La présente proposition de loi tend à transcrire les conclusions des travaux de la mission d’information précitée et vise à ce titre deux objectifs principaux : d’une part, répondre aux besoins de régulation de ce système de surveillance, d’autre part, permettre aux pouvoirs publics d’utiliser à titre exceptionnel ces technologies, de les comprendre, de les maîtriser, d’en tester l’utilité. Le principe est l’interdiction, l’expérimentation l’exception.
Remanié par la commission des lois, l’article 1er tend à poser clairement l’interdit du traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public, sauf évidemment à y consentir.
Fixer cet interdit de manière durable en le crantant dans la loi n’est pas seulement nécessaire, c’est un marqueur civilisationnel. Il n’est pas de bon ou de mauvais moment pour faire ce choix politique, un choix de société comme nous en faisons assez rarement. Habituellement, nous excellons dans la technique juridique ; là, nous prenons une décision politique très claire : nous refusons une société de surveillance – mieux, selon les mots choisis par Philippe Bas, nous lui faisons obstacle – et garantissons les libertés publiques.
L’interdit corollaire de la catégorisation et de la notation à partir de données biométriques est également inscrit dans la proposition de loi.
Les expérimentations, quant à elles, sont très encadrées : limitées à trois ans, elles sont régulièrement évaluées et dans le cadre d’un rapport public et par le Parlement. Elles sont soumises à un régime de contrôle : les usages de la reconnaissance biométrique dans l’espace public répondent à une procédure d’autorisation spécifique, de la part des magistrats pour les usages judiciaires et de celle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour les usages administratifs.
Pour ce qui concerne les usages judiciaires, la commission a estimé que le recours à la reconnaissance biométrique ne devait être expérimenté que dans le cadre des enquêtes et des instructions portant sur des infractions d’une exceptionnelle gravité. En conséquence, elle a très fortement resserré le périmètre de l’expérimentation.
La reconnaissance biométrique a posteriori ne pourrait être utilisée que dans le cadre des enquêtes portant sur des faits de terrorisme, de trafic d’armes, d’atteintes aux personnes punies d’au moins cinq ans de prison ou de procédures de recherche de personnes disparues ou en fuite.
La reconnaissance biométrique en temps réel, comme l’a considéré la commission, ne concernerait que les cas extrêmes : enquêtes portant sur des faits de terrorisme ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, sur des infractions relatives à la criminalité organisée ou sur des disparitions de personnes mineures.
De plus, la commission a entendu renforcer au maximum le régime de contrôle de cette expérimentation ainsi que les garanties associées. Elle a ainsi soumis l’usage a posteriori à une autorisation expresse de l’autorité judiciaire qui devra préciser l’origine et la nature des données exploitées. Elle a également confié au seul juge des libertés et de la détention le soin de procéder au renouvellement de l’autorisation de recourir aux traitements biométriques en question.
Pour ce qui est des usages administratifs, la commission a restreint le champ de l’expérimentation en prévoyant que le système d’authentification biométrique obligatoire ne pourrait concerner les habitants des zones concernées.
Elle a aussi précisé que seul l’État pourrait mettre en œuvre les traitements de données biométriques utilisés dans le cadre de cette expérimentation. C’est important à souligner, car il s’agit bien de notre souveraineté : il ne faudrait pas que toute une série de technologies, faute de législation dédiée, partent à l’étranger. Il faut plus précisément que l’État maîtrise lesdites technologies pour pouvoir exercer son contrôle légitime et protéger nos libertés publiques.
Avec Marc-Philippe Daubresse et ceux qui nous ont accompagnés, nous nous sommes efforcés d’être particulièrement restrictifs et exigeants sur les conditions de l’expérimentation.
La commission, grâce aux initiatives de notre rapporteur, a réussi à aller plus loin. J’y vois là un gage considérable donné à ceux qui pourraient s’inquiéter pour nos libertés. J’y vois aussi une bonne façon d’entamer ce nécessaire débat et le parcours de ce texte, tout aussi nécessaire.