures à l’avance ; en réciprocité, la DGAC devra, elle aussi, leur notifier l’avant-veille leur réquisition en vue du service minimum, celui-ci impliquant des astreintes.
Aujourd’hui, les contrôleurs aériens voient eux-mêmes les conséquences de la désorganisation qui découle de la difficulté de prévoir le nombre réel de grévistes et, partant, la quantité d’astreintes nécessaires pour le service minimum.
Par ailleurs, la multiplication des mouvements de grève suscite de grandes difficultés d’organisation au sein de ces services ; ainsi, les grèves menées depuis le début de l’année contre la réforme des retraites ont donné lieu, sur cinq mois, à quarante jours d’astreinte pour autant de jours de grève.
Or, à chaque fois, on doit réorganiser les tours de service, parfois à la dernière minute, du fait d’un système qui me paraît ancien, daté et devant être revu. Je pense là à l’organisation réglementaire du service minimum ; peut-être M. le ministre pourra-t-il nous confirmer tout à l’heure qu’un nouveau décret sera pris en la matière pour veiller à la conciliation entre service minimum et obligation pour les contrôleurs de se déclarer grévistes quarante-huit heures à l’avance. Ce nouveau décret pourrait aussi permettre de moderniser la liste des aéroports qui font l’objet d’un service minimum.
Cette proposition de loi exprime donc une volonté d’équilibre, au travers d’une double prévisibilité. Ainsi, on améliorera, me semble-t-il, l’organisation du service, tout en évitant qu’il y ait une grosse réduction du trafic si la grève est peu suivie ; en revanche, si la grève est très suivie, il y aura bien une réduction proportionnée du trafic. C’est pourquoi j’ai veillé à ce qu’il soit bien indiqué, dans l’intitulé même de la proposition de loi, que nous cherchions à aboutir à une bonne adéquation entre la réduction du trafic et le nombre de grévistes.
J’ai essayé de proposer une solution à un problème ancien. Je souhaite le faire dans le cadre du dialogue social. Je veux aussi dire combien je suis attaché à la modernisation de cette belle maison qu’est la DGAC. Tout cela ne peut passer que par le dialogue social, par la confiance dans les partenaires sociaux et dans l’ensemble du personnel de cette maison. De fait, je pense que les agents subissent eux-mêmes les conséquences d’un système qui est à bout de souffle et qui a démontré toutes ses limites, que ce soit pour les passagers, les compagnies, les contrôleurs et l’organisation du service.
Voilà l’objet du texte qui vous est soumis, mes chers collègues. C’est une tentative que je juge concertée et aussi proportionnée et adaptée que possible aux réalités de ce métier, qui est un métier essentiel pour nous.
Si nous parvenons à faire aboutir ce texte, je pense que nous aurons fait un pas important ; il restera à la DGAC beaucoup de travaux à mener pour continuer sa propre modernisation. En effet, ce service de pointe, reconnu au niveau mondial, doit continuer à innover. C’est en tout cas, à mes yeux, le sens de cette proposition de loi, car il convient aussi d’innover dans notre capacité à organiser le dialogue.